Glanures tirées du livre de Ruth

Samuel Ridout [ajouts bibliquest entre crochets]

Édité par « The Bible Truth Press, 63 Fourth Avenue, New York » probablement en 1900
réimprimé par Believers bookshelf Canada, 2011

Table des matières abrégée :

1 - Solitude : L’isolement quand on s’éloigne de Dieu — Ruth 1:1-5

2 - La foi : ses séparations et ses compagnies — Ruth 1:6-18

3 - Le retour à Bethléem — Ruth 1:19-22

4 - Une glaneuse dans les champs de la grâce — Ruth 2:1-3

5 - Reconnaissance et encouragement — Ruth 2:4-17

6 - Le proche parent-Rédempteur — Ruth 2:18 à 3:18

7 - Plus proche que le plus proche — Ruth 4:1-22


Table des matières détaillée :

1 - Solitude : L’isolement quand on s’éloigne de Dieu — Ruth 1:1-5

1.1 - [Au temps des Juges]

1.2 - [Les leçons encore applicables aujourd’hui]

1.3 - [Pourquoi une famine dans le pays de l’Éternel ?]

1.4 - [Comment réagir en face de l’épreuve]

1.5 - [Résultats désastreux quand les leçons de Dieu ne sont pas apprises]

1.6 - [Application à l’histoire d’Israël]

1.7 - [Application à l’âme individuelle]

2 - La foi : ses séparations et ses compagnies — Ruth 1:6-18

2.1 - [À l’extrême du désespoir, la foi se tourne vers Dieu et Dieu opère la restauration]

2.2 - [Image du retour de la nation à Dieu]

2.3 - [L’incrédulité chez le croyant devient une pierre d’achoppement à d’autres]

2.4 - [Dieu se sert de la froideur de Naomi pour tester les belles-filles]

2.5 - [Des types du temps où la masse du peuple suivra l’antichrist futur et se dissociera du Résidu]

2.6 - [La leçon pour l’âme individuelle. La foi sépare, la foi unit]

3 - Le retour à Bethléem — Ruth 1:19-22

3.1 - [Je m’en allai comblée : les raisons de l’éloignement]

3.2 - [C’est Dieu qui ramène]

3.3 - [Vains regrets amers]

3.4 - [En la présence du Dieu de toute grâce, l’abondance demeure]

3.5 - [Confession de la misère annoncée par les prophètes]

3.6 - [La miséricorde retrouvée annoncée par les prophètes]

4 - Une glaneuse dans les champs de la grâce — Ruth 2:1-3

4.1 - [La moisson comme image de l’abondance de la bénédiction de Dieu]

4.2 - [La moisson comme image du temps de rassemblement des âmes régénérées par la Parole de Dieu]

4.3 - [Le Seigneur de la moisson]

4.4 - [Ch. 2:4 — Relation entre Boaz et les moissonneurs]

4.5 - [Naomi : Souvenir de la joie et de l’abondance du passé joint à la tristesse du présent]

4.6 - [Ch. 2:2a — Ruth : la foi du Résidu qui glane]

4.7 - [Ch. 2:2b — Foi et repentance vont ensemble]

4.8 - [Ch. 2:3 — Le hasard n’est qu’une apparence. Le Dieu souverain arrange tout]

5 - Reconnaissance et encouragement — Ruth 2:4-17

5.1 - [Ch. 2:6 — Une Moabite]

5.2 - [La volonté de glaner]

5.3 - [Ch. 2:5-7 — Le Seigneur connaît ceux qui cherchent]

5.4 - [Ch. 2:8a — Ne va pas glaner dans un autre champ]

5.5 - [Ch. 2:8b — Rester dans la compagnie de ceux qui sont déjà dans les champs de la grâce]

5.6 - [Ch. 2:9 — La grâce de Dieu invite les âmes assoiffées]

5.7 - [Ch. 2:11-12 — La foi peut compter sur le Seigneur qui nous voit dans notre chemin]

5.8 - [Ch. 2:13 — Humilité de la foi. Le Seigneur ne laisse jamais avoir faim une âme qui cherche]

5.9 - [Ch. 2:14a — La grâce est envers tous]

5.10 - [Ch. 2:14b — Le cœur occupé de Christ ressuscité]

5.11 - [Ch. 2:14c — La grâce donne en surabondance]

5.12 - [Ch. 2:15 — S’approprier tout ce qu’on trouve dans la Parole de Dieu]

5.13 - [Ch. 2:16 — Multitude de paroles de grâce disséminées dans toute la Parole de Dieu]

5.14 - [Ch. 2:17 — Recueillir, puis assimiler ce qu’on a récolté, par la prière et la méditation]

6 - Le proche parent-Rédempteur — Ruth 2:18 à 3:18

6.1 - [Expressions de la souffrance du Résidu futur, dans une fois réelle mais naissante. Ruth comme type]

6.2 - [Ch. 2:18 — Se nourrir soi-même avant de retransmettre à d’autres]

6.3 - [Ch. 2:19-20 — Trouver le repos et la paix dans le souvenir des bontés de Dieu dans le passé]

6.4 - [Ch. 2:21 — La foi qui grandit, la Parole de Dieu la ravive]

6.5 - [Ch. 3:1 — Christ, le Rédempteur vers lequel l’Esprit de Dieu conduit toujours. L’incrédulité détourne de Lui]

6.6 - [Ch. 3:2-4 — Bénédiction accomplie après le temps de souffrance de d’épreuves]

6.7 - [Ch. 3:3 — Mise de côté du désespoir, beauté de la foi qui a goûté la miséricorde]

6.8 - [Ch. 3:8-11 — Types prophétiques plutôt qu’application individuelle]

6.9 - [Ch. 3:14-16 — Surabondance présente avant la plénitude future]

6.10 - [Ch. 3:18 — Amour infatigable de notre Seigneur]

7 - Plus proche que le plus proche — Ruth 4:1-22

7.1 - [Ch. 4:1a — Le Seigneur veut que Sa rédemption soit reconnue de tous]

7.2 - [Pourquoi le proche parent est une image de la loi]

7.3 - [Ch. 4:1b-4 — La loi du rachat et son application à Israël dans le passé]

7.4 - [La mise à mort du Fils de Dieu a disqualifié Israël de sa qualité de peuple de Dieu]

7.5 - [Le proche parent pouvait acheter l’héritage, mais pas relever le nom du défunt]

7.6 - [Application erronée de la loi au chrétien]

7.7 - [Le témoignage des prophètes sur la déchéance du peuple et sa restauration]

7.8 - [Ch. 4:9-10 — Similitude entre la restauration d’Israël (Résidu) et de son pays d’une part, et l’acquisition de Ruth comme épouse par Boaz et le rachat de l’héritage d’Élimélec d’autre part]

7.1 - [Ch. 4:11-12 — Rédemption pleinement accomplie en Christ]

7.2 - [Ch. 4:13-17 — Obed, type de Christ comme Serviteur fidèle]


Ces pages ne sont que des « glanures » dans un champ où du blé d’or nous est offert avec une largeur de cœur et une liberté dont celles de Boaz ne sont qu’un type. La prière de l’auteur est qu’elles suscitent un zèle nouveau pour sonder l’Écriture, ce qui sera richement récompensé.


[Note Bibliquest : L’auteur a donc choisi le titre « glanures… » pour faire comprendre que son commentaire suit les traces de Ruth qui glanait]


1 - Solitude : L’isolement quand on s’éloigne de Dieu — Ruth 1:1-5

1.1 - [Au temps des Juges]

Il n’y a peut-être pas de livre plus triste dans l’Écriture que celui des Juges. Non seulement les ténèbres s’intensifiaient par contraste avec le brillant récit de Josué, mais nous sommes attristés à la pensée que l’état de choses avait été prévu par Josué et qu’il était le résultat de l’éloignement du peuple de Dieu, en dépit de tous les avertissements.

Tout au long du livre, les ténèbres s’épaississent. Au début, on criait à Dieu, on confessait ses péchés et, par grâce, il y avait rétablissement ; mais l’œuvre de délivrance devenait de plus en plus superficielle, les libérateurs eux-mêmes étaient de moins en moins des hommes de foi, jusqu’à ce que le dernier libérateur, Samson, meure en captivité. Le reste du livre contient les récits honteux de l’éloignement de Dieu par l’idolâtrie et par la corruption concomitante de l’homme, avec une guerre civile sanglante qui a été près d’exterminer une tribu entière. Il y a des aperçus de la miséricorde de Dieu tout au long du récit, dans la mesure où le peuple misérable Lui permettait de se manifester en leur faveur, mais la tendance générale était à la baisse et à l’éloignement de la lumière. Sur le plan national, le peuple se montrait sans foi et tout indiquait la nécessité d’un ordre nouveau. Il n’y avait pas de roi en Israël. Plus tard, ils eurent un roi, mais il n’était qu’un type du véritable Roi que la nation doit encore attendre et dont la venue sera comme un matin sans nuages (2 Sam. 23:4).

Dans Ruth, nous avons l’image lumineuse, non pas d’un homme, mais de la grâce de Dieu. Elle commence, moralement là où les Juges finissent, dans l’éloignement de Dieu. Mais c’est tout du long une histoire de miséricorde, et de miséricorde allant au-delà de tout ce qu’on pouvait penser, et abondant ainsi en surprises que la miséricorde se plaît à donner. Historiquement, ce livre de Ruth fait évidemment le lien entre le temps des Juges et celui des Rois. Il nous donne la lignée de l’homme selon le cœur de Dieu, et montre typiquement comment toutes bénédictions viennent du Fils de David.


1.2 - [Les leçons encore applicables aujourd’hui]

Ce livre a trait avant tout à Israël, et il fait un sommaire du passé de la nation, de sa situation présente et de la voie vers la bénédiction future. Mais la grâce est la même, qu’elle s’adresse à Israël ou aux Gentils, à une nation ou à un individu. Bien que la forme soit dispensationaliste et nationale, on trouvera donc une leçon également applicable sur le plan individuel. Il y a une vie commune et un lien commun à tout le peuple de Dieu dans toutes les dispensations. Les traits de famille peuvent être facilement distingués tout au long de l’histoire. Abraham est notre père, et la famille de la foi est toujours marquée par la même humilité, la même obéissance et la même dépendance qui la justifient devant Dieu et les hommes.

Nous trouverons donc dans ce livre l’histoire d’une bénédiction pour l’âme, aussi réelle et profitable pour nous que pour Israël qui en donne le type. En cherchant à tirer la leçon des deux côtés, nous verrons l’unité de toutes les voies de grâce de Dieu.


1.3 - [Pourquoi une famine dans le pays de l’Éternel ?]

Le récit commence à Bethléem de Juda en un temps de famine. Les noms ici, comme sans doute dans toute l’Écriture, sont significatifs. Bethléem est « la maison du pain », ce qui convient au lieu de naissance, longtemps après, de Celui qui sera le « pain de Dieu » descendu du ciel pour donner la vie au monde. Juda, « louange », est la tribu royale dont, en grâce, le « Roi » devait venir. La louange découle toujours de la connaissance de la plénitude de la bénédiction qui est la nôtre en Christ. Ainsi, la nourriture et le culte sont intimement liés : Bethléem est en Juda. Et il est tout à fait naturel de les trouver ainsi liés : « Je bénirai abondamment ses vivres, Je rassasierai de pain ses pauvres. Je revêtirai de salut ses sacrificateurs, et ses saints exulteront en cris de joie » (Ps. 132:15-16).

Il semble étrangement contradictoire d’avoir une famine à Bethléem. S’il n’y a pas de nourriture dans la « maison du pain », où peut-on en trouver ? Pourtant, les famines n’étaient pas inconnues sur la terre de Dieu. Abraham en a connu une en son temps, de même qu’Isaac. Le caractère du pays, avec ses collines accidentées et son climat chaud, sans beaucoup de cours d’eau pérennes, le rend particulièrement sensible à la sécheresse. Il dépendait des pluies périodiques, et si celles-ci venaient à manquer, il n’y avait pas de rivière, comme en Égypte, pour les remplacer. Le pays dépendait donc fortement du ciel, ce qui ne fait qu’illustrer le sens spirituel. Notre héritage est riche, aucun n’est aussi fertile et il fournit de la nourriture spirituelle en abondance. Mais il doit être en relation constante avec le ciel pour que nous profitions effectivement de cette richesse.

Si, pour une raison quelconque, la bénédiction divine était retirée, la maison du pain devenait un lieu de famine. Nous savons bien que ce n’est pas le désir de Dieu que Son peuple souffre. Il n’est pas avare, et si la pluie est retenue, c’est la faute se trouve du côté de Son peuple et non pas du Sien. Il avait insisté là-dessus auprès d’eux, afin qu’ils comprennent bien que, lorsque le ciel était « fermé », c’était un châtiment.

Inutile de dire que pour nous, si quelque chose est retiré, c’est de notre côté, et si la joie, la nourriture spirituelle et la puissance manquent, nous sommes à l’étroit en nous-mêmes seulement. Dieu ne se cache pas, l’Esprit n’est pas chassé, mais la stérilité et la solitude de l’âme sont tout aussi réelles que s’il en était ainsi. Par Sa grâce, la présence de l’Esprit avec nous est le gage de notre rétablissement dans la joie du Seigneur.


1.4 - [Comment réagir en face de l’épreuve]

La famine en ce temps-là était un appel de Dieu à la repentance, et elle aurait toujours dû être considérée de cette manière : « Quand les cieux seront fermés et qu’il n’y aura pas de pluie, parce qu’ils auront péché contre toi » (prière de Salomon lors de la dédicace du temple, 1 Rois 8:35). Même s’il n’y avait pas eu d’éloignement public de Dieu, une telle affliction aurait toujours dû les amener à se regarder en face et à s’interroger sur le fond de leur cœur : « Pourquoi cela ? »

De plus, la marche du saint n’est pas par la vue, et Dieu veut quelquefois mettre sa foi à l’épreuve. Cela semble avoir été la raison de la famine au temps d’Abraham. Dieu voulait voir s’il avait une telle confiance en Sa bonté que même une famine ne pouvait l’ébranler. Hélas, Abraham fit ce que nous avons tous trop tendance à faire : il a cherché un soulagement à ses difficultés plutôt que de tirer profit de l’épreuve. Combien cela est vrai pour la plupart d’entre nous. Une maladie ou une détresse quelconque nous sont-elles envoyées ? Nous cherchons immédiatement à nous tirer d’affaire, plutôt que d’apprendre la leçon que Dieu voudrait nous faire apprendre. Dans la maladie, l’attention est portée sur la guérison et les méthodes de guérison plutôt que sur l’écoute de la voix de Dieu dans la maladie. Sans doute nous devons prendre connaissance de la maladie, et aussi chercher du soulagement. Mais cela ne doit pas être notre première pensée.

Nous devrions être avec Dieu au sujet de notre maladie et, après nous être inclinés sous Sa main puissante, nous pouvons être assurés que Lui nous relèvera. Il ne s’agit pas du tout d’une soi-disant guérison par la foi. Dans ce qu’on appelle ainsi, il y a souvent plus d’orgueil que dans l’humble emploi des moyens appropriés pour guérir. Dieu peut guérir, et souvent Il le fait, en réponse à la prière et sans utilisation de médicaments, tout comme Il bénit souvent les instruments utilisés. Mais le point important est que la guérison n’est pas l’objectif premier. Qu’est-ce que Dieu voudrait que nous apprenions dans notre maladie ? Y a-t-il eu de la désobéissance à l’égard de ce pour quoi nous ressentons Sa main qui châtie ? Ou, s’il n’y a pas eu d’acte direct de désobéissance, y a-t-il eu un bas état, charnel et mondain, pire qu’un mal effectif et éclatant ? Il est insensé d’espérer ou de s’attendre à un rétablissement de la santé corporelle avant que l’âme soit guérie.

