NOTES SUR LE LIVRE DE DANIEL

Le prophète du temps des Gentils

Alfred H. Burton


Traduit de l’anglais. ME 1904 et ME 1905

Table des matières :

1 - Introduction

2 - Chapitre 1 — Captif et fidèle

3 - Chapitre 2:1-4 — Le songe de Nebucadnetsar

4 - Chapitre 2:14-36 — Le secret révélé

5 - Chapitre 2:31-46 — La grande statue

6 - Chapitre 2:34-46 — La pierre qui frappa la statue

7 - Chapitre 3:1-8 — La statue d’or de Nebucadnetsar

8 - Chapitre 3:8-30 — La fournaise de feu ardent

9 - Chapitre 4 — Le monarque humilié

10 - Chapitre 4 — Sept temps

11 - Chapitre 5 — L’écriture sur la muraille

12 - Chapitre 6 — La fosse aux lions

13 - Chapitre 7 — Les visions de Daniel

14 - Chapitre 7:1-6 — Les quatre Bêtes

15 - Chapitre 7:7-13 — La quatrième Bête

16 - Chapitre 7:13-14 — Le royaume du Fils de l’homme

17 - Chapitre 7:15-31 — L’interprétation des choses

18 - Chapitre 8 — Le bélier et le bouc

19 - Chapitre 8:8-27 — Un roi au visage audacieux

20 - Chapitre 9:1-19 — Confession et prière

21 - Chapitre 9:20-27 — Les soixante-dix semaines

22 - Chapitre 9:26 — Le Messie, le Prince

23 - Chapitre 9:26 — Le Prince qui viendra

24 - Chapitre 10 — « Cette grande vision »

25 - Chapitre 11:1-4 — Un roi vaillant se lèvera

26 - Chapitre 11:5-20 — Les rois du Nord et du Midi

27 - Chapitre 11:21-35 — Un homme méprisé

28 - Chapitre 11:33-39 — Le temps de la fin

29 - Chapitre 11:40-43 — Le pays d’Égypte n’échappera pas

30 - Chapitre 11:44:45 — Des nouvelles de l’Orient et du Nord

31 - Chapitre 12 — Un temps de détresse


1 - Introduction

L’histoire divinement inspirée du peuple d’Israël est humiliante au possible pour chaque individu, dévoilant dans son entier l’incapacité de l’homme, même le plus privilégié, partout où il s’agit de garder une responsabilité. Considérée au point de vue prophétique, elle offre cependant de précieux encouragements à la foi, témoignant de la fidélité de Dieu qui se glorifie en bénissant un peuple si indigne de ses faveurs.

Précédant son rétablissement en grâce, la discipline de Dieu en gouvernement devra parler à sa conscience. La grâce et le gouvernement sont deux principes importants dans les voies de Dieu à l’égard des siens. C’est une vérité bénie et qui demeure, que Dieu est toujours et entièrement pour son peuple en grâce, quoique pour un temps il puisse paraître agir contre lui en gouvernement. Le livre de Daniel s’ouvre pour en témoigner.

Même en Juda les choses en étaient venues au pire. Bientôt après la scission des dix tribus — désignées comme Israël en contraste avec Juda — l’idolâtrie s’introduit dans leur sein. Les mots souvent répétés : « Les péchés de Jéroboam, fils de Nébath, par lesquels il fit pécher Israël », si tristement familiers à nos oreilles, indiquent que ce méchant roi d’Israël fut l’instigateur de l’idolâtrie dans laquelle tombèrent les dix tribus.

Juda et Benjamin demeurent quelque temps fidèles, mais hélas ! eux aussi tombent dans le même péché, jusqu’à ce qu’enfin un de leurs rois, Manassé, « les fit errer en les induisant à faire le mal plus que les nations que l’Éternel avait détruites devant les fils d’Israël » (2 Rois 21:9).

Alors surgit la mission du prophète. Toujours donnée en un temps de ruine, la prophétie s’adresse à ceux qui ont des oreilles pour entendre, afin de les prévenir du juste jugement qui va tomber sur les désobéissants, et aussi de les encourager à repentance par des promesses de grâce. Ce principe se retrouve partout dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament.

Le livre de Daniel a ceci de particulier, qu’il ne s’adresse point au peuple dans son ensemble, mais personnellement à Daniel au sujet de ce peuple. Par la bouche d’autres prophètes, Ésaïe, Jérémie, Ézéchiel, l’Éternel parle directement à la nation elle-même en prononçant à ses oreilles ces solennelles paroles : « Ainsi dit l’Éternel ».

La critique moderne se fourvoie ici, comme partout ailleurs. Aux fins de le combattre, elle s’est familiarisée avec le texte même de la Bible, davantage peut-être que beaucoup de croyants, mais manquant du secours de l’Esprit, les rationalistes ne peuvent arriver à la comprendre. En voici une preuve entre bien d’autres. L’omission de ce qu’un écrivain de renom désigne comme « la puissante formule : ainsi dit l’Éternel », leur sert de preuve à l’appui de la théorie qui assigne au livre de Daniel une date postérieure. Mais leur incrédulité est proche parente de leur critique. Ils avaient décidé à l’avance que Daniel est un simple historien et point un prophète — et cela en face de la parole du Seigneur lui-même en Matthieu 24:15, car, disent-ils, « Daniel ne se sert jamais de cette puissante formule ».

Le fait est que la formule — puisque formule il y a — « Ainsi dit l’Éternel » ne cadre pas avec le livre de Daniel, lequel, comme nous l’avons déjà remarqué, ne s’adresse plus au peuple de Dieu comme tel.

Deux cents ans — ou à peu près — auparavant, « Lo-Ammi » — pas mon peuple — avait résonné à son oreille par la bouche d’Osée. L’idolâtrie invétérée au travers d’une longue suite de rois, malgré tous les avertissements des prophètes, comblait la mesure de l’iniquité aux jours de Manassé, quand il « plaça une image taillée, l’idole qu’il avait faite, dans la maison de Dieu, de laquelle Dieu avait dit à David et à Salomon, son fils : C’est dans cette maison, et dans Jérusalem que j’ai choisie entre toutes les tribus d’Israël, que je mettrai mon nom à toujours » (2 Chroniques 33:7). Provoqué à jalousie, l’Éternel refuse maintenant de reconnaître plus longtemps Israël comme son peuple. Lo-Ammi est la sentence prononcée, la nation a perdu sa place et entre dans une ère nouvelle de son histoire.

Déjà au temps d’Ésaïe, cent cinquante ans auparavant, elle s’abandonnait à une désobéissance flagrante. L’acte outrageux d’Ozias qui usurpe le droit des seuls sacrificateurs à faire fumer l’encens devant l’Éternel (2 Chroniques 26), ouvre la porte à l’idolâtrie éhontée d’un Achaz (2 Chroniques 28).

Ésaïe se présente alors, porteur d’avertissements solennels de jugement pour la conscience du peuple, mais faisant aussi appel à son cœur et faisant passer devant ses yeux la vision magnifique de bénédictions futures, de bénédictions méprisées par Israël aux jours du prophète, mais destinées à être accomplies, quand « un rejeton sortira du tronc d’Isaï » (Ésaïe 11).

L’un après l’autre, les rois de Juda avaient abandonné l’Éternel, « méprisé le Saint d’Israël » (Ésaïe 1:4). Mais Lui demeure fidèle, s’adresse encore à son peuple comme tel. « Le bœuf connaît son possesseur, et l’âne la crèche de son maître, mais Israël ne me connaît pas, mon peuple n’a point d’intelligence » (1:3). « Mon peuple », en contraste avec ce qu’il dit à Daniel : « Soixante-dix semaines ont été déterminées sur ton peuple », c’est-à-dire le peuple de Daniel (Daniel 9:24, cf. encore avec Daniel 10:14 et 12:1). Le peuple de Daniel porte maintenant au front la sentence Lo-Ammi, c’est-à-dire « pas mon peuple ». Remarque solennelle et indispensable à la vraie intelligence du livre.

Le nom que prend maintenant l’Éternel, « le Dieu des cieux » (voyez en particulier le chap. 2), en est une nouvelle évidence. À Josué, il se présente comme « le Seigneur de toute la terre » (Josué 3), marchant devant son peuple pour le débarrasser de ses ennemis et l’introduire, racheté, dans le pays de la promesse. Mais à présent que ce même peuple a sacrifié aux divinités étrangères, « aux idoles de Canaan », que la terre a été « profanée par le sang », « la colère de l’Éternel s’embrase contre son peuple, et il abhorre son héritage » (Psaume 106). Plus d’intervention directe de sa part en faveur de son peuple. Le « trône de l’Éternel » établi à Jérusalem au temps glorieux de Salomon (1 Chroniques 29), est ôté maintenant de la terre ; le gouvernement passe aux mains des gentils et, avec Nebucadnetsar, commencent « les temps des nations » (Luc 21).

Daniel est le prophète des temps des nations et non pas des jours d’Antiochus, comme le veut la « haute critique », une critique qui n’a de hauteur que ses prétentions.


2 - Chapitre 1 — Captif et fidèle

Le premier verset de ce chapitre contient ce qu’un théologien de nos jours dénonce comme « une erreur manifeste ». L’erreur toutefois procède de son esprit, non des Écritures.

Sans vouloir entretenir le lecteur des assauts livrés à la vérité par des gens qui professent être des ministres du christianisme, il est utile de remarquer qu’ils ont été réfutés cent fois par des hommes aussi savants qu’eux, et plus sérieux que leur prétendue science. La vérité est que nous vivons dans un temps où l’incrédulité fait des progrès effrayants, mais Dieu a pris soin de rendre témoignage à l’exactitude de sa Parole, qui laisse l’homme sans excuse dans son incrédulité. Malgré les laborieux efforts de la « haute critique », malgré ses tentatives constamment renouvelées pour ébranler l’inspiration de l’Ancien Testament en général, et de Daniel en particulier, rien de nouveau n’est avancé, absolument rien qui n’ait déjà été réfuté, et c’est présumer beaucoup de l’ignorance et de la paresse des lecteurs que de leur servir de nouveau ces arguments rebattus.

Les rationalistes nous disent que Jérusalem ne fut point assiégée la troisième année de Jehoïakim, du moins ne le pense-t-on pas ! L’Écriture l’enregistre comme un fait. Nous préférons nous en tenir à elle. Sans préface ou introduction, le livre de Daniel débute en nous montrant le roi de Babylone venant à Jérusalem et l’assiégeant. Longtemps auparavant Ésaïe avait annoncé la chose : « Voici, des jours viennent où tout ce qui est dans ta maison… sera porté à Babylone ; il n’en restera rien. Et on prendra de tes fils… et ils seront eunuques dans le palais du roi de Babylone » (Ésaïe 39). Ces jours, hélas ! étaient maintenant arrivés. « Le Seigneur livra en sa main Jehoïakim, roi de Juda » (Daniel 1:2). « Le Seigneur livra… » solennelle déclaration ! N’était-ce pas Lui, le Même, qui, à main forte et à bras étendu, avait retiré son peuple de la servitude d’Égypte, le portant comme sur des ailes d’aigle au travers d’un affreux désert ? Pour l’introduire, triomphant, en Canaan, n’en chassa-t-il pas des nations plus nombreuses et plus fortes que lui ?

« Moi », dit-il, « je suis l’Éternel, ton Dieu, qui t’a fait monter du pays d’Égypte… Mais mon peuple n’a pas écouté ma voix, et Israël n’a pas voulu de moi. Oh ! si mon peuple m’avait écouté ! si Israël avait marché dans mes voies ! j’aurais bientôt subjugué leurs ennemis, et tourné ma main contre leurs adversaires » (Psaume 81).

Mais quand même le roi de Juda est devenu sourd à la parole de l’Éternel, quand même l’état du peuple comme ensemble est tel que Dieu ne peut s’identifier plus longtemps avec lui, quiconque le désire, la foi individuelle, peut trouver le chemin de l’obéissance et d’une entière séparation pour Dieu, tout autant qu’aux plus beaux jours de David et de Salomon. Jehoïakim, héritier de la couronne, est détenu prisonnier, chargé de chaînes, à Babylone ; les vases précieux du temple ont passé au culte des idoles, les murs de Jérusalem, noircis par le feu, tombent en ruines ; les sacrificateurs, chefs de la rébellion, avaient rempli la maison de l’Éternel de l’abomination des païens, se moquant des messagers de Dieu, maltraitant les prophètes, et méprisant sa Parole (2 Chroniques 36). Et malgré cela, « Daniel arrête dans son cœur » de se garder aussi absolument pur de la souillure de Babylone que s’il fût demeuré à Jérusalem. L’importance de refuser les mets du roi ne parait pas grande à l’homme naturel qui prouverait même qu’il est convenable de les accepter ; mais le serviteur fidèle est en tout guidé par la Parole, et dans ce cas-ci obéit à Exode 34:15 ; Lévitique 19:26 ; Osée 9:4. Peut-être sera-t-il seul à rendre témoignage, incompris de ses compagnons de captivité ?… N’importe, sa résolution est arrêtée, il regarde seulement au Seigneur et celui-ci ne tardera pas à se placer lui-même à sa droite pour le secourir.

Bien que servant d’introduction à l’ensemble du livre, ce premier chapitre contient des principes moraux de toute importance, propres à soutenir la foi en des jours de déclin et de ruine. Les circonstances peuvent changer, mais il demeure également vrai pour tout enfant de Dieu que « ceux qui m’honorent, je les honorerai, et ceux qui me méprisent seront en petite estime » (1 Samuel 2:30). Facilement enclins au découragement, nous serions, dans les jours fâcheux, tentés d’abandonner la marche avec Dieu, comme impossible. Il n’en est pas ainsi de Daniel. Chez lui cœur et conscience demeurent en éveil. Maintenant, d’après les rites juifs, une rigoureuse séparation du monde, il refuse les mets d’une table païenne ; il marche par la foi et reçoit le sceau de l’approbation divine.

Remarquons en passant que les principes auxquels Daniel obéissait en matière d’aliments, ne regardent plus les chrétiens de cette dispensation. Daniel était sous la loi, dont chaque détail commandait une obéissance implicite particulièrement difficile à observer à Babylone, mais il s’était fortifié en Dieu pour la rendre et en subir toutes les conséquences.

Le christianisme introduit d’autres considérations : « Mangez de tout ce qui se vend à la boucherie, sans vous enquérir de rien à cause de la conscience » (1 Corinthiens 10:25). Au milieu d’une population païenne, les enfants de Dieu à Corinthe recevaient probablement, dans les viandes qui leur étaient vendues, une partie des offrandes aux idoles. Leur conscience n’avait point à s’en préoccuper. Pour le chrétien, l’idole n’est rien. « La terre est au Seigneur avec tout ce qu’elle contient ». Sans s’enquérir de rien, il peut manger de tout. Même dans le cas supposé d’une invitation chez un incrédule, liberté entière lui est laissée de manger ce qui est devant lui. Si cependant il lui était positivement affirmé que les mets placés devant lui avaient été offerts en sacrifice aux idoles, son devoir était de s’abstenir par égard pour la conscience d’autrui.

Une étude sérieuse de 1 Corinthiens 8 et 10, démontre que, tout en étant parfaitement libre pour lui-même, le chrétien agissant en grâce considérera la conscience des faibles, et s’abstiendra de tout ce qui pourrait leur devenir pierre d’achoppement. Mais ce sujet nous conduirait trop loin.

Quant aux mets du roi, Daniel devait obéissance à un plus grand que Nebucadnetsar et se soumettre à la loi de l’Éternel ; il brave jusqu’à la fureur du despotique souverain de Babylone ; mais quand ses sentiments naturels seuls sont en cause, il doit accepter en silence. Sans doute il lui est dur de perdre le nom qu’il tenait du pays de sa naissance, de s’en voir imposer un nouveau tout empreint de l’exil et de la captivité, mais il se tait. Esclave, son devoir est de se soumettre à tout ce que ne condamne pas la loi de son Dieu. L’introduction même de ces noms païens, est un effort de Satan pour oblitérer dans la mémoire des exilés, le souvenir de Jérusalem et de son culte. Daniel signifie : Jugement de Dieu. — Hanania : Donné de Dieu. — Mishaël : Qui est ce qu’est Dieu. — Azaria : Celui que l’Éternel aide. Au lieu de ces noms suggestifs, le prince des eunuques leur en donne de nouveaux tirés des idoles de Babylone (Daniel 4:8).

Mais ils étaient attachés au Seigneur qui, dans sa providence, s’interpose en leur faveur d’une façon merveilleuse. Il leur fait trouver grâce à la cour de Babylone et leur donne sagesse et intelligence en si abondante mesure, qu’ils éclipsent entièrement les magiciens et les astrologues du royaume.


3 - Chapitre 2:1-4 — Le songe de Nebucadnetsar

Le dernier verset du chapitre 1, montre qu’il est une préface à l’ensemble du livre. « Et Daniel fut là jusqu’à la première année du roi Cyrus » (1:21). Ce qui ne signifie point qu’il mourût en cette même année, puisque nous le retrouvons prospérant « pendant le règne de Cyrus, le Perse » (chap. 6:28), et « qu’une chose fut révélée à Daniel, la troisième année de Cyrus, roi de Perse » (10:1). Non seulement il vécut jusqu’à l’introduction du premier des trois grands empires qui, selon la vision prophétique, devaient suivre celui de Babylone, mais il lui fut aussi accordé de voir l’accomplissement des paroles de Jérémie relativement au terme de la captivité à Babylone (Jérémie 25:11), et le retour du peuple à Jérusalem à la fin des soixante-dix années (Jérémie 25:12 ; 29:10). En grâce comme en jugement, la parole de Dieu demeure immuable. « Dieu n’est pas un homme pour mentir, ni un fils d’homme pour se repentir : aura-t-il dit, et ne fera-t-il pas ? aura-t-il parlé, et ne l’accomplira-t-il pas ? » (Nombres 23:19). Puissent les hommes être pénétrés de cette vérité aussi solennelle qu’encourageante.

Avec le chapitre 2, commence la partie prophétique du livre, partagée en deux portions d’égale longueur. La première, jusqu’à la fin du chapitre 6, traite surtout du caractère et de la condition des grands empires gentils, tandis que la deuxième, chapitres 7 à 12, entre dans des détails concernant ces mêmes empires, mais relatifs à la condition du peuple juif aux derniers jours.

Voilà pourquoi dans la première partie les visions ne sont pas envoyées à Daniel, quoiqu’il fût seul capable de les interpréter. Dieu s’adresse à la conscience de Nebucadnetsar, lui faisant connaître ce qui allait arriver à l’empire babylonien et aux trois suivants, jusqu’à la fin des jours, l’abaissement de la gloire et de la puissance de l’homme devant Celui dont le royaume « ne peut être ébranlé ». Si Dieu va juger — ainsi que, selon l’Écriture, il le fera — s’il va juger les différents systèmes de ce monde, politiques, sociaux, religieux, il prend soin de le faire savoir longtemps à l’avance et de laisser l’homme sans excuse. Que le monde prête donc l’oreille tandis qu’il est encore temps ; qu’en lisant les prophéties, le chrétien maintienne, dans son cœur et dans sa vie, une absolue séparation d’avec un monde qui court à sa perte ! De cette manière, et de cette manière seulement, il pourra faire pénétrer un rayon de lumière pour Christ au milieu des ténèbres morales toujours plus profondes qui caractérisent les derniers jours. Lot ne fut d’aucun secours à Sodome. Il s’était assimilé aux circonstances environnantes. Lecteur chrétien, apprenons par l’étude de ce livre la grande leçon de « nous conserver purs du monde ».

Si Daniel n’avait préalablement « arrêté en son cœur » de maintenir une sainte séparation pour Dieu au milieu des abominations de Babylone, jamais il n’eût été choisi comme canal de semblables révélations. Jamais non plus les Écritures prophétiques ne deviendront claires pour le chrétien épris des pensées du monde. La conduite individuelle de Daniel est la base des révélations de ce livre, tout comme aussi elle leur sert d’introduction. De même en ce qui nous concerne, la séparation d’avec le monde, un refus énergique de prendre part à ce qu’il voudrait nous offrir, nous mettent en demeure de recevoir ces communications divines, qui, bien que leur plénitude soit contenue dans la Parole écrite, nous viennent directement par l’enseignement divin, quel que soit du reste l’instrument choisi pour nous les donner.

Mais tout en avertissant le monde de ce qui arrivera à la fin et de ce qui, aux yeux de l’homme, paraît maintenant si désirable, Dieu a aussi des paroles d’encouragement pour le peuple qu’il s’est choisi, alors même que pour un temps, il ait été obligé d’abhorrer son héritage et de le livrer aux mains des nations (Psaume 106:40). C’est ainsi que nous trouvons dans la seconde section du livre, des visions envoyées à Daniel et qui concernent spécialement son peuple. Le vrai caractère des puissances gentiles y est révélé d’une manière évidente, leur opposition systématique au vrai Dieu, leur hostilité à l’égard de son peuple, aux derniers jours — jours encore à venir — y est manifestée, ainsi que le jugement qui tombera sur les représentants des deux derniers empires, tout cela nous est décrit avec de merveilleux détails, parce que ces deux puissances sont liées intimement à l’histoire des Juifs à la fin des temps.

Il est intéressant de remarquer que la division en deux parties du livre de Daniel est encore accentuée par la langue propre à chacune. Du chapitre 2:4, au 7:28, le texte original est syriaque ou chaldéen, — tandis que du chapitre 8 à la fin, il revient à l’hébreu. Le syriaque était familier aux Babyloniens que concernent surtout ces premières révélations, tandis que l’hébreu est la langue des Juifs, objets des visions suivantes ; la parole de Dieu est donc adressée à tous selon que chacun peut la mieux comprendre. Quelle perfection dans toutes ses voies !

Nebucadnetsar « songea des songes ». Dieu lui révèle « ce qui arrivera à la fin des jours », de même que toute l’impuissance de la sagesse humaine, en ce qui le concerne, lui, le puissant monarque. Il oublie son songe, et de tous les magiciens de son vaste empire, bien qu’effrayés et tremblants devant le despote irrité, aucun ne peut répondre à son ordre.

« Il n’existe pas un homme sur la terre », s’écrient-ils avec raison, « qui puisse indiquer ce que le roi demande » (v. 10) ; mais « il y a un Dieu dans les cieux » (v. 28), le Dieu de Daniel, qui venait de confondre l’orgueil de Babylone, rendant vaine sa science, mais qui aussi « confirme la parole à son serviteur » et « accomplit le conseil de ses messagers » (Ésaïe 44:26).

Quelle que profonde qu’eût été la chute d’Israël comme nation, Dieu demeurait fidèle à ses promesses : « Ceux qui m’honorent, je les honorerai » (1 Samuel 2:30). Quand même l’infidélité du peuple le conduit en captivité, un individu fidèle recevra honneur de la part de son Dieu jusque dans le pays de l’exil. Car quel que soit l’abîme où soit plongé le peuple de Dieu, rien ne peut changer Son amour envers ce peuple. Étant donnée leur captivité, le monarque païen pouvait en conclure que Dieu avait cessé de les aimer, mais dès le début il lui faut entendre que : « Le secret de l’Éternel est pour ceux qui le craignent » (Psaume 25:14).

« Le conquérant doit apprendre que la pensée de Dieu, son cœur, sont avec les pauvres captifs. Pour un temps déterminé, il prête sa puissance aux gentils, mais son secret, ses affections demeurent avec les siens, même au jour de leur plus profond abaissement.


4 - Chapitre 2:14-36 — Le secret révélé

« On chercha Daniel et ses compagnons pour les tuer » (v. 13). Ils auraient pu se croire abandonnés de Dieu et se dire qu’une séparation moins entière pour Lui eût singulièrement facilité leur chemin, autrement pénible et dangereux que celui des autres captifs (chap. 1:17-20).

Mais outre sa fidélité à son Dieu et à sa Parole pour les jours mauvais, Daniel avait encore foi en Dieu. Sa connaissance, pas plus que son intelligence, n’étaient pour lui de provenance humaine ; elles venaient « du Dieu des cieux », « qui sait ce qui est dans les ténèbres, et la lumière demeure auprès de lui » (v. 22). La foi produit toujours la confiance. « Daniel entra et demanda au roi de lui accorder du temps pour indiquer au roi l’interprétation » (v. 16). Sans émettre l’ombre d’un doute à cet égard, calme dans l’assurance de la faveur divine, il affronte hardiment la fureur du roi, comme il affrontera plus tard la fosse aux lions.

La confiance de la foi repose, non sur la sagesse humaine, mais sur Dieu seul. Elle s’exprime toujours par la dépendance dans la prière.

« Daniel s’en alla à sa maison », auprès de ses trois compagnons, afin d’implorer tous ensemble « de la part du Dieu des cieux, ses compassions au sujet de ce secret » (v. 17-18).

Dieu l’entend et lui répond. « Alors le secret fût révélé à Daniel dans une vision de la nuit » ; à la supplication succède la louange : « Alors Daniel bénit le Dieu des cieux ».

« Le Dieu des cieux ». Ce titre caractérise le livre de Daniel et répond au fait déjà relevé que la sentence « Lo-Ammi » — pas mon peuple — reposait alors sur la nation. Ils avaient pris fin ces jours glorieux où, s’identifiant avec son peuple, Dieu lui-même, « le Seigneur de toute la terre » (Josué 3:11-13), conduisait ses armées victorieuses. La nation apostate s’était tournée vers les idoles, et l’Éternel doit se placer à distance comme le « Dieu des cieux », toujours répondant néanmoins à la foi individuelle, malgré l’infidélité de la masse.

Il est bon de remarquer ici l’état d’âme de Daniel. Une fois maître du secret, au lieu de courir en hâte auprès du roi, il se retire premièrement devant Dieu et répand son cœur en louanges et en actions de grâce. Il le reconnaît comme Celui auquel tout pouvoir appartient dans le gouvernement du monde et qui, non seulement « dépose les rois et établit les rois » (v. 21), mais aussi « donne la sagesse aux sages et la connaissance à ceux qui connaissent l’intelligence ».

Ces derniers mots contiennent un principe d’importance capitale, et la fréquence avec laquelle ils sont cités à faux, démontre combien il est peu compris du grand nombre. N’entendons-nous pas répéter que Dieu donne la connaissance à ceux « qui n’ont pas d’intelligence » ? Bien que cela puisse être vrai en un sens, Daniel 2:21, établit justement le contraire. Dieu peut avoir pitié de notre ignorance, mais souvent elle provient du manque d’obéissance à sa volonté. La réalisation pratique de la volonté de Dieu amène des souffrances à la chair, et nous n’y sommes pas toujours préparés.

Combien de chrétiens recherchent une connaissance intellectuelle des Écritures sans aucune idée de mettre leur marche en accord avec elles. Mais la parole de Dieu est positive : « Si quelqu’un veut faire sa volonté, il connaîtra de la doctrine si elle est de Dieu » (Jean 7:17), et pas autrement. Et encore : « Si donc ton œil est simple, ton corps tout entier sera plein de lumière » (Matthieu 6:22). Que Dieu nous accorde un œil simple !

Ce qui manque aujourd’hui au peuple de Dieu, c’est de rechercher sa gloire d’un cœur non partagé. Aussi longtemps que l’âme fait des réserves, se refuse à exécuter la volonté de Dieu telle qu’il la fait connaître, il n’y aura, il ne pourra y avoir aucun progrès quant à l’intelligence de la vérité, qu’il s’agisse de prophétie ou d’autre chose. « Il donne la connaissance à ceux qui connaissent l’intelligence », non aux ignorants, et « leur révèle les choses profondes et secrètes ». Que Dieu produise dans notre cœur à tous une pensée unique : faire sa volonté à quel prix que ce soit. Introduit devant le roi, Daniel se distingue par son humilité. « Peux-tu me faire connaître le songe ? », demande Nebucadnetsar. « Il y a un Dieu dans les cieux qui révèle les secrets et fait savoir au roi Nebucadnetsar ce qui arrivera à la fin des jours », répond-il simplement, sans parade d’intelligence, cherchant plutôt à se dérober lui-même aux yeux du monarque païen, pour mieux faire briller le nom de son Dieu.

« Celui qui révèle les secrets », donnait maintenant à connaître l’enchaînement de l’histoire et la succession des empires, en rapport surtout avec « la fin des jours » (v. 8). Le conquérant orgueilleux du succès de ses armes, avait vu dans un songe le tableau de l’avenir des grands empires gentils. Surpris par la voix d’un Dieu qu’il ne connaissait point et qui s’adresse à lui dans une vision de nuit, il apprend « ce qui arrivera » et aussi à « connaître les pensées de son cœur » (v. 30).

Puisse ce même Dieu parler aussi à nos cœurs aujourd’hui, à nos cœurs et à nos consciences, par le sujet qui nous occupe. Qu’au milieu des ténèbres qui vont s’épaississant toujours, les rayons de lumière prophétique brillant dans la Parole, nous marquent un chemin d’entière séparation d’avec le présent siècle déjà jugé et qui se hâte vers l’exécution de la sentence. Que chacun comprenne mieux toute la solennité de ces choses.


5 - Chapitre 2:31-46 — La grande statue

« Toi, ô roi, tu voyais, et voici une grande statue ». Rien d’étonnant à ce que, devant cette révélation de l’avenir, l’esprit du roi « fut agité » et que « son sommeil le quitta », car « cette statue était grande, et sa splendeur extraordinaire… et son aspect était terrible ».

Mais le songe avait néanmoins disparu, et quelle puissance humaine pouvait le rappeler ? et quelle intelligence eût pu l’interpréter ? Seul le Dieu des cieux connaissait l’avenir qu’il vient mettre sous les yeux du monarque effrayé : « les temps des nations », auxquels Luc 21:24, fait allusion.

Pour qui a étudié le sujet, il n’est point difficile de comprendre ce que signifient les différentes parties de la grande statue. L’interprétation de Daniel ôte toute incertitude quant à la tête d’or : « Toi », Nebucadnetsar, roi de Babylone, « tu es cette tête d’or » (2:38), et tout aussi clairement s’expliquent les phases successives « des temps des nations ».

Elles sont au nombre de quatre, débutant par Babylone. Non que déjà auparavant il n’y eût eu, de vastes et magnifiques empires, l’Assyrie, l’Égypte, mais ceux-ci ne rentrent pas dans le cadre des prophéties de Daniel. En avançant dans l’étude de ce livre, nous verrons deux catégories distinctes de prophètes : 1° ceux qui, comme Ésaïe, s’adressent directement à la nation juive encore reconnue de Dieu ; 2° ceux qui, comme Daniel, sont revêtus de leur office après qu’elle a été rejetée. Les premiers nous parlent surtout de l’Assyrien, les derniers de Babylone et des puissances qui lui succèdent. L’Assyrien est l’ennemi d’Israël reconnu de Dieu dans son propre pays, et bien que le grand empire d’Assyrie se soit effondré depuis des siècles, la prophétie est claire quant à la réapparition de l’Assyrien sur la scène, où il jouera son rôle dans les grands événements qui doivent précéder l’établissement du royaume de Christ « qui durera à toujours ». Israël sera rétabli dans le pays de la promesse. Dieu le reconnaîtra de nouveau comme son peuple (Osée 1:10), et alors se retrouvera son farouche antagoniste, l’Assyrien (Ézéchiel 38 et 39). Mais ces événements seront précédés par la venue du Seigneur pour enlever ses saints auprès de Lui.

