PLAIDONS ENSEMBLE… — Ésaïe 43:26

André Gibert


Table des matières :


1 - Se tourner vers l’avenir à cause de la fidélité de Dieu et raconter sa louange

2 - Quel est l’effet de l’espérance finale ?

3 - Mettre tout à jour pour se réveiller du sommeil

4 - Quelle louange a été apportée à Dieu ? État moral qui s’y rapporte

5 - S’approcher de Dieu sur la base de la grâce

6 - Ce que Dieu oublie, ce que nous lui faisons souvenir

7 - Ce qui amène à la sanctification pratique


Les sous-titres ont été ajoutés par Bibliquest ; ME 1984 p. 113-120


1 - Se tourner vers l’avenir à cause de la fidélité de Dieu et raconter sa louange

Le chapitre 43 du prophète Ésaïe, et particulièrement les versets 14 à 28, a trait directement à la délivrance que Dieu promet à son peuple Israël, après qu’il aura dû le châtier. Aux jours de cette prophétie le royaume de Samarie (l’Israël des dix tribus) allait être progressivement détruit par l’Assyrien. Un siècle et demi plus tard le royaume de Juda tombait sous le joug de Babylone, la tête d’or de la statue de Daniel, la première des grandes monarchies des « nations ». Les fidèles regardant au passé (celui de leur peuple et le leur) ne peuvent que mener deuil en confessant : « Nous avons péché »… Il faut bien, hélas, que cette histoire humiliante soit racontée. Mais Dieu dit aussitôt : « Tournez-vous vers l’avenir. Vous avez été infidèles, mais moi je suis fidèle, et tout ce que j’ai fait pour vous dans le passé est le garant de ce que je ferai et établirai dans l’avenir. Ma puissance s’exerce envers vous en grâce ». Il a premièrement parlé, et magnifiquement, de cette fidélité dans les versets 1 à 13. « Je suis le Rédempteur, le Saint ». L’assurance est donnée au Résidu, la minorité au sein de ce peuple qui écoute Sa parole : « Ne crains pas… je t’ai racheté ». J’avais demandé à « ce peuple formé pour moi-même » qu’il soit le chantre de mes louanges. Il ne l’a pas été, et s’est détourné de moi. Maintenant je vais agir parce que mes desseins doivent s’accomplir ; quoi qu’il arrive il faut que vous racontiez un jour ma louange. Mais pourquoi, ô mon peuple, ne l’as-tu pas occupée, cette place bénie d’adorateur (Psaume 81:13), et qu’il me faille, afin de te bénir à la fin, te faire passer par le creuset de l’affliction, accomplir mon oeuvre étrange, mon travail inaccoutumé ?


2 - Quel est l’effet de l’espérance finale ?

De tels passages demandent que nous les méditions sérieusement. Dieu se présente à quiconque se réclame du nom du Seigneur comme Celui dont les décrets s’accompliront ; il y aura une délivrance finale pour ceux qui lui appartiennent. Des délivrances temporaires n’ont jamais manqué, témoignant de la patience et de la miséricorde divines. Dieu était descendu pour faire cesser la servitude de son peuple en Égypte, ayant « entendu son cri ». Onze siècles et demi plus tard le retour des captifs de Babylone devait montrer comment Dieu incline à son gré les puissances de ce monde en faveur de son peuple. Combien plus grande sera la délivrance d’un Israël nouveau, prélude au royaume terrestre ! Mais incomparablement plus merveilleuse aura été au préalable celle des multitudes de rachetés, non seulement de l’Église, mais des croyants de tous les âges, lors de la venue de Jésus pour les enlever, ressuscités ou transmués, quand la mort sera engloutie en victoire.