C’est pourquoi, en même temps qu’on fait usage de certains moyens avec prière, ou de tout ce que l’on est amené à faire pour se rétablir, il faut qu’il y ait la prière ardente et constante : « Sonde-moi, ô Dieu, et connais mon cœur ; éprouve-moi et connais mes pensées, et regarde s’il y a en moi quelque voie de chagrin, et conduis-moi dans la voie éternelle » (Ps. 139:23).


1.5 - [Résultats désastreux quand les leçons de Dieu ne sont pas apprises]

Abraham a échoué sur ce point, et son manquement a eu des résultats des plus désastreux et durables. Il ne put pas rester dans le pays et apprendre sa leçon avec Dieu, mais il dut descendre en Égypte, loin de Lui, et y apprendre par une expérience honteuse ce que c’est que de s’éloigner de Dieu. Puissions-nous, chers frères, nous garder de chercher à nous soulager en aucune manière que celle de Dieu.

Nous avons insisté sur ce point, car il est de la plus haute importance et explique ce qui suit. Quelle que soit la peine, quelle que soit l’ampleur de la détresse, il n’est jamais juste ou sage de tourner le dos à Dieu. Le soulagement ne peut jamais venir de cette manière. Ce qui semble en être un, n’est que le prélude à une peine plus profonde.

Moab, comme nous le savons, était l’enfant du péché de Lot. Lot était un enfant de Dieu, qui ne s’est pas contenté d’une vie de dépendance obéissante à Son égard, mais qui a préféré descendre à Sodome pour obtenir un avantage mondain. Moab représente les résultats de cet éloignement. Il est donc normal que la nation issue de lui soit le type d’une simple profession, d’un lien extérieur avec Dieu sans aucune réalité.

Élimélec, cet homme de Bethléem « la maison du pain », s’en était allé dans le lieu d’un formalisme vide. Peut-être la détresse pressante a-t-elle été soulagée pour le moment, mais à quel prix ! sa mort et celle de ses deux fils. Regardons de plus près ce qui s’est passé. Le nom de l’homme était Élimelec, « mon Dieu est Roi ». Il représente Israël sous le gouvernement bienveillant de Dieu. Quelle relation bénie, s’il y avait eu de la foi pour le reconnaître. Hélas, la nation s’est vite lassée du saint gouvernement de Dieu, et a désiré un roi « comme toutes les nations » (1 Sam. 8:5). La famine n’était qu’une partie de Son gouvernement et aurait dû être acceptée comme telle. Au lieu de cela, ils voulurent un autre dirigeant et abandonnèrent pratiquement leur Roi divin. C’est ainsi que Saül fut choisi.

Les noms des deux fils [Makhlon « malade » et Kilion « qui languit »] semblent montrer à la fois l’incrédulité du père et les résultats du châtiment de Dieu. Au lieu de leur donner des noms évoquant Sa bonté et Son amour, les parents fixèrent sur eux ce qui, au départ n’était qu’un nuage temporaire, et qui a ensuite été rendu permanent par leur incrédulité ; cela a aussi été rendu prophétique quant à l’aboutissement : final et douloureux.

Naomi, « agréable », nous rappelle les voies de la sagesse qui ont ce caractère. Si la nation était restée soumise à Dieu, tout aurait été agréable. Les épreuves mêmes n’auraient fait que les sanctifier et les amener à une connaissance plus complète de Son amour, de Sa sainteté et de Ses soins. Mais hélas, ils ne voulaient pas apprendre de cette manière. « Parce que ce peuple rejette les eaux de Siloé qui coulent doucement… voici, l’Éternel fait monter sur eux les eaux du fleuve, fortes et grosses », est-il écrit en Ésaïe 8:6-7, c’est-à-dire que la nation ne voulant pas rester dans la soumission, ils devaient être livrés à l’ennemi.

Élimelec meurt. Que pouvait-il y avoir d’autre pour quelqu’un qui tourne le dos à son Roi ? Quand Israël se détournait de Dieu, ils abandonnaient Dieu, et c’était la fin de la nation quant à leur relation avec Lui. La nation était désormais « Lo-Ammi », pas mon peuple. Le caractère agréable de Naomi était réduit en cendres. La nation devenait une veuve ; Dieu n’était plus son Roi.

Mais ce n’était pas encore la fin. Le châtiment avait été terrible, mais apparemment sans effet. Au lieu de se tourner vers Dieu dans son affliction, la mère veuve resta en place et vit ses deux fils former des alliances permanentes avec les ennemis de son peuple, au mépris direct de l’interdiction de Dieu. Évidemment il n’y avait pas de remède, pas d’espoir de rappel pour ceux qui refusent même d’entendre la verge, et il ne restait rien d’autre que le retranchement final. Makhlon, « malade », et Kilion, « languissant », concrétisent les noms qui avaient apparemment décrit l’état des cœurs de leurs parents, longtemps auparavant. Leur foi avait été maladive et languissante avant qu’aucun signe extérieur de déclin ne soit visible, et maintenant la mort mettait son sceau sur l’incrédulité en vigueur depuis de longues années. Que le Seigneur, dans sa miséricorde, nous garde, frères bien-aimés, d’une telle faiblesse de foi : sa fin est l’amertume de la mort.


1.6 - [Application à l’histoire d’Israël]

Il semble qu’il y ait eu, dans l’histoire d’Israël, deux étapes correspondant à la mort successive d’Élimélec et de ses deux fils. La captivité à Babylone semble correspondre à la mort du père, car la nation n’a jamais été reconnue comme le peuple de Dieu après cela. Dieu n’était plus leur roi, le sceptre avait été remis aux Gentils. Après les soixante-dix ans, il y eut, dans une mesure, une restauration au pays, mais « Élimelec » n’était pas là. Ce n’était, après tout, qu’une chose maladive et languissante, qui fit alliance à une simple profession pharisaïque, et, une fois toute la période de responsabilité passée, le dernier vestige de l’existence nationale cessa dans la destruction de Jérusalem, après le rejet et la crucifixion de notre précieux Seigneur.

Telle est maintenant la condition d’Israël, veuve, sans espérance et désolée, étrangère au foyer de sa jeunesse et à son Dieu. Le témoignage de son éloignement de Dieu est visible dans ses belles-filles Gentils. Ainsi, l’existence même d’un peuple juif, dispersé parmi les Gentils, a été le témoignage solennel que Dieu était abandonné par eux, qu’ils n’avaient plus aucun droit à se réclamer de Lui. La nation est veuve et désolée.


1.7 - [Application à l’âme individuelle]

Nous n’avons guère besoin de parler de l’application de tout cela à l’âme individuelle. Hélas, cette déchéance de l’âme par rapport à Dieu n’est que trop fréquente, avec un repli sur un simple formalisme. Les parents chrétiens ont à déplorer la mort spirituelle de leurs enfants, qui ne sont après tout que le reflet de leur propre cœur. Il n’y a paix et sécurité que dans la mesure où nous restons près de Dieu.

Es-tu seul, cher lecteur ? As-tu perdu la joie de Dieu et t’es-tu éloigné de Lui ? Fais une pause et demande-toi pourquoi tout cela s’est produit. Remonte jusqu’au moment où ton cœur a commencé à être insatisfait de Dieu et de Son gouvernement, et tu y trouveras la racine de toute ta peine. Regrettez-vous que vos enfants ne soient pas convertis ? Demandez-vous si leur état n’est pas le résultat de votre propre foi maladive et languissante. Si vous êtes veuve, laissez couler les larmes de la veuve, le cœur brisé de la veuve. Il y a encore Quelqu’un qui est l’Époux des veuves.


2 - La foi : ses séparations et ses compagnies — Ruth 1:6-18

2.1 - [À l’extrême du désespoir, la foi se tourne vers Dieu et Dieu opère la restauration]

Il est difficile d’imaginer une situation plus désespérée que celle de Naomi : privée de son mari et de ses fils, dans un pays étranger et ennemi. Et pourtant, il est vrai que l’heure la plus sombre est celle qui précède l’aube. C’est avec un à-propos divin que notre Seigneur a choisi le chant du coq pour marquer le moment du reniement de Pierre. C’était l’heure la plus sombre de son histoire, celle où il renia trois fois son Sauveur, son Ami et son Seigneur, avec imprécations.

Et pourtant, cette terrible explosion du mal l’a fait remonter à la surface, là où il ne pouvait plus se cacher derrière de bruyantes protestations de dévouement. Pierre se vit lui-même ; il n’a plus jamais pu se fier à lui-même, et dans cette heure la plus sombre, il a entendu l’annonce du jour à venir. Pareillement, c’est au temps de sa désolation que Naomi, veuve, s’est tournée avec une faible foi vers Celui dont elle s’était si profondément détournée.


2.2 - [Image du retour de la nation à Dieu]

Il en va de même dans l’histoire du retour de la nation à Dieu. Typiquement, c’est au temps de la famine que les frères de Joseph revinrent à celui qu’ils avaient si gravement blessé ; ils revinrent inconsciemment certes, mais dans la confession. Dans le jour à venir, c’est « dans un jour nuageux et d’obscurité profonde » (Ézé. 34:12) que les brebis errantes du Seigneur seront cherchées et rassemblées. De même, toute âme est relevée par la grâce divine lorsque tout semble le plus sombre, lorsque le mal est mis en lumière.

Mais le réveil de la foi ne produit d’abord qu’une faible flamme, avec plus de fumée que de lumière. C’est un motif égoïste qui pousse d’abord à revenir, un peu comme celui qui poussa le prodigue à se tourner vers la maison de son père : « Elle avait entendu dire, dans le pays de Moab, que l’Éternel avait visité Son peuple pour leur donner du pain » (1:6). Il ne semble pas qu’elle ait eu aucun sentiment d’avoir eu tort de quitter la « maison du pain » ni d’avoir péché en se tournant vers le peuple de Moab. Ah, même notre repentance n’a rien dont nous puissions nous vanter — tout est vicié.


2.3 - [L’incrédulité chez le croyant devient une pierre d’achoppement à d’autres]

Cela ressort plus clairement dans son entretien avec ses belles-filles. Elles l’avaient accompagnée sur le chemin du retour, avec l’intention apparente de s’identifier pleinement à son sort futur. La foi aurait certainement reconnu la miséricorde envers ces filles de l’étranger et les aurait encouragées à la suivre. Mais Naomi n’était pas encore restaurée dans son âme et ne pouvait donc pas aider les autres. Elle les exhorta à retourner chez elles et exprima l’espoir qu’elles trouveraient le repos dans la maison d’un mari païen ! Ses propres ressources ayant échoué, elle pensait que Dieu avait également manqué, et elle n’avait rien à proposer à ces belles-filles pour les encourager à chercher l’Éternel.

Voilà l’incrédulité, qui n’est jamais plus mauvaise que chez un saint. Elle ne voit aucun espoir pour les autres parce qu’elle n’en voit pas pour elle-même, et elle voudrait décourager même ceux qui voudraient chercher Dieu. Que les égarés parmi le peuple de Dieu prennent garde. S’ils sont eux-mêmes hors de la communion, non seulement ils souffrent individuellement, mais ils sont des pierres d’achoppement pour tous ceux qui cherchent le Seigneur. Hélas, combien l’état spirituel froid et misérable du peuple de Dieu a pour effet de repousser plutôt que d’attirer l’âme qui cherche. Si ce n’est par des paroles, du moins par des attitudes et des actes, le monde n’est que trop souvent amené à comprendre qu’il n’y a rien dans les choses de Dieu qui puisse satisfaire les aspirations de l’âme. Quelle autre signification peut avoir le dégoût des choses divines, la morosité de l’âme qui s’exprime par les manières, la faim évidente pour les plaisirs de ce monde — ah ! mes frères, ne pensons pas que le monde ne comprenne pas tout cela ; cela parle aussi clairement que les paroles de Naomi : « Retournez chacune dans la maison de sa mère » (1:8).

Quelle terrible responsabilité ! Notre Seigneur nous a laissés ici comme des lumières dans les ténèbres pour attirer les âmes à Lui : allons-nous les faire fuir en ne parvenant pas à « orner en toutes choses l’enseignement qui est de notre Dieu Sauveur » (Tite 2:10), ? Il n’y a qu’un seul remède à cela : être en état de communion active à tout moment ; alors nous attirerons d’autres personnes à Christ, nos vies seront de vrais témoignages.


2.4 - [Dieu se sert de la froideur de Naomi pour tester les belles-filles]

Cependant, la souveraineté de Dieu se sert de tout, et la froideur de Naomi devient le test de la réalité de la foi chez ses belles-filles. Sans la disculper, le découragement qu’elle propose met en lumière l’état du cœur de chacune. L’affection naturelle est évidente chez toutes les deux, et Orpa en montre plus que Ruth. Les noms de ces deux femmes sont évocateurs. Orpa, « son cou » ou « son dos », suggère le virage qui l’a marquée. Elle embrasse Naomi, mais retourne au pays de Moab. Ruth n’embrasse pas Naomi, mais s’attache à elle. Ruth signifie probablement « qui a un berger ». Sa foi montre ici que, bien que faisant partie des Gentils, elle est une des brebis qui doit être amenée dans la bergerie.


2.5 - [Des types du temps où la masse du peuple suivra l’antichrist futur et se dissociera du Résidu]

Examinons maintenant un peu plus en détail la signification de tout cela, d’abord pour la nation, puis pour l’individu. Naomi représente la nation dans le veuvage, Israël selon la chair. Ils ont perdu la relation avec Dieu suggérée par le nom du mari « Mon Dieu est Roi », et, comme nous l’avons vu, ils n’ont plus aucun droit à réclamer de Lui selon la chair : tout a été perdu. L’état de désolation de la nation se voit dans la veuve ; et dans les deux belles-filles, nous voyons les deux états qui marqueront le peuple après la fin de la dispensation présente, chrétienne, lorsque Dieu « visitera à nouveau Son peuple ».

En Orpa, nous voyons la masse du peuple tout à fait satisfaite du gain imaginaire consistant à abandonner tout ce que la foi chérit le plus, et à s’identifier avec l’Antichrist : « Si un autre vient en son propre nom, celui-là vous le recevrez » (Jean 5:43). Ils ne verront aucun espoir de soulager la condition misérable du peuple, sinon en celui qui les associera à la puissance du monde et à tous les blasphèmes et à l’idolâtrie qui se déchaîneront sous la « Bête et le faux Prophète ».

Ruth, en revanche, représente ce Résidu de la nation qui s’attachera aux promesses de Dieu, d’abord d’une manière obscure, sans revendiquer de droits, mais s’en remettant nettement à Dieu par la foi. C’est ce qui ressort de sa réponse à Naomi. Ce n’est pas la nature, mais la foi dans le Dieu vivant qui parle dans sa réponse : « Car là où tu iras, j’irai ; là où tu demeureras, je demeurerai ; ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu mon Dieu ; là où tu mourras, je mourrai, et là je serai enterrée ; que le Seigneur fasse ainsi pour moi, et plus encore, si la mort seule me sépare de toi » (1:16-17). Cela répondait au désir de Naomi qu’elle retourne à son peuple et à ses dieux. C’est donc une foi réelle, faisant usage du nom d’alliance de l’Éternel, qui s’exprime dans la réponse de Ruth, — une foi qui a résisté à l’épreuve de n’avoir aucun attrait pour ce que la nature lui offrait.

Tel sera l’état du Résidu croyant dans les derniers jours. En dépit de toute opposition et de tout découragement, en dépit de la persécution, de la calomnie et de l’isolement, il tiendra ferme à Dieu, le Dieu d’Israël, l’Éternel. Il n’aura aucune valeur à plaider, il ne sera qu’un paria, comme un Gentil. Mais il y aura une foi vivante qui, à tout prix, dans la vie comme dans la mort, revendiquera une place avec l’Israël de Dieu. Combien sera précieuse à Ses yeux la foi de ce Résidu faible et méprisé.