Daniel est le prophète « des temps des nations ». Il ne se borne nullement à écrire l’histoire d’Antiochus Épiphane, ainsi que voudrait l’établir la « haute critique ». Les « temps des nations » commencent avec la transportation à Babylone ; quand le trône de Dieu a quitté Jérusalem, le pouvoir est remis aux gentils. Ces « temps » durent encore et dureront jusqu’à ce que le Seigneur redescende des cieux en jugement. Alors la nation juive recouvrera sa place. Mais tout ceci deviendra plus clair, à mesure que nous avancerons dans l’étude de Daniel.

L’empire babylonien ne devait pas être de longue durée. Jérémie avait écrit (chap. 25), qu’après soixante-dix ans, sa puissance serait brisée, et en interprétant le songe du roi puissant, Daniel lui dit : « Après toi s’élèvera un autre royaume, inférieur à toi » (v. 39).

Rien ne pouvait égaler la magnificence de Babylone. L’histoire nous en a laissé des détails étonnants. La puissance de Nebucadnetsar lui avait été conférée par Dieu même. « Tu es le roi… auquel le Dieu des cieux a donné le royaume, la puissance, et la force, et la gloire ». D’aucun des empires suivants pareille chose ne fut dite. La domination universelle avait été placée entre les mains de ce souverain, mais nous verrons dans les chapitres suivants à quels abus elle conduisit.

Un seul, qui est à la fois Dieu et Homme, le Fils de l’homme, possédera un plus vaste empire que celui confié jadis à Nebucadnetsar. « Tu as mis toutes choses sous ses pieds », dans le ciel, sur la terre, et dans la mer, et il régnera en justice (Psaume 8). Confié à l’homme, le pouvoir absolu se change invariablement en tyrannie et conduit aux convoitises désordonnées, mais quand Christ régnera, « l’œuvre de la justice sera la paix, et le travail de la justice, repos et sécurité à toujours » (Ésaïe 32:17). Seigneur, hâte ce jour pour la création en travail !

Mais le Dieu des cieux est Celui « qui dépose les rois et qui établit les rois », en sorte que de Celui même dont il tient son pouvoir, le monarque surpris apprend qu’après lui s’élèvera un autre royaume inférieur au sien, inférieur en magnificence, mais non en étendue, puisqu’il « dominera sur toute la terre », l’empire des Mèdes et des Perses.

Bien qu’il soit du plus haut intérêt de voir la confirmation donnée par l’histoire aux écrits prophétiques, nous n’avons pas besoin de sortir de la Bible pour les expliquer. Non seulement la durée de l’empire babylonien est prédite par Jérémie : « Et il arrivera, quand les soixante-dix ans seront accomplis, que je visiterai sur le roi de Babylone et sur cette nation-là leur iniquité » (Jérémie 25:12) ; mais il nous désigne encore la succession de ses rois : « Et toutes les nations le serviront (Nebucadnetsar), lui, et son fils, et le fils de son fils » (Jérémie 27:7). Le dernier des trois occupe le trône de Babylone, en Daniel 5, Belshatsar qui, dans une nuit, nuit terrible et désastreuse, voit son royaume divisé et donné aux Mèdes et aux Perses (Daniel 5:28). L’histoire enregistre ce fait que, par l’inspiration divine, Daniel avait annoncé longtemps à l’avance.

Après avoir duré plus longtemps que celui de Babylone, l’empire Médo-Perse prend fin à son tour (A. C. 536-333), écrasé sous la puissance nouvelle d’Alexandre-le-Grand, dont les livres profanes racontent la gloire. L’histoire nous dit cela, mais les Saintes Écritures donnent le nom de ce troisième empire avant même que le second n’eût existé : « Le bélier que tu as vu, qui avait deux cornes, ce sont les rois de Médie et de Perse. Et le bouc velu, c’est le roi de Javan » (la Grèce) (Daniel 8:20-21).

Daniel nous indique donc par leurs noms, trois des grandes puissances gentiles : Babylone les Mèdes et les Perses, la Grèce.

Mais Dieu ne se propose pas de satisfaire la curiosité de Nebucadnetsar, il veut atteindre sa conscience. Il place devant lui « ce qui arrivera à la fin des jours » (chap. 2:28), c’est pourquoi la quatrième monarchie est introduite avec plus de détails. Peut-on mettre un instant en doute quelle elle est ? En remontant à l’année 1452 A. C., — il y a 3450 ans ! — Dieu se sert de Balaam, qui pour un salaire d’iniquité eut volontiers maudit le peuple de l’Éternel, s’en sert comme porte-voix, annonçant le beau jour de la restauration d’Israël. Une vision lui montre le royaume à venir du Seigneur Jésus-Christ. L’état du monde à cette heure, n’est-il pas pour donner à penser que sa manifestation est proche ? « Celui (Christ) qui sortira de Jacob dominera » (Nombres 24:19).

Nous ne pouvons nous arrêter ici sur cette vision prophétique, remarquable entre toutes, étant donnée son antiquité, sa grande portée, son accord parfait avec toutes les autres parties de la parole prophétique, seulement nous constatons qu’elle prédit l’effondrement complet de tous les royaumes terrestres devant Celui qui vient en jugement, mais pour établir ensuite « un royaume qui ne sera pas détruit » (Daniel 7:14). Citons seulement, afin de le recommander à l’attention du lecteur, le passage suivant : « Et il vit le Kénien, et il proféra son discours sentencieux, et dit : Forte est ta demeure, et tu as placé ton nid dans le rocher. Toutefois le Kénien doit être consumé, jusqu’à ce qu’Assur t’emmène captif. Et il proféra son discours sentencieux et dit : Malheur ! Qui vivra, quand Dieu fera ces choses ? Et des navires viendront de la côte de Kittim (Chypre), et affligeront Assur, et affligeront Héber (la contrée au delà de l’Euphrate), et lui aussi (Kittim) ira à la destruction » (Nombres 24:21-25).

« La côte de Kittim », n’est autre que la quatrième monarchie désignée par la grande statue. Sans la nommer, Balaam indique le point de l’horizon où elle paraîtra — l’Occident. Un puissant empire occidental se mettra en guerre avec celui d’Orient, et sera détruit à la fin. Il s’agit de l’empire Romain qui n’existait point encore au temps de Balaam, dont on n’avait pas même entendu parler lorsque Daniel le voyait en vision.

Une immense puissance orientale est aujourd’hui en voie de formation. L’Écriture désigne clairement la Russie, comme ayant un rôle important à jouer dans la crise qui se prépare, la lutte avec son terrible antagoniste, l’empire Romain ressuscité, mais destiné néanmoins à périr le premier.


6 - Chapitre 2:34-46 — La pierre qui frappa la statue

La partie historique de l’Ancien Testament se termine environ quatre cents ans avant l’ère chrétienne. Malachie clôt la série des écrivains, mais c’est Néhémie qui relate les derniers faits. De son temps, la seconde des grandes puissances gentiles conservait la suprématie. La troisième, la Grèce, n’existait encore que dans les prophéties de Daniel (8:21). L’Écriture cependant doit avoir son accomplissement ; l’histoire nous montre la monarchie Médo-Perse écrasée sous les pieds du géant Alexandre-le-Grand, « la grande corne » du « bouc » (chap. 8). Nous le retrouverons un peu plus tard.

L’Ancien Testament n’annonce pas seulement l’existence future du quatrième empire, il expose encore, et très clairement, sa position géographique en rapport avec le troisième. Kittim est aujourd’hui Chypre, et les navires venant « de la côte de Kittim » pour affliger Assur, cette côte doit se placer à l’ouest d’Assur ou l’Assyrie.

« Les navires de Kittim » se retrouvent en Daniel 11:30, toujours à propos du même conflit entre l’Orient et l’Occident, mais avec cette différence que Daniel 11:30, a déjà eu un accomplissement partiel, tandis que Nombres 24:24, se rapporte à un temps à venir. La première page du Nouveau Testament nous met en présence d’une autre grande puissance dont la domination s’étend au loin. Un décret rendu par l’empereur romain, César Auguste, « porte qu’il fût fait un recensement de toute la terre habitée » (Luc 2:1). Depuis les jours de Daniel (607 A. C.), l’histoire n’enregistre que quatre puissances universelles, toutes quatre désignées par leur nom dans les Écritures.

Qu’il soit donc bien entendu que les quatre parties de la grande statue, de même que les quatre bêtes de Daniel 7, désignent les quatre grandes monarchies gentiles :

1° Babylone ;

2° Les Mèdes et les Perses ;

3° La Grèce ;

4° Rome.

C’est sous cette dernière que naquit le Christ, et le monde entier fut mis en mouvement pour amener ce résultat (Luc 2:1-2). Plus tard, sa crucifixion sera consommée justement à l’apogée des gloires de ce même empire qui recevra son coup de mort, final, quand le Christ apparaîtra en jugement comme Roi des rois et Seigneur des seigneurs (Apocalypse 19) ; bien qu’ayant disparu de la scène pour un temps, cette puissance reparaîtra de nouveau formidable, ainsi que nous l’enseignent Daniel et l’Apocalypse.

On ne peut douter que « la Bête », qui se retrouve sans cesse au cours de ce dernier livre, ne soit l’empire romain. Où se trouve-t-il aujourd’hui ? demandera-t-on peut-être. N’a-t-il pas dès longtemps pris fin ? Oui, mais l’Écriture ne nous laisse aucun doute quant à sa restauration. Il suffit pour s’en convaincre de lire Apocalypse 17:8 : « La bête que tu as vue était, et n’est pas, et va monter de l’abîme et aller à la perdition ».

Quoi donc de plus clair que cette reconstitution de l’empire romain pour jouer de nouveau son rôle en Europe ? Et le verset que nous venons de citer montre que lorsque cet empire renaîtra, il empruntera toute sa puissance à Satan. Apocalypse 13:6, indique son vrai caractère, impie et blasphématoire, tableau d’autant plus effroyable qu’il commence déjà à se dessiner sous nos yeux.

« Le quatrième royaume sera fort comme le fer » (Daniel 2:40). Suit une description parfaitement exacte, de ce que fut, dans le passé, l’empire romain, de ce qu’il sera de nouveau dans l’avenir, avenir peut-être très rapproché. En contraste avec la magnificence de Babylone et de la Perse, la force le caractérise à sa naissance. Mais peu à peu le fer se mélange avec l’argile et le royaume se détériore. Allusion, sans doute, aux hordes barbares dont les continuelles incursions finirent par miner l’empire et le renverser.

Lorsqu’il reparaîtra, ce sera dans la condition figurée par les orteils des pieds. Les dix orteils correspondent aux dix cornes de Daniel 7, et d’Apocalypse 13 et 17. Durant cette dernière phase, l’empire offrira un spectacle extraordinaire, jusque-là inconnu en Europe, celui d’une unité divisée eu dix royaumes ayant chacun son roi, mais sous une seule tête impériale (Apocalypse 17). « Et dans les jours de ces rois », remarquons bien cette expression, « le Dieu des cieux établira un royaume qui ne sera jamais ébranlé » (Daniel 2:44). Ce cinquième royaume sera le royaume millénaire du Seigneur Jésus-Christ.

D’aucuns peuvent supposer que ce royaume de Christ signifie le temps de la grâce, et que « la pierre détachée sans mains » représente en figure l’œuvre de l’Évangile, mais lors même que « la pierre » se rapporte incontestablement au Seigneur Jésus-Christ, ce n’est ni à sa naissance, ni à sa venue en grâce, mais uniquement à son apparition future en puissance et pour le jugement. La naissance de Christ à Bethléhem ne porta aucune atteinte à la grandeur et à la puissance de Rome ; bien au contraire, il fut crucifié sous la direction de cette puissance.

Nebucadnetsar reçoit ici une révélation de ce qui arrivera « à la fin des jours » (2:28). Dieu, dont le grand objet dans toutes les révélations prophétiques est la gloire de son Fils, dirige les pensées du monarque gentil vers ces temps, où non seulement un « petit troupeau » reconnaîtrait, comme aujourd’hui, la suprématie du Maître absent et rejeté, mais où « la domination, et l’honneur, et la royauté, lui seront données, pour que tous les peuples, et les peuplades, et les langues, le servent » (Daniel 7:14). Le résultat ne sera point atteint par la proclamation de l’Évangile, mais bien par l’exécution du jugement.

Il est important de remarquer que c’est « au temps de ces rois », c’est-à-dire durant la dernière phase, encore future, de l’empire romain, que « la pierre » frappe la statue, et qu’elle la frappe dans ses pieds. « Alors furent broyés ensemble le fer, l’argile, l’airain, l’argent et l’or, et ils devinrent comme la balle de l’aire d’été » (Daniel 2:35).

Telle est la description prophétique de la fin « des temps des nations ». Ces temps commencent avec Nebucadnetsar, se continuent aujourd’hui, mais se termineront quand le Seigneur descendra du ciel en jugement (Apocalypse 19:11). Dieu reprendra alors ses relations avec le peuple d’Israël, le reconnaîtra de nouveau comme sien. Celui qui vient réduire à néant des nations impies, vient aussi comme Libérateur de Sion. « Il détournera de Jacob l’impiété », « et ainsi tout Israël sera sauvé » (Romains 11:26).

Ces jours s’approchent à grands pas. Le rapide développement de l’incrédulité amène l’apostasie complète. Avec une fiévreuse activité, les nations de l’Europe occidentale se préparent pour ce qui sera un dernier et formidable conflit, quand elles donneront à la Bête puissance et force pour faire la guerre à l’Agneau ; mais « l’Agneau les vaincra » (Apocalypse 17:14). « Car Dieu a mis dans leurs cœurs d’exécuter sa pensée, et d’exécuter une seule et même pensée, et de donner leur royaume à la Bête, jusqu’à ce que les paroles de Dieu soient accomplies » (Apocalypse 17:17).

« Et le songe est certain, et son interprétation est sûre » (Daniel 2:45).


7 - Chapitre 3:1-8 — La statue d’or de Nebucadnetsar

Peu de chapitres des Écritures ont été aussi violemment attaqués par la critique moderne, que celui qui s’ouvre maintenant devant nous, mais aucun n’est sorti de l’épreuve mieux marqué au coin de l’authenticité et de l’inspiration divine.

Les rationalistes objectent que Daniel vivait en Palestine et non à Babylone, aux jours d’Antiochus Épiphane, l’an 166 A. C., et point sous le règne de Nebucadnetsar, environ 606 A. C. ; que ses écrits sont des fictions ne reposant sur aucun fait. Que le lecteur choisisse donc entre la parole inspirée de Dieu et le scepticisme. À moins de s’appuyer sur l’immuable parole de Dieu, il ne peut que perdre sa voie au travers des élucubrations toujours renaissantes de l’esprit humain.

Le but de ces pages n’est point de convaincre les opposants, mais, avec le secours du Seigneur, d’encourager le croyant, et surtout les jeunes chrétiens, dans une étude intelligente de ce livre. Plusieurs, en effet, sont un peu ébranlés par les assertions positives de la « haute critique », et ils ont de la peine à croire que ces attaques ne reposent sur aucun fondement solide. Pour qui y aurait prêté l’oreille, il sera intéressant d’apprendre que l’une après l’autre, toutes les objections élevées contre ce chapitre ont été rendues vaines par le témoignage écrasant de monuments relevés de la poussière des siècles, et que ce chapitre entier porte la marque évidente qu’il a été écrit à Babylone et par un écrivain vivant au temps même où Daniel est censé avoir vécu.

Aucun Juif de Palestine, aux jours d’Antiochus, n’eût été assez au courant des us et coutumes de Babylone pour les décrire aussi exactement, jusqu’aux détails concernant les vêtements qui, quatre cents ans plus tard, devaient être différents.

Nebucadnetsar dressa sa statue « dans la plaine de Dura, dans la province de Babylone ». Nous savons maintenant que deux autres localités portaient encore le nom de Dura, et sans doute Daniel ne l’ignorait pas, mais il est peu probable que le fait fût connu aux jours d’Antiochus. Appert, savant français qui s’est surtout occupé de l’Assyrie, a découvert le site que doit avoir occupé ce monument colossal. « El-Mokattat », dit-il, « se présente comme le piédestal d’une gigantesque statue… et tout porte à croire que celle mentionnée par Daniel (chap. 3:1), fut élevée en ce lieu… Il n’y il rien d’impossible dans les dimensions d’une statue haute de soixante coudées et large de six coudées, et le nom de la plaine de Dura, dans la province de Babylone, s’accorde tout à fait avec la conformation des ruines retrouvées ».

Pas n’est besoin de s’arrêter longuement sur le sujet des mots grecs contenus dans le livre de Daniel. On voulait en conclure qu’il avait pris naissance sous le règne d’Alexandre. Mais ici toutes les objections à l’authenticité de l’écrit par son auteur, se résument en deux mots grecs, seulement deux, contenus dans le texte, et encore désignent-ils des instruments de musique. Objection trop absurde pour n’être pas aisément réfutée, mais des découvertes récentes ont encore mis au jour l’existence à Ninive, d’instruments de musique grecs, vers l’an 650 A. C., donc cinquante ans avant Nebucadnetsar. Quoi de plus naturel donc que leur nom leur fût resté ? Et quelle preuve peut-on en tirer contre les données de l’Écriture ?

Pour le croyant aucune preuve n’est nécessaire à l’appui de l’inspiration de ce livre. Une seule parole de Celui en qui il a mis sa confiance, suffit pour renverser l’échafaudage de la critique humaine. Le Seigneur Jésus-Christ lui-même nous parle de Daniel le prophète, en Matthieu 24:15. Les contredisants affirment qu’il était un auteur de fictions, un pauvre historien tout au plus, falsifiant les faits afin d’arriver à son but. Le chrétien sait qu’il nous a laissé le récit absolument vrai d’événements importants, riches en instructions morales, et que si, parmi ses prophéties, quelques-unes ont déjà eu leur accomplissement, toutes étaient futures lorsque Daniel en prononça les paroles.

« Daniel le prophète », tels sont les mots que le Christ de Dieu a prononcés. Qu’avons-nous plus à faire avec la critique moderne ? sauf en demandant à Dieu d’atteindre le cœur de plusieurs, les amenant captifs à « l’obéissance de Christ ».


8 - Chapitre 3:8-30 — La fournaise de feu ardent

Le manque de foi aux Saintes Écritures est le plus sérieux des tristes signes caractéristiques de nos jours.

L’athéisme, le scepticisme, le rationalisme, ne sont point les seuls facteurs de l’incrédulité. Elle se propage au moyen de la littérature soi-disant religieuse, de l’éloquence de la chaire et des études de ceux qui prétendent s’enquérir des oracles de Dieu dans un esprit de sainte révérence. Subtils et dangereux entre tous les détracteurs, ceux-ci pénètrent plus avant dans le cœur des masses qui manquent de ressources pour aller au fond des questions et rechercher les évidences.

Et puis la Bible nous dit des vérités désagréables. Elle parle à la conscience, et pour qui refuse de s’incliner devant la révélation divine, il est certainement plus commode de la mettre en doute. La Bible prouve que la condition morale de l’homme devant Dieu est aussi mauvaise qu’elle peut l’être ; elle décrit la condition future des irrégénérés en termes de nature à faire frissonner. Elle ne cache pas le fait de la ruine totale de l’homme pécheur, mais apporte en même temps le remède, l’unique et parfait remède fourni par Dieu lui-même. Seulement, aussi longtemps qu’il n’a pas été accepté, l’effort de celui qui le refuse sera toujours de mettre en doute la véracité du témoignage par lequel il est accusé.

Tout en plaignant les pauvres victimes de cette nouvelle forme d’incrédulité, la haute critique, il est impossible de ne pas s’indigner contre ces instruments de Satan qui ne craignent pas d’être son porte-voix pour plaider la cause des choses visibles et temporelles contre les spirituelles et célestes : « La pensée de la chair est inimitié contre Dieu » (Romains 8:7).

Prouvée par la croix, cette vérité est de nouveau démontrée aujourd’hui dans le rejet de la Parole écrite après la Parole vivante ; sous prétexte de doutes consciencieux, un torrent d’antagonisme à l’inspiration des Écritures, se déverse de toutes parts du haut des chaires et dans la presse religieuse, sûr précurseur de cette apostasie annoncée par la Parole qui ne peut mentir (*) (2 Thes. 2).


(*) Ces premiers chapitres de Daniel ne nous offrent pas seulement une narration historique exacte, mais une instruction morale des plus importantes. L’effort de Satan en soulevant des questions critiques et des doutes historiques, est de priver l’âme du profit spirituel des pages divines ; reçues par la foi et méditées avec prière.


Nebucadnetsar avait dressé sa statue. Rentré victorieux de sa campagne d’Égypte où, sans doute, la colossale image de Ramsès le Grand avait arrêté ses regards, comme elle attire encore aujourd’hui ceux des voyageurs, il voulait le surpasser en magnificence, en érigeant dans son propre pays non une image de pierre, mais une statue d’or.

Mais à côté de sa propre gloire, une autre pensée le préoccupait encore. Comment allait-il procéder à l’agrégation de tous ces « peuples, peuplades et langues », placés sous sa domination ? Car y a-t-il un facteur plus puissant que la religion pour séparer les nations et même les familles ? Quelles guerres sanglantes n’a-t-elle pas causées ? Mais s’il parvenait à établir une unité religieuse, n’aura-t-il pas dans son royaume la vraie puissance pour le maintenir en équilibre ?

Partout où se produit, en matière religieuse, la coercition des consciences, la persécution devient l’arme terrible du fort contre le faible. La fournaise de Babylone, l’inquisition, la prison, le bûcher, affirment tous cette triste vérité. Malgré l’invitation des instruments de musique, « quelques Juifs » de la province de Babylone, hommes de foi et fidèles, refusent de se prosterner et de reconnaître d’autre Dieu que l’Éternel d’Israël, quoique l’idolâtrie eût toujours été un piège pour la nation, déjà même en Canaan.

Comment n’eussent-ils pas eu leurs ennemis, ces témoins de la vérité ? Les Chaldéens pouvaient-ils oublier l’affront qu’ils en avaient reçu en étant ainsi supplantés à la cour par ces étrangers, grâce auxquels leur roi avait dû confesser le Dieu de Daniel, comme Dieu des dieux, Seigneur des seigneurs, révélateur des secrets ? Ils n’eurent garde donc de négliger l’occasion de se venger d’une semblable humiliation.

« Il y a des hommes juifs, que tu as établis sur les services de la province de Babylone… ces hommes ne tiennent pas compte de toi, ô roi ; ils ne servent pas tes dieux, et la statue d’or que tu as dressée ils ne l’adorent pas ». L’orgueilleux monarque pouvait-il supporter pareil désaveu de son autorité ? Furieux, il commande d’amener devant lui, Shadrac, Méshac et Abed-Négo. « Est-ce à dessein », demande-t-il, « que vous ne servez pas mon dieu ? Maintenant si… vous êtes prêts à vous prosterner et à adorer la statue que j’ai faite… » eh bien ! vous avez encore un répit ; « mais si vous ne l’adorez pas, à l’instant même vous serez jetés au milieu de la fournaise de feu ardent. Et qui est le Dieu qui vous délivrera de ma main ? »

Ces trois jeunes Hébreux nous offrent un spectacle admirable de calme et de dignité : « Nebucadnetsar, il n’est pas nécessaire que nous te répondions sur ce sujet ». Aussi longtemps que leur service envers lui n’avait porté aucune atteinte aux droits de Dieu, ils s’en étaient acquitté fidèlement, mais à présent il s’agissait de Lui obéir plutôt qu’aux hommes, et quelle que soit la dispensation, Dieu a la première place, et une marche fidèle demande l’obéissance implicite à la Parole.

« Notre Dieu que nous servons », répondent-ils, « peut nous délivrer de la fournaise de feu ardent, et il nous délivrera de ta main, ô roi ! Et sinon, sache, ô roi, que nous ne servirons pas tes dieux, et que nous n’adorerons pas la statue d’or que tu as dressée ». Puisse l’exemple de cette noble décision fortifier la foi individuelle en ces jours de tiédeur laodicéenne. Disons tous ensemble et chacun pour soi : « Je me suis toujours proposé l’Éternel devant moi ; parce qu’il est à ma droite je ne serai pas ébranlé » (Psaume 16:8).

La parole prononcée par Moïse est positive : « Je suis l’Éternel, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude. Tu n’auras point d’autres dieux devant ma face. Tu ne te feras point d’image taillée, ni aucune ressemblance de ce qui est dans les cieux en haut, et de ce qui est sur la terre en bas, et de ce qui est dans les eaux au-dessous de la terre. Tu ne t’inclineras point devant elles et tu ne les serviras point », etc, etc (Exode 20:2-7).

Inexcusable sous la loi, que dire de l’idolâtrie sous la grâce ? Si le Juif est coupable en s’y adonnant, le chrétien le sera-t-il moins ? Rien d’étonnant à ce que l’Église romaine ait supprimé le deuxième commandement, partageant ensuite le dixième en deux, afin d’en maintenir le nombre. De deux choses l’une, il faut ou mettre de côté ce commandement, ou se débarrasser des images, statues, crucifix, répandus dans leurs églises. La fidélité de ces jeunes hommes juifs, ne fait-elle pas rougir bien des chrétiens ?

La colère de Nebucadnetsar ne connaît maintenant plus de bornes. Il commande « de chauffer la fournaise sept fois plus qu’on n’était accoutumé de la chauffer », et que « les hommes les plus vaillants de son armée » aient à lier Shadrac, Méshac et Abed-Négo, les trois fidèles témoins, et à les jeter dans les flammes. Et si impérieux avait été cet ordre, si bien exécuté quant à l’ardeur de la fournaise, que les serviteurs du roi en sont les premières victimes.

Et qu’advint-il des trois champions qui, s’appuyant sur Dieu seul, bravaient ainsi la puissance de Satan ? En leur péril extrême, les paroles prononcées un siècle auparavant par le prophète Ésaïe, trouvaient maintenant leur accomplissement : « Quand tu passeras par les eaux, je serai avec toi, et par les rivières, elles ne te submergeront pas ; quand tu marcheras dans le feu, tu ne seras pas brûlé, et la flamme ne te consumera pas. Car moi, je suis l’Éternel ton Dieu, le Saint d’Israël, ton Sauveur… Ne crains pas, car je suis avec toi » (Ésaïe 43:2-5).

Surpris, au comble de l’étonnement, le roi se lève soudain : « N’avons-nous pas jeté au milieu du feu trois hommes liés ? » demande-t-il à ses conseillers, « mais voici, je vois quatre hommes déliés se promenant au milieu du feu, et ils n’ont aucun mal, et », chose surprenante entre toutes, « l’aspect du quatrième est semblable à un fils de Dieu ».

Il ne nous est pas dit si d’autres yeux que ceux du tyran virent ce quatrième personnage, mais Dieu prend soin que les « satrapes, les préfets, les gouverneurs et les conseillers du roi », puissent contempler ces hommes, « sur le corps desquels le feu n’avait eu aucune puissance ». Il revendique les droits de sa majesté et honore ceux qui l’honorent. « Béni soit le Dieu de Shadrac, de Méshac et d’Abed-Négo, qui a envoyé son ange et a sauvé ses serviteurs qui se sont confiés en lui ». Il en sera de même, dans un temps à venir, pour tous ceux qui refuseront de se prosterner devant l’image de la bête.


9 - Chapitre 4 — Le monarque humilié

Bien qu’à première vue, les chapitres 3 à 7 semblent purement historiques, il suffira d’un court examen pour en reconnaître également la portée prophétique.

Les grands traits moraux qui, dès le début, distinguent les puissances gentiles, se retrouvent tout du long de leur histoire et seront encore plus distincts à la fin. Le vrai culte n’est jamais affaire de contrainte, mais relève de la conscience. C’est toujours une marque de fausse religion chez l’homme, que de s’interposer entre la conscience des autres hommes et Dieu ; il en est ainsi aussi bien pour l’idolâtrie païenne que pour l’idolâtrie qui professe être chrétienne.

Il est important de garder à l’esprit que le peuple de Dieu envisagé dans le livre de Daniel est le peuple juif, et non pas les chrétiens.

Un résidu juif fidèle refuse de rendre hommage à la statue élevée par Nebucadnetsar ; après l’enlèvement de l’Église, ce même peuple fournira encore des témoins maintenant les droits de l’Éternel au milieu des terribles persécutions dirigées par l’Antichrist et par la bête (Apocalypse 13). L’idolâtrie marquera la fin « des nations », comme elle en a marqué le commencement.

Ces « temps des nations » au travers desquels nous poursuivons notre course — bien que débutant avec Nebucadnetsar, et devant durer jusqu’à la délivrance de Jérusalem (Luc 21:24) — revêtent maintenant le caractère extérieur du christianisme. Tant que l’Église est laissée ici-bas, le Saint-Esprit qui y habite, retient le développement du mal tel qu’il sera manifesté après son départ. Le témoignage de la Parole est celui-ci, que loin de s’être instruites dans la connaissance du vrai Dieu, et rendues obéissantes, les nations sont mûres pour une rébellion qui éclatera complète aux derniers jours.

Sans doute elles ont, depuis des siècles, cessé d’exister sous leur forme première dont il ne reste plus que des débris épars, mais l’Écriture nous annonce la résurrection du quatrième empire, n’en déplaise à l’homme du monde qui ne croit pas que ces choses auront lieu, mais le simple croyant qui s’appuie sur la parole de Dieu sait d’avance bien des choses qu’ignore le plus sage d’entre les hommes politiques.

Quelle surprise sur la scène du monde lorsque l’Empire romain y reparaîtra parfaitement constitué ! « Ceux qui habitent sur la terre… s’étonneront en voyant la bête — qu’elle était, et qu’elle n’est pas, et qu’elle sera présente » (Apocalypse 17:8).

Voilà ce qui revêt d’un tel intérêt prophétique, cette partie historique de Daniel.

Le premier acte de l’homme représentant la monarchie absolue, c’est d’établir l’idolâtrie sous peine de mort. La même chose se retrouve en Apocalypse 13:11, où la seconde bête n’est autre que l’Antichrist. D’après 2 Thessaloniciens 2:4, il s’élèvera dans le temple de Dieu à Jérusalem et se fera adorer, et non seulement cela, mais il établira aussi une image de la première bête et la fera adorer. Par sa puissance satanique, il donnera la parole à l’image et condamnera à mort tous ceux qui lui refusent obéissance.