Tous ceux qui se sont « enfuis pour saisir l’espérance » ainsi « proposée » (Héb. 6:18) ont dès lors à répondre à la question : Quel effet montres-tu de cette espérance ? Où en es-tu de tes relations avec moi — toi mon peuple — toi mon Église ? Car jusqu’au moment où l’espérance sera changée en vue, elle est inséparable de la foi, et d’une marche par la foi. Une « pleine assurance de foi » n’est autre chose que la ferme conviction d’un coeur vrai, qui tient Dieu pour fidèle à ce qu’il a promis ; un tel coeur peut s’approcher de Dieu ; la conscience est purifiée, non par nos propres efforts mais parce que Dieu a lavé, sanctifié, justifié l’adorateur.


3 - Mettre tout à jour pour se réveiller du sommeil

Le Résidu à qui le prophète s’adresse ici souffre non seulement à cause et de la part de ce peuple rebelle, mais il s’identifie avec ce dernier. L’Éternel invite tout Israël à s’approcher pour « plaider ensemble » : d’un côté l’Éternel, de l’autre tout ce qui est appelé de son nom. Et maintenant aussi le Seigneur appelle tous ceux qui portent le nom de chrétiens à comparaître devant Lui, pour plaider avec Lui. Pensée solennelle ! Certes, c’est un appel plein de grâce, mais en vue de mettre au jour toute la vérité, et cela doit d’autant plus atteindre les consciences, éveiller à salut ceux qui n’ont qu’une forme extérieure sans la vie, et réveiller ceux qui, bien que nés de nouveau, ont à « se relever d’entre les morts », ceux qui, par leur sommeil, ressemblent tellement aux morts et qui pourtant sont des « enfants de lumière » (Éph. 5:8, 14 ; 1 Thess. 5:4-8).

« Plaidons ensemble ». Dieu plaide sa propre cause. Il a précédemment (ch. 41) mis au défi les idoles après lesquelles son peuple infidèle était allé et, avant de sommer ce dernier de produire ses arguments, il rassemble les siens en un faisceau. Il les résume au verset 27, avant de formuler le jugement qu’il sera en droit d’exécuter (v. 28). Et maintenant, à toi, Israël, de te justifier, si tu le peux. Hélas, comment ce peuple le pourrait-il ? Formé pour raconter la louange de son Dieu, il n’a cessé de rechercher de faux dieux !


4 - Quelle louange a été apportée à Dieu ? État moral qui s’y rapporte

Et nous, chrétiens, avons-nous « raconté la louange » de Celui qui nous a sauvés et bénis ? Nous avons à le faire « sans cesse » (Héb. 13:15). Pas seulement au culte hebdomadaire de l’assemblée : l’adoration collective, si précieuse, ne peut être réelle si elle ne représente qu’un moment dans une semaine pendant laquelle les adorateurs auraient vécu comme le monde. Il n’y aurait là guère plus qu’un rite sans valeur. La semaine en Égypte et, sans transition, de brefs instants en Canaan ? Comment, dans ces conditions, parler, ainsi que nous le faisons volontiers, de corbeilles remplies ?

C’est là-dessus que l’Éternel insiste dans ce chapitre. Ton coeur étant éloigné de moi, « tu ne m’as pas invoqué, ô Jacob ; car tu as été las de moi, ô Israël. Tu ne m’as pas apporté le menu bétail de tes holocaustes et tu ne m’as pas glorifié par tes sacrifices ». On en amenait « une multitude » au temple de Jérusalem, mais « à quoi me sert-elle ? » (És. 1:11). Aussi « ne continuez pas d’apporter de vaines offrandes ». Prenons garde, chers frères et soeurs, de ne pas présenter comme offrande spirituelle ce qui serait un simple devoir dont on s’acquitterait avec plus ou moins de détachement, pour ne plus y penser ensuite : c’est le Seigneur lui-même que l’on oublie. Tout doit être en accord : la vie quotidienne et les sommets où nous sommes appelés à monter ensemble. Appelés comment et avec quoi ? Écoutons le prophète Michée, un contemporain d’Ésaïe : « Qu’est-ce que l’Éternel recherche de ta part, sinon que tu fasses ce qui est droit ? » (Michée 6:8). Les milliers de béliers, les myriades de torrents d’huile du verset 7 étaient bien prescrits par la loi mais, n’accompagnant qu’une religion de pure forme, ils devenaient une abomination. Dieu n’en témoigne que dégoût, fatigue, lassitude.