2.6 - [La leçon pour l’âme individuelle. La foi sépare, la foi unit]

La leçon pour l’âme individuelle dans le temps présent, est la même. On ne peut pas faire que la foi revienne en arrière ; elle s’identifie toujours au peuple de Dieu. Comme dans le cas de la femme syro-phénicienne, elle ne peut même pas être dissuadée par les interdictions des disciples ou par l’apparente négligence du Seigneur. Il faut qu’il soit répondu à son besoin ; qu’est-ce que le découragement comparé à cela ? Une telle foi n’est jamais déçue, car elle plonge ses racines dans la vérité de Dieu. Elle ne juge pas selon la vue, et quand tout semble contre elle, elle va de l’avant sans se décourager.

Cette foi sépare et unit. Nous avons vu comment, lorsqu’elle a été mise à l’épreuve, Orpa a tourné le dos à Naomi et au peuple de Dieu. Cela l’a également séparée de sa belle-sœur, car elles allaient dans des directions opposées. Il en est toujours ainsi. La foi sépara Abraham de son foyer et de son pays, comme elle sépara Moïse des dignités et des rémunérations de l’Égypte. Même les liens d’affection humaine ne peuvent unir des âmes séparées par des motifs opposés, l’une allant vers le ciel et l’autre vers la terre. Bien sûr, elles peuvent marcher ensemble extérieurement, mais quelle distance les sépare spirituellement. Il est impossible d’empêcher cela, et quelle grâce qu’il en soit ainsi. La foi sépare.

D’un autre côté, elle unit tous ceux qui marchent sur le même chemin. Beaucoup de choses peuvent se combiner pour rendre cela difficile : il peut y avoir des différences de goût et d’habitudes, mais si le grand fait d’une foi commune demeure, cela relie en dépit de tout. Ceux qui ont « une même foi précieuse » sont, de ce fait, unis par des liens que rien ne peut rompre. « Ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu » (1:16).


3 - Le retour à Bethléem — Ruth 1:19-22

3.1 - [Je m’en allai comblée : les raisons de l’éloignement]

Plusieurs aspects sont à noter quant au retour. Lorsqu’elles arrivent à Bethléem, tout le monde s’émeut : « Est-ce bien Naomi ? » Les ravages causés par son départ sont tels qu’elle est obligée de confesser la triste vérité. Le peu de mots qu’elle prononce racontent l’histoire, son cœur n’est pas encore pleinement restauré. « Ne m’appelez pas Naomi (agréable), appelez-moi Mara (amère), car le Tout-Puissant m’a remplie d’amertume » (1:20). Elle L’appelle par ce nom redoutable qui met l’accent sur Sa puissance plutôt que sur Son amour et Sa sollicitude. En pensant à son foyer autrefois heureux, oubliant sa propre responsabilité dans ce changement, elle semble accuser le Tout-Puissant de tout cela. Mais les mots suivants avouent la vérité : « Je m’en allait comblée » (1:21). C’était volontaire ; elle n’avait pas été forcée de partir, et elle était comblée lorsqu’elle est partie. « L’Éternel me ramène à vide ». La volonté propre l’a emmenée, la grâce l’a ramenée à la maison (ah ! c’était encore sa maison). N’est-ce pas là la confession de toute âme restaurée ? Nous avons pu trouver de nombreuses excuses pour nous éloigner de Dieu ; les circonstances étaient contre nous, les amis s’étaient refroidis, nous étions incompris — ah ! multiplions les raisons à l’envi, la seule raison de notre éloignement de Dieu est exprimée dans cette courte phrase : « Je m’en allait comblée ».


3.2 - [C’est Dieu qui ramène]

Mais dans cette confession, l’âme atteint Dieu, car la véritable confession ne peut se faire qu’en Sa présence. Le mot suivant est donc le nom de l’alliance : « l’Éternel me ramène ». Nous ne reviendrions jamais de nous-mêmes. C’est seulement la puissance de la grâce immuable qui restaure l’égaré ; mais pour être restaurés, nous voudrions encore rester dans le pays de Moab. Nous ne pouvons pas être ramenés dans un autre état que celui d’être à vide. Il faut que l’âme soit brisée, comme ce « à vide » le suggère, pour qu’elle soit prête à se soumettre à l’amour de Dieu. Mais son état est un témoignage du mal et de l’amertume qu’il y a à s’éloigner du Seigneur — un avertissement à tout un chacun contre la folie de se détourner de la maison d’abondance.


3.3 - [Vains regrets amers]

Chers frères, regardez cette pauvre veuve désolée, écrasée par une douleur apparemment sans espoir ; tout son brillant est derrière elle, — et voyez une image de l’âme qui se détourne de Dieu. Ah ! combien de vies flétries, remplies de vains regrets amers, y a-t-il parmi les saints de Dieu !

« Cela aurait pu être », dit l’homme âgé, en repensant à toute une vie d’énergie et de temps gaspillés. Qui peut mesurer la perte subie par ceux qui passent leur vie à ramasser « du bois, du foin et du chaume » dans ce monde ? Un tel éloignement n’est pas non plus nécessairement un déclin moral. Le monde peut être très juste, mais il fait des veuves à partir du peuple de Dieu qui cède à ses séductions.


3.4 - [En la présence du Dieu de toute grâce, l’abondance demeure]

C’est toujours au moment de la moisson que l’égaré revient. Ah ! que la volonté fière et obstinée soit brisée, qu’il y ait des paroles de confession, et le pauvre égaré trouvera vite la moisson mûre avec toute son abondance et sa joie.

Qui d’autre que le Dieu de toute grâce pourrait avoir de la bénédiction pour Son peuple en tout temps, quelle que soit l’ampleur de son infidélité ? Mais en Sa présence, l’abondance demeure. Personne ne peut avoir faim là, et même pour toi, pauvre enfant errant qui Lui appartient, il y a plus qu’assez. Sa voix est toujours : « Mangez, buvez abondamment, ô bien-aimés » (CdC 5:1).


3.5 - [Confession de la misère annoncée par les prophètes]

Les prophètes abondent en images de ce retour de la nation veuve vers Dieu. L’ensemble des Lamentations de Jérémie pourrait être appelé « Naomi ». « Comment la ville est-elle solitaire, alors qu’elle était pleine de monde…, celle qui était grande est devenue comme veuve ! (Lam. 1:1)… Elle pleure abondamment la nuit, et ses larmes coulent sur ses joues (Lam. 1:2)… La fille de Sion a perdu toute sa beauté (Lam. 1:6)… Jérusalem s’est souvenue, aux jours de sa détresse et de ses malheurs, de toutes les choses agréables qu’elle avait aux jours d’autrefois (Lam. 1:7)… N’est-ce rien pour vous tous qui passez par le chemin ? Regardez et voyez s’il y a une douleur comme ma douleur qui m’est survenue, à moi que l’Éternel a affligée (Lam. 1:12) ».

Nous voyons ici son état misérable et, un peu plus tard, nous entendons la confession du Résidu : « Le Seigneur est juste, car je me suis rebellée contre Son commandement (Lam. 1:18)… Je me suis rebellée gravement (Lam. 1:20)… Mes gémissements sont nombreux et mon cœur est défaillant (Lam. 1:22) ».


3.6 - [La miséricorde retrouvée annoncée par les prophètes]

Nous voyons aussi la miséricorde retrouvée du Seigneur dans le prophète Osée, bien que la maison d’Éphraïm y occupe une place prépondérante. « Comment t’abandonnerai-je, Éphraïm ? Comment te livrerai-je, Israël ? … Mon cœur se retourne au-dedans de moi… mes compassions se sont émues. Je ne ferai pas éclater l’ardeur de ma colère, je ne reviendrai pas pour détruire Éphraïm, car je suis Dieu et non pas un homme » (Osée 11:8-9). « Je guérirai leur égarement, je les aimerai librement, car ma colère s’est détournée d’eux. Je serai pour Israël comme la rosée, il fleurira comme le lis, il poussera ses racines comme le Liban » (Osée 14:4-5).

De tels passages abondent dans les prophètes, montrant d’une part l’état misérable mais repentant de la nation, et d’autre part l’amour éternel de notre Dieu. Quel jour sera celui où le Seigneur parlera à nouveau en consolation à Jérusalem, et où le pays se mariera à nouveau avec Lui ! Mais avant ce temps, il doit y avoir une saison de douleur et d’exercice profond — le temps de la détresse de Jacob — mais nous y reviendrons plus tard.


4 - Une glaneuse dans les champs de la grâce — Ruth 2:1-3

4.1 - [La moisson comme image de l’abondance de la bénédiction de Dieu]

Bethléem est fidèle à son nom « la maison du pain », et ses champs blancs de la moisson évoquent l’abondance qui doit régner là où repose la bénédiction de Dieu. Le temps de la moisson et de l’engrangement est un temps de travail joyeux. C’est le couronnement de l’année : « Tu couronnes l’année de ta bonté » (Ps. 65:11). La longue patience du laboureur est arrivée à sa fin, et il ne lui reste plus qu’à récolter les fruits de son labeur. « Les plaines sont couvertes de froment : elles poussent des cris de triomphe ; oui, elles chantent » (Ps. 65:13).


4.2 - [La moisson comme image du temps de rassemblement des âmes régénérées par la Parole de Dieu]

La moisson de Dieu est sans aucun doute une période de joie particulière pour Lui, quand Il voit les résultats des soins et de la patience divins dans le monde. Malgré l’incrédulité des hommes, la malignité de Satan et la lenteur de cœur même chez les Siens, il y a du fruit à Sa louange. Il n’est pas non plus nécessaire de dissocier la pensée de la graine semée, la Parole, d’avec celle des fruits engrangés, c’est-à-dire les âmes sauvées et conformées à cette Parole. Notre Seigneur ne les sépare pas et, en fait, c’est la Parole qui produit les saints : « Nous sommes régénérés, non pas par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la vivante et permanente parole de Dieu » (1 Pierre 1:23). Combien est précieuse la pensée que chaque enfant de Dieu sera rendu conforme à cette Parole par laquelle il a été engendré, et donc aussi à Christ qui, dans la perfection de Sa personne, est l’incarnation de tout ce qu’est la Parole de Dieu. Nous considérons donc le temps de la moisson comme le temps du rassemblement des âmes qui ont été amenées sous la puissance salvatrice de la Parole de Dieu. En même temps, nous ne faisons pas violence à cette figure lorsque nous l’appliquons également à la pleine grâce qui se trouve pour les âmes dans la Parole, et surtout à Christ Lui-même, « le vieux blé du pays » (Jos. 5:11), qui, comme nous l’avons dit, possède en Lui-même toute la plénitude de la Déité.


4.3 - [Le Seigneur de la moisson]

Ainsi, à Bethléem, nous ne rencontrons qu’une seule personne, Boaz, qui est le maître de la moisson et le dispensateur de la libéralité. Son nom, « en lui est la force », nous rappelle immédiatement Celui dont il est le type. Il est « un homme puissant et riche », ou ‘valeureux’, comme le mot l’indique plus naturellement ; car Il a atteint Sa position de Seigneur de la moisson et de Dispensateur de la libéralité par le conflit dans lequel Il a été le Vainqueur de « l’homme fort ». Il a atteint la position de richesse par le chemin de la pauvreté — mettant de côté les richesses qui Lui revenaient de droit, afin de pouvoir s’associer les objets de Son amour et de Sa grâce. Cela nous rappelle également Sa longue patience et le « travail de Son âme » (És. 53:11), lorsqu’Il épanchait Son âme en larmes et versait Son sang afin qu’il y ait du fruit pour Dieu dans un monde perdu. C’est à Lui que s’appliquent tout particulièrement les paroles du psaume : « Il va en pleurant, portant la semence qu’Il répand ; Il revient avec chant de joie, portant ses gerbes » (Ps. 126:6).

Ainsi, en Boaz, nous voyons le Seigneur en résurrection, après Son labeur et Ses souffrances, entrant dans Sa joie ; nous voyons aussi Celui en qui se trouve une force éternelle. Il est de la parenté d’Élimélec, car notre Seigneur était rattaché à la descendance d’Abraham et n’a pas eu honte de les appeler Ses frères. Sa relation avec Élimélec rappelle également ce qu’Israël aurait dû être à l’égard de Dieu, mais qu’il a perdu, car Élimélec est mort. Voici cependant quelqu’un qui, dans Sa vie, a toujours manifesté la relation à l’égard de Dieu, ce qu’Israël n’a pas fait, mais qui, en grâce, est entré dans la mort et dans le jugement qu’Israël méritait. Il est donc prêt à maintenir la relation qu’ils ont perdue, et à rétablir en résurrection ce qu’ils ont perdu.

Ceci est magnifiquement mis en évidence en Ésaïe. Jacob était le serviteur de Dieu, mais il s’est montré infidèle et a dû être mis de côté ; alors le vrai et parfait Serviteur est présenté, Celui qui, dans la vie et la mort, a toujours fait la volonté de Dieu et qui est maintenant exalté ; alors un Résidu se tournera par la foi vers ce Serviteur, et trouvant le pardon par Lui, ils deviendront eux-mêmes le serviteur de l’Éternel, et la semence d’une nation sainte, qui sera finalement ramenée à la juste allégeance et à la soumission à Dieu. Tout cela se fera par l’intermédiaire du « proche parent », dont nous verrons qu’il est le Rédempteur. Mais revenons à notre récit.


4.4 - [Ch. 2:4 — Relation entre Boaz et les moissonneurs]

La scène est belle et attrayante, même au sens naturel du terme. La relation entre Boaz et ses moissonneurs n’est que trop rare dans un monde où l’égoïsme chez le maître et la suspicion vis-à-vis des serviteurs sont la règle. Il en sera toujours ainsi là où Dieu est mis de côté, et le fossé entre « travail et capital » ne fera que s’élargir jusqu’à ce que le règne de la grâce soit établi dans le cœur des hommes. Combien futiles sont les lois du travail et les efforts pour une prospérité universelle, quand la racine du mal — le péché et l’égoïsme du cœur de l’homme — n’est pas atteinte. Elle ne sera jamais atteinte jusqu’à ce que vienne Celui dont Boaz est le type. Il y aura alors les salutations que nous avons ici : « Que l’Éternel (ou le Seigneur) soit avec toi », « Que l’Éternel (ou le Seigneur) te bénisse » (2:4).


4.5 - [Naomi : Souvenir de la joie et de l’abondance du passé joint à la tristesse du présent]

Quel flot de souvenirs a dû envahir Naomi lorsqu’elle contemplait ces champs familiers ! Lorsqu’elle les avait vus pour la dernière fois, sa vie était pleine d’espoir ; maintenant, tout était changé. Sans doute à travers ses larmes, regardait-elle toute la joie et l’abondance qui étaient devant elle, mais qui, pour elle, avaient disparu pour ne plus revenir. Quelle tristesse pour le cœur d’une veuve que cette joie à laquelle elle devait toujours être étrangère. Il n’était alors pas étonnant qu’elle ne fasse aucun effort pour s’améliorer. La mémoire fourmillait, et sans doute, pour le moment, tout son temps et toutes ses pensées s’occupaient des souvenirs.

Il y aura sans doute, comme nous l’avons vu, ce sentiment de désolation chez le Résidu d’Israël. Pour eux, il n’y aura pas de joie, et toute l’abondance de la maison de Dieu ne fera qu’intensifier leur sentiment de pauvreté, et ainsi, dans sa miséricorde, approfondir le travail si nécessaire dans leurs âmes. Que ce soit pour Israël ou pour le saint errant, il doit y avoir un travail profond dans l’âme si l’on veut profiter de la miséricorde de Dieu en restauration. Le peuple du Seigneur l’oublie souvent, et la « blessure » est guérie à la légère. Il est bon d’être dans la maison de l’affliction, et c’est une bonne préparation pour la maison du festin. La douleur de Naomi et son silence sont donc naturels et appropriés.