Quand viendront ces terribles jours, Dieu n’aura sur la terre d’autres témoins que les Juifs, le résidu juif. L’Église aura été ravie auprès du Seigneur. Le Saint-Esprit aura été retiré par sa venue, mais il accomplira un travail de repentance dans l’âme du résidu, dont plusieurs braveront la mort plutôt que de fléchir le genou devant les faux dieux. Quelles consolations ne trouveront-ils pas dans les Écritures prophétiques durant le temps de « la grande tribulation » ! La parenthèse de l’Église leur sera un chapitre d’histoire, leurs yeux cherchant Christ qui va revenir, non plus sur la nuée, mais sur la montagne de Sion, non pour les prendre à Lui comme nous, mais pour les bénir sur la terre et anéantir tous leurs ennemis.

Sadrac, Méshac et Abed-Négo, ces fidèles d’un autre âge, auront une voix pour le résidu en détresse. Précieuses en tout temps, leurs expériences le seront doublement dans des circonstances identiques. « Si quelqu’un a des oreilles, qu’il écoute ! Si quelqu’un mène en captivité, il ira en captivité ; si quelqu’un tue par l’épée, il faut qu’il soit tué par l’épée. C’est ici la patience et la foi des saints » (Apocalypse 13:9-10).

Les traits distinctifs du résidu au temps de Daniel, se retrouveront les mêmes à la fin : une entière séparation de tout ce que la loi condamne (Daniel 1), l’intelligence de la pensée de Dieu (chap. 2), le rejet absolu des faux dieux (chap. 3). Les mêmes principes sont de tous les temps, mais en étudiant Daniel, il est bon de se souvenir qu’il s’agit des Juifs de l’économie mosaïque.

Daniel 4 place sous nos yeux ce caractère particulier au temps des nations, l’effort constant de l’homme pour s’élever, s’exalter lui-même. Fit-il jamais autre chose ? En remontant jusqu’au jardin d’Eden, une seule exception se présente, Dieu fait Homme, qui, Lui, s’est abaissé jusqu’à la place de dépendance et d’obéissance. Sa nourriture était de faire la volonté de son Père, accomplie en toute soumission jusqu’à la mort, la mort même de la croix.

Depuis l’introduction du péché dans le monde, l’homme livré à lui-même s’est constamment détourné de Dieu. « Il n’y a personne qui recherche Dieu » (Romains 3:11). Il est tristement vrai de tous, que comme des brebis, nous nous sommes égarés, chacun cherchant son propre chemin. La possession du pouvoir conduit toujours l’homme à s’élever outre mesure. Nebucadnetsar châtié et humilié, présente un avertissement solennel à l’égard de ces péchés qui nous enveloppent si aisément, l’orgueil et la hauteur d’esprit.

Tout ce que la « haute critique » trouve dans ce chapitre, c’est une histoire faite à plaisir, sortie, non du cerveau de Daniel, mais de quelque Juif de Palestine ayant évoqué le souvenir de vieilles traditions. Il est bon de mettre les âmes simples en garde contre ces conducteurs religieux de la chrétienté, lesquels ont commencé par abandonner toute foi honnête et réelle à l’inspiration des Écritures et qui finiront par plonger une génération dans l’océan ténébreux de l’apostasie et du désespoir.

Un temps d’avertissement précède toujours l’exécution du jugement. Nebucadnetsar avait reçu le sien douze mois à l’avance dans un songe de la nuit ; une fois encore, il en cherche vainement l’interprétation auprès des devins, des magiciens de son empire. L’homme du monde ne prête aucune attention à ces signaux d’alarme placés le long du chemin par la miséricorde divine ; il n’en saisit point l’importance. Mais voici de nouveau Daniel retrouvant pour le roi sa terrible vision et lui en donnant l’interprétation. Sans craindre les conséquences, il s’acquitte du message que Dieu lui a confié, l’accompagnant d’une exhortation solennelle qui, écoutée, pouvait encore détourner le coup.

Mais non, elle n’est pas écoutée ! L’avertissement demeure sans effet. Douze mois s’écoulent durant lesquels l’orgueilleux monarque devient de plus en plus fier de sa grandeur, exaltant sa propre renommée au milieu des merveilles qu’il a créées par la puissance de sa force et pour la gloire de sa magnificence. Quelle place Dieu avait-il dans ses pensées ?… « La parole était encore dans la bouche du roi, qu’une voix tomba des cieux : Roi Nebucadnetsar, il t’est dit : Le royaume s’en est allé d’avec toi ».


10 - Chapitre 4 — Sept temps

On ne peut que le répéter, ces incidents du livre de Daniel ont une portée qui s’étend bien au delà de l’histoire, et ceux que n’auront pas séduits les misérables insinuations de l’incrédulité, accepteront sans peine les miracles qu’ils enregistrent. Aux contredisants il suffit de répondre, comme jadis le Seigneur, aux sadducéens rationalistes niant la résurrection des morts : « N’est-ce pas à cause de ceci que vous errez, c’est que vous ne connaissez pas les Écritures, ni la puissance de Dieu ? » (Marc 12:24). Pour Dieu toutes choses sont possibles.

Qu’il s’agisse de nations ou seulement d’individus, la vraie grandeur ne peut être atteinte ou maintenue qu’en donnant à Dieu la place qui Lui est due. Nebucadnetsar apprend à ses dépens : « qu’il est puissant pour abaisser ceux qui marchent avec orgueil », et tôt ou tard chacun doit l’apprendre à son tour. Sept années durant, l’orgueilleux souverain est rayé de la liste des humains, sa part est avec les bêtes des champs, jusqu’au moment où de ses lèvres tombe la tardive reconnaissance de la majesté divine devant laquelle « tous les habitants de la terre sont réputés comme néant, et il agit selon son bon plaisir dans l’armée des cieux et parmi les habitants de la terre ; et il n’y a personne qui puisse arrêter sa main et lui dire : Que fais-tu ? »

Pour nous, l’interprétation du songe embrasse une période bien plus importante que la seule destinée de Nebucadnetsar. La durée du jugement « sept temps », introduit une mesure symbolique qui se retrouve plus tard dans ce livre ; sept temps signifient sept années, et dans ce chapitre doivent être pris dans les deux sens de la durée exacte du châtiment, et du cycle complet, à l’issue duquel les nations aussi apprendront à se soumettre au Dieu Très-haut.

Le titre que Daniel donne à Dieu, et que Nebucadnetsar reconnaît au chapitre précédent, est encore une de ces évidences indirectes de leur inspiration, dont les Écritures abondent. Tous ceux qui les étudient connaissent l’importance du nom particulier sous lequel Il se révèle dans telle circonstance donnée. Un verset suffit pour nous le dire : « Je suis apparu à Abraham, à Isaac et à Jacob, comme le Dieu Tout-puissant ; mais je n’ai pas été connu d’eux par mon nom de l’Éternel » (Exode 6:3).

Les patriarches le connaissent comme le Tout-puissant ; Israël comme l’Éternel ; les chrétiens comme Père, tandis que pour les saints du millénium il sera le Très-haut. La discussion serait hors de place ici, mais on ne peut que plaindre tant de pauvres égarés, qui, aveugles devant les Écritures, perdent leur temps et leur savoir à des théories de leur choix.

Les Écritures, non seulement sont inspirées par l’Esprit de Dieu, mais réclament encore l’assistance de l’Esprit pour se faire comprendre (1 Corinthiens 2:9-16). Ni la pensée, ni la parole de Dieu, ne seront jamais saisies par la science humaine. L’homme simple et illettré possédant l’Esprit, trouvera la vérité de Dieu telle que les Écritures la renferment, la trouvera et l’enseignera pour le plus grand bien de tous, tandis que la « haute critique », toujours pourvue de ses armes offensives, demeurera dans les ténèbres de l’homme naturel qui ne reçoit pas les choses de l’Esprit.

Lorsque Daniel eut compris le songe, l’effet sur lui fut tel « que ses pensées le troublèrent ». Nebucadnetsar avait vu « un arbre au milieu de la terre », symbolisant sans doute en premier lieu la personne du monarque : « C’est toi, ô roi ». Mais, étant le premier des empires gentils, il est en même temps l’exemple de tous les autres, et l’Écriture emprunte souvent l’image d’un arbre pour signifier l’homme dans le déploiement de son orgueil (Voyez Ézéchiel 31). Elle dit aussi : « L’homme qui est en honneur et n’a point d’intelligence, est comme les bêtes qui périssent » (Psaume 49:20), ce que prouve surabondamment l’histoire du roi de Babylone, ce que prouve encore l’histoire de chaque système politique qui lui a succédé jusqu’à nos jours.

Le mal existant réclame l’établissement du gouvernement. Dieu lui-même l’institue : « Par moi les rois règnent, et les princes statuent la justice » (Proverbes 8:15). Quand, en raison de leurs péchés, les Juifs sont pour un temps mis de côté et le trône de Jérusalem renversé, l’arbre des gentils est planté au milieu de la terre, grandissant, s’élevant de plus en plus, portant du fruit en abondance, et abritant sous ses branches des animaux de toute espèce.

N’en a-t-il pas été de même de toute l’activité et du commerce des nations ? Et à qui les hommes attribuent-ils leur prospérité, leurs richesses ? N’est-ce pas à eux-mêmes, à leurs talents, à leur intelligence ? Mais dit la Parole : « Mon fruit est meilleur que l’or fin, même que l’or pur, et mon revenu meilleur que l’argent choisi » (Proverbes 8:19). À cette remarque, l’homme du monde sourira ironiquement, mais n’est-il pas positif que là où les richesses s’amassent rapidement, Dieu n’a guère de place ? Ne suffit-il pas pour s’en convaincre de jeter un coup d’œil sur les mines d’or d’Australie et de Californie, et de voir aujourd’hui [19° siècle] ce qui se passe au Klondyke ou à Johannesburg ?

On objectera peut-être que ces lieux sont hantés par des gens mal famés, sans crainte de Dieu, tandis que les gouvernements sont tout autre chose. Mais le livre de Daniel nous enseigne — et de quelle façon solennelle ! — que depuis le règne de Nebucadnetsar, jusqu’au moment où le Seigneur viendra gouverner les nations, ce qui caractérise tout le système politique du monde est l’oubli de Dieu et le mépris de sa Parole, — ceci se développant chaque jour davantage. Le 7e chapitre établira cela plus clairement encore, bien qu’ici nous voyions déjà, que « son cœur d’homme est changé et qu’un cœur de bête lui est donné ».

Ce qui confère de la dignité à l’homme, c’est de regarder en haut, de marcher dans la crainte de Dieu ; le contraire distingue la création inférieure qui n’a ni conscience, ni sens moral. Les empires gentils étaient païens naturellement, et quand même force leur fût, comme dans le cas de Nebucadnetsar, de reconnaître le vrai Dieu, combien vite la leçon fut oubliée !

Suppose-t-on peut-être que, christianisées, ces nations en sont devenues meilleures ? De par l’autorité impériale, il est vrai, les idoles furent abolies sous Constantin, le christianisme établi comme religion d’état, mais cela change-t-il le cœur ? La seule foi au Seigneur Jésus-Christ rend chrétien autrement que de nom. Et tout en reconnaissant le changement merveilleux opéré par le christianisme sur la face de la terre, nous demandons : Quelle est la nation qui prétend rechercher la pensée de Dieu pour la direction de ses affaires, se conformer à sa Parole ? Que dirait-on d’un discours politique dans lequel la Bible serait citée autrement qu’on ne cite un ouvrage classique ?

L’Écriture enseigne que même en tenant compte des souverains qui peuvent avoir la crainte de Dieu, les nations sont toutes caractérisées par « le cœur de bête » quant à Dieu, se souciant seulement de satisfaire leur propre orgueil et leurs convoitises. Mais les « sept temps » prendront fin avec les « temps des nations ». Le Très-haut sera reconnu par les nations, les rois et les gouverneurs, comme Celui « dont toutes les œuvres sont vérité, et les voies jugement ».

Rétabli dans ses bénédictions premières sous le sceptre jadis rejeté du Christ, reconnu maintenant comme l’Éternel, son roi, Israël deviendra le centre terrestre des bénédictions millénaires qui doivent apporter bonheur et paix à toutes les nations sous le ciel. « Nations, réjouissez-vous avec son peuple… Il y aura la racine de Jessé, et il y en aura un qui s’élèvera pour gouverner les nations ; c’est en lui que les nations espéreront » (Romains 15:10-13).


11 - Chapitre 5 — L’écriture sur la muraille

Le cadre de notre sujet ne comporte pas une réponse aux attaques des rationalistes quant à l’authenticité de ce livre et à l’exactitude de son texte. Nous n’y ferions pas même allusion, n’était qu’elles représentent les vues les plus avancées de l’incrédulité à l’endroit de cette portion de la parole de Dieu.

Nombre d’objections soi-disant triomphantes, ont déjà reçu leur réponse satisfaisante, et si quelques points sont obscurs, la sagesse prendra patience en attendant que Dieu donne une pleine lumière.

Le chrétien accepte implicitement ces oracles divins qui ont parlé à son cœur et à sa conscience il n’a que faire, lui, du témoignage des monuments assyriens et des stèles de Babylone, dont la providence de Dieu se sert toutefois, les faisant ainsi sortir de la poussière des siècles pour confondre les rationalistes dans leurs menées contre l’exactitude historique de la Bible, et nul ne connaît leur existence mieux que les promoteurs de la « haute critique ».

Nous avons déjà indiqué les chapitres 3 et 4, comme révélant le caractère moral de la puissance gentile d’un bout à l’autre de son existence. Voici maintenant la manifestation du mal qui doit infailliblement attirer le jugement sur le dernier représentant du système universel inauguré par Babylone sous Nebucadnetsar. Celui-ci, orgueilleux insensé, s’était vu arrêté dans sa coupable voie par la discipline du Dieu des cieux, tandis que Belshatsar est laissé libre de poursuivre la sienne jusqu’à une limite irrémédiable. Nebucadnetsar avait persécuté le peuple de Dieu ; Belshatsar se pose en antagoniste de Dieu même. Impie et profane, il est cause de sa propre ruine et de la chute de Babylone.

Les péchés de Juda lui avaient valu d’être emmené captif loin du pays de l’Éternel. « Le Seigneur a été comme un ennemi » (Lamentations 2:5). Il a « rejeté son autel, répudié son sanctuaire », mais cela excuse-t-il l’orgueilleuse insulte de Belshatsar ? Il y a telle limite au delà de laquelle le péché ne peut demeurer impuni. Le châtiment ainsi exécuté sur la première monarchie gentile, retombera également sur la dernière, dans un avenir peut-être rapproché. Quant à la nature du blasphème, nous la retrouverons au chapitre 7.

« Le roi Belshatsar fit un grand festin ». Célèbre déjà par sa magnificence, Babylone se surpasse encore ici, déployant une pompe royale sans aucun précédent. Son roi, sa cour, s’abandonnent fiévreusement aux caprices de leurs convoitises et de leur cœur dépravé. Une orgie marque la fin de toute la grandeur de Babylone. On ne se souvient de Dieu que pour s’en moquer et l’insulter. « Belshatsar, comme il buvait le vin, commanda d’apporter les vaisseaux d’or et d’argent que son père Nebucadnetsar avait tirés du temple qui était à Jérusalem, afin que le roi et ses grands, ses femmes et ses concubines, y bussent ». Ivres de plaisirs et de péchés, « ils burent du vin et louèrent les dieux d’or et d’argent ». Quel tableau du monde sans Dieu ! Et combien souvent des scènes qui ressemblent à celle-ci ne se produisent-elles pas au cœur même de la chrétienté !

Le sort de Babylone avait été prédit de longues années auparavant. Cent cinquante ans environ avant cette nuit fatale, Ésaïe le prophète décrivait la chute de la grande cité, nommant par son nom, bien avant sa naissance, l’homme désigné pour l’accomplissement du jugement (Ésaïe 44:28 ; 45:1).

Plus tard, quand sonna l’heure de la destruction, Seraïa, « premier chambellan », est délégué par Jérémie pour lire devant le peuple toutes les paroles prononcées contre Babylone (Jérémie 50 et 51). Mais sans qu’on l’écoute et sans que cela arrête la marée montante du péché, arrivée maintenant à son apogée et que vient confondre, sous les yeux du souverain terrifié, l’écriture sur la muraille.

D’aveugle qu’il était, il voit maintenant. Des consciences réveillées commencent à parler. Ces cœurs qui l’instant d’avant ne battaient que pour le plaisir sont soudain pris d’une angoisse indicible. Pareil saisissement se reproduira au milieu de la chrétienté que ses privilèges rendent autrement coupable encore que Babylone. Les caractères de la Babylone de Nebucadnetsar et de Belshatsar, se retrouvent en effet dans l’Apocalypse, comme traits moraux de la Babylone spirituelle dont la formation avance si rapidement.

Nous ne pouvons nous étendre sur la fin du chapitre, si connu du reste dans tous ses détails, si souvent reproduits. L’effarement du roi, l’ignorance de tous les sages de Babylone qui « ne peuvent lire l’écriture, ni faire connaître au roi l’interprétation », ceux-ci ne se retrouvent-ils pas aujourd’hui, les rationalistes, les émules de la haute critique, et tant d’autres ? Mais voyez Daniel : sa séparation de cœur d’avec le monde, est la source de son intelligence spirituelle : « Le secret du Seigneur est pour ceux qui le craignent ». Voyez-le calme et digne devant le roi, rendant son témoignage sans souci de sa personne, tableau vraiment instructif et qui réclame nos sérieuses méditations.

« En cette nuit-là, Belshatsar, roi des Chaldéens, fut tué ».


12 - Chapitre 6 — La fosse aux lions

Avec ce chapitre se termine la partie historique du livre, mais nous avons déjà remarqué qu’elle contient pour nous beaucoup plus que de l’histoire.

La destruction de Babylone mentionnée au chapitre 5, typifie sans doute celle du système portant le même nom en Apocalypse 17. Daniel, Ésaïe, Jérémie présentent le jugement de la cité terrestre, tandis que celui de la Babylone symbolique et spirituelle se trouve dans l’Apocalypse. La fausse gloire et l’idolâtrie sont les traits distinctifs de l’une et de l’autre. « C’est un pays d’images taillées, et ils sont fous de leurs affreuses idoles » (Jérémie 50:38), est-il écrit de Babylone, « Babylone, l’orgueil des royaumes, la gloire de l’orgueil des Chaldéens » (Ésaïe 13:19). Et de ce vaste système religieux en formation, nous lisons : « Elle était vêtue de pourpre et d’écarlate, et parée d’or et de pierres précieuses et de perles, ayant dans sa main une coupe d’or pleine d’abominations ; et il y avait sur son front un nom écrit : Mystère, Babylone la grande, la mère des prostituées et des abominations de la terre » (Apocalypse 17:4-5).

Le rôle joué par Darius présente en type une autre forme de mal caractérisant la puissance gentile à la fin, et devant attirer sur elle le juste jugement de Dieu. D’aucuns pourront taxer d’exagérée l’idée de chercher ici des symboles, mais il est positif que, quel que soit l’intérêt du récit, il dépasse en portée le fait historique. Sans doute, nous avons à nous tenir en garde contre toute surprise de l’imagination en expliquant la Parole, mais peut-on nier, d’autre part, que la plus grande partie de l’Écriture ait un caractère typique ? La prophétie est explicite sur ce point qu’un homme s’élèvera et se mettra à la place de Dieu, et sans vouloir mettre Darius au même rang que l’Antichrist, le monarque persan, dans sa folle vanité, encouragé par son entourage, ne fournit-il pas quelques-uns des traits qui, plus tard, imposeront au monde l’homme de péché avec toute la puissance de Satan ? Il s’élèvera comme dieu dans le temple de Dieu. Nous retrouverons fréquemment dans la suite du livre, ce terrible caractère de la fin.

Mais il en est d’autres qui, tout en lui ressemblant, ne doivent néanmoins point être confondus avec lui. La première bête d’Apocalypse 13 et celle de 17, ne sont point l’Antichrist, bien que les deux aient quelques traits en commun, d’abord cette volonté de se faire adorer. « Et ils rendirent hommage au dragon, parce qu’il avait donné le pouvoir à la bête ; et ils rendirent hommage à la bête, disant : Qui est semblable à la bête ? » (Apocalypse 13:4).

Nous ne voudrions pas affirmer que l’Antichrist ou la Bête soit typifié ici à l’exclusion l’un de l’autre, seulement la forme d’iniquité en évidence, c’est l’exaltation de l’homme voulant se faire égal à Dieu, et partout dans les Écritures elle est marquée pour le jugement. La Bête et le faux prophète — qui représentent le chef de l’Empire romain et l’Antichrist — la manifestent au plus haut degré, aussi quelle terrible sentence s’exécutera sur eux quand, avec tous ses saints, Christ apparaîtra en gloire comme « Roi des rois et Seigneur des seigneurs » : — ils seront tous deux jetés vifs dans l’étang de feu embrasé par le soufre (Apocalypse 19:11-21).

N’oublions pas que, même sous ce sceptre apostat, il y aura des saints sur la terre. L’Église, enlevée au ciel à la venue du Seigneur dans les nuées (1 Thessaloniciens 4), avec tous les saints célestes, mais les saints terrestres, un résidu juif converti après leur départ, traversera toute la période terrible du règne de la Bête. Daniel en est un type dans ce chapitre. Leur fidélité au Seigneur sera mise à l’épreuve par des persécutions atroces desquelles plusieurs seront délivrés, tandis que d’autres deviendront des martyrs (Apocalypse 13:15). Mais telle sera la tribulation de ces jours-là que, « s’ils n’eussent été abrégés, nulle chair n’eût été sauvée ; mais à cause des élus, ces jours-là seront abrégés » (Matthieu 24:22). La patience leur sera nécessaire avant tout : « Celui qui persévérera jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé » (Matthieu 24:13). Il n’est point question ici du salut de l’âme, mais de la délivrance des persécutions.

La fidélité de Daniel, type du résidu fidèle aux derniers jours, est bien de nature à encourager les saints de toutes les dispensations, à poursuivre avec constance la course qui leur est proposée, avec fermeté et obéissance à la Parole, quelles que puissent en être les conséquences.

Il ne nous est pas dit comment Daniel, sous le règne de Darius, était arrivé à la position éminente où nous le retrouvons dans ce chapitre. En vue de l’accomplissement de ses desseins, Dieu lui faisait trouver faveur auprès du roi, et naturellement cette faveur lui attirait les rancunes, l’envie, la jalousie des présidents et des satrapes. L’intention avérée de se porter contre lui, échouait toujours devant ce caractère absolument irréprochable. Dans tout ce qui touchait aux affaires du royaume, « il était fidèle, et aucun manquement ni aucune faute ne se trouva en lui ».

Fidèle au maître terrestre, mais rendant avant tout implicite obéissance à son Dieu. Ses ennemis le savaient, et si bien, qu’ils y découvrirent la seule chance de se débarrasser de celui qui, par son intégrité et sa droiture, leur était un constant reproche. « Nous ne trouverons dans ce Daniel aucun sujet d’accusation, à moins que nous n’en trouvions contre lui à cause de la loi de son Dieu ».

Voilà donc ces misérables poursuivant leurs intrigues jusqu’à la promulgation de l’impie décret, défendant toute prière offerte à un autre qu’au roi, et cela sous peine d’être jeté vivant dans la fosse aux lions.

À quelle épreuve la foi et l’obéissance de Daniel sont maintenant soumises ! Mais sans un instant d’hésitation, « quand il sut que l’écrit était signé, il entra dans sa maison… il s’agenouillait sur ses genoux… et priait et rendait grâce devant son Dieu comme auparavant ».

Captif en pays ennemi, bien loin de la cité chérie et du temple de l’Éternel, il s’approprie néanmoins les ressources de la divine grâce si merveilleusement rappelées par Salomon lors de la dédicace du temple, au milieu de tant de gloire (1 Rois 8). Les temps avaient changé, le peuple aussi, Dieu seul demeure le même. Quelle leçon pour l’Église en ces temps de déclin et de ruine !

Un instant les ennemis de Daniel croient triompher. « Ces hommes s’assemblèrent en foule et trouvèrent Daniel qui priait et présentait sa supplication devant son Dieu ». Ignorait-il l’édit du roi ? Ne savait-il pas que la loi des Mèdes et des Perses, « ne peut être abrogée ? » Ne voyait-il pas devant lui la fosse aux lions ? Oui, il était au courant de tout, mais ainsi que naguère ses trois compagnons de captivité, il s’appuie sur le Dieu vivant et s’enrôle dans cette noble nuée de témoins qui, « par la foi, subjuguèrent des royaumes, accomplirent la justice, obtinrent les choses promises, fermèrent la gueule des lions, éteignirent la force du feu, échappèrent au tranchant de l’épée, de faibles qu’ils étaient furent rendus vigoureux » (Hébreux 11:33-34).

Avec quel zèle ils accourent auprès du roi, ces cruels persécuteurs… « Daniel, qui est d’entre les fils de la captivité de Juda, ne tient pas compte de toi ». L’accusation tombait juste dans ce sens que l’obéissance à Dieu demandait ici l’oubli de tout le reste. Si Daniel était fidèle au maître terrestre dans toutes les affaires du royaume, il était avant tout, et de l’aveu même du roi, « le serviteur du Dieu vivant », le Dieu qui le délivra de la gueule des lions, comme il avait délivré de la fournaise de feu ardent, Shadrac, Méshac et Abed-Nego. La gueule des lions fût fermée, le prisonnier libéré ; mais qu’advint-il de ses oppresseurs ? « Les nations se sont enfoncées dans la fosse qu’elles ont faite ; au filet même qu’elles ont caché, leur pied a été pris » (Psaume 9:15).

Il en sera de même lorsque le Seigneur apparaîtra sur la montagne de Sion pour la délivrance de son peuple persécuté. « L’Éternel s’est fait connaître par le jugement qu’il a exécuté ; le méchant est enlacé dans l’œuvre de ses mains ». De deux manières seulement le Seigneur peut être connu, en grâce maintenant, plus tard en jugement, le salut aujourd’hui, sinon la perdition éternelle.

Quelque fictives ou improbables que la haute critique essaie de rendre ces pages inspirées, elles demeurent néanmoins pour le croyant une figure d’événements qui, d’après d’autres parties des Écritures, ne sont plus qu’à courte échéance — et elles seront plus tard la force et le soutien des saints, dans la lutte qu’ils auront à soutenir contre toute la puissance de Satan.

« Toute écriture est inspirée de Dieu » (2 Timothée 3:16).


13 - Chapitre 7 — Les visions de Daniel

Même un lecteur superficiel ne peut manquer d’observer un changement complet dans le style de l’écrivain, à partir du chapitre auquel nous sommes arrivés.

Pour commencer, l’ordre des événements est strictement chronologique. Le chapitre premier, ainsi que nous l’avons déjà remarqué, sert de préface à l’ensemble du livre, faisant en même temps un beau tableau du résidu fidèle au milieu de la ruine générale. L’obéissance absolue à la parole de Dieu le caractérise en tout et partout.

Au dernier verset de ce même chapitre, nous lisons que « Daniel fut là jusqu’à la première année du roi Cyrus ». Il clôt l’introduction ; de même le verset 28 du 6e chapitre : « Daniel prospéra pendant le règne de Darius et pendant le règne de Cyrus, le Perse », termine la portion historique. Au chapitre 2, l’auteur retourne en arrière pour décrire les songes et les visions d’un monarque antérieur, d’une dynastie antérieure à celle de Cyrus. Les chapitres 2 à 7 décrivent, sous de sombres couleurs, le caractère moral des grands empires qui se succèdent durant « le temps des nations », qui commence avec Nebucadnetsar, 607 ans A. C., et se continue encore aujourd’hui. Même vue rétrospective au chapitre 7 où, interrompant l’ordre chronologique, le prophète nous reporte à une vision qui lui vint alors dans la nuit, au temps de Belshatsar, roi de Babylone.

La partie du livre étudiée jusqu’ici est historique, quand bien même ces récits historiques revêtent toujours un caractère prophétique et symbolique. Mais ce qui suit maintenant est simplement prophétique, quoique révélé en grande partie au moyen d’images et de figures. Eclairés quant au caractère moral des gentils, à leur condition devant Dieu, nous avons à les voir dans leurs relations avec les Juifs, principalement pour des jours encore à venir.

C’est pourquoi, à partir du 7e chapitre, c’est le prophète lui-même et non le roi qui reçoit les visions. Pourquoi l’Éternel n’envoie-t-il pas directement Daniel au peuple avec les paroles : « Ainsi dit l’Éternel » ? Jérémie, peu de temps auparavant, n’avait-il pas reçu l’ordre « d’aller crier aux oreilles de Jérusalem » ? (Jérémie 2:1). Pourquoi la nation semble-t-elle ignorée, le prophète étant seul en cause ? Hélas ! le moment est arrivé où Dieu ne peut plus reconnaître le peuple juif comme son peuple. Après les iniquités de Manassé et autres rois de Juda, sans même parler d’Israël, c’eût été tolérer le péché que de leur conserver la même position en rapport avec Lui. « Si nous sommes incrédules, Lui demeure fidèle ; il ne peut se renier lui-même » (2 Timothée 2:13). Ce principe demeure toujours vrai.

Dieu est un Dieu de gouvernement aussi bien que de grâce ; sous l’effet de cette dernière il a choisi Israël pour être à Lui, le faisant monter hors d’Égypte, et à cause de cela, « parce que je vous ai connus, vous seuls, de toutes les familles de la terre,… je visiterai sur vous toutes vos iniquités. Deux hommes peuvent-ils marcher ensemble s’ils ne sont pas d’accord ? » (Amos 3:1-4). À cause de leur idolâtrie, il est obligé de les livrer aux mains de Nebucadnetsar, mais, loué soit son nom ! même à Babylone, le résidu fidèle peut marcher avec Lui. Souvenons-nous bien que ceci ne touche en rien la question du salut qui repose sur l’œuvre de la croix par laquelle tout croyant est en sûreté pour l’éternité. Christ donne la vie éternelle à ses brebis, elles ne périront jamais, et nul ne les ravira de sa main (Jean 10). Leurs péchés et leurs manquements peuvent nécessiter le châtiment, châtiment allant même jusqu’à la mort du corps (1 Corinthiens 11:30), mais toujours envoyé dans un but de grâce et pour qu’ils ne soient pas condamnés avec le monde (v. 32).

Une autre grande vérité a sa place ici, les voies de Dieu en gouvernement. Israël comme nation en est le centre quant à la terre. Un passage bien connu de l’Ancien Testament, Deutéronome 32, établit en langage prophétique, au début de son histoire, le principe sur lequel Dieu agira en jugement, pour bénir plus tard toutes les nations de la terre. « Quand le Très-haut partageait l’héritage aux nations, quand il séparait les fils d’Adam (Genèse 10), il établit les limites des peuples selon le nombre des fils d’Israël. Car la portion de l’Éternel, c’est son peuple ; Jacob est le lot de son héritage » (v. 8-9).