Comme elle va loin, cette parole : « Tu m’as fatigué par tes iniquités » (És. 43:24) ! Tu as été las de moi, mais moi-même tu m’as lassé. Tu as lassé la patience de Dieu (Ésaïe 7:13). Dieu est celui qui ne se fatigue pas (És. 40:28) et pourtant vous l’avez fatigué. Oui, j’en ai assez d’attendre quelque chose de bon de toi. Non pas que je renonce à mon propos de bénir mon peuple, je ne puis mentir à ma promesse renforcée d’un serment. Mais il a été abondamment prouvé qu’il t’était impossible de répondre à ma pensée. Je suis las de multiplier les expériences décevantes, de venir chercher en vain du fruit de ma vigne. La vérité profonde est que tu ne peux accomplir ma volonté avec tes propres forces. Toutes les expériences décisives sont faites. « Finissez-en avec l’homme, dont le souffle est dans ses narines » (És. 2:22). Il est exclu que ta nature pécheresse plie, elle est inimitié contre moi. Il faut que moi je prenne en main ta cause, entièrement, et que toi tu t’abandonnes entièrement à ma grâce ; il n’est pour toi aucune autre ressource, mais « là où le péché abondait, la grâce a surabondé ».


5 - S’approcher de Dieu sur la base de la grâce

C’est là pour l’esprit humain la leçon la plus difficile à recevoir, surtout lorsqu’il y a eu, comme ce fut pour Israël, une activité religieuse qui peut se réclamer de Dieu à l’origine. Tout ce qui vient de nous est marqué par le péché et, d’une manière ou d’une autre, a le caractère du sacrifice de Caïn, alors que Dieu ne put être glorifié que par le sacrifice d’Abel, parlant du sang versé pour notre rédemption. Nous approcher en dehors de son Bien-aimé c’est nous approcher comme pécheurs, et Dieu ne peut l’accepter. « Plaidons ensemble… Ton premier père a péché, et tes médiateurs se sont rebellés contre moi », dit l’Éternel. Nous sommes tous de la race d’Adam. Mais immédiatement avant ceci Dieu avait dit : « C’est moi », et nul autre, « qui efface tes transgressions… je ne me souviendrai pas de tes péchés » (És. 43:25). Or en même temps il dit : « Fais-moi souvenir ». Fais-moi souvenir de quoi ? Toute religion humaine revient à dire à Dieu : Souviens-toi de ce que j’ai fait, de ce que je fais pour toi. Ainsi parlait Job, se justifiant lui-même et tenant Dieu pour injuste à son égard. L’homme voudrait que Dieu se souvienne de lui, de ce qu’il fait de bon pour Lui, mais Dieu dit : Votre nature est inimitié contre moi, vous ne pourrez jamais m’apporter de bon que ce qui provient de moi. « Plaidons ensemble ». C’est ce que Job ne cessait de réclamer, mais pour établir qu’en réalité il était plus juste que Dieu. Quoi de plus outrageant pour son Créateur ? Job reconnaissait qu’il avait péché, mais sa « perfection » devait dans sa pensée effacer cela, de sorte que Dieu était injuste en le jetant dans un fossé alors qu’il s’était lavé lui-même (Job 9:30, 31).

Il en est ainsi tant que la « vraie grâce de Dieu » n’a pas été comprise. Mais Dieu a dit à l’avance : « Je ne me souviendrai plus jamais de tes péchés », et voilà ce que la foi saisit. Dieu ne dit nulle part qu’il se trouve en nous assez de bien pour mériter son pardon. Et le croyant reconnaît « qu’en moi, c’est-à-dire en ma chair, il n’habite point de bien » (Rom. 7:18). Non, nous ne méritons que le jugement mais, quand il n’y a rien à faire de notre côté, Dieu dévoile sa grâce, et dès lors il n’y a aucune place pour nous-mêmes. L’état désespéré de l’homme ne peut ressortir davantage que dans l’exercice de la grâce souveraine et parfaite de Dieu. Elle efface toute trace, tout souvenir des péchés, et crée quelque chose de nouveau. « Si quelqu’un est en Christ, c’est une nouvelle création » (2 Cor. 5:17).