4.6 - [Ch. 2:2a — Ruth : la foi du Résidu qui glane]

Mais avec Ruth, c’est différent. Elle représente, comme nous l’avons vu, la foi du Résidu, qui ne revendique aucun droit, mais vient glaner dans les champs de la miséricorde divine. C’est pourquoi elle est appelée ici la Moabite, son origine Gentil lui interdisant toute revendication légitime sur une part en Israël. Et pourtant, Dieu avait pris des dispositions justement pour de tels cas. « Quand vous ferez la moisson de votre terre, tu n’achèveras pas de moissonner les coins de ton champ, et tu ne glaneras pas la glanure de ta moisson ; tu les laisseras pour le pauvre et pour l’étranger » (Lév. 23:22). Voilà les miettes tombant de la table du Maître ; elles seront pour Ruth, comme pour la femme de Canaan (Matt. 15:22), une abondance pour tous ses besoins.

Ce passage de Lév. 23, situé entre la fête de la Pentecôte (Lév. 23:15-21) et celle des Tabernacles (Lév. 23:33-36), suggère justement cet état de veuvage du Résidu, qui doit précéder leur temps de joie et de plénitude de la bénédiction, lorsque « chacun habitera sous sa vigne et son figuier » (Mich. 4:4). La Pentecôte signifie la bénédiction de l’Église associée à Christ en résurrection. Quand le Seigneur l’aura prise auprès de Lui comme Son épouse céleste, le Résidu veuf d’Israël apparaîtra comme quelqu’un qui a perdu ses droits, mais dont la foi, comme dans le cas de Ruth, commencera à glaner selon les dispositions spéciales de la miséricorde de Dieu.


4.7 - [Ch. 2:2b — Foi et repentance vont ensemble]

Naomi donne son accord au glanage de Ruth et est ainsi identifiée dans tout ce qui arrive à la jeune femme. Quelle bénédiction de savoir que la désolation du cœur brisé et le bourgeonnement de la foi sont ainsi identifiés devant Dieu. La foi regarde à travers les larmes de la repentance, et les deux ne font qu’un aux yeux de Dieu. Tout est grâce, et Ruth réalise que son glanage doit se faire dans les champs de celui aux yeux duquel elle trouvera grâce (2:2). L’absence de ce sentiment humble d’indignité absolue est toujours la marque d’un esprit non brisé ou d’un esprit partiellement restauré. Oh, combien nous nous privons nous-mêmes lorsque nous maintenons une position élevée et une attitude audacieuse. La grâce n’est que pour les humbles, qu’ils soient pécheurs ou saints, et on ne peut en jouir sans le cœur brisé que Dieu ne méprise pas (Ps. 51:17).


4.8 - [Ch. 2:3 — Le hasard n’est qu’une apparence. Le Dieu souverain arrange tout]

Nous voyons combien tout est ordonné par Dieu, et non par Ruth. Elle ne savait pas dans le champ de qui elle glanait : « Il se rencontra fortuitement que c’était la portion de champ appartenant à Boaz » (2:3). D’un point de vue humain, Rébecca a eu la chance d’être au puits lorsque le serviteur d’Abraham était à la recherche d’une épouse pour le fils de son maître ; la femme Samaritaine a eu la chance de rencontrer l’Étranger de Judée, qui avait de telles paroles de vie et de grâce à lui dire. Mais nous savons que ce qui est le « hasard » de l’homme est le dessein de Dieu, le dessein d’amour de Celui qui voit la fin depuis le commencement et qui planifie tout. Son regard était sur Rébecca, et Il l’a faite sortir au puits la première pour rencontrer le serviteur d’Abraham. Il a contraint la femme de Samarie à aller là où elle rencontrerait le Fils de Dieu, et aurait sa vie transformée par le message qu’Il lui apportait. Il sait et Il attire chacun d’entre nous, au moment et de la manière prévus, vers le lieu de la bénédiction. Combien Ses voies sont merveilleuses et quel amour se cache derrière les incidents d’apparence anodine. Dieu est absolument souverain. Toutes nos bénédictions viennent de Lui seul. L’œuvre de la grâce, du début à la fin, est la Sienne. C’est donc à Lui seul que revient toute la louange.


5 - Reconnaissance et encouragement — Ruth 2:4-17

5.1 - [Ch. 2:6 — Une Moabite]

La présence d’une étrangère est rapidement remarquée par Boaz, dont la question au chef des serviteurs révèle l’identité de Ruth. Elle est décrite comme la « Moabite », un nom qui la dénote comme séparée des filles d’Israël. Mais en même temps que cela déclare sa naissance étrangère, il est fait mention d’une foi qui l’a poussée à suivre Naomi, devenue veuve, à son retour sur la terre d’Israël, plutôt que de retourner dans la maison de son père avec ses faux dieux. En outre, le serviteur parle de son désir de glaner et de sa diligence à accomplir cette tâche humble et peu rémunératrice (2:5-7).

Israël, comme nous l’avons déjà vu, ayant perdu tout droit à une position devant Dieu par le moyen de sa propre justice, devait réaliser qu’ils n’étaient rien d’autre qu’une femme Gentil. Lorsqu’ils se tourneront vers Dieu, ils devront accepter d’être décrits comme une Moabite, une Gentil. C’est la manière dont le prophète décrivait Jérusalem quand il plaidait avec le peuple souillé et coupable : « Ton origine et ta naissance sont du pays des Cananéens ; ton père était un Amoréen, et ta mère une Héthienne » (Ézéch. 16:3, 45). Samarie et Sodome sont appelées ses sœurs, pas plus corrompues et coupables qu’elle. Lorsqu’elle sera rétablie, ce sera en association avec celles qu’elle avait méprisées, et l’effet d’apprendre sa propre condition morale l’empêchera à jamais de se montrer hautaine, comme cela avait été le cas à l’époque de sa prétendue supériorité sur les nations. Il y avait bien une supériorité de position, mais là où la grâce à cet égard est méprisée, la circoncision devient incirconcision (Rom. 2:25). L’apôtre s’attarde sur ce point en Rom.2, où, citant les prophètes, il déclare que le nom de Dieu a été blasphémé parmi les païens à cause des péchés des Juifs (Rom. 2:17-29). Ésaïe avait qualifié les chefs du peuple de « chefs de Sodome » (Ésaïe 1:10).

Si le peuple était entré dans la pensée de Dieu et avait accepté sa véritable condition lorsque la miséricorde les saisit, ils n’auraient pas eu besoin d’apprendre la leçon par une honte amère. En effet, lors de leur entrée dans le pays, au commencement, ils devaient offrir la corbeille des prémices en prononçant la confession suivante : « Mon père était un Araméen qui périssait » (Deut. 26:5). Mais la prospérité et les preuves de la faveur spéciale de Dieu leur firent oublier que tout était par grâce, et il en résulta une douleur et une humiliation amères qui les obligèrent à réapprendre la leçon : « Ton iniquité te châtie, et tes rébellions te reprennent. Connais et vois que c’est une chose mauvaise et amère que d’avoir abandonné l’Éternel, ton Dieu » (Jér. 2:19). Ainsi, le Résidu repentant, avec la première lueur de foi, ne s’offusquera pas d’être considéré comme des Gentils, sans droit vis-à-vis de Dieu. Le mot « Moabite » sera leur désignation correcte.

Cette qualification est tout à fait appropriée quand on l’applique à l’âme qui recherche pour la première fois la miséricorde de Dieu. Elle nous rappelle le centurion Gentil qui soutenait qu’il n’était pas digne que le Seigneur entre sous son toit (Matt. 8:8), ou la femme syrophénicienne qui acceptait d’être qualifiée de « chien » (Matt. 15:27). Combien cette humilité qui prend la place la plus basse, est opposée à toute propre justice !


5.2 - [La volonté de glaner]

Or Ruth était venue pour glaner, pour obtenir de quoi satisfaire sa faim, même si ce n’était guère plus que ce qu’il faut pour ne pas mourir de faim. La foi, tout en déclarant n’avoir ni mérite ni droit, était venue chercher quelque chose, et elle ne voulait pas accepter un refus à la légère. La femme, opprimée par son adversaire et face à un juge sans cœur, mettait l’accent sur les importunités de la foi qui n’accepte pas de refus (Luc 18). La veuve, là, représente le Résidu, tout comme Naomi et Ruth le font ici. Mais la foi est la même en tout temps, et quiconque s’est mis à chercher la face du Seigneur ne veut accepter aucun refus. La nécessité du cas oblige à une persévérance fervente, qui est en soi le gage que les désirs seront exaucés, car ces désirs eux-mêmes ne sont-ils pas la preuve de la grâce à l’œuvre dans l’âme ?

Il n’est jamais sage ni juste d’occuper l’âme avec ses propres dispositions d’esprit, même si elles sont produites par l’Esprit de Dieu, mais ne devrions-nous pas nous rappeler que le manque de désirs ardents est la cause principale de tant de travail superficiel ? Une ferveur qui veut glaner même s’il n’y a que de maigres résultats, qui veut rester toute la journée dans les champs pour recueillir de petits grains de bénédiction — une telle ferveur récoltera bien plus que ce qu’elle attend. Hélas pour les convictions superficielles, les désirs de cœurs partagés, les faibles exercices d’âme ! Ne soyons pas surpris du grand nombre de professions creuses qui, comme la semence semée sur un sol rocailleux, ne tardent pas à se dessécher, et que « le moissonneur ne remplit pas sa main, ni le lieur de gerbes son sein » (Ps. 129:7) ; et même là où la grâce agit, et où celle-ci ne reçoit qu’une réponse partielle, quelle faiblesse de témoignage et de marche en résulte, quel côtoiement du monde avec tous les naufrages qui vont avec ! Puisse le Seigneur donner plus de ceux qui cherchent avec ardeur comme Ruth.


5.3 - [Ch. 2:5-7 — Le Seigneur connaît ceux qui cherchent]

Cette pauvre fille étrangère, qui se dérobait à tous les regards curieux et qui ressentait très vivement son isolement, n’avait pas besoin de penser qu’elle passerait inaperçue. Boaz la remarque tout de suite, et ses questions témoignent de son véritable intérêt. N’oublions pas un instant que l’œil de notre Seigneur se pose immédiatement sur toute pauvre âme qui cherche du secours. Joseph repéra tout de suite ses frères lorsqu’ils descendirent en Égypte au temps de la famine pour acheter un peu de nourriture pour leur faim ; et bien qu’il ne se soit fait connaître d’eux qu’après qu’ils aient passé par tous les exercices d’âme nécessaires, il les voyait et les connaissait dès le début. Il en sera de même quand le Résidu se tournera vers Dieu, et il en est de même pour toute âme. Lui voit, et Lui sait et connait. Combien cela est consolant, et combien cela explique la plénitude de grâce quand nous regardons en arrière sur les voies du Seigneur à notre égard pour nous amener à Lui. Il pensait à nous quand nous y pensions le moins, et même avant que nous nous tournions vers Lui, Il s’était tourné vers nous en miséricorde. Lui connaissait et Il pouvait distinguer que quelqu’un l’avait touché avec foi du milieu de toute la foule insouciante qui l’environnait et le pressait (Marc 5:31-32). Âme tremblante, Son œil d’amour est fixé sur toi maintenant.


5.4 - [Ch. 2:8a — Ne va pas glaner dans un autre champ]

Mais la grâce ne peut jamais se reposer tant qu’elle ne s’est pas fait connaître ; et c’est ainsi que, de regards en questions, Boaz en vient à parler directement à la pauvre étrangère. « N’entends-tu pas ma fille ? Ne va pas glaner dans un autre champ » (2:8). La première parole n’est pas seulement une parole de bienveillance pour ce qu’elle avait déjà pu glaner, mais un ordre positif de continuer là où elle avait commencé. Les disciples pouvaient bien essayer de renvoyer l’âme qui cherchait, mais le Seigneur, Lui, ne le fait jamais. Quel que soit l’échec apparent, avec le découragement qui s’ensuit, quelle que soit la durée de la recherche, la première parole est : « Ne va pas dans un autre champ ». Il y a beaucoup de tentations d’aller ailleurs, tant pour l’âme qui cherche aujourd’hui, que pour le Résidu dans le jour à venir. L’ennemi fait tout pour attirer et éloigner l’âme loin de la parole de Dieu, loin des champs de la grâce. Il offre d’autres moyens plus faciles pour obtenir la paix, des réformes, des sentiments positifs, des professions religieuses — des milliers de substituts en lieu et place de la simple voie de Dieu. L’âme est en danger d’être terrifiée, pensant qu’il n’y a pas d’espoir pour quelqu’un de si coupable et endurci, que le jour de la grâce est passé : pourquoi gaspiller les quelques jours de vie qui restent en efforts futiles pour obtenir de l’insaisissable ? Ah ! ceux qui ont passé par de tels exercices d’âme ne peuvent oublier les si nombreuses et fréquentes tentations d’aller dans un autre champ. Et combien est encourageante cette parole du Seigneur du champ, nous invitant à rester là où nous sommes, à ne rien obtenir d’autre que de Lui-même.

Nous nous souvenons aussi des incitations effrayantes qui seront proposées au Résidu, et des menaces qui pèseront sur lui s’il ne les accepte pas. Lorsque Jérusalem était assiégée et apparemment à la veille d’être prise par les Assyriens, le Rab-Shaké moqueur ne se contenta pas de menacer le peuple tremblant, mais leur fit des propositions spéciales s’ils cédaient à son maître (2 Rois 18:32). Mais ni les menaces ni les persuasions ne purent les détourner de leur loyauté envers leur roi. Dans les derniers jours, le gros de la nation acceptera la domination du roi qui « agira selon son bon plaisir » (Dan. 11:36, antichrist), et toute la prudence humaine dictera la même chose au faible et petit nombre de ceux qui seront à sa merci. On dira que le grand chef de l’empire romain dont l’image devra être adorée, sera le seul qu’il faudra reconnaître, car une mort certaine menacera tous ceux qui n’ont pas sa marque sur leur main ou sur leur front ? Mais, grâce à Dieu, la foi écoutera toujours la seule parole de Celui qu’elle ne connaît encore que vaguement, et elle refusera d’aller vers un autre champ.

Pour nous qui connaissons et aimons notre Seigneur béni, n’est-il pas bon de nous souvenir de la folie qui consiste à aller chercher notre nourriture ou notre secours ailleurs qu’auprès de Lui et de Sa parole ? Beaucoup, hélas, parmi les Siens, oublient cela, et regrettent amèrement les jours perdus à glaner dans des champs qui ne peuvent être que stériles pour l’enfant de Dieu. Combien de choses réclame-t-on comme des changements et des loisirs nécessaires alors que ce ne sont que des pièges pour nous éloigner de Celui en qui nous devons trouver « tout notre repos et notre plaisir ».


5.5 - [Ch. 2:8b — Rester dans la compagnie de ceux qui sont déjà dans les champs de la grâce]

« Tiens-toi ici auprès de mes jeunes filles » (2:8). D’autres que nous sont engagés dans les champs de la grâce, et il est rare que l’âme ne puisse pas recevoir de l’aide de ceux qui sont plus avancés qu’elle. Ruth devait suivre ceux qui se rattachaient à la maison de Boaz, et jouir de la protection contre toute molestation, que lui confère son autorité. Lorsque la femme du Cantique des Cantiques demande où son bien-aimé fait paître son troupeau et où il se repose à midi, car elle craint de se détourner vers un autre troupeau, la réponse est semblable : « Si tu ne le sais pas, ô la plus belle parmi les femmes, sors sur les traces du troupeau, et fais paître tes chevreaux près des tentes des bergers » (CdC. 1:7-8). S’il n’y a qu’un petit nombre de personnes sur le chemin étroit, nous pouvons trouver suffisamment de compagnie auprès de ce petit nombre. Et si la foi ne peut pas imiter, elle peut suivre la foi de ceux qui aiment Christ. Il est toujours dangereux pour une âme de perdre le goût d’une vraie communion avec ceux qui ont un cœur pour le Seigneur.