Tiré d’un pays de servitude, l’Égypte, conduit au travers du désert, gardé comme la prunelle de son œil, Israël avait l’Éternel seul pour guide, et il n’y avait pas avec Lui de dieu étranger. « Mais Jeshurun s’est engraissé, et a regimbé : tu es devenu gras, gros, replet ; et il a abandonné le Dieu qui l’a fait, et il a méprisé le Rocher de son salut. Ils l’ont ému à jalousie par des dieux étrangers ». Cette idolâtrie, commencée avec le veau d’or du mont de Sinaï, continua pendant toute la traversée du désert, et atteignit son point culminant en Palestine, sous Manassé, roi de Juda (2 Rois 24:3), en sorte que l’Éternel eut à leur dire : « Je leur cacherai ma face… car ils sont une génération perverse, des fils en qui il n’y a point de fidélité » (Deutéronome 32:20). En justice, il pouvait faire périr leur mémoire, mais qu’en eussent dit leurs ennemis ? (v. 26-27). Mais après tout, les ennemis d’Israël étaient les ennemis de l’Éternel (v. 41).

Il pouvait se servir des nations, l’Assyrie, Babylone, etc., comme d’une verge pour châtier son peuple, mais la verge elle-même sera brisée en raison de sa propre iniquité (Jérémie 25:12-34). « À moi la vengeance et la rétribution, au temps où leur pied bronchera. Car le jour de leur calamité est proche, et ce qui leur est préparé se hâte » (Deutéronome 32:35). Et la nation apostate échappera-t-elle en ce jour-là ? Non, « car l’Éternel jugera son peuple ». Qu’en sera-t-il alors du résidu fidèle ? Il « se repentira en faveur de ses serviteurs » (v. 36). Mais tout à la fin, APRES que le jugement, et quel jugement ! aura fait son œuvre, les nations seront bénies de la même bénédiction que son peuple Israël. « Réjouissez-vous, nations, avec son peuple ; car il vengera le sang de ses serviteurs, et il rendra la vengeance à ses adversaires, et il pardonnera à sa terre, à son peuple » (v. 43).

Dans ce 32e chapitre du Deutéronome, comme dans plusieurs autres, il s’agit d’une façon générale de nations ennemies d’Israël. Mais ailleurs, nous trouvons deux classes différentes de gentils, soigneusement distinguées l’une de l’autre, soit quant au temps où leur inimitié se manifeste, soit quant aux circonstances de leur jugement.

Du temps où les Juifs étaient le peuple reconnu de Dieu, le temple étant debout, les vois de Juda occupant le trône à Jérusalem, le grand empire d’Assyrie se montrait un formidable ennemi. De moins redoutables, la Syrie, l’Égypte, levaient aussi la tête, mais le premier demeurait le plus à craindre. Fait remarquable dont la prophétie nous informe : une fois rentré dans son pays, Dieu renouant ses relations avec lui, Israël retrouvera son terrible antagoniste, l’Assyrien. Un seul passage suffit pour le prouver. « Et il arrivera que quand le Seigneur aura achevé toute son œuvre contre la montagne de Sion et contre Jérusalem, je visiterai le fruit de l’arrogance du cœur du roi d’Assyrie et la gloire de la fierté de ses yeux » (Ésaïe 10:12).

Seulement il n’y a plus d’Assyrien aujourd’hui, objectera-t-on peut-être. Soit, mais le Seigneur a-t-il déjà achevé toute son œuvre sur la montagne de Sion ? Évidemment pas. Le rôle donc de l’Assyrien aura encore une phase. Le prophète Ézéchiel, chapitres 38 et 39, en rapport avec d’autres Écritures, indique clairement qu’il sera le dernier ennemi à combattre avant l’introduction de la bénédiction finale durant le millénium. Géographiquement il doit occuper le territoire connu maintenant sous le nom de Turquie d’Asie, ainsi que le vaste empire asiatique en création sous les auspices de la Russie.

En rapport avec ce sujet, notons la manière dont il répond à un passage de l’épître de Pierre. « Aucune prophétie de l’Écriture ne s’interprète elle-même » (2 Pierre 1:20). Souvent mal compris, ce verset signifie que toute prophétie des Écritures s’étend au delà de son interprétation isolée. Voyons à l’appliquer au sujet qui nous occupe, l’Assyrien.

Lorsque Ésaïe prononçait son témoignage inspiré, l’Assyrien était à l’apogée de sa gloire, étendant ses limites au travers de la Palestine, jusqu’aux portes même de Jérusalem. « Il est arrivé à Aïath, il a traversé Migron, et il a déposé ses bagages à Micmash. Ils ont passé le défilé, ils ont dressé leur camp à Guéba. Rama tremble. Guibha de Saül a pris la fuite », etc (Ésaïe 10:28-34).

Mais tandis que, par l’Esprit, Ésaïe est conduit à parler des circonstances du moment, il voit, bien loin devant lui, un temps à venir auquel s’appliquent également ses paroles et qui en verra l’accomplissement littéral. L’Assyrien d’autrefois fut détruit avant la naissance de Babylone, tandis que dans l’avenir son jugement se produira après celui des représentants de cette puissance.

Ésaïe 14 décrit la restauration d’Israël dans son propre pays, redevenu « la terre de l’Éternel » (v. 2), et l’ordre des circonstances qui la produisent. Nous ne pouvons que les indiquer ici, laissant au lecteur l’heureuse tâche d’étudier de plus près ces passages : « L’Éternel aura compassion de Jacob et choisira encore Israël… Et les peuples les prendront et les feront venir en leur lieu ». Alors sera détruit le pouvoir de Babylone (*) (v. 4-24), après quoi : « La chose s’accomplira, de briser l’Assyrien dans mon pays », dit l’Éternel, brisé, remarquons-le bien, après Babylone !


(*) Babylone représente ici la Bête d’Apocalypse 13 et 17, la quatrième de la vision. Babylone la grande est tout autre chose.


Il n’en fut point ainsi dans le passé. La Palestine, ou Philistie, c’est-à-dire les nations à l’entour d’Israël, disparaissent, et nous apprenons par Daniel 11:41 et Ézéchiel 25, que certaines nations n’auront le même sort de la part d’Israël qu’après le jugement du roi du Nord.

« L’Éternel a fondé Sion, et les pauvres de son peuple y trouvent un refuge », telle est la réponse triomphante aux messagers du dehors.


14 - Chapitre 7:1-6 — Les quatre Bêtes

Le chapitre qui va nous occuper est bien l’un des plus intéressants parmi les Écritures prophétiques, la vision nous transportant d’un seul trait au travers de toute la période des gentils. Elle embrasse une longue suite de siècles depuis l’an 600 A. C., jusqu’à la venue du Fils de l’homme quand « on lui donnera la domination, et l’honneur, et la royauté, pour que tous les peuples, les peuplades et les langues, le servent » (v. 13-14). Ce chapitre est divisé en quatre paragraphes, aux versets 2, 7, 13, 17 ; les trois premiers commençant par ces mots : « Je voyais dans les visions de la nuit », le dernier, par « l’interprétation des choses ».

Les premiers paragraphes établissent le fait général qu’il y a quatre Bêtes, puis les trois premières sont brièvement décrites, mais, même en si peu de mots, des détails sont donnés répondant avec tant de précision à ce qui sera plus tard, que l’inspiration peut seule expliquer un fait aussi miraculeux.

Dieu présente au prophète la vue d’une mer secouée par les quatre vents des cieux. Image symbolique des nations dans un état de confusion et de chaos, souvent retracée dans les Écritures. « Malheur à la multitude de peuples nombreux ! Ils bruient comme le bruit des mers, — et au tumulte des peuplades ! Ils s’émeuvent en tumulte comme le tumulte de grosses eaux » (Ésaïe 17:12). Voyez encore Ésaïe 57:20 ; Apocalypse 17:15.

Du sein de ces vagues furieuses, de cette confusion générale, servant à l’accomplissement des desseins de Dieu, quatre grandes Bêtes montent successivement. « Les quatre vents des cieux se déchaînèrent sur la grande mer », et en effet partout où ils soufflent, c’est d’après son ordre.

En vision donc, Daniel voit les empires gentils sortant de cette masse agitée et suit leur marche ascendante, premièrement selon leur origine d’après les conseils de la providence, ensuite, au verset 17, manifestant leur origine morale : elles viennent de la terre, et non pas du ciel. Que les quatre Bêtes représentent les quatre empires déjà entrevus dans la grande statue, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Dans la première vision, l’ensemble des empires est présenté à Nebucadnetsar, tandis qu’ici Daniel les voit en détail, à mesure que l’un succède à l’autre. Imposants alors dans leur grandeur, ici dépouillés de cet éclat et ayant perdu tout lien moral avec Dieu.

« Quatre grandes bêtes », des bêtes sauvages, « montèrent de la mer ». La vie d’une bête est sans intelligence quant à Dieu, et nous avons déjà remarqué combien ce caractère marque l’ensemble des nations, depuis les jours de Nebucadnetsar jusqu’à maintenant, tandis qu’à la fin ce manque d’intelligence sera encore aggravé par la rébellion et les blasphèmes. Il est utile de remarquer, en passant, que les Bêtes de Daniel 7 ne doivent jamais être confondues avec les quatre animaux de l’Apocalypse (chap. 4). Les termes qui les désignent sont tout différents. En Daniel, ce sont des bêtes sauvages ; dans l’Apocalypse, des êtres vivants.

« La première était comme un lion ». Ici paraît l’empire babylonien déjà représenté sous cette image. Jérémie avait dépeint Nebucadnetsar « comme un lion », etc., ajoutant encore un autre symbole de la vision de Daniel. « Voici, il monte comme un gypaëte, et il vole » (Jérémie 49:19, 22). Mais ni la force du lion, ni la rapidité d’aile du gypaète, ne détournent l’humiliation de l’orgueilleuse Babylone. « Je vis jusqu’à ce que ses ailes furent arrachées ». « Et voici une autre, une seconde bête, semblable à un ours, et elle se dressait sur un côté » (v. 5). Le témoignage de l’histoire est superflu en indiquant ici l’empire Médo-Perse, Daniel lui-même ne nous laissant aucun doute à cet égard. Babylone était encore florissante sous Belshatsar lorsque la vision lui fut envoyée, mais dans la portion historique de ce livre (5:30-31), nous avons déjà vu que la nuit où le roi des Chaldéens fut tué, « Darius, le Mède, reçut le royaume ».

Le lecteur pieux ne se laissera pas troubler par la haute critique qui nie l’existence de Darius, le Mède, parce que l’histoire n’en fait pas mention. Pareil doute avait été émis sur la personnalité de Sargon, roi d’Assyrie (Ésaïe 20:1), jusqu’au moment où son nom fut découvert sur des monuments de l’époque. Plus les Écritures seront critiquées, plus aussi elles se manifesteront dignes de notre plus implicite confiance.

Le deuxième royaume, représenté par l’ours, est un composé de deux nations, dont l’une est cependant plus importante que l’autre. La vision le révèle à l’avance : « Elle se dressait sur un côté ». La même chose revient au chapitre suivant, verset 3 ; car le bélier du chapitre 8, correspond à l’ours du chapitre 7, mais avec un détail de plus : « la plus haute » — des cornes — « s’éleva la dernière ». Admirablement exacte dans tous ses détails, cette prophétie que l’histoire ancienne confirme d’un bout à l’autre, en nous parlant en premier lieu des Mèdes, et ensuite de la prépondérance prise par les Perses.

« Après cela, je vis, et en voici une autre, — comme un léopard ; et elle avait quatre ailes d’oiseau sur son dos ; et la bête avait quatre têtes » (v. 6). L’empire Grec, sous Alexandre le Grand, célèbre par la prodigieuse rapidité avec laquelle il s’étendit, est ici représenté par « quatre ailes d’oiseaux », et aussi sous une autre figure bien connue de l’histoire, et que nous retrouverons encore aux chapitres 8 et 11 de ce livre, celle d’une « bête à quatre têtes », indiquant le démembrement en quatre parties qui suivrait la mort d’Alexandre.

Nous souvenant que la vision fut donnée au prophète sous le règne de Belshatsar, roi de Babylone, c’est-à-dire avant qu’il fût même question de l’empire Médo-Perse et encore moins de celui d’Alexandre, et qu’en si peu de mots nous arrivent des détails que l’histoire signera plus tard, pouvons-nous faire autre chose que nous prosterner avec adoration devant Celui qui, en vue de sa propre gloire et de la gloire de son Fils bien-aimé, a bien voulu révéler ces choses à son serviteur Daniel, pour qu’il les fasse connaître à son tour ?

« Toutes les choses qui ont été écrites auparavant, l’ont été pour notre instruction, afin que, par la patience et par la consolation des Écritures, nous ayons espérance » (Romains 15:4).


15 - Chapitre 7:7-13 — La quatrième Bête

Ici commence la seconde division de notre chapitre. Dans la première, le prophète voit d’une façon générale quatre grandes Bêtes montant de la mer, les trois premières seulement faisant l’objet de quelques détails, brefs toujours, mais d’une remarquable exactitude.

Maintenant il s’agit exclusivement de la quatrième Bête, et il n’est pas besoin d’insister sur le fait évident qu’elle représente l’Empire romain. La captivité de Babylone avait duré soixante-dix ans, période répondant approximativement à la durée de ce premier empire, car bien que sa capitale fût de date fort ancienne — nous la trouvons déjà au 10e chapitre de la Genèse — elle avait cédé le pas à l’Assyrie. La Babylonie constituait une insignifiante province dont la cité n’était qu’un monceau de ruines. Sous Nebucadnetsar seulement, à peu près six cent sept ans A. C., elle se releva de ses cendres pour devenir somptueuse, ainsi que la voit Daniel. Sans beaucoup de calcul, on peut supposer que l’Empire Médo-Perse couvrit une période de deux cents ans ou un peu plus, depuis la chute de Babylone sous Darius le Mède, 538 A. C., jusqu’à la défaite de Darius le Perse, battu par Alexandre le Grand, à Issus, 333 ans A. C.

Quant à l’Empire grec, une fois établi, son existence plus ou moins glorieuse, dure 300 ans. Vers le milieu de son histoire, on voit un nouveau peuple qui commence à s’immiscer dans les affaires des nations, les Romains.

Vieux de quelques siècles déjà (la fondation de Rome remonte à 753 A. C.), mais n’ayant sous la forme républicaine qu’un rôle effacé, il s’affirme comme partie de voies de Dieu à l’égard de la terre, seulement à partir de sa forme impériale. C’est l’Empire romain comme tel que représente cette grande et terrible Bête.

La magnificence avait caractérisé Babylone. La rapacité et l’amour du gain furent les traits distinctifs de la dynastie perse. La rapidité des conquêtes s’attache au nom d’Alexandre le Grand. Mais ce qui distingue l’Empire romain de tous les autres, c’est la force ; il est « extraordinairement puissant ». Rien ne peut lui résister ; de ses « grandes dents de fer », il dévore tout ce qui se trouve sur son passage. Cette puissance remarquable qu’il a d’engloutir toutes les nations, le rend absolument différent de ses prédécesseurs. Ce qu’il ne pouvait absorber, il le mettait en pièces, le réduisant à la soumission.

Autre caractère distinctif et remarquable : « Elle avait dix cornes », et plus bas, verset 24, nous lisons que « ce sont dix rois qui surgiront du royaume ».

La quatrième Bête s’identifie tout naturellement avec celle que l’on rencontre si souvent dans l’Apocalypse. Au chapitre 13:1, Jean nous la montre montant de la mer, scène agitée du jour d’aujourd’hui, « avec dix cornes et sept têtes », ces dix cornes expliquées comme « dix rois qui n’ont pas encore reçu le royaume » (Apocalypse 17:12).

Une étude approfondie de ces chapitres de Daniel et de l’Apocalypse, conduit à la conviction que les dix cornes de la Bête répondent à une époque future. L’Empire romain n’a pas terminé sa carrière ; il renaîtra et interviendra à un haut degré dans les affaires de la Palestine, comme aussi de l’Europe, durant la courte mais terrible période entre l’enlèvement des saints et leur retour en gloire avec le Seigneur, pour le jugement. Arrêtons-nous un instant sur un passage bien connu et non moins remarquable en rapport avec ce sujet. « La bête que tu as vue était, et n’est pas, et va monter de l’abîme et aller à la perdition » (Apocalypse 17:8). Voici donc trois périodes bien indiquées et clairement distinctes les unes des autres. « Était » nous reporte aux gloires de l’empire, alors que, par sa puissance terrible, il dominait toutes les nations. Telle fut son étendue que son premier empereur, César Auguste, rendit un décret « portant qu’il fût fait un recensement de toute la terre habitée » (Luc 2:1).

Mais « il n’est pas » ; c’est-à-dire que comme pouvoir il a cessé d’exister ; après avoir brisé les autres, il est lui-même mis en pièces. Il ne s’agit point ici de la papauté. L’Empire romain est une puissance politique et non pas religieuse. Apocalypse 17 établit clairement la distinction ; la Bête représente le système politique, la femme montée sur la Bête, le système religieux.

Plus loin, nous lisons « qu’elle montera de l’abîme », son terrible caractère dans l’avenir. Tout à la fin des jours, précédant immédiatement l’établissement du royaume du Fils de l’homme, un vaste système politique s’étendra au travers de l’Europe, ayant Rome pour capitale, « la cité aux sept collines » (Apocalypse 22:9). La forme de son gouvernement sera impériale, non celle d’un roi établi sur ses propres sujets, mais d’un empereur ayant dix rois pour vassaux. « Les dix cornes que tu as vues sont dix rois qui n’ont pas encore reçu de royaume, mais qui reçoivent pouvoir comme rois, une heure, avec la bête » (v. 12). Jamais pareil état de choses ne s’est produit dans l’Empire romain, d’où il résulte clairement que l’époque des dix rois est encore future. La Bête a existé sans les dix rois. Si l’état fragmentaire actuel de l’Empire devait représenter le temps des dix rois, où donc est la tête impériale qui les domine ? Non, les circonstances du 17e chapitre de l’Apocalypse n’ont point encore existé : une tête impériale nommée la Bête et en même temps dix rois lui « donnant leur puissance et leur pouvoir ».

La parole de Dieu s’occupe particulièrement de ce qui arrivera à la fin des temps, des circonstances qui introduiront la venue du Fils de l’homme ; c’est pourquoi l’Esprit arrête les pensées du prophète sur l’important changement qui doit se produire ici parmi les dix rois : « Je considérais les cornes, et voici une autre corne, petite, monta au milieu d’elles, et trois des premières cornes furent arrachées devant elle » (Daniel 7:8).

Comparé avec Apocalypse 17:14, ce passage ne dit pas que ces trois cornes soient positivement détruites, mais que leur puissance est brisée ; les dix se retrouvent sur la scène plus tard, en guerre avec l’Agneau qui doit les anéantir finalement.

La petite corne prendra une importance notoire, mais notoire en perversité (v. 25). Une intelligence transcendante distinguera celui qu’elle représente : « Il y avait à cette corne des yeux comme des yeux d’homme » (v. 8), ainsi qu’une arrogance sans borne, « une bouche proférant de grandes choses ». Elle sera si active à s’occuper des affaires de la Bête, que les deux deviendront une seule et même personne. On ne peut lire Apocalypse 13:1-9, en rapport avec la petite corne de Daniel 7, sans reconnaître l’identité de la Bête « qui ouvre sa bouche en blasphèmes contre Dieu », etc (Apocalypse 13:6), avec la petite corne qui « proférera des paroles contre le Très-haut » (Daniel 7:25).

Tout semble marcher à souhait jusqu’au moment arrêté de Dieu pour l’exécution du jugement annoncé. « Je vis jusqu’à ce que les trônes furent placés » (v. 9). Il s’agit ici, non des trônes terrestres du gouvernement humain, mais des trônes célestes du jugement de Dieu. Bien que l’homme d’aujourd’hui se refuse à le croire, elle devra prendre fin cette hostilité blasphématoire contre Dieu, sa Parole, ses saints, marée montante de plus en plus furieuse qui inondera la scène après le départ de Celui qui retient (le Saint-Esprit), en même temps que l’Église (2 Thessaloniciens 2).

Le jugement, et non la conversion du monde par l’Évangile, terminera les temps des gentils. « Je vis jusqu’à ce que les trônes furent placés, et que l’Ancien des jours s’assit ». Qui est cet Ancien des jours ? Ce que nous voyons ici de lui, se rapproche tellement des traits du Fils de l’homme en Apocalypse 1, qu’il est impossible de ne pas les identifier en une seule personne. Notre chapitre conduit du reste à cette conclusion (v. 13), « quelqu’un comme un fils d’homme vint avec les nuées des cieux, et il avança jusqu’à l’Ancien des jours », tandis que le verset 22 nous informe que c’est l’Ancien des jours qui vient. C’est le Seigneur Jésus-Christ auquel, comme Fils de l’homme, tout jugement a été remis (Jean 5:27), Lui, vrai homme et vrai Dieu. Dans sa Personne bénie, nous voyons celui qui, selon la prophétie de Michée 5:2, sortant de Juda était homme, et étant dès le commencement, est Dieu.


16 - Chapitre 7:13-14 — Le royaume du Fils de l’homme

D’après la deuxième et la troisième vision versets 7-15, nous avons clairement indiqué ce que serait la fin « du temps des nations », pourquoi et comment elle se produira.

L’avenir solennel réservé à ce monde, c’est l’intervention de Dieu en jugement.

L’Ancien des jours s’assied, un fleuve de feu sort de devant Lui, des myriades de l’armée céleste se tiennent en sa présence, les livres sont ouverts. Il ne s’agit pas ici du grand trône blanc (Apocalypse 20), devant lequel les seuls réprouvés paraîtront et qui n’est dressé qu’après le millénium, mais d’un jugement atteignant des hommes vivants sur la terre, avant que le Fils de l’homme ait pris possession de son royaume. Le même juge, Christ, est établi dans les deux cas, mais ce sont deux époques différentes.

Tout en étant pleinement convaincu que Dieu jugera le monde en justice, il est solennel de considérer la cause de ce jugement : « Je vis alors, à cause de la voix des grandes paroles que la corne proférait, — je vis jusqu’à ce que la bête fût tuée ; et son corps fut détruit, et elle fut livrée pour être brûlée au feu ».

Depuis la chute de l’homme en Eden, le péché entré dans le monde s’est continuellement développé ; l’iniquité sous toutes ses formes, les crimes les plus odieux se perpétuant de siècle en siècle ; tout autant de choses qui viendront à la lumière et recevront leur juste rétribution devant le grand trône blanc, quand les morts seront jugés d’après leurs œuvres.

Ici, en Daniel 7:11:25, la cause du jugement est différente. Ce pouvoir remis aux mains des gentils, ils le tourneront à la fin contre Celui même qui l’a donné. Il importe peu que ces nations aient revêtu le manteau de la profession chrétienne, que du reste elles sont en voie d’abandonner rapidement aujourd’hui. Un événement qui, sans que le monde s’en doute, pourrait être à courte échéance, mais en vue duquel un nombre toujours grandissant de chrétiens se prépare, cet événement révélera d’une façon poignante la différence entre la foi vraie et la profession des lèvres. Le Seigneur vient ; en un clin d’œil ses saints seront auprès de Lui, et c’est alors que le vrai caractère de la Bête se manifestera. Ceux qui seront laissés en arrière dans les pays soi-disant chrétiens, ne tarderont pas à devenir apostats, à croire au mensonge, et combien il est terrible de penser au grand nombre qui travaille aujourd’hui dans ce sens, entraînant les masses vers cette incrédulité dont le lendemain se lit en lettres de feu, au livre de Daniel, dans l’Apocalypse, et en d’autres portions des Écritures.

Ceux qui lisent ces pages ne trouveront pas difficile d’identifier la quatrième Bête de Daniel 7, avec la Bête d’Apocalypse 13 et 17. Trois de ces Bêtes avaient encore à paraître lorsque Daniel les décrivait ; elles sont numériquement distinguées les unes des autres, selon la place qu’elles occupent comme puissances successives. Suivant cet ordre, l’empire Romain est le quatrième. Mais à l’époque où Jean écrit, les trois premiers empires ayant pris fin, celui-ci demeure seul ; de là le terme la Bête, employé dans l’Apocalypse. Cette dernière phase comportera une tête impériale gouvernant les dix royaumes qui vont former la Bête, autrement dit « la petite corne » de notre chapitre. Parfois l’expression « la Bête » signifie l’empire comme tel, d’autres fois celui qui en est la tête seulement, et il importe de bien distinguer entre les deux cas. Une difficulté pourrait être soulevée du fait qu’en Apocalypse 19:20, la Bête est jetée vivante dans le lac de feu, tandis qu’en Daniel 7:11, elle est tuée. Rien de contradictoire cependant entre ces deux passages, parce que dans le premier, il est question du chef, de la tête, tandis que le second nous montre l’empire dans son ensemble tombant sous le jugement à cause des blasphèmes prononcés contre Dieu par la petite corne.

« Quant aux autres Bêtes, la domination leur fut ôtée, mais une prolongation de vie leur fut donnée jusqu’à une saison et un temps » (v. 12). Un seul empire occupe la scène. Quand apparaissent les Médo-Perse, c’est le déclin de Babylone, et les Grecs viennent à leur tour détrôner les Médo-Perse, pour tomber eux-mêmes devant la puissance de Rome. Mais quoique déchues, les nations ayant formé ces divers empires, conservent leur existence. Aujourd’hui encore nous voyons les Perses, les Grecs, de petite importance, sans doute, royaumes néanmoins. Plus loin dans ces pages, nous retrouverons un important représentant de l’empire Grec, et son rôle au temps de la fin en rapport avec les Juifs.

Comment se produira ce juste jugement de Dieu provoqué par l’arrogance et les blasphèmes de la petite corne, ce jugement qui mettra fin à l’orgueil et à la puissance politique du monde ? « Je voyais dans les visions de la nuit, et voici, quelqu’un comme un fils d’homme vint avec les nuées des cieux, et il avança jusqu’à l’Ancien des jours, et on le fit approcher de lui » (v. 13). Description frappante du Seigneur venant, non comme Époux de l’Église, mais comme Fils de l’homme en jugement. Remarque utile en passant, partout où il est question de la venue du Fils de l’homme, c’est toujours pour le jugement. « Veillez donc, car vous ne savez ni le jour, ni l’heure ». Le Seigneur vient en premier lieu chercher les siens pour être auprès de Lui, les rencontrer dans les airs ; à leur départ de la terre succédera une courte période de rapide développement du mal sous toutes ses formes, interrompue soudain par la venue du Fils de l’homme sur les nuées du ciel.

À sa première apparition, les morts en Christ et les saints vivants sont ravis ensemble dans les nuées, à la rencontre du Seigneur en l’air mais ici, le Fils de l’homme apparaît sur les nuées du ciel, et vient sur la terre. C’est à cela que le Seigneur fait allusion, quand le souverain sacrificateur l’adjure de déclarer s’il est le Christ, le Fils de Dieu : « Dorénavant vous verrez le fils de l’homme assis à la droite de la puissance, et venant sur les nuées du ciel » (Matthieu 26:64). Quel moment pour le monde ! Revoir ainsi Celui que les hommes ont ignominieusement mis à mort, le revoir avec un diadème de gloire, au lieu de la couronne d’épines tressée par leurs mains, portant le sceptre de justice après que leurs railleries lui en avaient fait un de roseau !

Il se montre ainsi en vision à Jean dans l’île de Patmos : « Voici, il vient avec les nuées, et tout œil le verra, et ceux qui l’ont percé ; et toutes les tribus de la terre se lamenteront à cause de lui. Oui, amen ! » (Apocalypse 1:7). Daniel voit le Fils de l’homme « venant à l’Ancien des jours ». Christ est là comme homme, tandis que, dans l’Apocalypse, ce Fils de l’homme est revêtu de tous les attributs de l’Ancien des jours (conf. Daniel 7:9, et Apocalypse 1:14). La Personne adorable du Seigneur Jésus-Christ unissant dans une absolue perfection les deux natures, divine et humaine, distinctes, mais inséparables. Mystère infini qui défie la compréhension de créatures bornées. « Nul ne connaît le Fils que le Père » (Matthieu 11:27).

Une fois l’œuvre du jugement accomplie, et seulement alors, le royaume du Seigneur Jésus-Christ sera établi. Un roi régnera en justice. Le talon de l’oppresseur ne foulera plus la terre. La bonté et la vérité se rencontreront. « On ne fera pas de tort, et on ne détruira pas, dans toute ma sainte montagne ; car la terre sera pleine de la connaissance de l’Éternel, comme les eaux couvrent le fond de la mer » (Ésaïe 11:9).

« Sa domination est une domination éternelle, qui ne passera pas, et son royaume, un royaume qui ne sera pas détruit » (v. 14). Aucun royaume terrestre ne succédera à celui du Fils de l’homme ; c’est la force du terme « éternel » ici. Aussi longtemps qu’il y aura des royaumes terrestres, le sien durera et ne sera jamais détruit. Nous savons, par d’autres parties des Écritures, qu’après le millénium, il « remettra » le royaume à son Père, mais l’état éternel n’est pas en vue ici, les prophètes de l’Ancien Testament bornant leurs descriptions à cette période de mille ans durant laquelle, comme Fils de l’homme, le Seigneur Jésus-Christ sera roi sur la terre. Lorsque ce millénium aura pris fin, et que le dernier ennemi, la mort, aura été détruit par le jugement du grand trône blanc, alors il remettra le royaume à Dieu le Père qui, dans la plénitude de son Être, sera tout en tous (1 Corinthiens 15:24-29).

L’état éternel nous est décrit en Apocalypse 21:1-8.


17 - Chapitre 7:15-31 — L’interprétation des choses

La quatrième et dernière partie de notre chapitre renferme l’interprétation des trois visions précédentes, et comme toujours dans l’Écriture, ajoute des détails à ce qui a été dit. La parole de Dieu n’offre jamais de simples répétitions.

C’est ainsi qu’au verset 17, les quatre grandes Bêtes sont quatre rois qui « surgiront de la terre », ne contredisant en rien le verset 3, où nous les voyons monter de la mer, se dégageant de cette confusion générale des nations présentée en figure comme la mer. De grands empires, l’Assyrie, l’Égypte, avaient déjà marqué dans l’histoire, mais n’étaient plus que ruines, et de ces ruines s’élèvent les quatre monarchies de la vision. Il est intéressant de remarquer, d’après les documents historiques, que sans avoir cœxisté, comme pouvoir, leur naissance date à peu près de la même époque, les puissances de l’Orient se développant bien plus rapidement que celles de l’Occident.

Providentiellement elles surgissent d’une condition chaotique, mais moralement leur origine est terrestre ; elles montent de la terre, en contraste sans doute avec le royaume du Fils de l’homme qui vient sur les nuées du ciel.

Un autre point de grande importance est introduit au verset 18 : « Les saints des lieux très hauts recevront le royaume ». Ce n’est point une répétition de ce qui avait déjà été dit, ni même le règne de Christ en figure, comme quelques-uns ont cru le voir. Quand il viendra prendre le pouvoir, les saints des lieux très hauts régneront avec Lui.