Même les privilèges d’Israël devenaient quelque chose d’abominable pour l’Éternel (et il en est de même pour ceux de la chrétienté aujourd’hui), car ils servaient à s’enorgueillir ou à prétendre mériter la faveur divine. La grâce s’occupe de gens qui ne méritent rien, sinon la mort, et Dieu nous a placés dans la mort quand Christ est mort pour nous. Et si le salaire du péché c’est la mort, « le don de grâce de Dieu, c’est la vie éternelle dans le Christ Jésus, notre Seigneur ».


6 - Ce que Dieu oublie, ce que nous lui faisons souvenir

Nous ne saurions être trop pénétrés de cette vérité qui est indissolublement liée à la grâce. Nous n’avons rien en nous mais tout, oui tout, en Christ ; le Saint Esprit nous en rend témoignage. « Fais-moi souvenir ». Dieu est pourtant Celui qui n’oublie pas. Comment oublierait-il sa propre déclaration : « Je ne me souviendrai plus de leurs péchés » ? Mais il se plaît à ce que nous, nous le fassions se ressouvenir de sa grâce et, par-delà, de ses promesses. « Vous qui faites se ressouvenir l’Éternel, ne gardez pas le silence, et ne lui laissez pas de repos » dans vos supplications pour qu’il accomplisse ses promesses. Le croyant s’est vu à la lumière de Dieu et a dit : Voilà ce que j’ai fait ; j’ai essayé de me cacher de toi, moi et mes péchés, je me suis tu, mais ma conscience ne peut plus supporter ce fardeau. Il a remis en mémoire devant Dieu ce qu’il a fait, confessé que tout ce que nous faisions par nous-mêmes mérite la mort. « Qu’ai-je fait ? » a-t-il dit dans la repentance nécessaire (Jér. 8:6). C’est à une telle confession qu’a répondu le « J’efface » tout cela ! Parole divine. Tant que tu cherchais à me cacher quelque chose, je ne pouvais rien pour toi. Maintenant oublie comme moi-même j’oublie. Ne t’attarde pas à pleurer sur toi-même et à t’analyser sans fin. Je ne me souviens plus de tes péchés, et tu voudrais encore les remettre en mémoire ? N’en porte plus le poids, sois libre, sans conscience de péché, et approche-toi de moi. Tu peux alors faire ressouvenir Dieu de ce qu’il a promis et qu’il est heureux de donner. « Bienheureux celui dont la transgression est pardonnée, et dont le péché est couvert ! » (Ps. 32:1).


7 - Ce qui amène à la sanctification pratique

La sanctification pratique découle de cela, aussi bien que la bienheureuse espérance. Nous pouvons voir et comprendre où est notre place : nous étions comme pécheurs, voués à la mort, et nous sommes maintenant des vivants, de la nouveauté de vie que la mort triomphante de Jésus nous a acquise. « Nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu ». Ce sont les deux faces d’un même sceau : « Je ne me souviendrai plus jamais de leurs péchés » et « Fais-moi souvenir ». Ainsi Daniel, à la fin de sa carrière, comprenant que l’année de la délivrance était venue, confessait les péchés du peuple et les siens, mais disait : « Ce n’est pas à cause de nos justices que nous présentons devant toi nos supplications, mais à cause de tes grandes compassions » (Daniel 9:18). Alors nous verrons aussi combien il est grave d’associer cette grâce de Dieu aux prétentions du vieil homme que Dieu a fait mourir à la croix de Christ, et encore plus aux péchés pour lesquels Christ est mort. Cette grâce ne saurait être « tournée en dissolution » sans que nous ayons affaire à la discipline d’un Père tendre et bon, pour que nous ne soyons pas « châtiés avec le monde ». Aux sacrifices morts doit faire place le « sacrifice vivant », celui de nos corps ici-bas (Rom. 12:1).