5.6 - [Ch. 2:9 — La grâce de Dieu invite les âmes assoiffées]

Déjà, la tendre pitié de Boaz lui fournit plus que ce qu’elle peut glaner. Elle a besoin de boisson comme de blé, et c’est à cela qu’il l’invite maintenant : « Si tu as soif, va vers les vases, et bois de ce que les jeunes gens ont puisé » (2:9). Ses serviteurs sont aussi à disposition pour son besoin, et leur travail pour son rafraîchissement. Combien le ministère de l’eau de vie, destiné au peuple de Dieu, est aussi pour toute âme qui cherche, et combien souvent l’étranger reçoit un rafraîchissement sans lequel il se serait fondu de désespoir. Notre Seigneur sait tout cela, et à toutes les époques et dans toutes les dispensations, Il invite souvent l’âme assoiffée à venir boire. « Quiconque a soif, venez aux eaux » (Ésaïe 55:1).

« Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive » (Jean 7:37). « Que celui qui a soif, vienne ; que celui qui veut prenne gratuitement de l’eau de la vie » (Apoc. 22:17). La miséricorde divine ne refusera jamais l’eau, tant qu’il y a une âme qui veut l’avoir. Ce n’est que dans le séjour éternel, de l’autre côté du « grand gouffre », que le cri sera vain pour obtenir une goutte d’eau. Combien cela aggrave la culpabilité de ceux qui méprisent les offres de la grâce et les supplications de l’amour.


5.7 - [Ch. 2:11-12 — La foi peut compter sur le Seigneur qui nous voit dans notre chemin]

Une telle grâce, si inattendue, pousse Ruth à la plus profonde gratitude, et tombant à ses pieds, elle demande à Boaz pourquoi il a fait preuve de tant de bonté à l’égard d’une étrangère comme elle (2:10). Sa réponse montre à quel point son histoire lui est familière, et il interprète celle-ci comme bien plus que de la bonté filiale à l’égard de sa belle-mère veuve (2:11). Elle est venue s’abriter sous les ailes protectrices du Dieu d’Israël, et son dévouement à Naomi ne peut en être séparé (2:12).

Le cœur n’a-t-il pas souvent posé une question semblable à notre Seigneur ? Il a manifesté une pensée spéciale à notre égard, Il a donné du rafraîchissement à nos âmes assoiffées, et nous nous demandons pourquoi il en est ainsi. Sa réponse ne se trouve-t-elle pas dans le fait qu’Il a tracé notre chemin et vu les débuts de cette foi qu’Il récompense aujourd’hui ? La foi elle-même n’est-elle pas le fruit de Sa grâce souveraine, et n’est-Il pas en train de mettre son sceau sur Son œuvre divine ? Il connaît ceux qu’Il a attirés à Lui.


5.8 - [Ch. 2:13 — Humilité de la foi. Le Seigneur ne laisse jamais avoir faim une âme qui cherche]

Ruth illustre magnifiquement cette humilité qui est la marque d’une foi jeune : « Que je trouve grâce à tes yeux, mon seigneur, puisque tu m’as consolée et que tu as parlé au cœur de ta servante, bien que je ne sois pas semblable à l’une de tes servantes » (2:13). Comme Mephibosheth, elle a été humiliée lorsque David lui a fait grâce. Elle n’a pas douté de la grâce, encore moins l’a-t-elle refusée, mais elle a confessé son indignité totale. La véritable humilité ne doute pas. Il est étrange qu’on ait pu enseigner que la marque d’un esprit humble soit de mettre en doute la sincérité de la grâce qui a été manifestée. Bien sûr, on ne l’exprime pas de cette manière, mais le résultat est le même : on doute de Dieu et l’âme n’est pas bénie. De telles manières d’agir ont à être qualifiées de leur vrai nom : ce n’est pas de l’humilité, mais la forme la plus méprisable de l’orgueil, qui porterait le vêtement de la pauvreté pour établir des prétentions à la richesse.

L’humilité confesse son indignité, mais met en exergue la grâce de Dieu en acceptant d’un cœur reconnaissant ce qu’Il offre si gratuitement.

Nous voyons maintenant comment Ruth illustre le principe « à celui qui a, il sera donné » (Marc 4:25), bien que Boaz ne faisait que continuer sa bonté antérieure. La grâce conduit l’âme à toujours bénir. Ainsi, il est maintenant offert à Ruth de la nourriture, du vin et du grain rôti, autant qu’elle en voulait.

Notre Seigneur ne laisse jamais avoir faim une âme qui cherche, et dans les dispositions prises pour le rafraîchissement de Ruth, nous voyons Sa main en bonté, même pour celle qui ne réalise guère la plénitude de Sa grâce. Elle est invitée à tremper son morceau dans le vinaigre, et à recevoir, en même temps que sa faible appréhension, un morceau de pain, et la force et le rafraîchissement suggérés par le vin. Aux jours où nous avons débuté dans la foi, n’avons-nous pas, de la même manière, apporté notre petit morceau de vérité, notre petit aperçu de Christ, et ne l’avons-nous pas trouvé délicieux et fortifiant par le sentiment d’un amour que nous n’avions pas apporté ? Ce vin doit certainement parler de Celui dont l’amour est « meilleur que le vin » (CdC 1:2 ; 4:10) et qui ne peut avoir personne près de Lui sans lui faire connaître quelque chose de cet amour.


5.9 - [Ch. 2:14a — La grâce est envers tous]

« Elle s’assit à côté des moissonneurs » (2:14). La nourriture et le repos doivent aller ensemble, et notre Seigneur ne veut pas que les gens prennent leur nourriture debout comme les bêtes. Le premier ordre donné à la foule qui devait être nourrie était de s’asseoir (Marc 6:39 ; 8:6). Quel avant-goût de l’évangile, qui invite tous ceux qui sont fatigués et chargés à venir à Christ pour trouver du repos ; et quel avant-goût de ce repos éternel au repas des noces de l’agneau, où chacun sera « le disciple que Jésus aimait », la tête sur Son sein (Jean 13:23).

Mais Ruth ne savait rien de tout cela, ni de la relation qu’elle allait bientôt entretenir avec cet homme bienveillant. C’était simplement une ombre de ce qui allait se passer. Bien qu’elle fût une étrangère, aucune distinction n’est faite entre elle et les moissonneurs. Ceux-ci récoltent le blé d’or et ajoutent à la richesse de leur maître, tandis qu’elle, pratiquement une mendiante, est l’image même de la pauvreté. Mais il ne peut y avoir de différence dans une telle présence. La grâce efface toutes les moindres distinctions, car elle met l’accent sur une seule : la différence entre le néant de l’homme et la plénitude de Dieu. Toute autre distinction est perdue de vue dans cette présence. Là, le plus riche est pauvre et le plus pauvre est riche. Ce n’est pas seulement « Le riche et le pauvre se rencontrent, le Seigneur est leur créateur à tous » — ce qui nivelle les distinctions en présence du Créateur. Ici, c’est « cet homme reçoit les pécheurs et mange avec eux » (Luc 15:2). Tous ceux qui prennent part à Son festin sont des pécheurs ; les pharisiens n’y ont pas leur place et ne le voudraient pas. Qu’il est doux de voir que le service ne donne pas de place plus proche que la grâce. L’enfant le plus faible est aussi bien accueilli que le serviteur le plus âgé, le plus fidèle et le plus performant. Souvenons-nous de cela lorsque nous nous réunissons autour de notre Seigneur, et que cela fasse taire dans notre cœur toute idée d’un droit de proximité supérieur à celui que la grâce accorde à tous ceux qui appartiennent pareillement au Seigneur.


5.10 - [Ch. 2:14b — Le cœur occupé de Christ ressuscité]

« Il lui tendit du grain rôti ». Elle reçoit la nourriture de sa propre main. Le cœur de notre Seigneur n’est pas satisfait tant qu’Il ne s’occupe pas Lui-même des soins de l’âme. Combien Il aspire à ce contact personnel, ne se contentant pas simplement de nourrir, mais faisant passer la nourriture de sa propre main à celui qui est dans le besoin. Il ne fait aucun doute que beaucoup savent ce que cela signifie. Il est touchant de voir ce que suggère le grain rôti. Le grain de blé est la figure de la personne de notre Seigneur, de Son humanité parfaite (Jean 12:24). C’est ce qu’Il était dans Sa vie ici-bas, dans toute l’abaissement qui L’a amené sur la terre pour le besoin de l’homme, pour être le pain de vie. Mais pour pouvoir être notre nourriture, il fallait qu’Il meure ; le feu devait donc passer sur le blé, ce qui nous rappelle le feu du jugement divin qui s’est abattu sur Lui à notre place. Cela suggère également le plaisir de Dieu en Lui, même dans Sa mort. C’était une douce saveur pour Dieu. Plus que cela, le grain rôti faisait partie des premiers fruits (Lév. 2:14), et en tant que tel, il rappelle notre Seigneur en résurrection, « les prémices de ceux qui se sont endormis » (1 Cor. 15:20). Ainsi nous recevons de Sa main le souvenir de Sa personne, de Son œuvre et de Sa résurrection. Chers frères, combien Il désire ardemment faire part de ces choses précieuses à nos âmes !


5.11 - [Ch. 2:14c — La grâce donne en surabondance]

Qui pourrait manquer de se réjouir d’une telle bonté à cœur ouvert ? C’est ainsi que Ruth en profita : « Elle mangea, et elle fut rassasiée et en laissa de reste » (2:14). Il y a ici une gradation marquée : elle mangea, mais peut-être n’avait-elle mangé que ce qui lui permettait d’apaiser un peu les douleurs de la faim. Elle fut rassasiée : toute sa faim fut satisfaite et elle ne voulait pas davantage. Cela aurait suggéré la suffisance pour répondre à son cas personnel ; mais au-delà de son besoin, il y avait de quoi répondre aux besoins des autres ; elle laissa de reste. Nous nous souvenons à nouveau de la multitude nourrie par notre Seigneur, dont il est dit : « Ils mangèrent tous et furent rassasiés, et ils ramassèrent des morceaux qui restaient douze paniers pleins » (Matt. 14:20). C’est ainsi que fonctionne la grâce : il y a toujours une abondance qui dépasse nos besoins, aussi grands soient-ils.


5.12 - [Ch. 2:15 — S’approprier tout ce qu’on trouve dans la Parole de Dieu]

Elle continue à être l’objet de la bonté de Boaz, sans qu’elle le sache. Il ordonne à ses serviteurs de la laisser glaner où elle veut, y compris parmi les gerbes, sans lui faire de reproches. La pensée naturelle d’une glaneuse serait de s’éloigner des moissonneurs. Elle ne glanerait que le terrain où ils ont été, et d’où toutes les gerbes ont été ramassées. La glaneuse aurait l’air d’une présomptueuse si elle suivait de trop près, et elle risquerait fort d’être vivement réprimandée. Mais tout cela est anticipé et évité. Elle doit aller où elle veut, même parmi les gerbes, et récolter du blé qu’on peut à peine considérer comme étant délaissé.

Combien cela ressemble à la grâce ! Il n’y a pas de ligne stricte derrière laquelle les nécessiteux doivent se tenir, par crainte de s’approcher trop près au risque de ramasser une consolation qui ne leur est pas destinée. Que les moissonneurs s’en souviennent lorsqu’ils essaient de contrôler les âmes qui cherchent. Laissez-les glaner : il n’y a pas de limite. Tout le champ de la grâce est devant elles, toute la Parole de Dieu, à travers laquelle elles peuvent chasser à volonté et attraper tout ce qu’elles peuvent. Toute vraie nourriture est pour elles, tout ce qu’elles peuvent trouver. Quelle précieuse pensée que d’accueillir l’âme pour qu’elle cherche dans toute la Parole de Dieu et s’approprie tout ce qu’elle y trouve. Bien sûr, il y a des passages qui s’appliquent à Israël, et d’autres qui se réfèrent à l’Église, mais partout où on trouve Christ comme nourriture pour son âme, on est bienvenu auprès de Lui. Celui qui tremble peut dire : « C’est une chose précieuse que j’ai trouvée, mais elle s’applique aux croyants, et je ne suis pas sûr d’en être un ». Ah ! glanez où vous voulez, même si c’est parmi les gerbes : ce n’est pas de la présomption. Une foi qui glane, est une foi qui a le droit de s’approprier.


5.13 - [Ch. 2:16 — Multitude de paroles de grâce disséminées dans toute la Parole de Dieu]

Plus encore, connaissant bien son besoin et son éventuelle réticence, Boaz charge ses hommes de laisser tomber exprès pour elle quelques poignées de blé. C’est très beau, et cela montre la pensée d’amour de notre Seigneur. N’avons-nous pas trouvé de telles poignées de consolation, sans nous douter de leur origine ? Nous avons trouvé quelque assurance précieuse, quelque aspect de l’amour et de la grâce de Dieu. Nous disons que nous l’avons trouvé, mais on l’avait fait tomber exprès pour nous. La parole de Dieu est pleine de ces poignées de grâce laissées exprès pour l’âme nécessiteuse. Combien de paroles ont apporté leur message de bénédiction, alors qu’elles étaient apparemment laissées presque au hasard. « Il ne put être caché, car une femme… » avait un besoin auquel Lui seul pouvait répondre (Marc 7:24). On pourrait dire que le mot « car » a été placé à dessein pour quiconque douterait le moins du monde de la volonté du Seigneur de bénir. « Allez, dites à mes disciples et à Pierre » (Marc 16:7). Pourquoi ces mots ajoutés si le Seigneur ressuscité n’avait pas à l’esprit d’autres personnes qui, comme Pierre, auraient besoin de son encouragement ? Pourquoi de si beaux tableaux de l’évangile sont-ils dispersés tout le long de l’histoire de l’Ancien Testament, entre les dénonciations des prophètes, ou sont enfermées dans des ordonnances lévitiques, si le Seigneur de toute grâce ne les avait pas laissé tomber pour les glaneurs timides ? L’historien peut dire que la Bible est un livre insatisfaisant, parce qu’elle ne donne pas un récit aussi complet que le voudrait sa curiosité ; le scientifique dit qu’elle n’est pas suffisamment explicite sur des sujets sur lesquels il voudrait de l’information. Mais le glaneur dans le besoin qui s’est tourné vers ces pages, n’y a-t-il pas trouvé la parole qu’il lui fallait ? Combien elle révèle le cœur de Dieu qui a dispersé d’un bout à l’autre de Son livre des poignées de bénédictions, des messages d’amour et de grâce.

Or il ne s’agit pas d’une réserve dérisoire ; des poignées sont disséminées partout, et en abondance. Nous constaterons toujours que la quantité n’est pas mesurée par le niveau de l’offre, mais par la foi du cueilleur. Comme pour la manne, celui qui en recueillait beaucoup n’en avait pas trop. Il recueillait selon ses besoins. Si la capacité avait été plus grande, le stock de la réserve n’aurait jamais pu être épuisé.

Ces poignées laissées tomber à dessein ne fournissent-elles pas une leçon pour les serviteurs et le ministère ? Ne suggèrent-elles pas que dans tout ministère, il devrait y avoir un mot pour les plus simples et les plus pauvres ? Quelle que soit la hauteur du thème ou l’étendue du sujet qui nous occupe, il devrait toujours y avoir de la place pour que le cœur de Dieu s’exprime. L’évangile sera notre sujet éternel de louange ; entremêlons-le dans toute la vérité de Dieu qui est servie à Son peuple. Cela permet à notre propre cœur de rester frais et tendre, tandis que de nombreuses personnes fatiguées ont reçu le message qui leur était destiné par le biais de ces poignées de bénédictions qui tombaient apparemment au hasard. Que le Seigneur nous donne la sagesse de Son amour.


5.14 - [Ch. 2:17 — Recueillir, puis assimiler ce qu’on a récolté, par la prière et la méditation]

C’est ainsi que la glaneuse continua jusqu’au soir (2:17), récoltant ici un épi, là un groupe d’épis, avec un succès variable, mais en accroissant toujours son stock. Le travail semble lent et fastidieux ; elle peut être tentée par le découragement, mais c’est tout bénéfice. Enfin, le jour se termine, elle rassemble son petit magot et le bat. Cela faisait environ un épha d’orge. Cela paraît peu à celui qui est habitué à la plénitude et à l’abondance, mais non pas à la pauvre glaneuse. C’était un avant-goût d’une abondance bien plus grande encore. Mais elle n’y songe même pas. Il lui suffit que son besoin actuel soit comblé.