Qui donc sont les saints des lieux très hauts ? L’Écriture nous le dit. L’expression, sans doute, est semblable à celle qui nous est familière dans l’épître aux Éphésiens ; il semble qu’il s’agit des saints célestes, en contraste avec ceux qui sont sur la terre, Dieu devant avoir les uns et les autres au temps de l’accomplissement de la vision de Daniel. Les saints sur la terre sont mentionnés au verset 27, comme étant « le peuple des saints des lieux très hauts ».

Bien que l’Église ne se trouve pas mentionnée dans le livre de Daniel, il est hors de doute que les saints de la période actuelle ne soient compris dans cette expression. Les saints de l’Ancien Testament, ceux devenus tels depuis le jour de la Pentecôte jusqu’au jour où Christ viendra les chercher, l’Église, et les martyrs de la période apocalyptique, font tous partie des « saints des lieux très hauts » qui « posséderont le royaume à jamais, et aux siècles des siècles » (v. 18).

Mais seule, l’Église possède déjà l’intelligence de cette position céleste en traversant la terre, — et de quelle manière puissante nos voies devraient en être influencées, considérant l’immensité de nos privilèges et l’intimité plus grande de nos relations avec Christ comparée avec celles des saints de l’Ancien Testament. Mais jamais, dans la Parole, le plus élevé ne diminue la valeur du moindre, et nous voyons l’apôtre appliquer aux Corinthiens, d’une façon pratique, la vérité même présentée ici par Daniel (1 Corinthiens 6:1-9).

Au milieu de tant de détails d’un si haut intérêt, la pensée du prophète semble donner une place proéminente à « la petite corne ». Caractère particulièrement inique, ce personnage influencera d’une manière importante la destinée de l’Europe et sera constamment en contact avec les Juifs à la fin. Sa remarquable intelligence : « Et voici, il y avait à cette corne des yeux comme des yeux d’homme » (v. 8), ne travaillera que pour sa propre gloire, « une bouche proférant de grandes choses, et son aspect était plus grand que celui des autres » (v. 20), tout autant de traits caractéristiques qui ont fait prendre la petite corne pour l’Antichrist, l’homme de péché, de 2 Thessaloniciens 2.

Nous verrons bientôt qu’il n’en est rien. L’Antichrist, vivant au même temps, aura sa sphère d’activité à Jérusalem, tandis que « la petite corne » régnera sur l’Europe occidentale.

Non que ce chef de l’empire Romain doive demeurer sans connexion avec la Palestine et son souverain. « Cette corne fit la guerre aux saints » (v. 21). Quels saints ? N’ont-ils pas tous été ravis auprès du Seigneur auparavant ? Comment donc peut-il s’en trouver encore sur la terre ? Ce sont des Juifs convertis après l’enlèvement de l’Église. Apocalypse 7 nous montre les cent quarante-quatre milliers d’entre les tribus d’Israël, ainsi qu’une grande multitude de païens devenus croyants à cette époque. Mais souvenons-nous bien qu’aucun de ceux qui ont rejeté Christ durant la période actuelle, ne fera partie de ce résidu. C’est aujourd’hui le jour du salut pour la chrétienté ; alors la porte sera fermée devant chaque individu qui aura méprisé cette occasion. Le passage de 2 Thessaloniciens 2:12, est absolument positif à cet égard.

Le verset 25 démontre que ces saints sont des Juifs. La petite corne profère des blasphèmes contre Dieu ; c’est d’elle aussi qu’il s’agit en Apocalypse 13:5-8, « ouvrant sa bouche en blasphèmes contre Dieu… et ceux qui habitent dans le ciel », les mêmes sans doute que « les saints des lieux très hauts » (v. 25). Déjà au ciel, ils ne peuvent donc pas, semble-t-il, être ceux contre lesquels « il prévalut » (v. 21), et qui évidemment sont sur la terre. « Il lui fût donné de faire la guerre aux saints et de les vaincre » (Apocalypse 13:7). Ces derniers sont des Juifs, le résidu d’Israël persécuté dans son propre pays.

Ce qui nous confirme cette pensée, c’est l’allusion faite « aux saisons et à la loi », qui sont livrées en sa main. Les fêtes juives et leurs jours solennels, de nouveau observés selon la loi, seront ainsi — et non pas les saints — remises entre ses mains, mais point pour toujours, seulement « jusqu’à mi temps, des temps et une moitié de temps ». Plus loin, nous entrerons dans les détails relatifs à cette période qu’il suffit de faire coïncider ici avec les quarante-deux mois d’Apocalypse 13:5, « la grande tribulation » devant durer trois ans et demi, après quoi « le jugement s’assiéra » pour anéantir la puissance inique à la venue de l’Ancien des jours. Le Fils de l’homme apparaissant en gloire et en puissance, aura bientôt fait justice de cette monstrueuse incarnation de tout l’orgueil de l’homme, de toute sa rébellion contre Dieu. Nous retrouverons tous ces événements en temps et lieu.

Mais ici quel tableau sublime vient se placer devant les yeux. D’un côté, l’ineptie de l’homme, malgré toute l’importance qu’il s’attribue en s’élevant contre Dieu, contre ses saints ; de l’autre, ce Dieu des cieux dans toute sa majesté, invisible à l’œil naturel, Lui-même sondant l’espace, voyant toutes choses, calme dans sa puissance suprême, patient jusqu’à la limite qu’il s’est assignée. Puis, en un instant, tout change de face. Au ciel, nous en voyons la preuve. Les « roues de feu brûlant » sur lesquelles repose le trône de l’Ancien des jours, viennent de se mettre en mouvement. « Quelqu’un comme un fils d’homme » — quoique bien plus qu’un homme — parait enfin, et à Lui est remise l’exécution d’un jugement aussi longtemps différé qu’il a été justement mérité.

Peut-on manquer de constater aujourd’hui la rapidité avec laquelle toutes choses ici-bas convergent dans cette direction ? Les temps se hâtent. « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point » (Luc 21:33). Mais un brillant avenir luit encore pour ce monde, de l’autre côté du jugement, après que le fils de l’homme aura envoyé ses anges pour cueillir de son royaume tous les scandales et tous ceux qui commettent l’iniquité (Matthieu 13:41). Alors « le royaume, et la domination, et la grandeur des royaumes sous tous les cieux, seront donnés au peuple des saints des lieux très hauts. Son royaume est un royaume éternel, et toutes les dominations le serviront et lui obéiront » (v. 27).


18 - Chapitre 8 — Le bélier et le bouc

Une nouvelle vision est encore envoyée à Daniel, toujours durant la période de la première Bête. Bien que touchant à sa fin, l’empire babylonien est encore debout. Le prophète néanmoins se voit en songe dans la capitale du royaume qui doit succéder à celui-ci.

Un changement important se produit avec l’introduction de ce nouveau chapitre. Daniel s’exprime maintenant — et jusqu’à la fin — en hébreu, tandis qu’en commençant il s’était servi du chaldéen, pour la raison bien simple que la première partie de son livre traitant avant tout des gentils, de leur puissance grandissante, de leur caractère moral, la langue de Babylone s’imposait naturellement. À présent que les Juifs deviennent plus particulièrement le sujet de ce qui suit, l’hébreu reprend sa place. Sans doute, mention sera encore souvent faite de la troisième et de la quatrième Bête, tout au moins de leurs représentants à la fin, mais uniquement dans leurs rapports avec la nation juive.

Il est bon de se souvenir qu’au travers de toutes les vicissitudes qu’essuient les nations de la terre, selon que la roue de leur fortune monte ou descend, les yeux de Dieu demeurent fixés sur son peuple tiré d’Égypte. En rapport avec la terre, lui seul a de l’importance. Il est bien-aimé à cause des pères, duquel selon la chair est issu le Christ, qui est sur toutes choses béni éternellement. Amen ! (Romains 9:1-5).

La peine que se donnent les rationalistes pour placer l’existence de Daniel sous l’empire grec, est constamment battue en brèche ; ils semblent être seuls à méconnaître leur hostilité à Dieu et à sa Parole, produit du cœur naturel toujours opposé à Lui. Le prophète, sous la direction de l’Esprit, nous trace ici une merveilleuse esquisse d’un temps alors à venir et dont la plus grande partie attend encore aujourd’hui son accomplissement.

« Je levai les yeux, et je vis ; et voici, un bélier se tenait devant le fleuve ; et il avait deux cornes » (v. 3). Nous n’avons pas besoin de documents historiques pour comprendre de qui il est question : « Le bélier que tu as vu et qui avait deux cornes, ce sont les rois de Médie et de Perse » (v. 20).

Le bélier du chapitre 8, est le même que l’ours du chapitre 7. Nous souvenant que cet empire n’était pas né alors, l’exactitude des détails nous frappe de nouveau. Mais pourquoi nous étonner quand c’est Dieu qui parle par l’entremise du prophète ? Le bélier avait deux cornes : les Mèdes et les Perses, deux parties distinctes et composites pour former l’empire. L’une plus élevée que l’autre, indiquant la prépondérance de l’élément perse, fait acquis à l’histoire, mais, chose étrange, cette prépondérance ne s’est pas affirmée tout de suite. « La plus haute s’éleva la dernière ».

Seule l’inspiration divine pouvait, en si peu de traits, faire un tableau aussi exact de l’avenir. Quoi d’étonnant donc à ce que ses détracteurs fassent feu de tout bois pour incriminer les dates du livre de Daniel. Porphyre, écrivain païen du second siècle, souleva cette question, mais combien il est plus affreux de la part des théologiens du 20e siècle, de continuer dans cette voie. La chrétienté apostate, autrement coupable que les païens dans leurs ténèbres, va au-devant d’un châtiment certain.

Le bélier heurte « vers l’occident, et vers le nord, et vers le midi » (v. 4). C’est donc une puissance orientale eu égard à la Palestine, la direction de ses conquêtes étant ici clairement indiquée.

Mais maintenant les yeux du prophète se tournent vers l’occident : « Et voici, un bouc venant du couchant sur la face de toute la terre » (v. 5). C’est « le roi de Javan », la Grèce, selon l’explication du verset 21. Il correspond au léopard du chapitre précédent. Telle est l’impétuosité avec laquelle il s’élance, qu’il « ne touche pas la terre ». Différent du bélier qui s’avance lentement de plusieurs côtés à la fois, lentement et sûrement, le bouc se précipite avec furie : « Il vint jusqu’au bélier… et courut sur lui dans la fureur de sa force », ce qui ne suffit pas même à l’inimitié de ses sentiments : « Tout près du bélier, il s’exaspéra contre lui et frappa le bélier ». De fait, l’antagonisme était ancien et invétéré entre la Grèce et la Perse, cette dernière ayant envahi la Grèce qui n’était encore qu’une chétive contrée, mais l’heure a maintenant sonné pour la chute du second empire et l’élévation du troisième. « Il n’y eut personne qui pût délivrer le bélier de sa main ».

D’autres détails encore mettent hors de doute cette interprétation de la vision. « Le bouc avait une corne de grande apparence entre ses yeux » (v. 5), « et la grande corne qui était entre ses yeux, c’est le premier roi » (v. 21) ; le puissant conquérant, Alexandre le Grand. Souvenons-nous bien que ce que l’Esprit de Dieu nous révèle ici n’a eu son accomplissement qu’environ trois cents ans plus tard. Telle était la valeur d’Alexandre que la puissance de la Grèce s’accrut fort rapidement au près et au loin. « Le bouc devint très grand » (v. 8). Mais à peine arrivé à son apogée, il est renversé soudain. « Lorsqu’il fut devenu fort, la grande corne fut brisée ». À la fleur de son âge, à trente-trois ans, au cours de brillantes victoires, ce conquérant trouva la mort en chemin.

Peu de temps après, quatre de ses généraux se partagent entre eux le puissant empire d’Alexandre, chacun régnant sur la portion qui lui est échue. Après que la grande corne fut brisée, « quatre cornes de grande apparence s’élevèrent à sa place, vers les quatre vents des cieux » (v. 8). Comment ces événements pourraient-ils être plus exactement décrits ? Quoique puissants, ces quatre rois n’approchent point du premier. « Quatre royaumes s’élèveront de la nation, mais non avec sa puissance » (v. 22).

Ceux qui connaissent l’histoire ancienne ne peuvent qu’être frappés de l’exactitude des détails donnés ici en si peu de mots. Si Daniel eût été l’historien et non le prophète, il ne se fut pas exprimé autrement. Un simple écolier peut remarquer l’accord parfait entre l’histoire profane et les paroles de Daniel. Si celui-ci eût vécu au temps d’Antiochus Épiphanes — ainsi que le veut la haute critique — dans le second siècle avant Christ, donc après l’accomplissement de sa prophétie, comment se fait-il qu’elle ne fût pas comprise, car le dernier verset du chapitre nous dit que Daniel fut « stupéfié de la vision, mais personne ne la comprit » ? N’y a-t-il pas ici de quoi clore à jamais la discussion quant à l’authenticité des dates de ce livre ?

Mais même lorsqu’il s’agit de prophétie, l’Écriture n’enregistre pas seulement des faits. Rien ne s’y trouve sans un but défini, et nous arrivons maintenant à ce qui concerne la nation juive, surtout durant les dernières phases de son histoire. Aussi deux des successeurs d’Alexandre sont-ils passés sous silence, deux seulement, parmi les quatre, ayant été mêlés aux affaires du peuple de Dieu ; disparus maintenant de la scène, ils doivent néanmoins y être de nouveau représentés pour achever leur rôle dans l’histoire future des Juifs. Le chapitre 11 les désigne comme « le roi du Nord » et « le roi du Midi », le premier présenté en type par la « petite corne » du chapitre 8, qu’il ne faut pas confondre avec la « petite corne » du chapitre 7. Elles représentent deux personnages bien distincts qui tous deux exerceront une influence prépondérante sur les affaires du monde en général et du peuple juif en particulier, dans un avenir peut-être très rapproché. On a voulu voir la papauté dans la petite corne du ch. 7, et l’islamisme dans celle du ch. 8, ces deux plaies de la chrétienté à l’occident et à l’orient. Mais remarquons bien que Daniel ne s’occupe ni de la chrétienté, ni de l’Église, mais seulement du temps où Dieu reprendra ses relations avec son peuple terrestre, Israël. Mieux comprise, cette vérité arrêterait tant d’efforts futiles pour trouver une date au retour du Seigneur Jésus-Christ. Qu’est-ce que 1260 jours — ou ans si vous voulez — peuvent signifier en rapport avec une période qu’aucun chiffre ne mesure ? Non que nous mettions en doute qu’il s’agisse ici véritablement de jours, mais de jours qui commenceront seulement à être comptés après l’enlèvement de l’Église et la reprise des relations entre Dieu et son peuple terrestre.


19 - Chapitre 8:8-27 — Un roi au visage audacieux

Nous avons déjà fait remarquer que la petite corne de ce chapitre représente un personnage absolument distinct de celui du chapitre 7. Ici, nous trouvons l’empire Grec ; auparavant, c’était l’empire Romain.

Après la mort d’Alexandre le Grand, son royaume fut donc divisé en quatre parties : « Et de l’une d’elles sortit une petite corne, et elle grandit extrêmement vers le midi, et vers le levant, et vers le pays de beauté » (v. 9). En d’autres termes, « c’est le roi du Nord », qui, géographiquement, occupe la Turquie d’Asie. Dans la pensée de Dieu, l’importance de cette région tient à ses rapports avec le pays qui est « un ornement entre tous les pays », et sur lequel l’Éternel avait jeté les yeux pour son peuple Israël, alors qu’il le retirait d’Égypte, se faisant connaître à lui comme Rédempteur (Ézéchiel 20). En dépit de la désolation, la Palestine demeurait toujours pour Daniel « le pays de beauté ».

La petite corne « grandit jusqu’à l’armée des cieux », terme désignant ici ceux qui sont en autorité parmi les Juifs, car c’est d’eux qu’il s’agit toujours en Daniel, jamais des chrétiens, en sorte que ni le pape, ni Mahomet, ne peuvent trouver une place dans ce récit.

Cette prophétie est déjà accomplie partiellement. Antiochus Épiphane, le roi mécréant des Séleucides, auquel se rapporte la petite corne, n’est que le type d’un autre roi au visage audacieux qui doit paraître plus tard. En étudiant les prophètes de l’Ancien Testament, il est important de se souvenir que l’Esprit de Dieu a toujours en vue la gloire de Christ et les événements de la fin. Ce chapitre même nous dit que « la vision est pour le temps de la fin », et l’ange fait connaître « ce qui aura lieu à la fin de l’indignation » (v. 19). « L’indignation » est une phase de l’histoire d’Israël, familière aux prophètes. Ésaïe 10:5-25, se présente sans doute à l’esprit de Daniel, quand il entend Gabriel parler de « la fin de l’indignation ». N’est-ce pas le temps du courroux de l’Éternel à l’égard de son peuple ? Quel instrument allait-il employer pour le manifester ? Ce même roi du Nord qui n’est autre que l’Assyrien en personne.

Le remarquable passage d’Ésaïe déjà cité, est d’une portée bien plus étendue que les circonstances existantes au temps où il fut prononcé ; l’Assyrien d’alors a disparu de la scène, sans que pour cela le Seigneur ait achevé son œuvre contre la montagne de Sion et Jérusalem (v. 12)). Mais que nous enseigne ce verset ? N’est-ce pas que le châtiment de l’Assyrien suivra l’accomplissement de cette œuvre ?

Ne voyons-nous pas de la façon la plus claire qu’aux derniers jours, et en rapport avec les Juifs, s’élèvera un personnage dont l’Assyrien du prophète n’est que le type ?

La plus terrible phase de l’indignation contre Israël est encore à venir, le temps de la grande tribulation qui durera trois ans et demi, soit 1260 jours, alors « l’indignation sera accomplie ». Accomplie comment ? Par la destruction de ce même Assyrien, verge entre les mains de l’Éternel pour le châtiment de son peuple (v. 25).

La petite corne donc a déjà trouvé sa place dans l’histoire, sous les traits de l’abominable Antiochus Épiphane, mais elle doit quand même se reproduire aux temps de la fin. Le verset 11 et la moitié du 12e, forment une parenthèse qui s’y rattache. « Elle », la petite corne, Antiochus Épiphane, ennemi juré des Juifs, s’en prend à tout ce qui, parmi eux, a quelque importance ou place prééminente. Ses mauvais desseins réussissent, puisque la prophétie nous annonce (v. 10), « qu’il fit tomber à terre une partie de l’armée et des étoiles ». Plus loin (v. 11), « elle s’éleva jusqu’au chef de l’armée », le Seigneur lui-même, l’Esprit de Dieu attirant ainsi notre attention sur la parenthèse indiquée avec ses détails d’une importance capitale, mais que personne ne comprit (v. 27), bien qu’elle devienne claire pour le résidu de la fin.

Celui que typifie ici Antiochus Épiphane, s’élèvera non seulement contre les chefs de la nation juive alors restaurée dans son propre pays et de nouveau reconnue comme peuple de Dieu, mais encore contre « le prince des princes » (v. 25), le Seigneur, le Messie d’Israël, désigné au verset 11, comme « chef de l’armée ». Aux jours de la grande tribulation, « le sacrifice continuel » sera ôté à celui-ci, mais par le chef de l’empire Romain, la petite corne du chapitre 7, et non par le roi du Nord, la petite corne du chapitre 8. Ce point nous deviendra clair en étudiant le chapitre suivant.

Le verset 11 a déjà trouvé une mesure d’accomplissement, quand Antiochus Épiphane, pénétrant dans le sanctuaire, profana l’autel par le sacrifice d’une truie — et sans vouloir en faire une affirmation, il est permis de supposer que les deux mille et trois cents soirs et matins du verset 14, se rapportent à cette circonstance plutôt qu’à l’avenir. Mais passée ou future, elle ne regarde que les Juifs et ne peut en rien servir de base à des calculs au sujet de la chrétienté.

La fin du chapitre dirige encore une fois nos regards vers l’avenir, car quelque improbable que paraisse aux non-initiés la perspective d’un roi puissant relevant le trône d’Antiochus, la parole prophétique ne laisse aucun doute à cet égard. Qui sera ce roi, nous n’en savons rien, mais il est clair qu’aux derniers jours, quand les transgresseurs auront comblé la mesure — qui s’emplit rapidement — « un roi au visage audacieux » reparaîtra sur la scène. Sans dédaigner la force des armées et la valeur des conquêtes, sa politique s’emploiera à faire « prospérer la fraude » ; d’une intelligence transcendante, « entendant les énigmes », son pouvoir ne poursuivra qu’un seul et même but, la destruction « des hommes forts et du peuple des saints », c’est-à-dire des Juifs.

Il peut sembler étrange que cette nation reçoive un pareil titre de la bouche de Dieu, mais nous avons à nous souvenir « qu’ils sont bien-aimés à cause des pères. Car les dons de grâce et l’appel de Dieu sont sans repentir » (Romains 11). Qu’il s’agisse de bénédictions célestes ou de terrestres, Dieu ne revient jamais sur ses promesses, et quelque indigne que son peuple nous en semble aujourd’hui, il demeure « le peuple des saints », sur le terrain de la responsabilité comme des privilèges. Un détail frappant est ajouté (v. 24) : quel que soit le pouvoir de ce roi, il en aura un autre derrière lui dont il dépendra : « Sa puissance sera forte, mais non par sa propre puissance ». Parmi les soi-disant grandes puissances du jour, il en est une qui se préoccupe plus spécialement des affaires de la Turquie ; l’œil intelligent peut le voir, et le cœur chrétien peut suivre avec intérêt, comme déploiement des voies de Dieu, telles que sa Parole nous les présente, le réveil de l’esprit national parmi les Juifs, leurs préparatifs sur une grande échelle pour rentrer en Palestine, la sourde agitation partout où s’étend le sceptre du sultan, les progrès continus de la Russie dans cette région, signes des temps que seuls les indifférents se refusent à reconnaître

Des guerres sanglantes dévasteront les contrées voisines de la Palestine, guerres dans lesquelles le roi au visage audacieux prendra une part importante ; nous le retrouverons plus loin, mais remarquons ici sa politique toute d’intrigues et de ruse, laquelle « par la prospérité corrompra beaucoup de gens ». Quand toutefois « il se lèvera contre le prince des princes, il sera brisé sans main » (v. 25).

Ce moment approche rapidement. Plus rapprochée encore est l’apparition du Seigneur pour prendre à Lui son Église. Que l’attitude de tous ceux qui le connaissent, soit celle du serviteur attendant son Maître quand il reviendra des noces.


20 - Chapitre 9:1-19 — Confession et prière

Une instruction morale de la plus haute importance se dégage de cette portion de la Parole où nous voici arrivés. Pour la bien saisir dans sa donnée prophétique, il est essentiel de l’étudier en tenant compte des dispensations. Mais ce qu’il faut avant tout, ce que nulle interprétation ne peut remplacer, c’est l’état d’âme de Daniel, tel que nous le voyons dépeint au commencement du chapitre.

L’ordre chronologique ne détermine pas la suite des chapitres dans ce livre. Le 6e décrit ce qui se passe sous Darius le Mède, tandis que les 7 et 8 retournent aux visions du prophète avant la chute de Babylone. Ici, nous nous retrouvons de nouveau au temps de Darius.

Le jugement de Babylone était consommé, mais le cœur de Daniel demeure oppressé sous un lourd fardeau, « les désolations de Jérusalem » ! N’auraient-elles point de fin ?

L’expression si souvent rencontrée dans les Psaumes et dans les prophètes : « Seigneur, jusques à quand ? » trouve ici sa place ; c’est le soupir de la foi aux jours de la ruine ! Sous quelque dispensation que ce soit, le cœur qui craint Dieu ne peut trouver aucun soulagement, tandis que son peuple demeure dans le malheur et la détresse.

Ni la Médie, ni la Perse, n’était le pays promis à Abraham, pas plus que Babylone, et pourtant une multitude du peuple de Dieu y était retenue captive, tandis que la cité bien-aimée ne formait plus qu’un amas de ruines.

Daniel était homme de foi. Longtemps auparavant (chap. 2), il l’avait affirmé par le solennel témoignage qu’il y avait un Dieu dans les cieux, que ce Dieu était son Dieu, et que le peuple captif lui appartenait. Le connaissant ainsi, il peut compter sur la fin des désolations, sur une complète délivrance, en vue de laquelle son âme humiliée et bénie exhale la question : « Combien de temps encore ? »

Comme Jérémie peu de temps auparavant (Jérémie 15:16), il trouve secours et consolation dans la parole de Dieu : « Tes paroles se sont-elles trouvées, je les ai mangées ; et tes paroles ont été pour moi l’allégresse et la joie de mon cœur ». Les Écritures faisaient l’objet des études du prophète. Un peu plus loin, il reçoit l’une des plus merveilleuses communications prophétiques de l’Ancien Testament, mais ici nous le voyons lisant avec attention et prière, les paroles prononcées par Jérémie.

Là-bas, à Jérusalem, le cœur brisé, les yeux changés en une fontaine de larmes (Jérémie 9:1), Jérémie avait fidèlement déclaré la parole de l’Éternel à l’égard de la nation rebelle ; « La parole de l’Éternel m’est venue, et je vous ai parlé, me levant de bonne heure et parlant, et vous n’avez pas écouté » (Jérémie 25:3). Maintenant le jugement est à la porte, Nebucadnetsar, roi de Babylone, l’instrument entre les mains de Dieu pour l’exécuter (Jérémie 25:9 ; 27:6). Mais même au milieu des désolations, la foi n’est pas laissée sans une lueur à l’horizon. « Et il arrivera, quand les soixante-dix ans seront accomplis, que je visiterai sur le roi de Babylone et sur cette nation-là leur iniquité » (Jérémie 25:12).

Soixante-dix ans ! La période était écoulée. Avec quelle émotion ces exilés ne devaient-ils pas prendre connaissance « de la lettre que Jérémie le prophète envoya de Jérusalem au reste des anciens de la captivité, et aux sacrificateurs, et aux prophètes, et à tout le peuple que Nebucadnetsar avait transportés de Jérusalem à Babylone » ! (Jérémie 29:1).

Durant cette nuit d’orgie où, sur la muraille du palais de Belshatsar, à Babylone, le doigt de Dieu écrivait : « Dieu a compté ton royaume et y a mis fin », Daniel pouvait, en même temps que la sentence, lire l’accomplissement de la prophétie quant aux soixante-dix ans qui allaient se terminer, en même temps que le jugement s’exécuterait sur le premier grand empire.

Jérusalem néanmoins demeurait la désolée, et le prophète un prisonnier. Mais il fortifie son cœur en continuant sa lecture des paroles de Jérémie : « Car ainsi dit l’Éternel : Lorsque soixante-dix ans seront accomplis pour Babylone, je vous visiterai, et j’accomplirai envers vous ma bonne parole, pour vous faire revenir en ce lieu. Car moi je connais les pensées que je pense à votre égard, dit l’Éternel, pensées de paix et non de mal, pour vous donner un avenir et une espérance. Et vous m’invoquerez, et vous irez, et me supplierez, et je vous écouterai ; et vous me chercherez, et vous me trouverez ; car vous me rechercherez de tout votre cœur, et je me ferai trouver à vous, dit l’Éternel ; et je rétablirai vos captifs, et je vous rassemblerai d’entre toutes les nations et de tous les lieux où je vous aurai chassés, dit l’Éternel, et je vous ferai retourner au lieu d’où je vous ai transportés » (Jérémie 29:10-14).

L’effet produit ici sur l’esprit de Daniel est admirable. Au lieu de se livrer à des éclats de joie, il tombe à genoux et répand son âme en prière et en confession de péchés. Qui donc parmi tous ceux de la captivité pouvait avoir moins à se reprocher ? mais pénétré de l’Esprit de Christ, il s’identifie entièrement avec les fautes et les péchés du peuple.

Notre précieux Sauveur s’est lui-même identifié avec nous comme nul ne pouvait le faire. Saint, sans tache, il a porté nos péchés en son corps sur le bois, et dans son amour immense, s’est offert pour nous aux coups de la justice, comme le seul qui pût répondre à ses exigences.

« Nous avons péché, nous avons commis l’iniquité… et nous nous sommes rebellés », s’écrie Daniel, prenant comme siens les péchés de la nation. « Nous n’avons pas écouté tes serviteurs les prophètes, qui parlaient en ton nom à nos rois, à nos princes, et à nos pères, et à tout le peuple du pays » (v. 6).

Quand Dieu parle, il parle à tous ; principe important à remarquer et à retenir dans ces jours de grandes prétentions ecclésiastiques et sacerdotales. Le message n’est pas envoyé aux rois et aux princes seulement, mais à tout le peuple du pays. Chaque âme d’homme est responsable à cause de la parole qui a été prononcée.

« À toi, Seigneur, la justice, et à nous la confusion de face ». Daniel ne fait pas seulement que se condamner avec son peuple — il va plus loin, et justifie Dieu.

Mais « au Seigneur notre Dieu sont les compassions et les pardons », bien qu’aucun ne les méritât ; tous avaient transgressé « la loi de Moïse, serviteur de Dieu », péché contre Lui, n’implorant pas l’Éternel.

Le jugement dès longtemps prédit (Deutéronome 28 ; Lévitique 26), tombait maintenant sur les rebelles, sans diminuer l’énergie de la foi chez le prophète, qui a recours aux promesses pleines de grâce de l’Éternel : « Ils confesseront leurs iniquités… et je me souviendrai en leur faveur de l’alliance faite avec leurs ancêtres » (Lévitique 26:40-46).

Comme intercesseur, il se place sur le terrain de la rédemption : « Et maintenant, Seigneur, notre Dieu, toi qui as fait sortir ton peuple du pays d’Égypte » ; ensuite de la justice : « Seigneur, selon toutes tes justices, que ta colère et ta fureur se détournent, je te prie ». La justice qui exerce la vengeance s’exerce aussi dans l’accomplissement des promesses de bénédiction.

Continuant son intercession, Daniel revendique maintenant pour le peuple tombé si bas le caractère de peuple de Dieu : « Ta ville de Jérusalem », « ta sainte montagne », « ton peuple » (v. 16). Ne pouvant baser aucune de ses requêtes sur quelque mérite, elles n’en deviennent que plus ferventes, en faisant valoir ce fait qu’Israël est « Son peuple », « appelé de Son nom ».

Il est beau de voir que si Daniel s’identifie avec la nation pécheresse, il l’associe aussi avec lui dans la confession, bien que de fait un petit nombre d’entre eux prissent sans doute cette position : « Ce n’est point », dit-il, « à cause de nos justices que nous présentons devant toi nos supplications, mais à cause de tes grandes compassions » (v. 18).


21 - Chapitre 9:20-27 — Les soixante-dix semaines

Avant d’aller plus loin, remarquons que, dans sa prière, Daniel insiste sur « le serment écrit dans la loi de Moïse » (v. 11-14), sans faire allusion aux promesses faites à Abraham.