Le fait qu’elle batte le grain qu’elle avait glané est instructif. Son travail n’est pas terminé après avoir parcouru les champs toute la journée. Elle doit maintenant sortir le blé de son cagibi et le préparer pour en faire de la nourriture. Dans les choses spirituelles, il est à craindre que ce processus de battage soit trop souvent négligé. Il ne suffit pas de recueillir la parole de Dieu et d’en saisir intellectuellement le sens, ou même son applicabilité à nous. Il faut se l’approprier pratiquement, la préparer pour notre nourriture, afin de pouvoir l’assimiler. Combien d’exercice et de diligence de l’âme cela suggère ! On ne peut pas dire que la parole de Dieu contient de la paille, c’est-à-dire du sans valeur ; mais elle doit être transférée, pour ainsi dire, du général au personnel. Par exemple, le cas de Ruth doit être appliqué à nous-mêmes. On peut comprendre littéralement et spirituellement tout ce que nous tâchons d’apprendre ici, et pourtant ne rien « battre » pour un profit pour notre âme.

Il nous est dit que le paresseux ne fait pas rôtir ce qu’il a pris à la chasse (Prov. 12:27). Il peut être très zélé dans la recherche du gibier, mais lorsqu’il l’attrape, son intérêt disparaît et sa faim n’est pas satisfaite. Il est peu probable qu’un chasseur nous impressionne s’il est paresseux : il faut une énergie considérable pour aller sur le terrain et passer la journée à la recherche de gibier. Et pourtant, l’Écriture décrit un tel homme comme un paresseux s’il ne fait pas usage de ce qui lui a coûté si cher. Il ne reçoit pas de nourriture et, comme Ésaü, il revient de la chasse épuisé par la faim, prêt à vendre son droit d’aînesse pour n’importe quelle bouillie qui s’offre à lui.

Ce battage signifie beaucoup de prières et de méditations. Ce n’est pas une chose à prendre à la légère, et elle n’est pas automatique. Combien d’impressions, sans parler de la connaissance de la parole de Dieu, s’évanouissent comme la nuée du matin et la rosée précoce, simplement parce qu’elles ne sont pas suivies de l’exercice d’âme suggéré ici.

C’est ainsi que nous laissons Ruth, avec sa petite mesure de bénédiction, sans doute ne réalisant guère tout ce qui était en réserve pour elle, et combien la bénédiction présente était le gage d’une bénédiction plus grande et plus abondante. Quand le Seigneur a commencé à donner, Il continue jusqu’à ce que notre plénitude de joie s’exprime en plénitude d’adoration.


6 - Le proche parent-Rédempteur — Ruth 2:18 à 3:18

6.1 - [Expressions de la souffrance du Résidu futur, dans une fois réelle mais naissante. Ruth comme type]

Dans ce qui précède, nous avons considéré Ruth comme un type, en général, de l’âme en recherche, en dehors de l’application dispensationaliste. Mais nous ne devons pas oublier que le lien avec l’histoire du peuple terrestre de Dieu dans les derniers jours est clair et constant. Bien que toute âme en recherche soit décrite dans le glanage et la récolte patients, il ne fait aucun doute que la foi du Résidu futur est particulièrement suggérée. Tout au long des deux premiers livres des Psaumes, on trouve des indications touchantes et pathétiques de cette foi qui tend la main vers une bénédiction qu’elle n’appréhende que faiblement, dans l’ignorance manifeste de Celui qui doit être le proche parent-rédempteur. Il y a une intégrité de cœur, une séparation de la masse de la nation impie, et pourtant un voile évident recouvre les yeux. Dans le Ps. 6, par exemple, l’âme est soumise à une très forte pression, non seulement à cause des persécutions extérieures, mais aussi à cause du sentiment de la colère de Dieu Lui-même. C’est avec difficulté qu’un peu de réconfort est glané à la fin. De même, dans le Ps. 13, sous les persécutions de « l’homme de péché », l’âme se plaint à un Dieu qu’elle n’appréhende que faiblement, bien qu’une foi réelle soit en exercice, et à la fin, le témoignage est que le Seigneur a fait du bien à celui qui était dans le besoin. Même après le merveilleux déploiement de l’œuvre de Christ et de Sa Personne dans la série des Ps. 16 à 24, nous ne trouvons dans le Ps. 25 qu’un glaneur qui, en face du souvenir des péchés, cherche de la consolation et plaide pour avoir le pardon. Cela suggère une ligne d’étude intéressante et profitable, à savoir la montée et le développement de la foi chez le Résidu selon ce qu’on voit dans les Psaumes. Nous voyons aussi des jours meilleurs, et nous entendons la « voix de l’Époux », sinon de l’épouse, dans certains beaux psaumes comme le Ps. 45. Mais le temps évoqué dans ce psaume n’est pas encore atteint en Ruth, et nous devons la suivre à travers quelques expériences profondes avant qu’elle y arrive.


6.2 - [Ch. 2:18 — Se nourrir soi-même avant de retransmettre à d’autres]

Après avoir battu l’orge — une céréale qui évoque la pauvreté et la faiblesse (Juges 7:13) — elle retourne chez sa belle-mère et lui montre sa petite réserve, qu’elle partage avec elle. On remarquera qu’elle satisfait d’abord sa propre faim avant de donner à Naomi, ce qui semble suggérer l’idée que la foi doit recevoir avant de pouvoir donner. La nation juive, représentée par Naomi, ne peut recevoir consolation et encouragement que des mains du Résidu croyant ; mais celui-ci doit lui-même se nourrir de ce qu’il a glané avant de pouvoir le transmettre à d’autres. Les « Maskilim », ces sages qui instruisent et qui doivent « enseigner la justice à la multitude » (Dan. 12:3), doivent eux-mêmes apprendre les leçons qu’ils doivent enseigner. La toute première de ces leçons se trouve dans le premier des Psaumes « Maskilim » (ou psaumes d’instruction), Ps. 32, et elle porte sur la bénédiction du pardon. Il en est de même pour toutes les autres leçons ; Ruth doit d’abord être rassasiée avant de pouvoir donner à Naomi.

Si l’on passe à une application plus générale, la leçon est tout aussi évidente. La foi doit se nourrir de ce qu’elle a amassé avant de pouvoir transmettre à d’autres. Dans l’évangile de Jean (1:40), nous en voyons une illustration frappante dans le « Venez et voyez » adressé à ceux qui étaient déjà venus et avaient vu Christ. C’est la pauvre Samaritaine qui ressemble à Ruth par sa position et transmet le message aux habitants de la ville.

Nous vivons à une époque non seulement de grande activité, mais où la doctrine de l’activité est mise à la place de la nourriture de la vérité de Dieu. On nous dit que la croissance passe par le travail ; mais comment pouvons-nous travailler sans force, sans guide et sans tout ce que suggère le mot « communion » ? Nous ne pouvons que donner du trop-plein aux autres, dans le vrai sens du terme, et cela, comme le mot l’indique, est spontané.

Combien cela rend simple tout service. Nous mangeons et sommes rassasiés, et c’est avec un cœur plein que nous répondons aux besoins des autres. Que l’évangéliste s’en souvienne. La joie profonde et pleine d’un salut personnel lui fait-elle défaut, et lui semble-t-il pénible de raconter la même vieille histoire ? Qu’il se tourne dans une profonde repentance vers son Seigneur et Sauveur, confessant son vide, et qu’il découvre à nouveau que « la grâce est la musique la plus belle ». Il en va de même pour l’enseignant, tant en public qu’en privé, pour le pasteur et pour tous ceux qui veulent être les témoins de notre Seigneur. Ainsi, ce qui pourrait sembler être un manque de grâce de la part de Ruth est porteur d’une leçon d’une grande importance pour nous tous.


6.3 - [Ch. 2:19-20 — Trouver le repos et la paix dans le souvenir des bontés de Dieu dans le passé]

Naomi, dont la mémoire bien remplie repassait les scènes familières du passé, demanda où sa belle-fille avait glané une telle abondance, comme cela paraissait être, sans doute, à ses yeux de veuve habituée depuis longtemps à la pauvreté. Son cœur se réchauffait déjà à l’idée que quelqu’un, qui que ce soit, ait pu permettre à l’étrangère solitaire de récolter dans ses champs : « Béni soit celui qui t’a reconnue » (2:19). Il est intéressant de voir dans l’image combinée de ces deux femmes la foi et les exercices du temps futur. Ruth a la foi, peut-on dire, et Naomi a la connaissance. C’est donc la plus âgée des deux femmes qui occupe maintenant le devant de la scène et qui transmet à la plus jeune la merveilleuse nouvelle que son bienfaiteur est un proche parent. La connaissance que les Juifs auront des promesses de Dieu concernant la restauration et les bénédictions du Royaume à venir par le moyen du Messie, servira sans aucun doute à réveiller et à vivifier le zèle de leur foi naissante. Naomi reconnaît en Boaz un parent, et voit dans l’expérience de Ruth la main de Dieu, « qui n’a pas discontinué Sa bonté envers les vivants et envers les morts » (2:20). La brèche entre le passé heureux et le présent est franchie par l’amour et les soins de Celui qui démontrera que « les dons de grâce et l’appel de Dieu sont sans repentir » (Rom. 11:29), que ce soit avec l’individu ou avec la nation.

Combien cela encourage le cœur de celle dont les yeux manquaient, avec nostalgie, de se le rappeler. Comme Paul, lorsqu’il développe les conseils et les voies de Dieu dans Romains 9 à 11, trouve un amour plus fort que le sien, bien qu’il ait souhaité une fois être maudit de Christ pour ses frères selon la chair. Ah ! que Son nom soit béni à jamais, Il n’a pas abandonné Sa bonté envers Son peuple bien-aimé, et un jour le cœur triste de la nation veuve se réchauffera dans la louange lorsqu’elle aura un aperçu de cet amour.

Dieu accomplira chacune des fidèles promesses faites à Abraham, Son ami (És. 41:8), et à David, l’homme selon Son cœur (1 Sam. 13:14 ; Actes 13:22). Il s’avérera que « celui qui a dispersé Israël le rassemblera et le gardera, comme un berger garde son troupeau » (Jér. 31:10). Ceux qui ne voient pas ce fait perdent l’une des plus importantes illustrations de la fidélité de Dieu. Si toutes les promesses faites à Israël, qui remplissent les pages des Prophètes et des Psaumes, devaient être spiritualisées en bénédictions pour l’Église, que deviendraient les dons de grâce et l’appel de Dieu pour Son peuple terrestre ? Pourrions-nous demander, sans espoir de réponse, comme le psalmiste : « Seigneur, où sont tes anciennes bontés, que tu as jurées à David dans ta fidélité ? » (Ps. 89:49). Face à une promesse comme celle qui suit, comment pourrions-nous penser que Dieu a oublié la nation d’Israël ? « Ainsi dit l’Éternel, qui donne le soleil pour éclairer le jour, et les ordonnances de la lune et des étoiles pour éclairer la nuit … si jamais ces ordonnances disparaissent de devant Moi, dit l’Éternel, la race d’Israël cessera aussi d’être une nation devant Moi pour toujours » (Jér. 31:35-36).

C’est ce que suggère Naomi en faisant un lien entre la bonté passée de Dieu à l’égard d’Élimélec et Sa sollicitude actuelle envers elle, la pauvre veuve. Qu’il est bon de se rappeler que Son amour trouvera encore Son repos sur ce peuple aujourd’hui méprisé. Combien cela fait vibrer le cœur de s’attarder là-dessus. Il n’est pas étonnant que Paul éclate en adoration en contemplant cela : « Ô profondeur des richesses et de la sagesse et de la connaissance de Dieu, combien Ses jugements sont insondables et ses voies introuvables ! » (Rom. 11:33).

En gardant à l’esprit ce dessein immuable de Dieu, nous pouvons comprendre comment l’Église est laissée de côté dans tous les passages qui concernent Israël, tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament. Nous comprenons comment notre Seigneur, en envoyant les douze vers « les brebis perdues de la maison d’Israël », laisse entièrement de côté l’intervalle actuel du rejet de la nation, et dit : « Vous n’aurez pas achevé de parcourir les villes d’Israël, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit venu » (Matt. 10:23).

Ainsi, les lueurs de la foi à la fin feront le lien entre les petits bouts de bénédiction glanés et les miséricordes passées promises à la nation. Comme Naomi, le peuple sera lent à comprendre le sens merveilleux de tout cela. Elle dit à Ruth : « Cet homme nous est proche parent, un de ceux qui ont sur nous le droit de rachat » (2:20). On remarquera que pour elle, Boaz n’est pas encore le seul et unique proche parent, mais simplement un parmi d’autres. Ainsi, lorsque notre Seigneur demanda à ses disciples : « Qui disent les hommes que je suis, Moi, le Fils de l’homme ? », la réponse fut : « Les uns disent que tu es Jean-Baptiste ; d’autres, Élie ; d’autres, Jérémie ou l’un des prophètes ». Ils discernaient qu’Il n’était pas une personne ordinaire, qu’Il était un messager de Dieu, mais combien faiblement voyaient-ils la réalité, ou plutôt combien ils manquaient complètement à la saisir ! Car si Christ n’était qu’un des prophètes, Il ne serait pas notre rédempteur. Naomi était donc encore loin de la vérité.


6.4 - [Ch. 2:21 — La foi qui grandit, la Parole de Dieu la ravive]

Mais la foi est sur la bonne voie, et dans les paroles qu’elle adresse à Ruth, nous avons un écho de ce que Boaz avait déjà dit : « Tu entends, ma fille, ne va pas glaner dans un autre champ… tiens-toi ici auprès de mes jeunes filles » (2:8). En fait, c’est Ruth, « la Moabite », comme cela est rappelé de manière touchante, qui répète les paroles de Boaz à sa belle-mère (2:21). Il y a donc une lueur d’encouragement, et l’heureuse Ruth passe tout le temps de la moisson des orges et des blés, non pas revêtue d’un sac de veuve comme Ritspa en deuil (2 Sam. 21:10), mais avec la lumière d’une grande espérance qui grandit et devient de plus en plus précise dans son âme. Telle sera sans doute l’attitude du Résidu, pendant cette période d’exercices au cours de laquelle les desseins de Dieu seront appris. Ils ne connaîtront pas d’un seul coup la bénédiction qui sera la leur, mais la foi grandit avec l’exercice, et bientôt ils n’admettront plus de refus.

De même, dans l’histoire de l’âme individuelle, la foi grandit, et plus elle glane, plus elle veut. Ce qui satisfaisait hier, ne suffit plus aujourd’hui. Celui qui fournit les poignées est Celui qui est derrière tout, et donne un désir ardent que personne d’autre que Lui ne peut satisfaire.

La diligence de Ruth à glaner n’a pas seulement pourvu à ses besoins et à ceux de sa belle-mère, mais a manifestement réveillé chez Naomi les espoirs qui sommeillaient, et qui étaient apparemment morts. La connaissance de l’Écriture devient son guide, et comme la foi s’est accrue, elle va utiliser maintenant ce qui n’avait pas semblé avoir de valeur particulière, bien que ce fût connu auparavant. Combien cela est vrai dans tous les cas. L’Écriture semble dormir dans les pensées de l’enfant de Dieu qui s’est éloigné de Lui, et pourtant, une fois que la foi et le désir sont ravivés, la Parole négligée se révèle brillante, avec ses dispositions exactement adaptées aux besoins.


6.5 - [Ch. 3:1 — Christ, le Rédempteur vers lequel l’Esprit de Dieu conduit toujours. L’incrédulité détourne de Lui]

Une disposition miséricordieuse de la loi (Deut. 25:5-10) prévoyait que la famille d’un homme ne devait pas s’éteindre alors qu’un frère survivait pour perpétuer la lignée. En Israël, ne pas avoir d’enfants était un opprobre, et le fait que le nom d’un homme soit effacé — que sa famille s’éteigne — était considéré comme une marque particulière du mécontentement de Dieu. Les Sadducéens, au temps de notre Seigneur, pouvaient chercher à ridiculiser la vérité de la résurrection en introduisant cette disposition miséricordieuse, mais ils ne faisaient que montrer leur ignorance des « Écritures et de la puissance de Dieu ». C’était une ressource établie par Dieu pour la vie terrestre, et non pour la vie future. Il était donc tout à fait approprié qu’Il veille à ce que les noms ne soient pas effacés en Israël, sauf, comme dans le cas d’Acan pour faire un exemple par un jugement solennel à l’égard d’un terrible péché. Il semble aussi que, dans Ses dispositions, il soit reconnu l’espoir qui existait dans le cœur de toute femme hébreue, que par elle, d’une manière ou d’une autre, la promesse de « la semence de la femme » (Gen.3) puisse s’accomplir. Cela devait se traduire littéralement dans la lignée préservée par Ruth.

Naomi est ici la « meneuse de jeu ». C’est sa connaissance de la parenté de Boaz et de la loi du Deutéronome qui guide Ruth dans la plus éprouvante de ses expériences. « Ne dois-je pas te chercher du repos pour toi ? » Ruth avait glané de la nourriture, mais c’était au prix d’un labeur constant, et seulement pour les besoins du moment. Elle devait maintenant avoir du repos, tous ses besoins étant satisfaits et son travail fini. Quel changement dans l’état de Naomi, depuis son incrédulité au commencement, quand elle voulait renvoyer Ruth pour trouver du repos dans la maison païenne d’un mari moabite ! N’avait-elle pas honte maintenant d’une telle incrédulité et ne frémissait-elle pas à l’idée de sa propre folie, qui aurait pu avoir des conséquences si désastreuses pour elle-même et pour sa belle-fille ? L’incrédulité de la nation a empêché le peuple de se tourner vers notre Seigneur lorsqu’Il était ici-bas, et elle ne s’est pas arrêtée jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucun espoir — selon leurs pensées — d’une acceptation nationale de Jésus en tant que Messie.

De même, dans les jours du retour national au pays, l’esprit d’incrédulité détournera les espoirs nouvellement formés de la nation, et les fera chercher le repos dans quelque union qui ne sera pas de Dieu. De faux prophètes et de faux Christs revendiqueront et recevront la reconnaissance de beaucoup — l’homme du péché entraînera le plus grand nombre dans une alliance avec « la bête ». Mais la foi et la parole de Dieu ne chercheront le repos pour le Résidu veuf qu’auprès de Celui qui est un proche parent, qui a le droit divin pour racheter l’héritage et pour perpétuer le nom de ceux dont les espoirs sont morts depuis longtemps.

Dans l’histoire de chaque âme, il y a aussi un vif désir allant plus loin que la simple satisfaction d’une faim pressante. Tout don de la main d’un tel Donateur nous fait nous attendre, non seulement à d’autres dons, mais au repos que l’on ne peut trouver qu’en Lui. C’est un fait béni que la Personne de Christ est le but nécessaire vers lequel l’Esprit de Dieu conduit toujours. Rien d’autre que le Seigneur Lui-même ne peut faire l’affaire : « Nos âmes ont été créées pour Toi, et ne peuvent trouver le repos qu’en Toi ».

C’est cette aspiration après la Personne de notre Seigneur béni qui donne un charme particulier au Cantique des Cantiques. Les affections sont les mêmes dans toutes les dispensations, et tout ce qui décrit le désir du cœur après Christ rencontre une réponse dans tout cœur enseigné par l’Esprit. Du début du Cantique jusqu’à la fin, il y a une bonne mesure de connaissance du Seigneur, et un sens conscient, bien qu’un peu indéfini, de la relation avec Lui. Chez Ruth, ce n’est pas aussi clair. Elle cherche plutôt une reconnaissance de relation, n’étant pas sûre qu’elle sera reconnue. Mais on peut voir une ressemblance entre les deux livres. Revenons cependant au récit.


6.6 - [Ch. 3:2-4 — Bénédiction accomplie après le temps de souffrance de d’épreuves]

Le temps de la moisson est maintenant terminé, le battage et le vannage sont aussi achevés. Tout le travail sera bientôt terminé et Naomi reconnaît que si quelque chose doit être fait, c’est immédiatement. Le plan est simple et audacieux : Ruth doit se préparer et, cette nuit-là, à l’aire du battage, elle se présentera à Boaz, revendiquant sa parenté et plaidant en faveur de la disposition divine pour des cas comme le sien.

Il s’agissait d’un coup audacieux, qui pouvait ou bien réussir ou bien échouer de manière honteuse. Soit elle quitterait l’aire de battage reconnue par Boaz comme l’objet légitime et honoré de son affection, soit elle serait repoussée à coup de pieds et serait à jamais considérée comme une femme culottée et éhontée. Tout était en suspens ; quelle décision allait être prise ?

N’est-il pas significatif, lorsque nous passons du récit à son application spirituelle, que cette épreuve doive se dérouler à l’heure du battage et de nuit ? C’est en relation avec « la grande tribulation » — le grand temps du battage, littéralement — que le Résidu fera valoir ses droits à l’égard du proche parent qu’ils reconnaissent encore si peu. C’est un temps comme un test pour la nation, où, à travers les épreuves de la persécution, le bon grain sera séparé de la balle qui représente la simple profession. Quand tout va bien, il est facile de professer, mais « quand la tribulation ou la persécution surviennent à cause de la Parole », les auditeurs du sol rocailleux se manifestent (Marc 4:17). Ainsi, le temps du battage est le moment propice pour que la foi soit manifestée dans sa réalité, et que tout le reste tombe.

La figure du battage se retrouve assez fréquemment dans les prophètes, et presque toujours appliquée aux nations (voir Ésaïe 21:10 et Jérémie 51:33 ; Ésaïe 41:15 ; Michée 4:13 ; Hab. 3:12). Israël lui-même sera un jour le moyen de battage des nations, mais avant cela, il doit passer par le châtiment purificateur, qui aura pour résultat d’écarter la balle et de ne laisser subsister que le grain pur. C’est au cours de ce temps de séparation par la souffrance et par l’épreuve que le Résidu revendiquera par la foi auprès de celui qui est le Seigneur du battage.

N’est-ce pas également un type parlant, le fait que le site du temple était l’aire de battage d’Ornan, et que c’est au moment où Dieu châtiait le peuple qu’Il s’est révélé à David et a établi ainsi la base de Sa demeure ? (2 Sam. 24). David offrit des sacrifices, et le lieu où le sacrifice et le châtiment se rencontrèrent, devait être la demeure permanente d’un Dieu saint et fidèle. C’est ainsi qu’à la fin le Seigneur se révélera à Son peuple et rétablira Sa maison sûre pour toutes les générations.


6.7 - [Ch. 3:3 — Mise de côté du désespoir, beauté de la foi qui a goûté la miséricorde]

Ruth devait maintenant déposer les vêtements de son veuvage, se laver et s’oindre, et se présenter ainsi comme une épouse à Boaz. De même, le Résidu mettra de côté son désespoir et, lavé par l’Esprit et par la Parole, il se parera d’une beauté qui ne sera pas la sienne, revendiquant par la foi Celui dont ils auront goûté la miséricorde. Ils auront appris à connaître Celui qui donne « l’ornement au lieu de la cendre, l’huile de joie au lieu du deuil, un vêtement de louange au lieu d’un esprit abattu » (Ésaïe 61:3). Ils auront entendu la voix qui les appelle : « Réveille-toi, réveille-toi, revêts-toi de ta force, Sion ! Revêts-toi de tes vêtements de parure, Jérusalem, ville sainte ! Secoue de toi la poussière, lève-toi, assieds-toi, Jérusalem ; délie les chaînes de ton cou, ô captive, fille de Sion ! » (Ésaïe 52:1-2).


6.8 - [Ch. 3:8-11 — Types prophétiques plutôt qu’application individuelle]

Suivant les instructions de Naomi, elle est reconnue par Boaz à minuit, à l’heure la plus sombre, et elle présente alors sa demande audacieuse. Au lieu d’être repoussée, elle est bénie par Boaz, qui déclare que c’est une bonté de sa part, plus grande encore que celle qu’elle avait montré à l’égard de sa belle-mère au commencement. Elle est rassurée, lui promet de tout faire, et il affirme ce que la calomnie aurait pu nier : « Toute la ville de mon peuple sait que tu es une femme vertueuse » (3:10-11).

C’est ainsi que le Roi rassurera le Résidu tremblant qui s’approchera de Lui à l’heure sombre du minuit de l’épreuve et de la persécution. La joie de Son propre cœur quant à leur foi sera bien plus grande que la leur. « Il se réjouira au sujet de toi avec allégresse, Il se reposera dans Son amour, Il s’égayera en toi avec chant de triomphe » (Soph. 3:17). Qui peut mesurer cette joie, si ce n’est Celui qui pleurait sur Jérusalem ? Qui peut connaître la joie de les voir se tourner vers Lui, si ce n’est Celui qui a été rejeté par Son peuple ? « Comme l’époux se réjouit de l’épouse, ainsi ton Dieu se réjouira de toi » (És 62:5).

Toute cette partie du récit est si entièrement typique des relations d’Israël avec notre Seigneur, que ce n’est qu’à titre accessoire qu’on peut l’appliquer à l’histoire de l’individu dans la dispensation actuelle. Cependant, comme nous l’avons vu, les affections sont les mêmes dans toutes les dispensations, et la foi nourrie se développe en force et en intensité. Il est très heureux de savoir que Dieu a pourvu infiniment au-delà de nos pensées les plus élevées et de notre foi la plus forte. Ainsi, nous n’avons pas à obtenir, comme Ruth, une place dans une relation très proche et très étroite, mais nous avons à saisir ce qui est déjà nôtre — le don de la grâce.

Dans l’expérience de l’âme, il y a beaucoup de choses qui répondent au progrès dont nous avons suivi la trace. Nous venons comme de pauvres parias, glanant des bribes de bénédiction avec un cœur défaillant,


« Je ne suis pas digne, Seigneur, de ramasser avec des mains tremblantes,

les miettes qui tombent de Ta table,

C’est comme un pécheur fatigué et chargé

Que je viens plaider Ta promesse et obéir à Ton appel ».


Tel est le langage, non pas certes celui d’une foi intelligente, mais de l’âme qui entrevoit vaguement la miséricorde, même pour elle. Mais la grâce continue, comme nous l’avons vu, encourageant et fortifiant, jusqu’à ce qu’enfin l’âme, entrant dans la merveille de l’amour divin, s’empare du merveilleux secret du cœur du Christ — « nous sommes membres de Son corps » … « Le Christ a aimé l’Église et s’est donné Lui-même pour elle … afin de se la présenter à Lui-même » (Éph. 5). Nous ne Le voyons pas seulement comme Sauveur, Seigneur, Berger, mais nous trouvons notre repos sur Son sein, nous les bien-aimés de Son cœur, formant avec tous les rachetés de cette ère, l’Épouse qui sera Sa compagne pendant le jour de Dieu sans fin. « Afin qu’Il montrât dans les siècles à venir les immenses richesses de Sa grâce » (Éph. 2:7).

L’âme ne saisit pas tout de suite cette merveilleuse relation ; hélas, dans le meilleur des cas, nous ne répondons que faiblement à Son amour. Mais si l’âme poursuit sous la direction de l’Esprit de Dieu, elle trouvera sûrement sa place aux pieds de Celui qui est vraiment « un proche parent », « qui n’a pas honte de nous appeler frères » (Héb. 2:11).


6.9 - [Ch. 3:14-16 — Surabondance présente avant la plénitude future]

Ruth retourne chez Naomi avec la promesse expresse de Boaz de faire tout ce que son cœur à elle désire, s’il n’y a pas d’obstacle. Cet obstacle éventuel est, comme nous le verrons bientôt, un parent plus proche. Mais même dans l’attente du résultat, elle reçoit de Boaz de quoi subvenir à tous ses besoins.

Quel contraste entre les six mesures versées dans son manteau et l’épha d’orge récolté en glanant péniblement ! Il ne lui permet pas d’aller à vide chez sa belle-mère, et ceci était en soi le gage d’une plus grande libéralité à venir, et même un gage quant à Lui-même, Seigneur de tout. C’est ainsi que Joseph fit un festin pour ses frères et les renvoya avec des chargements complets avant que l’union avec sa famille soit consommée. C’est ainsi que le Seigneur, dans Sa grâce, pourvoit aux besoins de ceux qui ne connaissent pas encore la plénitude de bénédiction qui est la leur.

Naomi rencontre sa belle-fille qui revient, mais elle ne lui pose pas la question comme auparavant : « Où as-tu glané aujourd’hui ? », mais elle dit « Qui es-tu, ma fille ? » (3:16). Il ne s’agit pas de ce dont elle avait profité, mais c’est une question de relation. Ce n’était pas « qu’as-tu ? », mais « qui es-tu ? ». Car l’épouse est appelée par le nom de l’époux. « Celui-ci dira : Moi, je suis à l’Éternel ; et celui-là s’appellera du nom de Jacob ; et celui-là écrira de sa main : Je suis à l’Éternel, et se nommera du nom d’Israël » (Ésaïe 44:5). Ces paroles conviennent parfaitement pour décrire les nouvelles relations de celle qui s’appelait jusqu’à présent Ruth la Moabite.


6.10 - [Ch. 3:18 — Amour infatigable de notre Seigneur]

Mais, comme nous l’avons vu, il y avait quelque chose qui était la source d’un peu de retard. Ce devait être court, car Naomi déclare : « L’homme n’aura pas de repos qu’il n’ait terminé l’affaire aujourd’hui » (3:18). Ruth pouvait bien rester assise et attendre, car tout était maintenant entre les mains de Boaz lui-même.

Ces paroles donnent un aperçu de l’amour infatigable de notre Seigneur à la fois pour Son Église et pour Israël.

Il ne s’est pas reposé avant d’avoir accompli la rédemption, et maintenant Son amour ne se reposera pas avant que tout soit consommé. Quelle force cela donne à l’expression « la patience de Christ » (2 Thes. 3:5). Combien Il désire ardemment avoir Son peuple avec Lui.

« Ton amour ne connaît pas le repos

Si tes rachetés ne sont pas pleinement bénis avec Toi ».


Il attend maintenant, Il désire avec ardeur et attend le moment fixé. Qu’en est-il pour nous ? Pouvons-nous dire : « Seigneur, ne tarde pas, mais viens » ?


7 - Plus proche que le plus proche — Ruth 4:1-22

7.1 - [Ch. 4:1a — Le Seigneur veut que Sa rédemption soit reconnue de tous]

Avec la promptitude et l’énergie d’un cœur pleinement engagé, Boaz monte à « la porte ». C’était une place officielle, où toutes les affaires se réglaient, où tous les transferts étaient effectués. Dans l’affaire qui l’occupait, rien ne devait être fait « dans un coin » ou « en douce », mais tout devait recevoir le plein assentiment des personnes concernées, et être attesté au grand jour par les personnes légalement autorisées à donner leur approbation.

La première personne qui apparaît est ce « plus proche parent » qui avait un droit de rachat prioritaire. Ce droit devait d’abord être écarté, avant que Boaz, quelle que soit sa bonne volonté, puisse intervenir en tant que racheteur ou rédempteur. Il est significatif que cette personne ne soit pas nommée. Nous n’avons aucun indice sur le nom de ce plus proche parent d’Élimélec, rédempteur naturel de son héritage, et cela est significatif quand nous regardons le sens spirituel.