Sur la foi de ces promesses, le peuple juif sera éventuellement ramené dans son pays, mais en attendant il est placé comme responsable, sous l’obéissance à la loi.

Lévitique 26:3-13, trace un beau tableau des bénédictions terrestres qu’il eût obtenues en marchant dans les statuts et en se conformant aux ordonnances de l’Éternel. Des saisons fertiles, de riches moissons, la paix et la prospérité, n’eussent jamais manqué. Dressant son tabernacle au milieu d’eux, l’Éternel les eût conduits, témoignant ainsi devant les nations d’alentour que Lui-même était le Dieu de son peuple racheté.

Ensuite, vient la triste nomenclature des jugements et des calamités qu’attirerait leur désobéissance : « Je vous disperserai parmi les nations, et je tirerai l’épée après vous, et votre pays sera mis en désolation, et vos villes seront un désert. Alors le pays jouira de ses sabbats tous les jours de sa désolation : quand vous, vous serez dans le pays de vos ennemis ; alors le pays se reposera et jouira de ses sabbats » (Lévitique 26:33-35).

Les temps de Daniel témoignent de l’exécution de la sentence. La captivité de Babylone arriva, « afin que fût accomplie la parole de l’Éternel dite par la bouche de Jérémie, jusqu’à ce que le pays eût joui de ses sabbats. Tous les jours de sa désolation il se reposa, jusqu’à ce que soixante-dix ans furent accomplis » (2 Chroniques 36:21).

Ces soixante-dix ans touchaient à leur terme, et, pénétré de la désolation qui avait atteint la cité et le sanctuaire de l’Éternel, Daniel fait confession des péchés par lesquels elle a été amenée. Il en appelle à la miséricorde du Seigneur en faveur « de la cité qui est appelée de ton nom », toujours sienne pour la foi.

Les lèvres du prophète prononcent encore cette prière que déjà la réponse est envoyée. Il n’en est pas toujours ainsi. Au chapitre suivant, nous le voyons priant trois semaines durant avant d’être exaucé. En pareil cas, nous sommes enclins à penser que Dieu n’a pas entendu. Rien de pareil cependant. La foi a parfois besoin d’être mise à l’épreuve, Dieu peut juger un délai nécessaire, mais : « C’est ici la confiance que nous avons en lui, que si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute », etc (1 Jean 5:14-15).

Une nouvelle révélation est donnée (v. 24). « Soixante-dix semaines ont été déterminées sur ton peuple ». Mais gardons-nous bien d’associer en aucune façon ce passage avec l’Église, ou le peuple de Dieu de nos jours. Le peuple de Daniel signifie les Juifs, non pas des chrétiens. Jérusalem est « la sainte cité ». Tout ce passage respire une atmosphère juive. C’est « vers le temps de l’offrande de gâteau du soir » (v. 21), que le prophète fléchit les genoux en prière. Bien éloigné de Jérusalem, privé de la joie d’aller à la maison de l’Éternel, ses pensées l’y transportent néanmoins, et Dieu l’accueille selon ses promesses (Lévitique 26:40-46).

Les prophéties de Jérémie avaient apporté à l’âme de Daniel la douce perspective d’une prochaine délivrance, mais l’Esprit de Dieu dirige sa vue bien au delà, vers les bénédictions futures. « Soixante-dix semaines ». Ce sont des semaines d’années, chaque jour de la semaine comptant pour une année ; soixante-dix semaines donc, 7 x 70, font 490 ans. « Soixante-dix semaines ont été déterminées sur ton peuple — juif — et sur ta sainte ville — Jérusalem — pour clore la transgression, et pour en finir avec les péchés, et pour faire propitiation pour l’iniquité, et pour introduire la justice des siècles, et pour sceller la vision et le prophète, et pour oindre le saint des saints » (v. 24).

Il est à remarquer que, pour lui répondre, Dieu se sert des mots mêmes tombés des lèvres et du cœur brisé de son bien-aimé serviteur. Il venait de confesser comme siennes les iniquités du peuple, et Dieu lui présente la glorieuse perspective de « la justice des siècles » pour en finir avec le péché. Perspective encore future, Israël demeurant aujourd’hui sous les conséquences d’une culpabilité à côté de laquelle pâlissent les transgressions qui l’avaient conduit à Babylone. Si durant soixante-dix ans il a dû être exilé de la terre profanée par ses faux dieux, quel crime lui vaut maintenant sa dispersion parmi les nations depuis 1900 ans ? N’est-ce pas la réjection et le meurtre du Messie annoncé ici même ? et cependant il y a pardon même pour cela !

Quelques-uns pourront s’étonner que les bénédictions énumérées dans ce verset, soient encore futures. La croix n’en a-t-elle pas fini avec nos péchés ? demandera-t-on peut-être. La justice des siècles n’est-elle pas dès maintenant introduite ? Sans contredit, le croyant peut se réjouir en voyant tous ses péchés lavés par le sang de l’Agneau et en sachant qu’il est devenu justice de Dieu en Christ (2 Corinthiens 5:21). Toutes ces expressions de Daniel, il peut se les appliquer à lui-même, mais pour le peuple juif leur accomplissement est encore à venir.

« Sache, et comprends : Depuis la sortie de la parole pour rétablir et rebâtir Jérusalem, jusqu’au Messie, le prince, il y a sept semaines et soixante-deux semaines ». Merveilleuse réponse à la prière de Daniel ; l’honneur lui est maintenant conféré, de recevoir pour la passer à d’autres, une communication de telle importance quant à la venue du Messie, la date même fixée d’une manière précise. Le point de départ des soixante-dix semaines est exactement indiqué. On a cru voir dans ce passage le voyage d’Esdras à Jérusalem, 536 ans A. C. Mais le but d’Esdras était la reconstruction de la maison, la maison de l’Éternel (Esdras 1:2-3), tandis qu’il s’agit ici de rebâtir Jérusalem, la cité, non le temple, allusion à Néhémie 1 et 2:445 A. C.

À partir de cette date donc, le mois de Nisan, en la vingtième année du règne d’Artaxerxés, soixante-neuf semaines doivent être jusqu’au Messie, le prince ; soixante-neuf semaines, c’est-à-dire 7 x 69 ans = 483 ans. Mais elles sont encore subdivisées en sept semaines et soixante-deux semaines. Pourquoi ? Les sept semaines signifient sans doute le temps durant lequel la muraille fut relevée ; « la place et le fossé seront rebâtis en des temps de trouble », que Néhémie décrit en ces mots : « Ceux qui bâtissaient la muraille, et ceux qui portaient les fardeaux, et ceux qui les chargeaient, faisaient le travail d’une main, et de l’autre main, tenaient une arme » (Néhémie 4:17). Puis viennent ensuite les soixante-deux semaines, faisant soixante-neuf semaines, en tout, soit 483 ans jusqu’à Christ.


22 - Chapitre 9:26 — Le Messie, le Prince

Rien de plus remarquable que l’exactitude des dates dans les Écritures. Historiques ou prophétiques, elles ont résisté à tous les efforts du rationalisme pour les battre en brèche, et la critique n’a plus qu’à s’incliner maintenant.

Celles que nous considérons ici ne sont rien moins que vagues. L’ange Gabriel apparaît à Daniel la première année de Darius le Mède (Daniel 9:1), environ 538 ans A. C., mais le point de départ des soixante-dix semaines, ainsi que nous l’avons vu, se place « au mois de Nisan, la vingtième année du roi Artaxerxès » (Néhémie 2:1), 445 A. C.

Un auteur qui a fait des dates une étude spéciale, les classe ainsi : « L’édit pour la reconstruction de Jérusalem part du ler Nisan, 445 A. C. Soixante-neuf semaines d’année prophétique (*) doivent s’écouler dès lors jusqu’au « Messie, le Prince ». Mais 483 ans à 360 jours font 173880 jours, et 173880 jours comptés depuis le 1er Nisan de la vingtième année d’Artaxerxès, s’achèvent le 10 de Nisan de la dix-huitième année de Tibère, le jour même où, accomplissant cette prophétie, aussi bien que celle de Zacharie, le Seigneur faisait sa première et seule entrée publique à Jérusalem ».


(*) L’année prophétique a 360 jours. Cela est évident pour tous ceux qui comparent les différentes manières dont la Parole décrit la même période prophétique : « un temps, des temps et une moitié de temps » (c’est-à-dire 3 1/2 ans), « 42 mois » et « 1260 jours ».


Que l’on adopte ou non l’exactitude de ces conclusions, il est évident que l’époque de l’apparition du Messie est d’avance annoncée avec une précision absolue. Les âmes pieuses en Israël l’attendaient à ce moment même. Des mages de l’orient arrivaient pour l’adorer, et tout Jérusalem en était troublé.

Dans cette même ville, Siméon « attendait la consolation d’Israël » (Luc 2:25), et pas lui seul, car Anne, la prophétesse, « parlait de lui à tous ceux qui, à Jérusalem, attendaient la délivrance » (v. 38). Et du fond des déserts de Judée retentissait la voix de Jean Baptiste appelant le peuple à la repentance. « Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur ».

Grande était l’émotion en Juda, dans la cité de Jérusalem surtout ; les esprits étaient en suspens : « Et comme le peuple était dans l’attente, et que tous raisonnaient dans leurs cœurs à l’égard de Jean si, lui, ne serait point le Christ… » (Luc 3:15). Anxieux de savoir quel pouvait être cet homme attirant ainsi les foules après lui, sacrificateurs et lévites s’en allaient au delà du Jourdain, et Jean « confessa, et ne nia pas, et confessa : Je ne suis pas le Christ » (Jean 1:20). Le Christ attendu à ce moment, l’était en vertu de cette prophétie de Daniel que : « jusqu’au Messie, le prince, il y a sept semaines et soixante-deux semaines ».

De même que sa venue, le prophète contemple aussi sa réjection : « Et après les soixante-deux semaines, le Messie sera retranché et n’aura rien ». Né roi des Juifs, « les siens ne le reçurent pas ». Malgré l’exact accomplissement de toutes les prophéties relatives à sa naissance et à son service public, la nation demeure aveugle devant son Messie. Scribes et pharisiens, sacrificateurs et chefs du peuple se liguent contre Lui et sont les premiers à le condamner, accomplissant ainsi la parole des prophètes, lue chaque sabbat dans leurs synagogues (Actes 13:27). « Après les soixante-deux semaines », c’est-à-dire à la fin des soixante-neuf, sept ayant précédé les soixante-deux, le Messie a été retranché ; au lieu de recevoir la couronne de David, il fut cloué à la croix, n’obtenant rien de ses gloires terrestres en connexion avec Israël. Dieu avait autre chose en vue, un but non encore révélé dans l’Ancien Testament, pensées cachées jusqu’au temps de leur révélation, jusqu’à ce que fut établie la base de leur développement dans la mort, la résurrection, l’ascension du Seigneur Jésus-Christ, et la descente du Saint-Esprit ; conseil éternel de notre Dieu quant à l’appel de l’Église composée de Juifs et de gentils, destinée à partager les gloires célestes de Christ.

Daniel est inspiré à prophétiser le retranchement et la réjection du Messie. Jusque-là sa parole est accomplie ; soixante-neuf semaines ont achevé leur cours, mais les bénédictions promises au verset 24, n’ont pas encore été réalisées par le peuple de Daniel. C’est qu’auparavant un autre prince doit surgir, un prince qui n’a point encore paru, un prince dont jadis le peuple détruisit la cité et le sanctuaire.

Si la croix de Christ apporte au chrétien d’éternelles et infinies bénédictions spirituelles, elle laisse la nation d’Israël dans une condition autrement terrible qu’elle ne l’était au temps de la captivité à Babylone.

Le rejet du Messie a été suivi non de la bénédiction finale, mais de la destruction de Jérusalem par les Romains sous Titus, qui ruina le temple, et dès lors le peuple a été dispersé et foulé aux pieds. Ici se fait une interruption dans le cours des événements prophétiques. La soixante-dixième semaine est séparée de la soixante-neuvième. Au crime national succède une période indéfinie, toute de désolations, de trouble, de confusion, histoire du peuple juif que chacun peut lire et attribuer à sa vraie cause, la crucifixion du Messie.


23 - Chapitre 9:26 — Le Prince qui viendra

Nous avons suivi la donnée de cette remarquable prophétie, jusqu’à la réjection du Messie, le Prince, à la fin des soixante-neuf semaines. Nous avons remarqué la prédiction déjà accomplie de la destruction de Jérusalem par les Romains sous Titus, l’an 70 de l’ère chrétienne, puis nous avons indiqué une période indéfinie à la suite de cet événement. Aucune notion ne nous est donnée quant à sa durée possible, ni de ce que sera l’œuvre de l’Esprit de Dieu durant l’intervalle entre la soixante-neuvième et la soixante-dixième semaine. Le chrétien intelligent, toutefois, est bien vite au clair : c’est l’appel de l’Église qui remplit la parenthèse.

La plupart des lecteurs connaissent sans doute cette vérité que l’histoire de l’Église, commençant à la Pentecôte et s’étendant jusqu’à la venue du Seigneur pour les siens (1 Thessaloniciens 4), interrompt les voies de Dieu envers la terre. Dans le passage qui nous occupe, cette parenthèse est clairement prévue, sans que le prophète s’arrête. Elle se terminera d’une manière solennelle quand le Seigneur Jésus-Christ redescendra du ciel pour ravir ses saints auprès de Lui, après quoi Dieu renouera ses rapports avec la terre, et Israël sera de nouveau le centre de ses voies.

« La ville et le lieu saint » donc furent détruits par les Romains que nous pouvons reconnaître sous le nom de « peuple du prince qui viendra » (v. 26). Cette expression toutefois réclame une attention spéciale. « Le peuple » signifiant les Romains, qui donc est « le prince » ? Évidemment pas ce prince qui est aussi le Messie. Jamais les Romains ne furent le peuple du Messie, non plus que Titus n’est ici leur prince. Il a pu être désigné comme tel lorsque les Romains saccagèrent la ville, mais ici, ce n’est pas le peuple qui vient, c’est le prince. Il n’est point encore venu, et ne paraîtra qu’à la fin de ces désolations déterminées pour le peuple de Daniel, les Juifs, et après la résurrection de l’Empire romain sur lequel il dominera.

Ceux qui ont suivi notre étude savent maintenant que cet empire sous sa dernière forme, divisé en dix royaumes, n’a jamais encore existé. On a pu essayer de trouver dans les débris de ce qui fut un vaste empire, une période actuelle correspondant aux dix orteils de la statue. Mais un passage déjà cité de l’Apocalypse montre clairement qu’il n’en est point ainsi. « Et les dix cornes que tu as vues sont dix vois qui n’ont pas encore reçu de royaume, mais reçoivent pouvoir comme rois, une heure avec la Bête » (Apocalypse 17:1-2). L’expression « la bête », signifie moins l’empire lui-même que sa tête. Il sera gouverné dans l’avenir par un homme appelé « la bête » (Apocalypse 13:4 ; 17:12) ; et aussi « la petite corne » (*), et encore dans notre chapitre « le prince qui viendra » (Daniel 9:26). Au temps de la fin, les dix rois donneront leur autorité et leur pouvoir à ce redoutable souverain et feront ensemble la guerre à l’Agneau, ce que nous ne voyons pas encore aujourd’hui. À son origine, l’empire n’était pas divisé ; aujourd’hui il est brisé en fragments incohérents, dont chacun cherche son intérêt aux dépens des autres, des alliances devenant nécessaires pour équilibrer « la balance du pouvoir ». À la fin, Dieu mettra « dans leurs cœurs d’exécuter sa pensée, d’exécuter une seule et même pensée, et de donner leur royaume à la bête » (Apocalypse 17:17). Combien peu le monde se doute que le cours des événements dont il s’attribue la gloire, n’est que l’accomplissement des conseils de Dieu déclarés d’ancienneté par la parole prophétique.


(*) La petite corne de Daniel 7. Celle de Daniel 8, est un tout autre personnage.


Ce prince qui viendra, le chef de l’Empire romain, « confirmera une alliance avec la multitude pour une semaine » (v. 27), la dernière des soixante-dix semaines, non encore commencée et devant constituer l’ère après laquelle les temps prophétiques reprendront leur cours. Depuis la croix de Christ, « les temps et les saisons » ne sont plus comptés, ils n’ont trait qu’à la terre et au peuple terrestre, l’Église étant absolument en dehors ; aussi tout essai de fixer une date au retour de Christ, en se référant aux 1260 jours, doit-il être écarté. Un nouvel ordre de choses prend naissance à la mort et à la résurrection du Seigneur Jésus-Christ, et en réponse à la question des disciples : « Est-ce en ce temps-ci que tu rétablis le royaume pour Israël ? », le Seigneur ressuscité répond : « Ce n’est pas à vous de connaître les temps ou les saisons que le Père a réservés à sa propre autorité, mais vous recevrez de la puissance, le Saint-Esprit venant sur vous », etc (Actes 1:6-8).

Notre temps n’est pas celui du royaume d’Israël, mais du témoignage donné par le Saint-Esprit à un Christ que les hommes ont rejeté et que Dieu a maintenant glorifié à sa droite, le temps de l’appel de l’Église composée de tous ceux, Juifs ou gentils, qui croient au Seigneur Jésus-Christ en sincérité et en vérité.

Les Juifs doivent rentrer en Palestine, ils y rentrent plus nombreux chaque année, mais hélas ! dans l’incrédulité, et, pour des raisons politiques, ils feront alliance avec le chef de l’Empire romain. Nous ne pouvons dire si ce sera immédiatement après l’enlèvement de l’Église, mais tout porte à croire que le laps de temps ne sera pas long.

Conclue avec « la multitude », la majorité, cette alliance sera refusée par le résidu que persécutera la nation impie, comme l’expriment à l’avance les Psaumes prophétiques, soupirs anticipés de ces jours d’oppression et d’angoisse.

La confirmation de cette alliance pour une semaine, fera croire aux Juifs que le prince romain est leur ami, mais « au milieu de la semaine, il fera cesser le sacrifice et l’offrande ». Leur constitution nationale aura été rétablie par son entremise, même leurs cérémonies religieuses, semble-t-il, néanmoins au milieu de la semaine, il les supprime et alors commence « la grande tribulation », cette période horrible entre toutes qui remplit la dernière moitié de la semaine, et durera trois ans et demi, soit 1260 jours.

Ce prince n’est-il pas l’antichrist ? demande-t-on. Nous ne le pensons pas. L’antichrist régnera à Jérusalem comme faux roi des Juifs, ligué avec le prince romain, et ayant sans doute fomenté l’alliance. Il est de toute importance de bien distinguer entre ces trois grands facteurs de perversité et d’opposition à Dieu et à son peuple, tous trois mentionnés dans ce passage : le chef de l’Empire romain, l’antichrist et l’Assyrien.

Nous savons que, depuis les temps de Babylone, les Juifs ne sont plus retombés dans l’idolâtrie. Leur châtiment actuel porte sur un crime plus terrible encore, le meurtre de leur Messie. D’après la parabole donnée par le Seigneur, l’esprit immonde de l’idolâtrie, sorti d’eux comme nation, n’y a jamais retrouvé sa place dès lors, bien que leur condition soit simplement celle d’une maison « vide, balayée et ornée », en d’autres termes, extérieurement orthodoxe, une forme vide. Mais à la fin cet esprit reviendra avec sept autres plus méchants que lui, et la dernière condition de la maison devient pire que la première (Matthieu 12:43-45), quand l’antichrist ou Homme de péché sera adoré comme Dieu dans le temple nouvellement relevé (2 Thessaloniciens 2).

L’expression quelque peu obscure « la protection des abominations », se rapporte évidemment à ce moment : « Il confirmera une alliance avec la multitude pour une semaine ; et au milieu de la semaine il fera cesser le sacrifice et l’offrande ; et à cause de la protection des abominations, il y aura un désolateur, et jusqu’à ce que la consomption et ce qui est décrété soient versés sur la désolée » (v. 27). La « protection des abominations » signifie évidemment l’idolâtrie sous l’antichrist, l’Assyrien est le « désolateur », Jérusalem « la désolée ».

Aux fins de se protéger contre le « roi du Nord », ou l’Assyrien, la nation apostate, au lieu de s’adresser à son Dieu, recherchera la protection du chef de l’Empire romain, l’antichrist et lui marchant alors de concert. « Nous avons fait une alliance avec la mort, et nous avons fait un pacte avec le shéol ; si le fléau qui inonde — c’est-à-dire le roi du Nord — passe, il n’arrivera pas jusqu’à nous », etc (Ésaïe 28:15), diront-ils alors, mais cette alliance ne leur servira de rien au jour de leur calamité, elle deviendra la cause même de l’envoi du désolateur comme verge du courroux de l’Éternel (Ésaïe 10:5).

Quel soulagement le pauvre résidu persécuté trouvera dans cette pensée que Dieu a posé pour lui en Sion, la cité de leurs tribulations, « un fondement, une pierre éprouvée, une précieuse pierre de coin, un sûr fondement » (Ésaïe 28:16). Qui est cette précieuse pierre de coin ? Nous, chrétiens, nous le savons ; c’est Jésus-Christ, pierre vivante, précieuse auprès de Dieu (1 Pierre 2).


24 - Chapitre 10 — « Cette grande vision »

Il est aisé de reconnaître que les chapitres 10, 11 et 12, forment ensemble un tout, une même prophétie. La grande puissance occidentale, l’Empire romain, occupe la fin du chapitre précédent. Maintenant d’autres personnages des derniers jours, égaux en importance, vont se succéder en vision devant l’esprit qui prophète.

Daniel était de ceux qui n’avaient point profité du décret de Cyrus, autorisant les Juifs à retourner à Jérusalem pour relever la maison de Dieu. Circonstance remarquable qui nous révèle l’état d’âme du prophète.

De Cyrus, nous lisons : « Il accomplira tout mon bon plaisir, disant à Jérusalem : Tu seras bâtie » (Ésaïe 44:28). Cent ans avant sa naissance, l’esprit prophétique le mentionnait déjà par son nom. Avec le temps, quand le peuple d’Israël eut comblé la coupe de ses iniquités, lassé la patience de Dieu, — d’un tel Dieu ! — « afin que fût accomplie la parole de l’Éternel dite par la bouche de Jérémie », le dernier roi de Juda, Sédécias fut emmené captif à Babylone, le temple de Dieu brûlé, ses vases précieux enlevés, les murs de Jérusalem renversés.

Ces désolations si douloureuses au cœur de Daniel, s’étendaient maintenant au travers du pays de beauté, ainsi que l’avait annoncé la voix méconnue de Jérémie.

Mais Dieu n’annonce pas seulement le jugement : Il fait aussi de miséricordieuses promesses communiquées par le même instrument, et « afin que fût accomplie la parole de l’Éternel, dite par la bouche de Jérémie, l’Éternel réveilla l’esprit de Cyrus, roi de Perse ; et il fit une proclamation dans tout son royaume, et la publia aussi par écrit disant… : L’Éternel, le Dieu des cieux, m’a donné tous les royaumes de la terre, et m’a chargé de lui bâtir une maison à Jérusalem, qui est en Juda » (2 Chroniques 36:22-23 ; Esdras 1). Ceci se passait en la « première » année de Cyrus.

Mais Daniel ne se joint pas aux siens, retournant en nombre du côté de Canaan, puisqu’en « la troisième année de Cyrus », nous le retrouvons encore menant deuil « au bord du grand fleuve qui est le Hiddékel » (le Tigre), circonstance remarquable et ouvrant un vaste horizon à nos méditations.

Un grand mouvement s’était produit parmi les Juifs. Après ces années d’exil, soixante mille environ d’entre eux reprenaient, joyeux, la route de la patrie. « Le peuple s’assembla comme un seul homme à Jérusalem » (Esdras 3:1). Généreux de leurs biens en faveur de la maison de Dieu, ils replacent l’autel sur ses bases, creusant les fondements du temple, s’entretenant ensemble, chantant et louant l’Éternel, « car sa bonté envers Israël demeure à toujours » (Esdras 3). Tandis que sur la rive solitaire du Tigre, Daniel demeure en arrière, affligeant son âme et s’humiliant devant l’Éternel.

C’est que la bénédiction prononcée par Cyrus, quelque immense qu’elle fût, lui semblait peu de chose à côte des conseils de Dieu envers son peuple. De longues et pénibles années devaient encore s’écouler avant la venue du Messie promis ; ce Messie même devait être retranché, et des désolations pires que les précédentes atteindraient la nation coupable. Comment donc nous étonner de l’entendre dire : « En ces jours-là, moi, Daniel, je menai deuil trois semaines entières » (10:2).

Son attitude morale est bien celle d’un homme marchant avec Dieu aux jours du déclin et de la ruine. Trois semaines durant il ne fait que jeûner et prier. De nouvelles révélations allaient lui être faites, et Dieu le préparait à les recevoir sans danger pour son orgueil. Après avoir contemplé avec douleur la misérable condition du peuple, il lève les yeux et voit un homme vêtu de lin, les reins ceints d’or d’Uphaz, son visage comme l’aspect de l’éclair, ses yeux comme des flammes de feu, ses bras et ses pieds comme l’apparence de l’airain poli, sa voix comme la voix d’une multitude ; le Seigneur de gloire se présentant lui-même à son serviteur bien-aimé. Tous ceux qui étaient avec lui s’enfuient ; il est laissé seul, sans force, son teint frais changé en corruption. Quel saint cependant était plus cher au cœur de Dieu en ces jours-là ?

Job, en pareille circonstance, s’écrie : « Maintenant mon œil t’a vu : c’est pourquoi j’ai horreur de moi » (Job 42:5, 6). Le disciple bien-aimé, Jean, « tombe à ses pieds comme mort » (Apocalypse 1:17). En présence de la gloire du Seigneur, le pécheur apprend qu’il est vil, le saint qu’il n’est rien.

Un sujet profondément intéressant en rapport avec les voies de Dieu en gouvernement est introduit ici : le ministère des anges, la lutte engagée dans le monde invisible entre la lumière et la puissance des ténèbres.

Tombé en défaillance à la vue de la gloire de Dieu, le prophète sent une main le toucher, entend une voix s’élever pour le rassurer : « Daniel, homme bien-aimé, comprends les paroles que je te dis et tiens-toi debout » (v. 11).

Il apprend alors pourquoi avait tardé la réponse à sa prière, non que Dieu l’eût écoutée avec indifférence : « car dès le premier jour où tu as appliqué ton cœur à comprendre et à t’humilier devant ton Dieu, tes paroles ont été entendues » (v. 12).

Il semblerait que celui qui parle ici n’est pas l’homme vêtu de lin du verset 5, mais simplement un ange, tandis que plus haut le Seigneur avait pris une forme humaine pour apparaître à son serviteur, comme cela se retrouve ailleurs dans l’Ancien Testament. Les anges sont des agents actifs dans le gouvernement de la terre, ministres de Dieu accomplissant son bon plaisir (Psaume 103:20-21), en protection et en délivrance pour les saints (Psaume 34:7), et dans l’exécution de ses desseins envers la terre.

Mais il est important de se souvenir qu’il existe aussi des esprits de méchanceté. Satan est désigné comme « chef de l’autorité de l’air » (Éphésiens 2:2), et quand bien même les croyants sont délivrés de la puissance des ténèbres (Colossiens 1:13), c’est toujours cet esprit qui agit dans les enfants de la désobéissance. Bien que pour la foi il soit rendu impuissant (Hébreux 2:14), Satan n’est point encore lié, et la lutte du chrétien se soutient avec les esprits de méchanceté qui sont dans les airs, lutte en vue de laquelle il a à revêtir l’armure complète de Dieu, afin de demeurer ferme après avoir tout surmonté.

Le jour même où Daniel faisait sa prière, Dieu envoie son messager chargé de la réponse, mais « le chef du royaume de Perse » lui résista « vingt et un jours ». Tout du long de cette lutte entre puissances invisibles, Daniel continue ses ferventes supplications, « et voici, Micaël, un des premiers chefs », qui vient à son secours, ce qui semblerait prouver que l’ange ne représente pas le Seigneur lui-même, dont la gloire ne peut s’associer à l’idée d’être secouru.

Ce personnage céleste informe Daniel qu’il a été envoyé pour lui faire comprendre ce qui attend son peuple « à la fin des jours » (v. 14). Un vaste horizon s’ouvre devant lui. De nombreuses puissances paraissent et disparaissent. Guerres et tumulte parmi les nations avant que luisent les temps de la délivrance d’Israël, mais si la vision « est pour beaucoup de jours », son accomplissement ne peut néanmoins manquer.

Le Seigneur ne laisse point son serviteur anéanti sous le poids de la douleur : « Ne crains pas, homme bien-aimé ; paix te soit ! sois fort, oui, sois fort ! » (v. 19). La lutte pouvait, devait continuer avec la puissance des ténèbres, mais le croyant intelligent dans la Parole, n’en poursuit pas moins sa course, calme, et en pleine assurance de foi. « Et maintenant, je m’en retournerai pour combattre contre le chef de la Perse ; et quand je sortirai, voici, le chef de Javan viendra. Cependant je te déclarerai ce qui est consigné dans l’écrit de vérité » (v. 20, 21).

L’instruction renfermée dans ce chapitre quant à la connexion entre choses visibles et invisibles, est de toute importance pour nous faire rechercher ce que Dieu a révélé au sujet de l’avenir de ce monde. Elle doit aussi nous pousser à une marche dans la sainteté et la prière, afin de n’être pas exposé à cette puissance qui cherche toujours à anéantir les conseils de Dieu.


25 - Chapitre 11:1-4 — Un roi vaillant se lèvera

Cette portion de la prophétie deviendra plus claire du moment où nous comprendrons que le chapitre précédent sert, en quelque sorte, d’introduction à ce qui suit, ôtant ainsi toute idée de l’appliquer à des personnes ou à des événements relatifs à la chrétienté.

Gabriel informe Daniel qu’il est venu pour lui faire comprendre ce qui arrivera à son peuple, les Juifs, « à la fin des jours » (v. 14). Il ne peut donc être question ici, ni du pape, ni de la papauté, ni de Napoléon, ni du sultan, mais uniquement des Juifs. Il n’est au fond pas même question de cette partie de leur histoire maintenant écoulée, la pensée de l’Esprit étant dirigée vers « ce qui arrivera à ton peuple à la fin des jours ; car la vision est encore pour beaucoup de jours ».

Une partie des incidents déclarés par le chapitre 11, a déjà eu son accomplissement, mais au temps de Daniel tout était encore futur, puisque la révélation lui fut envoyée la troisième année de Cyrus, roi de Perse (chap. 10:1), tandis que la plus grande portion de ce 11e chapitre traite de guerres et d’intrigues entre rois du Nord et rois du Midi, sortis de l’empire d’Alexandre qui succéda lui-même à celui des Mèdes et des Perses. Événements futurs lorsque le prophète en a la vision, ils sont maintenant accomplis jusqu’au verset 35 de notre chapitre. C’est un fait de toute importance. Le chapitre offre une division au verset 36. Ce qui la précède est devenu de l’histoire, après avoir été de la prophétie, tandis que de la suite, rien n’a encore paru sur la scène.

Ce premier verset semble une parenthèse ; nous n’avons pas à en inférer que la vision fût donnée sous le règne de Darius le Mède, puisque clairement elle est datée de la troisième année de Cyrus, roi de Perse. Plusieurs Darius paraissent dans les Écritures. Celui qui est surnommé le Mède, est le premier roi de la dynastie Médo-Perse (chap. 5:31), ainsi que nous l’avons déjà remarqué au sujet de la prépondérance initiale de l’élément médique qui cède ensuite le pas à la Perse plus puissante que lui. Le bélier, chapitre 8, avait deux cornes. « Ce sont les rois de Médie et de Perse » (v. 20), « et les deux cornes étaient hautes, mais l’une était plus haute que l’autre, et la plus haute s’éleva la dernière » (v. 3) ; cette plus haute corne représente la Perse. Témoignage merveilleux rendu à l’inspiration divine sans laquelle Daniel n’eût jamais pu, si longtemps à l’avance, donner en si peu de mots, tant d’événements marquants.

La mention de Darius, le Mède, au chapitre 11:1, sert à démontrer que le messager angélique du chapitre 10 est bien Gabriel, l’instrument choisi pour communiquer à Daniel la prophétie des soixante-dix semaines (comp. chap. 9:1, 21 et chap. 11:1).

« Et maintenant, je te déclarerai la vérité » (v. 2). Avec quelle assurance le céleste messager s’exprime ! Combien brièvement aussi, quoique si exactement à l’égard d’événements encore à venir.

« Il s’élèvera encore trois rois en Perse ». Trois rois devaient succéder à Cyrus au temps duquel la parole fut prononcée. L’histoire est venue la réaliser. Cambyse, Smerdis, le mage, et, Darius Hystaspe, sont autant de souverains retrouvés en Esdras, bien que sous des noms différents (Esdras 4).

Cyrus avait commandé de rebâtir « la maison de l’Éternel, le Dieu d’Israël (lui est Dieu), à Jérusalem » (Esdras 1:3), mais les adversaires s’étant interposés, le travail cessa « et il fut arrêté jusqu’à la seconde année du règne de Darius, roi de Perse » (Esdras 4:24). Celui-ci n’est point le Darius le Mède, de Daniel 11.

Esdras parle (chap. 4), de deux autres rois, Assuérus et Artaxerxés, entre Cyrus et Darius, rois qui, dans l’histoire profane, se nomment Cambyse et Smerdis. Encore une fois, nous ne pouvons que relever la parfaite exactitude de la parole prophétique.

« Le quatrième deviendra riche de grandes richesses plus que tous, et quand il sera devenu fort par ses richesses, il excitera tout contre le royaume de Javan » (v. 2). Qui ne reconnaîtrait ici Xerxès, auquel ses richesses énormes permirent de conduire cinq millions de soldats contre la petite nation grecque ? « Et un roi vaillant se lèvera ». Laissant maintenant la Perse de côté, le reste du chapitre s’occupe des divers conflits, comme aussi des alliances entre rois qui surgirent de l’empire grec. Le roi vaillant est Alexandre le Grand, déjà mentionné au chapitre 8, comme la grande corne du bouc (v. 8). Lorsqu’elle fut brisée, c’est-à-dire à la mort d’Alexandre, quatre cornes de grande apparence s’élevèrent à sa place vers les quatre vents des cieux (8:8). Même prophétie ici de cette division en quatre d’un grand empire (11:4). « Et quand il sera levé, son royaume sera brisé, et sera divisé vers les quatre vents des cieux », mais avec un nouveau détail à l’appui de sa merveilleuse exactitude : « et ne passera pas à sa postérité », à ses enfants ou descendants.

Nous savons par l’histoire que lorsque Alexandre fut soudainement retranché au cours d’une lointaine conquête, ses généraux réunis en conseil se hâtèrent de partager l’héritage en quatre, selon le nombre des aspirants. Le fait est indiqué, mais deux seulement des quatre rois ont eu affaire avec le peuple de Dieu et la Palestine, les deux autres ne sont point compris dans la prophétie. Le roi du Nord et le roi du Midi dont s’occupe ce chapitre représentent les premiers.

La Bible ne nous est pas donnée comme histoire des nations (quelque intéressant que cela paraisse à l’esprit humain), mais pour établir et élucider devant nos yeux les voies de Dieu à l’égard d’Israël. Ceux-là seuls ont de l’importance parmi les peuples qui sont liés avec celui de son choix, et comme dans le passé, ainsi il en sera dans l’avenir.

L’Inde, la Chine, le Japon, l’Afrique peuvent absorber aujourd’hui la pensée de l’homme, mais la Palestine est le pays sur lequel, d’un bout de l’année à l’autre, le Seigneur a toujours les yeux.


26 - Chapitre 11:5-20 — Les rois du Nord et du Midi

Nous arrivons aux deux rois procédant de l’empire d’Alexandre, qui doivent s’occuper d’une façon marquée des Juifs et de la Palestine.

Deux des quatre divisions sont passées sous silence dans la parole de Dieu, tandis que les deux autres, celle du nord et celle du midi, sont l’objet d’une attention spéciale. Il est clair que ce ne sont pas les mêmes individus tout le long du chapitre 11, le même roi du Nord et le même roi du Midi, mais leur dynastie, une période d’environ cent trente ans s’étendant entre les versets 5 et 20, depuis la mort d’Alexandre le Grand, à l’accession d’Antiochus Épiphane, « l’homme méprisé » du verset 21

Pour l’intelligence de ceux qui ne sont pas encore versés dans ces sujets si profondément intéressants, il est utile de répéter que les titres de ces rois ont rapport à la position géographique de leur territoire relativement à la Palestine, le centre de tous les conseils de Dieu pour la terre. Le Dieu qui, en si peu de mots, mit sur les lèvres de Daniel l’exacte description d’ambitieuses campagnes, d’alliances politiques, d’intrigues sans nombre pour raison d’État, et cela avant qu’un seul des acteurs n’eût paru sur la scène, ce même Dieu ne pouvait-il pas donner à tous ceux, hommes et femmes, dont il est ici question, leur propre nom dans l’histoire ? Ne l’avait-il pas fait dans le cas de Cyrus ? (Ésaïe 44:28). Mais afin de montrer l’importance à ses yeux de cette étroite bande de terre, la Palestine, le pays d’Égypte au sud, a son roi désigné comme roi du Midi, et par la même raison celui de Syrie devient le roi du Nord. Leur position relative quant au pays de l’Éternel, est d’une importance bien supérieure au nom de leurs souverains. Si exacte toutefois, malgré sa brièveté, est la description due à l’inspiration, qu’au moyen de l’histoire, tous, ou presque tous ces noms, peuvent venir occuper leur place ici.

La partie du chapitre 11 (v. 5-45), qu’il nous reste encore à étudier, peut être divisée en trois paragraphes.

Le premier (v. 5-20) comprend, comme nous l’avons déjà remarqué, une période d’environ cent trente ans. « Le roi du midi sera fort, et un de ses chefs », Ptolémée Soter, général d’Alexandre, « mais un autre sera plus fort que lui », cet autre, Séleucus Nicator, premier roi du nord. Il est dit de lui que « Sa » domination sera une grande domination (v. 5), observation importante, parce qu’on limite souvent les confins du roi du Nord à la seule Syrie, tandis que le sceptre de Séleucus Nicator allait de la Macédoine jusqu’aux frontières de l’Inde.

Ptolémée Soter mourut en 284. A. C. et son fils, Ptolémée Philadelphe lui succéda ; nous le trouvons au verset 6. « Au bout de plusieurs années », — car Philadelphe avait déjà occupé le trône d’Égypte durant trente-six ans, un long règne pour ces temps de trouble — une alliance se conclut entre roi du midi et roi du nord : « ils s’uniront ensemble ».

Le roi du Nord était alors Antiochus Théos. Lassé de luttes incessantes dont il ne pouvait sortir, il songea, en ce qui concernait le roi du Midi, à y mettre fin par un mariage : « Et la fille du roi du midi viendra vers le roi du nord pour faire un arrangement droit ». Celle-ci est Bérénice, fille de Philadelphe, qui l’amena en grande pompe au roi de Syrie dont elle devint l’épouse 249 ans A. C. — après qu’Antiochus eût répudié sa première femme Laodice, pensant ainsi mieux cimenter l’alliance. Tout autant d’intrigues sans résultats heureux, car l’histoire nous apprend qu’à la mort de son père, Bérénice fut emprisonnée par Antiochus, vérifiant ainsi la prophétie : « Mais elle ne conservera pas la force de son bras », tandis qu’Antiochus empoisonné par sa femme Laodice, l’était en accomplissement de ce qui suit « et il ne subsistera pas, ni son bras ».

Ptolémée Evergètes succédant à son père, mit tout en œuvre pour faire sortir de prison sa sœur Bérénice et son fils. « D’un rejeton de ses racines se lèvera à sa place un homme » (v. 7), c’est-à-dire à la place de celui « qui l’a engendrée et lui aidait en ces temps-là » (v. 6), son père. Quelle exactitude dans ces détails des versets 6 et 7, qui s’accomplissent ici à la lettre. Non seulement Bérénice est mise à mort, mais aussi son fils. « Et elle sera livrée… et celui qu’elle avait enfanté… et celui qui l’aidait en ce temps-là ».

Ptolémée Evergètes occupant le trône de son père, père également de Bérénice, répond au verset 7 : « D’un rejeton de ses racines se lèvera à sa place un homme », etc. Par les historiens du temps, nous connaissons toutes les incursions en Syrie dont il est ici question. Evergètes rassemble une forte armée pour aller à la délivrance de sa sœur prisonnière du roi du Nord, mais arrivant trop tard, après qu’elle et soit fils ont été mis à mort, il déverse sa colère sur les meurtriers, et se rend maître d’une grande partie de la Syrie, jusqu’à Babylone, comme le dit Daniel : « Il viendra à l’armée… et il agira contre eux et se montrera puissant » (v. 7), et comme le disent les auteurs profanes : « Il revint avec de grandes richesses d’or et d’argent, quarante mille talents, un grand nombre de vases précieux et des statues au nombre de deux mille cinq cents, parmi lesquelles des idoles égyptiennes que Cambyse avait transportées en Perse ».

L’Esprit de Dieu donnait déjà tous ces détails au prophète : « Il emmènera captifs, en Égypte, leurs dieux et leurs princes, avec leurs objets précieux, l’argent et l’or » (v. 8). Remarquons ici que ce verset met hors de doute la signification des termes nord et midi. L’Égypte est indiquée comme pays du roi du Midi, tant il est vrai que l’Écriture suffit à sa propre interprétation.

Quand même il est intéressant de comparer avec la Parole ce qui découle d’une plume humaine, l’intelligence de ce qu’elle contient n’en est point augmentée. « Et il subsistera plus d’années que le roi du nord » (v. 8). En effet, Séleucus Callinique, alors roi de Syrie, mourut quatre ans avant Evergètes, 225 A. C. Le roi du Midi, au verset 11, est Ptolémée Philopator, fils d’Evergètes, auquel Antiochus le Grand, roi du Nord, fit la guerre absolument selon ce qui est dit ici, et par lequel il fut vaincu, à la bataille de Raphia, malgré une armée nombreuse détruite en partie, le reste emmené en captivité, et pourtant « il — le roi du Midi — ne prévaudra pas » (v. 12). Non, il n’a pas prévalu, le fruit de ses victoires ayant été dépensé dans les voluptés.

Le même roi du Nord est en cause du verset 13 à la fin du 19e. Quelques années plus tard, treize ou quatorze, Antiochus renouvelle le conflit avec Ptolémée Épiphane, fils de Philopator : « Et le roi du nord reviendra et mettra sur pied une multitude plus grande que la première… après une période d’années » (v. 13). Il arriva, ainsi que le prophète l’avait dit.

« Et dans ces temps-là plusieurs se lèveront contre le roi du midi » (v. 14). Il en fût ainsi, car les rois de Syrie et de Macédoine conspirèrent entre eux pour le perdre. Et pas eux seuls, car : « les violents de ton peuple s’élèveront pour accomplir la vision ». C’étaient des Juifs apostats, abandonnant l’Éternel et ses lois et prenant parti pour Ptolémée, « mais ils tomberont ». Antiochus victorieux mit à mort tous ceux qui s’étaient élevés contre lui.

Selon l’histoire profane, chacun de ces détails s’est accompli à la lettre. Impossible de les relever tous, cependant le verset 16 demande une attention spéciale : « Il — le roi du Nord — se tiendra dans le pays de beauté ». Nouvelle preuve que nous sommes ici au milieu de scènes et de circonstances absolument juives. La Palestine est le pays de beauté. Quelque sombre qu’ait été le passé, quelque infiniment plus sombre encore que doive être l’avenir, la foi compte sur Dieu malgré tout et appelle pays de beauté, celui qu’il s’est choisi et sur lequel se déploiera toute la gloire du Messie.

Le verset 17 se rapporte a un stratagème imaginé par le roi du Nord, au moyen duquel il croit réussir où la force des armes a échoué. Une fois encore ces deux rois recourent à un mariage pour cimenter leur alliance, et cette fois la fille du roi du Nord, Cléopâtre (qu’il ne faut pas confondre avec la Cléopâtre de l’époque romaine) vient épouser le roi du Midi. Le but d’Antiochus était de s’emparer de lui par la trahison de sa femme, ce que l’Écriture appelle « la pervertir » (v. 17). Mais l’histoire nous apprend qu’il ne réussit point, ce que la prophétie avait déjà annoncé du reste.

Le roi du Nord tourne maintenant ses armes du côté des îles : ce sont les îles de l’Archipel grec. Au début il semble réussir, mais bientôt il se trouve face à face avec un prince dont le peuple se voyait incriminé pour cette invasion, les Romains, sous la protection desquels elles étaient placées. Battu par leur consul, Scipion, Antiochus revient dans son propre pays pour y finir bientôt après.

Le règne si court de Séleucus Philopator, son fils, vient au verset 20. Son plus grand souci fut de recueillir les impôts dont les Romains l’avaient grevé. Rien d’important durant sa vie, vite tranchée par la trahison d’un ami et non par les armes ou par une sédition de son peuple.

On mettra peut-être en question l’utilité d’une si longue étude de cette partie des Écritures, mais outre que tout ce que Dieu s’est plu à nous révéler réclame la même attention, chaque lecteur ne peut qu’être frappé du témoignage rendu par elle à l’inspiration verbale des Saintes Écritures — Autrement, comment Daniel eût-il pu les décrire, si longtemps à l’avance, avec une pareille exactitude de détails ? Seule la divine inspiration produit pareil miracle. « Car la prophétie n’est jamais venue par la volonté de l’homme, mais de saints hommes de Dieu ont parlé, étant poussés par l’Esprit Saint » (2 Pierre 1:21).


27 - Chapitre 11:21-35 — Un homme méprisé

Voici maintenant le second des trois paragraphes qui composent ce chapitre.

Bien qu’entrant dans certains détails, l’Esprit de Dieu passe (comparativement) rapidement sur l’histoire antérieure des rois du Nord et du Midi. Une période de 130 ans est relatée en quelques mots dans les versets 5-20, puis vient un temps plus important sans doute, puisqu’il nous arrête sur dix années seulement — de 175 à 165 A. C. Plusieurs rois sont passés en revue dans la section précédente, tandis que celle-ci ne traite que d’un seul, le notoirement infâme Antiochus Épiphane, bien nommé « un homme méprisé ».

Comment une durée de seulement dix années acquiert-elle tant d’importance ? Parce que le roi qui la remplit en représente un autre, non encore paru sur la scène, mais qui s’y montrera infiniment plus redoutable que ce terrible Antiochus lui-même. L’un et l’autre sont si intimement mêlés aux affaires des Juifs, qu’ils en prennent une grande importance devant Dieu, dont le cœur est toujours avec son peuple en dépit de son indignité.

L’exactitude des détails, aussi remarquable ici que partout ailleurs, ne laisse aucun doute quant à la personne visée, lorsque Dieu expose à Daniel ce que réserve l’avenir.

D’après l’histoire profane, Antiochus, frère de Séleucus, était en route, revenant de Rome, lorsqu’il apprit la mort de ce dernier et l’effort des meurtriers pour usurper la couronne. Ptolémée, roi d’Égypte, intriguait de son côté contre lui, selon la parole prononcée (v. 21). « Un homme méprisé s’élèvera… auquel on ne donnera pas l’honneur du royaume » ;… il monte sur un trône dont on cherche avidement à le frustrer, s’y assied assez paisiblement même, ayant trouvé, comme alliés, deux rois puissants qui font justice de l’usurpateur et soutiennent la cause d’Antiochus. Il assume alors le surnom d’Épiphane, l’illustre, que son caractère vil et méprisable fit changer en Épimane, l’insensé.

Le portrait qu’en ont laissé Josèphe et les historiens du temps, le montrent bien « l’homme méprisé » de la prophétie. Persécuteur systématique du peuple de Dieu, ses iniquités lui donnent un caractère distinctif parmi ses semblables. Non que ce peuple ne méritât le châtiment, mais son Dieu ne laisse pas impunis ceux qui, par égoïsme ou méchanceté, persécutent son peuple.

En vue de s’assurer la Palestine comme possession et d’utiliser les Juifs dans une de ses expéditions en Égypte, Antiochus se fait aider par le frère du souverain sacrificateur aux fins de le supplanter dans son office, et de distribuer l’argent et les faveurs parmi certains du peuple qui ont tourné le dos à la sainte alliance. Les versets 23-24 y font allusion.

D’abord tout marche à souhait, défaite des Égyptiens, dont le roi Ptolémée tombe au pouvoir du vainqueur ; mais au lieu de le mettre à mort, Antiochus l’accueille, le reçoit à sa table ; amitié mensongère enregistrée au verset 27 : « Ils diront des mensonges à une même table ».

Ses desseins ne réussissent cependant pas, et il rentre dans son pays chargé des richesses recueillies durant l’expédition. Le bruit de sa mort courant à Jérusalem, devint la cause de réjouissances si générales, que sa rage insensée contre les Juifs s’en accrut encore ; « son cœur sera contre la sainte alliance » (v. 28). Retournant en Syrie, il s’empare traîtreusement de Jérusalem et l’occupe. Un péché s’ajoutant à l’autre, la moquerie s’unissant au blasphème, il pénètre dans le temple et offre une truie sur l’autel, souillant ainsi le sanctuaire et les lieux saints, et faisant cesser le sacrifice. La parenthèse formée par les versets 11 et 12 du chapitre 8, se rapporte à cette circonstance. « Il » signifie ce dernier roi, Antiochus Épiphane. La purification du sanctuaire (8:13-14), se rapporte, croyons-nous, à ce qui se passa quatre ans après cette profanation, sous Judas Macchabée, lorsqu’il arracha Jérusalem des mains des gentils.

Voici maintenant comment l’Esprit nous parle de la dernière expédition d’Antiochus en Égypte : « Il n’en sera pas la dernière fois comme la première » (11:29-35), c’est-à-dire qu’elle n’aura pas de succès partiel comme les autres fois, mais complète et humiliante, sans doute, cette défaite ne sera rien à côté du désastre final qui atteindra, dans un temps futur, ce roi du Nord dont Antiochus est le type.

Le verset 30 donne l’explication du revers d’Antiochus : « Les navires de Kittim viendront contre lui » (l’intervention d’une puissance occidentale), figure sous laquelle les Romains paraissent pour la première fois sur la scène dans notre chapitre. La rencontre de leur consul avec Antiochus fut un coup terrible porté à l’orgueil de ce dernier. L’Égypte ayant demandé à Rome du secours contre son terrible ennemi, la réponse, sous forme d’un représentant, lui parvint au moment où Antiochus se disposait à faire le siège d’Alexandrie. Retrouvant en lui une ancienne connaissance, le misérable s’apprête à le traiter en ami, veut lui tendre la main, mais se voit repoussé avec hauteur, sommé de déclarer premièrement ses intentions à l’égard de la puissance dont voici l’envoyé, et de par le Sénat de Rome, reçoit maintenant l’ordre de quitter immédiatement le pays d’Égypte. Force lui est de se soumettre, et de rentrer, humilié, dans son pays (v. 30). « Et il sera découragé et retournera ». Ce qui ne l’empêche pas de satisfaire son besoin de vengeance en s’acharnant contre les Juifs, parmi lesquels l’Esprit de Dieu distingue les fidèles des apostats. Par le moyen de ceux-ci, « ceux qui abandonnent la sainte alliance », le roi inique manifeste sa haine contre Dieu et son peuple. En cette occasion toutefois, Antiochus ne vient pas lui-même à Jérusalem, se borne à envoyer l’un de ses généraux, « des forces se tiendront là de sa part » (v. 31), qui accomplissent ses desseins, abolissent le sacrifice, et placent une idole dans le lieu saint du temple.

Il ne s’agit point ici de ce qui se lit en Matthieu 24, bien qu’à première vue l’expression « abomination de la désolation » puisse le faire supposer. Mais il y a une différence à observer. En Daniel 11:31, « l’abomination de la désolation » désigne ce qui se passe aux jours d’Antiochus, l’antitype du dernier roi du Nord. Elle était sans doute un type de ce que le Seigneur annonce comme devant précéder son apparition en jugement, mais le verset cité par Lui se trouve plus loin, au chapitre 12:11, attendant encore son accomplissement, accomplissement déjà réalisé pour le verset 31 du chapitre 11.

Les jours d’Antiochus présentent une parfaite analogie avec des temps encore à venir, seulement, de terribles qu’ils furent, ce qui doit arriver plus tard est autrement épouvantable. Toutes les flatteries et tous les moyens possibles sont ici mis en œuvre pour inciter les Juifs à l’apostasie, mais l’Esprit de Dieu Lui réserve des témoins : « Le peuple qui connaît son Dieu » (v. 32), les Macchabées et autres, demeurés fidèles au Seigneur qui se sert d’eux pour empêcher le peuple tout entier de tomber dans le piège.

Le résidu de l’avenir n’aura pas à rendre témoignage par des hauts faits et des exploits guerriers. Persécutés dans une ville, les fidèles sont exhortés à fuir dans une autre, sans prendre l’épée. Il y a sans doute une similitude entre le passé sous Antiochus et l’avenir aux jours de l’Antichrist, mais la différence est aussi assez clairement maintenue, pour indiquer que nous avons affaire à deux périodes distinctes.

Le point important pour l’intelligence de ce chapitre, est de bien voir, au verset 35, la rupture évidente entre le passé et l’avenir, les termes mêmes dont use le prophète l’indiquent suffisamment : « Ce sera encore pour le temps déterminé ».

Pas à pas nous avons retrouvé l’histoire depuis le verset 5. Nul qui la connaît ne peut que s’émerveiller de la parfaite exactitude de la prophétie jusqu’ici. Mais depuis le verset 36, tout est vague, dit l’aveugle incrédulité désireuse d’en inférer que Daniel n’existait point au temps de Cyrus, roi de Perse, chapitre 10:1, et que le soi-disant miracle d’événements ainsi décrits à l’avance est simplement un leurre. Si, comme ils le prétendent, l’auteur du livre de Daniel vivait sous Antiochus Épiphane, il lui était facile de noter au jour le jour, ses agissements, et de deviner à peu près ce qui suivrait. Ceux qui parlent ainsi, « errent, ne connaissant pas les Écritures » (Matthieu 22:29).

Tous les événements contenus dans ce chapitre étaient à venir lorsque le prophète les fit connaître, mais se sont déjà réalisés jusqu’au verset 35, après lequel nous allons retrouver ce qui est encore futur.


28 - Chapitre 11:33-39 — Le temps de la fin

Nous arrivons maintenant à cette importante partie de la prophétie à laquelle ce qui précède nous a conduits pas à pas.

Les nombreux détails sur Antiochus Épiphane et son époque, sont dus au fait qu’il représente le dernier « roi du Nord » de l’avenir. Son histoire a été décrite jusqu’à la fin du verset 32. Notre chapitre entame maintenant un sujet distinct. Les versets 33-35 décrivent une longue période de l’histoire des Juifs, s’étendant depuis les jours d’Antiochus Épiphane, jusqu’au temps de la fin. La parole prophétique annonce que, pendant cette période, le peuple juif sera persécuté et dispersé : « Ils tomberont par l’épée et par la flamme, par la captivité et par le pillage, plusieurs jours » exposé graphique de leurs longues souffrances. Ils ne seront pas abandonnés néanmoins, mais « secourus avec un peu de secours » (v. 34).

Mais du milieu d’eux s’élèvera pour « enseigner la multitude », un groupe de « sages », mentionnés au chapitre 11:33-35, et au chapitre 12:3, 10. C’étaient les Macchabées d’alors, mais d’autres surgiront en un temps futur, instruments entre les mains de Dieu pour encourager et fortifier le résidu persécuté.

Quelques-uns de ces « sages » tomberont sans doute, mettant à une terrible épreuve le résidu fidèle. Il leur semblera que Dieu lui-même les a abandonnés, et en effet leurs ennemis parmi la nation apostate, leur jetteront cette injure à la face. Cela aura lieu surtout durant la période de la grande tribulation, comme nous le lisons aux Psaume 42 et 43. Chassés de Jérusalem où règne l’Antichrist (voyez Matthieu 24), opprimés par leurs ennemis, en apparence abandonnés de Dieu, la question railleuse de l’incrédulité : « Où est ton Dieu ? » les transpercera comme un poignard. Des jours si terribles, toutefois, précéderont immédiatement l’heure de la délivrance. Sans vouloir allonger le sujet, insistons encore sur la remarquable parenthèse qui sépare l’époque d’Antiochus Épiphane des derniers jours sous l’Antichrist. L’histoire de la dispersion actuelle d’Israël, est contenue tout entière dans les versets 33-35.

Les suivants, versets 36-39, introduisent brusquement sur la scène le personnage qui doit exercer l’influence la plus néfaste sur les affaires de la Palestine, voire même de l’Europe occidentale : « Le roi agira selon son bon plaisir ». Celui-ci ne doit point être confondu avec aucun des autres rois du Nord et du Midi, mis en cause dans ce chapitre. Le verset 40 le prouve, car, « au temps de la fin, le roi du Midi heurtera contre lui, et le roi du Nord fondra sur lui ». Il demeure donc entre les deux et devient leur point d’attaque. En d’autres mots, son royaume est évidemment la Palestine ; nous en trouverons la preuve un peu plus loin.

En Ésaïe, le même personnage est introduit de la même façon. Après un exposé de la triste condition d’Israël, l’aurore de jours meilleurs parait avec le 30e chapitre. « L’Éternel bandera la brisure de son peuple et guérira la blessure de ses plaies ». L’Éternel prend maintenant sa cause en main, faisant justice sommaire de ses ennemis. « Un chant comme dans la nuit » et « une joie de cœur » deviendra la part du peuple repentant. « L’Éternel fera entendra la majesté de sa voix », par laquelle l’Assyrien sera renversé après avoir été la verge pour leur dos. Son jugement comme dernier roi du Nord se trouve dans ce même chapitre, versets 30-33 et chapitre 31:8-9, et non seulement le sien « Car Tophet est préparé depuis longtemps : pour le roi aussi il est préparé. Il l’a fait profond et large ; son bûcher est du feu et beaucoup de bois : le souffle de l’Éternel, comme un torrent de soufre, l’allume ». Le roi subit le même sort que l’Assyrien, ce roi, le faux prophète d’Apocalypse 19, que nous voyons jeté dans l’étang de feu.

Au chapitre 57 de ce livre d’Ésaïe, reparaît le terrible souverain que s’est choisi l’Israël apostat. « L’esprit immonde » de l’idolâtrie (Matthieu 12:43-45) prendra de nouveau possession du peuple. L’Antichrist, régnant à Jérusalem comme faux Messie, sera l’objet principal de sa vénération idolâtre. L’un des caractères distinctifs de ce roi, c’est qu’il « agira selon son bon plaisir ». Cause première de la chute de l’homme, la volonté propre est le piège dans lequel chaque enfant d’Adam risque continuellement de tomber et contre lequel tous doivent se tenir en garde. Faire sa volonté semble à première vue chose légère, mais de fait c’est la racine et le principe du péché, car « le péché, c’est l’iniquité », l’état de l’homme sans loi (1 Jean 3:4), et non pas seulement la transgression de la loi. Une marche sans loi, c’est la volonté humaine en pleine activité, et quoi de plus terrible comme cause ou comme effet ? L’Antichrist en sera la preuve, tandis que le Christ de Dieu, venu, non pour faire sa volonté, mais la volonté de Celui qui l’a envoyé, s’est écrié : « Voici, je viens pour faire ta volonté » (Hébreux 10).

Que ce roi qui « agit selon son bon plaisir » ne soit autre que l’homme de péché, ou l’Antichrist, cela est évident par le rapprochement des passages, Daniel 11:36 et 2 Thessaloniciens 2:4, où les mêmes termes se retrouvent employés par l’Esprit de Dieu. « Il s’exaltera, et s’élèvera contre tout dieu et proférera des choses impies contre le Dieu des dieux, et il prospérera jusqu’à ce que l’indignation soit accomplie ». Voici donc un homme cherchant à usurper la place de Dieu lui-même !

Quelques-uns de nos lecteurs pourraient penser qu’il s’agit ici de la papauté, si ce n’est du pape lui-même, trônant à Rome. Il est vrai qu’il a des prétentions à une autorité qui appartient à Dieu seul, mais des raisons puissantes le distinguent de l’homme de péché.

« Le roi », de Daniel 11, l’homme de péché de 2 Thessaloniciens, sont en rapports intimes avec les Juifs et la Palestine. Du dernier, il est dit : « Lui-même s’assiéra au temple de Dieu ». Ce n’est pas Saint Pierre de Rome, mais le temple de Jérusalem qui doit être relevé, et il est dit de cet homme qu’il « prospérera jusqu’à ce que l’indignation soit accomplie », temps auquel Ésaïe fait si souvent allusion (Ésaïe 10:5-25 ; Daniel 8:9).

Sa connexion avec les Juifs est encore affirmée par le verset suivant : « Il n’aura point égard au Dieu de ses pères ». Tout Juif pieux mettait sa confiance dans le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, mais l’Antichrist n’a que faire de Lui, « ni du désir des femmes », dont chacune, parmi le peuple, aspirait à être la mère du Messie promis, l’attente et le Rédempteur d’Israël. Professant la plus complète incrédulité, ce « roi » qui n’aura égard à aucun dieu, que ce soit le vrai Dieu ou les divinités païennes, « s’agrandira au-dessus de tout ». Quelle chose terrible que l’homme sans Dieu !

À première vue, les versets suivants semblent une contradiction, car ils parlent du « dieu des forteresses », remplaçant le vrai Dieu, comme objet de vénération idolâtre pour l’Antichrist,

Cette expression un peu obscure semble indiquer une chose qui a un caractère militaire. On a pensé aussi que le mot Mahuzzim pouvait signifier des forces cachées et s’appliquer au spiritisme ou aux sciences occultes, mais quoiqu’il en soit, 2 Thessaloniciens 2, parle d’une puissance miraculeuse chez l’homme de péché, auquel elle ne peut manquer d’apporter la superstitieuse admiration des masses qui auront renié le vrai Dieu révélé en Christ. Comme nous l’avons observé, tout ce passage de Daniel se rapporte aux Juifs. « Il partagera le pays en récompense » (v. 39). Le pays… c’est-à-dire la Palestine, aucun autre ne pouvant être ainsi désigné par l’Esprit de Dieu. Mais d’autres portions des Écritures nous montrent aussi l’Antichrist en rapport avec la chrétienté apostate (2 Thessaloniciens 2).

Combien il est solennel de constater, déjà aujourd’hui, l’activité des principes qui vont incessamment introduire ce terrible caractère de la fin. L’incrédulité se propage en tous sens, le spiritisme également ; déjà les Juifs se tournent vers Sion, dans un esprit d’infidélité qui leur fera accepter un faux roi, prêt à être révélé au moment où, l’Église ayant été enlevée, l’Esprit de Dieu, la puissance qui retenait, « sera loin ».

Daniel ne nous dit pas quelle sera la fin du « roi », — le « roi du Nord » et non le « roi » ou Antichrist, étant le sujet des versets suivants, 44-45 — mais le Nouveau Testament montre « l’inique » consumé par le souffle de sa bouche, lorsque Christ sera manifesté en gloire.


29 - Chapitre 11:40-43 — Le pays d’Égypte n’échappera pas

Pour l’intelligence des derniers versets de ce chapitre, il est essentiel de distinguer clairement « le roi » (v. 36) du « roi du Nord » (v. 40).

« Le roi », l’Antichrist, disparaît de la scène aussi brusquement qu’il y est apparu ; à partir du verset 40, il n’en est plus question. Nous le retrouvons dans le Nouveau Testament qui montre sa fin et les circonstances dans lesquelles elle se produit (Voyez 2 Thessaloniciens 2:8 ; comp. avec Ésaïe 11:4 ; Apocalypse 19:20). Le roi de Daniel 11:36, l’homme de péché de 2 Thessaloniciens 2:3, et le faux prophète d’Apocalypse 19, sont un seul et même personnage, vu dans des circonstances et sous des titres différents.

Au temps de la fin, qui se prépare rapidement, l’Antichrist régnera à Jérusalem, usurpant le titre de roi et accepté par la nation apostate. Comme allié dans l’Europe occidentale, il aura l’empire romain reconstitué, appelé dans l’Apocalypse, « la Bête », qui, par son moyen (Daniel 9:27), confirmera une alliance avec la multitude des Juifs. Ésaïe en parle au chapitre 28. « Nous avons fait une alliance avec la mort, et nous avons fait un pacte avec le sépulcre », s’écrient les orgueilleux meneurs qui croient ainsi se mettre à l’abri du puissant adversaire dont l’Éternel fait la verge de son indignation : « Voici, le Seigneur a un instrument fort et puissant, comme un orage de grêle, un tourbillon de destruction : comme un orage de puissantes eaux qui débordent, il renversera par terre avec force. La couronne d’orgueil des ivrognes d’Éphraïm sera foulée aux pieds » (v. 2-3). Voulant croire à la protection efficace de la Bête, les Juifs répondent alors : « Si le fléau qui inonde passe, il n’arrivera pas jusqu’à nous » (v. 15), mais combien ils se trompent !

La pierre établie en Sion, comme sûr fondement de paix et de sécurité pour le résidu fidèle, cette pierre tombera sur la nation rebelle et l’écrasera, annulant sa convention avec la mort et le sépulcre ; le fléau qui inonde passera sur elle et son orgueil sera détruit. Ésaïe annonce ici l’invasion de la Palestine par le dernier roi du Nord, la même sur laquelle, deux cents ans plus tard, Daniel nous donne encore plus de détails.

Si l’inique roi de la Palestine trouve un allié dans la Bête, il aura par contre deux puissants ennemis dans les rois du Nord et du Midi. « Au temps de la fin, le roi du Midi heurtera contre lui ». Jérusalem sera alors — et combien peu de temps nous en sépare peut-être ! — le centre d’événements d’une importance capitale. Le roi du Midi semble identifié ici avec l’Égypte, dont il ne faut pas limiter la sphère d’autorité à la région portant aujourd’hui ce nom.

Ne voyons-nous pas (v. 43), que « les Libyens et les Ethiopiens suivront ses pas » et feront partie des conquêtes du roi du Nord ? La Libye s’étendait d’une côte à l’autre de l’Afrique du nord, représentant tout ce qui alors était connu de ce continent. La façon dont il s’est développé durant ces dernières années, révèle l’effort des hommes politiques tendant à en faire un empire unifié, et qui peut dire que la ligne, « du Cap au Caire », n’appartienne au roi du Midi ? Si le territoire du roi du Nord s’étend bien au delà des frontières de la Palestine, ne peut-on pas en augurer autant de celui du roi du Midi ? L’importance de ce roi, puissant facteur dans les événements à venir, s’impose de plus en plus là notre esprit. Pour Dieu, il n’est d’important que ce qui concerne la gloire de son Fils bien-aimé et les intérêts de son peuple, soit terrestre soit céleste. Et quand même l’Afrique a aujourd’hui un intérêt qui absorbe tous les autres, toute la fiévreuse activité des nations n’aboutira qu’à l’accomplissement des desseins de Dieu, en rapport non pas avec l’Égypte, l’Europe ou la Russie, mais bien avec la Palestine et Jérusalem. Ce sujet n’est point à sa place ici, mais nous le recommandons à l’attention des lecteurs chrétiens.

Si d’un côté le roi du Midi pousse ses armées contre Jérusalem, de l’autre le roi du Nord « fondra sur lui comme une tempête, avec des chars et des cavaliers, et avec beaucoup de navires », une grande puissance navale et militaire tombant du nord sur la Palestine, « et entrera dans les pays et inondera et passera outre », c’est-à-dire que les contrées limitrophes tomberont également en son pouvoir. « Il viendra dans le pays de beauté », la Palestine, non pas selon la beauté de Babylone, mondaine et humaine (Ésaïe 13:19), mais selon le choix de Celui qui, tant de siècles auparavant, y avait amené son peuple délivré de la servitude : « le pays sur lequel j’avais jeté les yeux pour eux, pays ruisselant de lait et de miel, qui est un ornement entre tous les pays » (Ézéchiel 20:6).

Victorieux sur tant de points, le roi puissant du Nord voit cependant trois des territoires qui avoisinent la Palestine échapper de sa main : « Edom, et Moab, et les principaux des fils d’Ammon ». Une preuve indirecte de l’inspiration des Écritures, se rencontre ici, preuve aussi, comme tant d’autres, du caractère absolument homogène de la Bible. Ce volume reçu comme parole de Dieu, qui s’est servi pour le produire de tant d’instruments différents, séparés entre eux par la durée des siècles, ce volume porte d’un bout à l’autre le même cachet, sans que jamais un mot fasse entendre une note contradictoire.

Ésaïe avait déjà fait mention de ces trois contrées comme devant, au temps de la restauration d’Israël — celui qui nous occupe maintenant — « être la proie de leurs mains ». « Edom et Moab,… et les fils d’Ammon leur obéiront » (Ésaïe 11:14). De même Ézéchiel, chapitre 25, qui annonce également leur châtiment, non par la main du roi du Nord, mais par celle du peuple d’Israël : « J’exercerai ma vengeance sur Edom par la main de mon peuple Israël », déclarant encore pour quelle raison : « Fils d’homme, tourne ta face vers les fils d’Ammon, et prophétise contre eux, et dis aux fils d’Ammon : Écoutez la parole du Seigneur, l’Éternel ! Ainsi dit le Seigneur, l’Éternel : Parce que tu as dit : Ha ha ! contre mon sanctuaire, quand il a été profané et contre la terre d’Israël, quand elle a été désolée, et contre la maison de Juda, quand elle est allée en captivité », etc. La captivité du peuple, comme la désolation du pays, effets du châtiment de l’Éternel, ne devaient produire aucun sentiment de satisfaction parmi les ennemis. Dieu ne permet pas que le cœur charnel de l’incrédulité se réjouisse des afflictions de son peuple. « Parce que tu as battu des mains et que tu as frappé du pied, et que tu t’es réjoui dans tout le mépris que tu avais en ton âme contre la terre d’Israël, — à cause de cela, voici, j’étendrai ma main sur toi et je te livrerai en proie aux nations… et tu sauras que je suis l’Éternel » (Ézéchiel 25:6, 7).

Il est utile d’arrêter son attention sur ces paroles solennelles, étant donnée la tendance continuelle de la chair à se réjouir du malheur de ceux avec lesquels, pour une raison ou l’autre, elle entre en conflit. De tels sentiments ne sont pas agréables à Dieu.

Jamais il n’oublie la violence exercée sur son peuple (voyez Abdias), et si même le châtiment tarde, son exécution ne manque pas.

À chaque individu qui se repent et se tourne vers Lui par la foi au Seigneur Jésus-Christ, la grâce offre le moyen d’y échapper, mais le jugement d’Edom comme nation est l’un des exemples les plus saisissants du jugement réservé aux impénitents. Au jour où l’on dira : « Sur la montagne de Sion il y aura délivrance », alors : « Il n’y aura pas de reste de la maison d’Ésaü, car l’Éternel a parlé » (Abdias 17-19).

À l’exception de ces trois nations destinées à recevoir leur châtiment de la main d’Israël restauré, rien ne paraît arrêter la marche impétueuse du roi du Nord : « Il étendra sa main sur les pays, et le pays d’Égypte n’échappera pas » (chap. 11:42), ce qui semble indiquer un puissant antagonisme militaire de la part du roi du Midi, comme aussi (v. 43), un merveilleux développement de prospérité commerciale sur son territoire. Les mines d’or et de diamant, la riche fertilité du sol en certaines parties de la terre d’Afrique, font conclure à un brillant avenir pour ce continent, auquel les Écritures l’ont déjà promis d’ancienneté.

Le cœur humain ne rêve que richesses, argent et or, qui périssent sans satisfaire jamais, mais excitent toujours la cupidité d’autrui. Ainsi en sera-t-il apparemment du roi du Nord, qui « aura sous sa puissance les trésors d’or et d’argent, et toutes les choses désirables de l’Égypte » (v. 43).

Heureux ceux dont la part est ailleurs, qui possèdent « des bourses qui ne vieillissent pas, un trésor qui ne défaille pas, dans les cieux, d’où le voleur n’approche pas, et où la teigne ne détruit pas » (Luc 12:33). Là où est votre trésor, là sera aussi votre cœur.


30 - Chapitre 11:44:45 — Des nouvelles de l’Orient et du Nord

D’après les prophéties d’Ésaïe et de Zacharie, comme d’après les Psaumes, il est évident que Jérusalem est destinée à soutenir encore deux sièges. Le premier la livrera aux mains des nations montées contre elle de l’Orient et liguées avec le roi du Nord, mais au second ces mêmes nations seront détruites et la cité délivrée par le Seigneur lui-même intervenant en personne.

Les chapitres 28 et 29 d’Ésaïe coïncident absolument avec ces derniers versets de Daniel 11. Le malheur est prononcé sur Éphraïm comme offrant passage au roi du Nord lors de sa dernière invasion en Palestine et en Égypte : « Comme un orage de puissantes eaux qui débordent », il tombera sur eux, verge du courroux de l’Éternel pour châtier la nation hypocrite et rebelle, très prospère à ce moment-là, au point de vue matériel (Ésaïe 10:5-6 ; 28:3-4). À partir du verset 14, c’est de Jérusalem qu’il est surtout question. Aux fins d’échapper à « ce fléau qui inonde », les principaux du peuple imaginent une alliance avec une puissance de méchanceté si redoutable qu’elle peut seulement être désignée comme « la mort et le shéol ». Nous l’avons déjà trouvée en Daniel 9:27 ; c’est l’empire Romain restauré, dont le chef s’associera avec « la multitude », les Juifs apostats, pour acclamer l’Antichrist « roi » à Jérusalem.

Cette alliance est conclue pour sept ans, la dernière des soixante-dix semaines de Daniel 9, au milieu de laquelle cependant une crise éclate en rapport avec le peuple ; le sacrifice est interrompu, l’idolâtrie terrible de l’Antichrist est introduite. Le châtiment mérité est alors infligé par l’Assyrien, exécuteur de la colère de l’Éternel contre la nation idolâtre. Une lecture attentive de Daniel 9:27, fera distinguer très nettement ces trois personnages : « Il — l’empereur romain — confirmera une alliance avec la multitude pour une semaine ; et au milieu de la semaine il fera cesser le sacrifice et l’offrande ; et à cause de la protection des abominations — l’idolâtrie introduite — il y aura un désolateur — le roi du Nord — et jusqu’à ce que la consomption et ce qui est décrété, soient versés sur la désolée » — Jérusalem.

Retournant maintenant à Ésaïe 29, nous y trouvons l’insuccès de cette combinaison ; la cité, est livrée au siège et à la destruction (v. 1-7). « Elève tes pas vers les ruines perpétuelles ; l’ennemi a tout saccagé dans le lieu saint », s’écrie à ce propos le Psaume 74. Et encore, dans le 79 : « O Dieu ! les nations sont entrées dans ton héritage ; elles ont profané ton saint temple ; elles ont mis Jérusalem en monceaux de pierres ». Évidemment donc la ville est prise par les assiégeants.

Mais la suite de ce 29e chapitre d’Ésaïe, depuis le verset 7, nous offre un tableau bien différent. L’Éternel prend en main la cause de son peuple et toutes les nations qui combattent contre la montagne de Sion, s’évanouissent comme un songe au matin. De ces deux sièges que Jérusalem doit encore subir, le premier tournera à l’avantage des nations, mais point le second : « L’Éternel des armées descendra pour combattre sur la montagne de Sion… l’épargnant il la sauvera. Et Assur tombera par l’épée, non d’un homme d’importance » — par l’intervention directe de l’Éternel — « il passera vers son rocher, et ses princes seront terrifiés à cause de l’étendard, dit l’Éternel qui a son feu dans Sion et son four dans Jérusalem » (Ésaïe 31:4-9). Ensuite viendra le millénium décrit au chapitre suivant.

Le prophète, Zacharie nous donne les mêmes révélations avec plus de détails. Les trois derniers chapitres traitent certainement de l’avenir d’Israël. Après la réjection du Messie (chap. 11:12-13), est introduit celui en qui sera l’opposé, le berger insensé, l’Antichrist, que nous avons considéré sous son titre de « roi ». « Je suscite un berger dans le pays », la Palestine. Ce n’est point un bon Berger, qui donne sa vie pour ses brebis, mais un berger mangeant la chair de ce qui est gras, et rompant la corne de leurs pieds. La période de l’Église — de la Pentecôte à son enlèvement — est ainsi passée sous silence, et nous allons directement du Messie rejeté à la réception de l’Antichrist, ainsi que le Seigneur lui-même l’a exprimé : « Moi, je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas ; si un autre vient en son propre nom, celui-là vous le recevrez » (Jean 5:43). Le berger insensé de Zacharie est celui qui vient en son propre nom.

Ceci nous amène aux circonstances des derniers jours, en rapport surtout avec Jérusalem. Elle sera assiégée par beaucoup de peuples et de nations, alliés du roi du Nord, en d’autres termes, par une confédération du nord-est, distincte de la Bête ou empire Romain de l’occident. Ils se heurteront contre une forte muraille en s’attaquant à la Palestine et aux Juifs, dont ils comptaient faire aisément justice, eux les forts attaquant le faible, mais il n’est plus faible, ce peuple de Juda, maintenant que l’Éternel lui-même s’est levé, pour prendre en main sa cause et le défendre de ses ennemis : « Et il arrivera, en ce jour-là, que je chercherai à détruire toutes les nations qui viennent contre Jérusalem » (Zacharie 12:9).

Voici maintenant une œuvre qui s’accomplit dans leurs cœurs et leurs consciences : « Je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit de grâce et de supplications, et ils regarderont vers moi, celui qu’ils auront percé », etc. Ils se seront jugés devant Dieu, ayant horreur d’eux-mêmes pour ce qu’ils firent en rejetant le Messie (v. 10-14). Alors, et pas avant, s’ouvrira pour la nation une source de purification pratique. Ce n’est pas le sang, mais le lavage d’eau par la Parole ; les idoles et les faux prophètes étant balayés du pays.

Zacharie fait ensuite passer sous nos yeux toutes les souffrances du Messie, de la part des hommes et sous le jugement de l’Éternel. Blessé dans la maison de ses amis, honni, méprisé ; sur la croix, l’épée de l’Éternel se réveillant contre l’homme qui est son compagnon. Le fait même de frapper le berger disperse le troupeau (Matthieu 26:31), bien que ce soit justement la cause de toutes leurs bénédictions.

Une fois encore se retrouve le fait que, dans l’Ancien Testament, toute la période de l’Église est passée sous silence, le mystère du corps de Christ n’ayant point été révélé avant la Pentecôte, et seulement par l’instrument choisi de Dieu, l’apôtre Paul. D’un trait nous passons de la dispersion du troupeau après la mort du berger (v. 7), au jugement qui « arrivera dans tout le pays », immédiatement avant le jour où l’Éternel reconnaîtra de nouveau la nation comme sienne, lorsque sera manifesté le Messie, non plus en humiliation, mais en puissance et en majesté (Zacharie 3:8-9).

Période de souffrances sans précédent. Deux parties du pays seront retranchées et expireront, tandis que la troisième passera au travers du feu.

Le chapitre 14 s’ouvre avec les deux sièges de Jérusalem, toutes les nations assemblées en bataille contre elle, alliées du roi du Nord et victorieuses au commencement. La cité est prise, la moitié de ses habitants emmenée en captivité.

Mais ensuite, évidemment dans une autre occasion, le Seigneur lui-même parait combattant pour son peuple, et de suite tout change de face. Il est vu venant en personne sur la terre ; ses pieds se tiennent sur la montagne des Oliviers, non dans les airs pour enlever son Église, mais sur la terre pour délivrer Israël et juger ses ennemis.

Ce passage répand un flot de lumière sur la fin de Daniel 11. Nous avons vu le roi du Nord, pénétrant dans le pays de beauté et obtenant un succès partiel, sans doute au premier siège de Jérusalem, mais il passera ensuite en Égypte dans le but, probablement, d’enrayer la puissance du roi du Midi dont il doit craindre l’intervention dans les affaires des Juifs. À ce moment toutefois des événements bien inattendus se produisent en Palestine : « Des nouvelles de l’orient et du nord l’effrayeront ». Quelles nouvelles peuvent donc produire un pareil effet sur le souverain jusqu’ici victorieux ? Elles peuvent être de deux natures : le mouvement de retour au pays de leur naissance des dix tribus perdues, et la défaite des armées de l’occident, de la Bête et des rois de la terre, réunis autour de Jérusalem pour faire la guerre à l’Agneau manifesté maintenant comme Rédempteur de Sion (Ésaïe 59:20).

Notons bien la direction d’où arrivent ces nouvelles : de l’orient et « du nord », absolument la position de la Palestine eu égard à l’Égypte, séjour momentané du roi du Nord.

En proie à une ardente colère, il reprend en hâte la route du pays de beauté, se doutant bien peu Qui c’est qu’il y trouvera. Les tentes de son palais sont plantées entre les mers — la Méditerranée et la Mer Morte — et la montagne de sainte beauté. Mais ici, le rideau tombe sur toute sa magnificence militaire. « Il viendra à sa fin, et il n’y aura personne pour le secourir ».

Il n’est rien qui soit prisé du monde à l’égal de hauts faits d’armes, mais ils sont destinés à périr comme l’armée de Sennachérib, resplendissante de pourpre et d’or, vrai type, aux jours d’Ésaïe, des scènes décrites par le prophète Daniel. Heureuse la part de ceux dont le royaume n’est pas de ce monde, qui possèdent la promesse d’un héritage incorruptible, sans souillure, immarcescible, quand toute la gloire de ce pauvre monde est réduite en cendres !


31 - Chapitre 12 — Un temps de détresse

Trois rois sont en présence dans ces derniers jours que nous venons de considérer : « le roi » régnant à Jérusalem, l’Antichrist (chap. 11:36-39), dont la terrible fin se trouve ailleurs. Il sera détruit par l’apparition de la venue de Christ (2 Thessaloniciens 2 ; Apocalypse 19:20-21). Puis les rois du Nord et du Midi, dont les versets 40-45, donnent l’histoire. Celui qui vient à sa fin sans personne pour le secourir est le dernier roi du Nord, renversé par le Seigneur lui-même sur les montagnes de Judée (Ésaïe 14:25 ; 30:31 ; 31:8-9 ; Michée 5:5-6).

Nous arrivons ici au temps de la fin, « la consommation du siècle » (Matthieu 24:3), qui n’a aucun rapport avec la période chrétienne, parenthèse elle-même dans les conseils de Dieu quant à la terre. Pour Israël, le peuple terrestre, deux siècles ou dispensations sont indiqués : « ce siècle » et « celui qui est à venir » (Matthieu 12:32).

« La fin », ou « la consommation du siècle » (Matthieu 13 ; 24), ne se rapporte en aucune façon à la fin du monde comme système matériel, mais à celle de ce « siècle » de la loi sous lequel se trouvaient les Juifs, en contraste avec « le siècle à venir », où le Messie lui-même se trouvera au milieu d’eux. « Le siècle de la loi » poursuivra son cours après l’enlèvement de l’Église jusqu’à l’apparition de Christ en gloire.

L’Esprit de Dieu révèle quelle sera la condition du peuple de Daniel et quelles circonstances il traversera à la fin : « En ce temps-là », le temps que nous venons d’étudier, « se lèvera Micaël, le grand chef, qui tient pour les fils de ton peuple » (chap. 12:1). Ce sera un ministère angélique en faveur des Juifs, et point encore la présentation personnelle du Messie sur la montagne de Sion, mais Micaël, un des chefs qui tient pour le peuple, sera spécialement envoyé pour veiller à leurs intérêts, bien qu’invisible à leurs yeux comme à ceux de leurs ennemis (comp. Daniel 10:13-21 ; Apocalypse 12:7, etc). Car il y a des principautés et des autorités aussi bien invisibles que visibles (Colossiens 1:16).

Ce temps sera « un temps de détresse tel qu’il n’y en a jamais eu depuis qu’il existe une nation ». La grande tribulation dont il est parlé ailleurs, « le temps de la détresse pour Jacob » (Jérémie 30:7). Mais ce serait une grande erreur de supposer qu’elle concerne les chrétiens, ou que l’Église la traversera, l’Église qui a reçu cette promesse : « Parce que tu as gardé la parole de ma patience, moi aussi je te garderai de l’heure de l’épreuve qui va venir sur la terre habitée tout entière pour éprouver ceux qui habitent sur la terre » (Apocalypse 3:10). En d’autres termes, l’Église ne sera plus sur la terre à ce moment. La terre tout entière en sentira les effets, mais l’épée du jugement atteindra particulièrement les Juifs, comme châtiment du rejet et de la crucifixion de leur Messie.

Le Seigneur y fait allusion en Matthieu 24 : « Il y aura une grande tribulation, telle qu’il n’y en a point eu depuis le commencement du monde jusqu’à maintenant, et qu’il n’y en aura jamais », la mettant lui-même en rapport avec le chapitre de Daniel que nous avons sous nos yeux : « Quand donc vous verrez l’abomination de la désolation, dont il a été parlé par Daniel le prophète, établie dans le lieu saint », etc.

Telle est la perspective de détresse sans précédent qui attend les Juifs à leur retour en Palestine, perspective telle que « si ces jours n’eussent été abrégés, nulle chair n’eût été sauvée ; mais à cause des élus, ces jours-là seront abrégés ». Dieu a toujours les yeux sur son peuple, et au milieu du jugement se souvient de la miséricorde.

Suivant immédiatement cette période de tribulation, des signes et des miracles se verront dans les cieux (Ésaïe 13:10 ; Amos 5:20 ; Actes 2:20), « et alors paraîtra le signe du Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et une grande gloire ». « Le jour du Seigneur », si fréquemment mentionné par les prophètes, est aussi le jour de la délivrance pour le résidu fidèle à Jérusalem, en même temps que de la destruction de leurs ennemis rangés en bataille pour faire la guerre à l’Agneau.

Une question se pose ici. Qu’est-il advenu des dix tribus perdues ? Sont-elles entièrement tombées dans l’oubli ? La réponse nous vient au verset 2 : « Et plusieurs qui dorment dans la poussière, de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l’opprobre, pour être un objet d’horreur éternelle ». La résurrection du corps n’est point en vue ici, seulement celle d’Israël comme nation, selon l’expression des prophètes (Ésaïe 26:12-24 ; Ézéchiel 37:1-14). L’épreuve des dix tribus les atteindra avant leur retour au pays des pères : « Je suis vivant, dit le Seigneur,… si je ne vous introduis dans le désert des peuples et là n’entre en jugement avec vous face à face !… Et je séparerai d’entre vous les rebelles et ceux qui se sont révoltés contre moi ; je les ferai sortir du pays dans lequel ils séjournent, mais ils n’entreront point dans la terre d’Israël » (Ézéchiel 20:33-44).

Nous apprenons ensuite qu’une récompense spéciale sera décernée, non seulement à ceux qui resteront fidèles au milieu de ce temps d’épreuve, mais encore à ceux qui auront usé de leur influence pour instruire leurs compagnons dans une ligne de conduite agréable à Dieu : « Les sages brilleront comme la splendeur de l’étendue, et ceux qui ont enseigné la justice à la multitude, comme les étoiles à toujours et à perpétuité » (v. 3).

Mais le temps de la fin n’est point encore, et Daniel reçoit cet ordre : « Cache les paroles et scelle le livre, jusqu’au temps de la fin. Plusieurs courront çà et là ; et la connaissance sera augmentée ». Contraste frappant entre cette injonction et ce qui est dit à Jean, dans l’Apocalypse, de ne point sceller les paroles de la prophétie de ce livre, parce que le temps est proche (Apocalypse 22:10).

Pour l’Église, la venue du Seigneur est une espérance journalière, tandis que pour les Juifs, certaines prophéties doivent s’accomplir avant l’arrivée de leur Messie en puissance pour régner sur eux.

Daniel voit maintenant deux autres personnages se tenant sur le bord du fleuve, outre l’homme vêtu de lin (chap. 10:4-6). « Jusques à quand la fin de ces merveilles ? » demande l’un d’eux, en d’autres termes, combien longtemps durera cette grande tribulation ? « Un temps… des temps… et une moitié de temps »… lui est-il répondu, c’est-à-dire trois ans et demi, ou la dernière moitié de la dernière des soixante-dix semaines.

Aucun doute ne nous est donc laissé quant au moment où elle se place, ni à sa signification relative aux Juifs (et point aux chrétiens), tombés si bas qu’ils accepteront le culte idolâtre de l’Antichrist, dans leur temple.

« Mon seigneur, quelle sera l’issue de ces choses ? » demande encore Daniel, mais le moment n’était pas venu pour de plus amples révélations. Nouveau contraste entre les saints de cette dispensation, quelque pieux qu’ils soient, comme un Daniel, et l’Église. Nous avons « l’onction de la part du Saint, et nous connaissons toutes choses » (1 Jean 2:20), dit l’apôtre même aux petits enfants en Christ. Les hommes pieux de l’Ancien Testament ne possédaient pas ce qui distingue les saints de notre dispensation, le Saint-Esprit habitant en eux.

Mais dans le temps à venir, « les sages comprendront ». Ces sages occupent donc une place importante. « Aucun des méchants ne comprendra », quel qu’ait été le degré d’intelligence naturelle, celle dont il est ici question étant morale et non pas simplement intellectuelle.

L’homme vêtu de lin avait annoncé que la tribulation durerait trois ans et demi, soit 1260 jours. Mais plus loin, nous trouvons la mention de deux autres nombres, 1290 et 1335 jours. À quoi ces nombres se rapportent-ils ? Avant tout, il s’agit de comprendre que ces calculs se rapportent au temps qui suivra l’enlèvement de l’Église, autrement la porte est ouverte à toutes les spéculations mensongères ayant pour but de fixer une date au retour du Seigneur pour ses saints.

Le verset 11 indique clairement quel est le point de départ de ce calcul : « Depuis le temps où le sacrifice continuel sera ôté et où l’abomination qui désole sera placée ». Quand sera-ce ? Cela n’a aucun rapport avec les Turcs, ou avec le fléau de l’Islamisme ; il s’agit du sujet traité au chapitre 9:27, la rupture de l’alliance future entre le chef de l’empire Romain et les Juifs, et l’idolâtrie de l’Antichrist établie dans le temple de Jérusalem. La tribulation, châtiment terrible de cette idolâtrie, envoyée de Dieu sur les Juifs, doit durer trois ans et demi ou mille deux cent soixante jours, mais la bénédiction finale d’Israël ne suit pas immédiatement. L’Antichrist sans doute sera détruit, mais il laissera sur la scène d’autres puissances impies, le roi du Nord, Gog et Magog, (Ézéchiel 38 ; 39) et d’autres encore de moindre importance, dont le jugement doit encore s’accomplir. Cela exigera un certain temps, sans doute de peu de durée, car l’Écriture nous indique clairement la fin du roi du Nord comme suivant la destruction de l’Antichrist, qui se produit à l’apparition du Seigneur, tandis que l’Assyrien revient d’Égypte après l’apparition de Christ en Sion. Le châtiment de Gog et Magog est même postérieur à cet événement. Nous ne voulons pas dire que les 1290 et les 1335 jours se rapportent en particulier à ces deux puissances, mais nous en avons dit assez pour suggérer la raison de cette prolongation de jours. La bénédiction complète vient après les 1335 jours.

On a souvent observé que Daniel ne s’étend pas sur la période millénaire, sa prophétie se bornant « au temps des nations ». Il reçoit néanmoins l’assurance qu’il se tiendra dans son lot à la fin des jours. Il ne sera pas absent du déploiement de cette scène glorieuse.

De meilleures choses sont en réserve pour nous, mais ne doivent point diminuer notre appréciation des promesses faites aux pères qui, les ayant vues de loin seulement, se sont néanmoins mis en route avec joie pour atteindre une meilleure patrie et cette cité qui a des fondements dont Dieu est l’architecte et le fondateur.

Avec de plus grands privilèges et des bénédictions d’un ordre plus élevé, ne témoignons-nous pas souvent d’un cœur plus froid et d’un esprit moins zélé que le leur ?

Seigneur, remplis-nous du saint désir dont fut animé jadis ton peuple, qui goûtait ton amour et dont le cœur brûlait pour toi, en attendant patiemment de voir ta face !