7.2 - [Pourquoi le proche parent est une image de la loi]

Qui est donc cette personne sans nom qui a le premier droit sur Israël, y compris le droit de racheter l’héritage ? Qui est-il ou qu’est-il ce « plus proche parent » d’Israël selon la chair ? Il y a une indication suggérée par l’Écriture avec une relation analogue au mariage, mais à l’inverse de ce qui nous est présenté ici. Les deux fils d’Abraham, Ismaël et Isaac, étaient enfants respectivement d’Agar, la servante, et de Sara. Il nous est dit que ces choses sont une allégorie : « Car ce sont là les deux alliances : celle du mont Sinaï, qui engendre pour la servitude, et c’est Agar. Car ‘Agar’ est le mont Sinaï en Arabie, et elle correspond à la Jérusalem actuelle, car elle est dans la servitude avec ses enfants » (Gal. 4:24-25). Il semble clair que, sous réserve de conditions légèrement modifiées, le « plus proche parent » serait cette même « alliance de la loi ». De même qu’Agar a, la première, donné naissance à un enfant avant Sara, — « d’abord ce qui est naturel, ensuite ce qui est spirituel » (1 Cor. 15:46) — de même la loi a été la première base sur laquelle Israël a cherché à donner du fruit à Dieu.

C’est ce qui ressort clairement de l’histoire de la nation. Ils ne sont jamais entrés nationalement et consciemment dans les pensées de la grâce souveraine de Dieu. Ils n’ont pas réalisé qu’Il les avait pris pour accomplir la promesse faite à Abraham — une promesse faite par pure grâce. Ils en avaient peut-être eu un faible aperçu, mais après avoir traversé la mer Rouge et n’avoir fait l’expérience que de la grâce et de la miséricorde de Dieu, ils furent prêts à conclure une alliance légale au Sinaï, sans se douter qu’elle mettait de côté la miséricorde et la grâce de Dieu.

Certes, ils n’ont jamais goûté à l’amertume d’une alliance purement légale, car Moïse a brisé les premières tables de pierre avant d’entrer dans le camp, après le don de la loi et l’idolâtrie du veau d’or. C’est une véritable miséricorde qu’il ait fait cela, car quel aurait été le jugement sur ce peuple coupable si Dieu l’avait traité sur la base d’une loi pure ? Certainement, comme l’Éternel l’a dit à Moïse : « Laisse-moi faire, afin que ma colère s’embrase contre eux et que je les consume » (Ex. 32:10). Mais en fait, Il les épargna pour le moment — ce qui serait tout à fait impossible en vertu de la loi pure — et continua avec eux sur la base d’un mélange de loi et de grâce. Les deuxièmes tables de pierre furent préparées et remises au peuple en relation avec la révélation faite à Moïse de « l’Éternel, l’Éternel ! Dieu, miséricordieux et faisant grâce, lent à la colère, et grand en bonté et en vérité, gardant sa miséricorde pour des milliers, pardonnant l’iniquité, la transgression et le péché, et qui ne tient nullement celui qui en est coupable pour innocent » (Ex. 34:6-7). Il y a ici un mélange de miséricorde, avec une déclaration finale de jugement sur les coupables, qui a formé la base de tous les rapports ultérieurs avec la nation.

Ils traversèrent le désert sur la base de cette alliance, entrèrent dans le pays et s’y établirent sur la base de l’obéissance à l’Éternel. Des dispositions avaient été prises au moyen de sacrifices en cas de manquements, et pourtant toutes les dispositions échouèrent au moment même où on en avait le plus besoin. Il n’y avait pas de sacrifice pour les péchés volontaires, mais seulement pour les péchés par ignorance. Il ne pouvait donc pas y avoir de paix pour les plus coupables, et le roi David, dans sa prière avec le cœur brisé (Ps. 51), dut se détourner des dispositions de la loi sur les sacrifices pour se tourner vers une miséricorde à laquelle il s’accrocha en dépit de la loi.

C’est sous cette alliance que la nation s’est divisée, s’est mêlée aux païens et a finalement été emmenée en captivité. Le ch. 20 d’Ézéchiel insiste longuement sur ce point : l’Éternel y développe le mépris d’Israël pour Son alliance, leurs manquements à sanctifier Ses sabbats qui étaient le signe de l’alliance, ou à marcher selon Ses lois. Lorsque Daniel fit confession du péché tant de lui-même que de la nation (Dan. 9), ce fut à la lumière de cette première alliance. Il en fut de même pour Néhémie après le retour de la captivité (Néh. 9:29).

Au dernier chapitre de l’Ancien Testament (Mal. 4:4), le peuple est exhorté à « se souvenir de la loi de Moïse, mon serviteur, que je lui ai prescrite en Horeb pour tout Israël, y compris les statuts et les ordonnances ».

Ainsi, tout au long de leur histoire, il y a eu une relation d’alliance précise reconnue par Dieu et le peuple. Il y avait des dispositions pour le pardon et le rétablissement, souvent faites de la manière la plus touchante qui soit. « Venez et plaidons ensemble, dit l’Éternel : Si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige ; s’ils sont rouges comme l’écarlate, ils deviendront comme la laine. Si vous êtes bien disposés et que vous écoutiez, vous mangerez des biens du pays ; mais si vous refusez et que vous soyez rebelles, vous serez dévorés par l’épée » (Ésaïe 1:18-19). « Que le méchant abandonne sa voie, et l’homme inique ses pensées, et qu’il retourne à l’Éternel, et Il aura compassion de lui, — et à notre Dieu, car Il pardonne abondamment » (Ésaïe 55:7). « Si le méchant se détourne de tous les péchés qu’il a commis … il vivra, il ne mourra pas. Toutes les transgressions qu’il a commises, il n’en sera plus question contre lui ; il vivra dans la justice qu’il a pratiquée » (Ézéch. 18:21-22).

Ces passages de l’Écriture, et bien d’autres, montrent la relation étroite entre Israël et l’alliance de la loi. Ils n’ont jamais eu d’autre relation avec Dieu sauf celle secrète de Sa part, de la grâce et de la promesse de l’élection. Aussi, lorsque le Résidu se tournera vers Lui dans la repentance dans les derniers jours, cette alliance de la loi aura, pour ainsi dire, un droit prioritaire à revendiquer sa parenté.


7.3 - [Ch. 4:1b-4 — La loi du rachat et son application à Israël dans le passé]

Revenant maintenant à notre récit, nous trouvons Boaz, figure du Seigneur ressuscité, appelant ce proche parent et lui offrant le droit de rachat. Nous avons déjà remarqué la disposition de la loi qui permettait de relever la famille d’un parent décédé (Deut. 25). Nous avons maintenant une allusion à une autre loi de caractère similaire, le rachat d’un héritage perdu. Cette loi se trouve en détail dans Lévitique 25. En bref, elle déclare un droit divin de domaine privilégié : La terre appartenait à Dieu et ne pouvait jamais être définitivement aliénée de ceux à qui Sa grâce l’avait donnée (Lév. 25:23-24). Tout devait être libéré l’année du jubilé, ou pouvait être racheté par un proche parent (Lév. 25:48-49).

La terre d’Israël appartient littéralement à l’Éternel, au profit de Son ancien peuple. Malgré tous leurs péchés et leurs folies, cette disposition demeurait — fait étrange en ces temps de propriété universelle de l’homme sur la terre. Ce pays a été pratiquement une terre sans peuple, comme attendant ses propriétaires légitimes ; c’est sans aucun doute la situation qui a été effective. La terre elle-même sera encore rachetée au profit d’Israël, et ils seront mis de nouveau en pleine possession de ce qu’ils ont perdu par leur péché et leur désobéissance. Mais qui le rachètera et pour qui sera-t-il racheté ? Telles sont les questions à régler « à la porte ».

Le plus proche parent consentit rapidement à racheter l’héritage pour Naomi. La loi, comme nous l’avons vu, contenait cette disposition miséricordieuse, et si quelqu’un ou le peuple se tournait vraiment vers Dieu et gardait Sa loi, Dieu voulait être « miséricordieux envers Son pays et envers Son peuple ». Tant que c’était de la main de Naomi que le rachat devait être fait, et pour elle, le proche parent y consentait tout de suite, car elle est la veuve de « notre frère Élimélec ». Tant qu’il s’agit d’Israël selon la chair, et simplement désobéissant, la loi, avec la disposition miséricordieuse dont nous avons parlé, peut intervenir et ramener l’héritage perdu.

Nous en avons des illustrations plus ou moins complètes dans l’histoire du peuple. À maintes reprises, pendant la période des Juges, ils péchèrent contre l’Éternel et furent livrés aux mains de leurs ennemis pour être opprimés. Mais quand ils se repentaient et se tournaient vers Lui, Il suscitait un libérateur qui les ramenait à leur héritage. Mais la nation continua à descendre le chemin du déclin, jusqu’à ce que les dix tribus soient emmenées dans une captivité sans espoir et se fondent dans les nations païennes par lesquelles elles avaient été emmenées en captivité, au-delà de toute reconnaissance humaine. Les deux tribus furent également emmenées à Babylone, et le trône de Dieu, l’arche de l’alliance, quittèrent définitivement Jérusalem. Il est vrai qu’une Lumière plus brillante brilla dans le temple ultérieurement, mais elle ne fut pas acceptée par le peuple. Nous en parlerons dans un instant.

Même après la captivité à Babylone, il y eut un rétablissement partiel (bien que le trône soit passé de la maison de David aux Gentils). C’était comme si la loi, le plus proche parent, allait le plus loin possible pour chercher à racheter l’héritage.


7.4 - [La mise à mort du Fils de Dieu a disqualifié Israël de sa qualité de peuple de Dieu]

Enfin, après la restauration après la période à Babylone, Dieu envoya Son Fils, l’héritier légitime de l’héritage. « Celui-ci est l’héritier, venez, tuons-le, et l’héritage sera à nous » (Marc 12:7) — combien cela montre un esprit absolument étranger à Dieu et à Ses pensées. Le Fils de Dieu, le vrai rédempteur, l’unique libérateur, fut mis à mort. Les chefs aveuglés s’écrièrent : « nous n’avons pas d’autre roi que César », et ils perdirent ainsi délibérément et définitivement tout droit d’être considérés comme le peuple de Dieu. Ils furent absolument identifiés aux Gentils et se trouvent maintenant sur le même terrain que les Moabites ou les Ammonites méprisés. Ils devinrent « Lo-ammi, pas mon peuple » (Os. 1 et 2), et furent aussi complètement des Gentils que s’ils n’avaient pas été de la descendance d’Abraham.

La loi, même dans son interprétation la plus miséricordieuse, ne pouvait plus intervenir. « L’Ammonite et le Moabite n’entreront pas dans la congrégation de l’Éternel ; même leur dixième génération n’entrera pas dans la congrégation de l’Éternel, à jamais » (Deut. 23:3). Le peuple apostat avait délibérément renoncé à toute revendication et, du point de vue de la loi, ils étaient retranchés.


7.5 - [Le proche parent pouvait acheter l’héritage, mais pas relever le nom du défunt]

Cela explique pourquoi le proche parent, malgré toute sa volonté de restituer l’héritage à Naomi, ne pouvait pas le prendre pour relever par Ruth le nom du parent décédé. Son propre héritage en serait entaché. Combien cette loi, « sainte, juste et bonne », serait vraiment dégradée si le moindre trait de lettre de ses justes exigences était supprimé. Elle demeure dans toute sa majesté et sa perfection. Elle n’est pas annulée, comme ce serait le cas si un seul de ses éléments était ignoré. Ainsi, pour le peuple coupable qui se repose sur la loi et se vante de leurs privilèges en tant que nation, il n’y a rien d’autre que la condamnation. Ils sont dans la position de la Moabite.

Mais si la loi ne fait rien et ne peut rien faire dans un tel cas, elle peut renoncer et elle renonce à tout droit à l’héritage, et elle transfère ces prétentions à un Autre. Le proche parent retire sa chaussure, ce qui était la procédure habituelle en cas de changement de propriétaire. La chaussure était ce qui foulait la terre avec le pied, et le fait de l’enlever et de la passer à un autre semble indiquer que tous les droits sur la propriété étaient transférés de l’un à l’autre. Qu’il est bon de savoir que « la loi a été notre conducteur jusqu’à Christ » (Gal. 3:24), qu’elle transfère sur Lui toutes ses revendications.

Remarquons que cela se fait devant un jury de dix hommes (4:2), témoins de la loi et des faits. Ces dix hommes peuvent bien nous rappeler les « dix paroles » ou « dix commandements » qui témoignent pleinement des revendications de Dieu, de la ruine de l’homme et de leur propre impuissance à racheter. Tout se fait de façon légale. « Par la loi, je suis mort à la loi », dit l’apôtre (Gal. 2:19). La loi elle-même témoigne de son impuissance à racheter. « Afin que je vive pour Dieu », ajoute-t-il (Gal. 2:19) : la loi transfère ses droits à un Autre. Tout est réglé en justice et « attesté par la loi et les prophètes ». C’est ainsi que « nous établissons la loi » (Rom. 3:31).

Boaz est maintenant libre de laisser son cœur agir selon ses propres impulsions de grâce, et en présence des dix qui avaient été témoins du refus du premier parent d’acheter l’héritage, il achète tout : l’héritage et Ruth — Ruth la Moabite, ainsi appelée pour rappeler la grâce de la transaction. L’héritage est maintenant à lui, et elle est à lui, véritablement possédée comme son épouse, et pourtant liée à la pauvre Naomi, la veuve stérile d’Élimelec décédé.

Combien tout cela parle magnifiquement de la grâce de Christ envers un peuple pauvre et indigne ! Christ ressuscité, par-delà la mort, par-delà toutes les exigences de la loi, se lie par mariage, pour toujours, en justice ; le pauvre étranger et l’égaré trouvent enfin le repos. Voilà dans une faible mesure, l’enseignement de cette belle portion de l’Écriture, et nous allons maintenant examiner l’enseignement des prophètes sur ce sujet. Mais il était important de se défaire de ce qui perturbe trop souvent le peuple bien-aimé de Dieu, par ignorance ou par application erronée de la parole de Dieu.


7.6 - [Application erronée de la loi au chrétien]

Ce parent le plus proche, la loi, était, comme nous venons de le voir, dans l’impossibilité absolue de s’associer à un Gentil. Et pourtant, face à ce fait évident, des chrétiens persistent à considérer tous les hommes comme étant sous la loi, puis à considérer les saints comme étant encore sous cette loi en tant que règle de vie.

Quant au premier point, l’apôtre, dans les premiers chapitres de l’épître aux Romains, montre la différence entre ceux qui sont « sans loi » — les Gentils — et ceux qui sont « sous la loi » — les Juifs. La loi n’a été donnée qu’à Israël. Dieu mettait l’homme à l’épreuve dans les circonstances les plus favorables. Une nation avait été sauvée de la servitude, avait reçu un héritage et avait été séparée des nations environnantes. Ils étaient les bénéficiaires de la libéralité de Dieu, l’objet de Ses soins constants. Que pouvait-Il faire de plus pour un peuple ? Il lance un défi à la nation désobéissante et attend en vain une réponse. Ainsi, la loi a été mise à l’épreuve dans les circonstances les plus favorables et s’est révélée impuissante.

Mais cela réglait pratiquement la question de la justification par la loi pour toute l’humanité ; c’est pourquoi il est écrit : « Nul ne sera justifié devant lui par les œuvres de la loi, car par la loi est la connaissance du péché » (Rom. 3:20). Ainsi, « toute bouche est fermée, et tout le monde est coupable devant Dieu » (Rom. 3:19). Dans la mise à l’épreuve d’Israël, Dieu a éprouvé tout le monde et a réglé pour toujours la question de la justification par la loi. Cette mise à l’épreuve n’a jamais besoin d’être répétée, elle est finale et concluante.

Si quelqu’un disait qu’il voudrait être placé sous la loi, il ne sera pas, en fait, sous la loi, bien qu’en fait elle fonctionne toujours de la même manière ; il découvrira — s’il fait vraiment et honnêtement l’effort — qu’il est condamné devant Dieu. Il apprendra que l’épreuve de Dieu envers Israël a été parfaite et complète, et qu’il n’a fait que confirmer les résultats de cette épreuve divine.

On a beaucoup parlé, cependant, de la distinction entre la loi pour la justification et la loi comme règle de vie. Il est impossible de séparer ces deux aspects — en fait, l’Écriture ne les sépare pas. Être sous la loi, de quelque manière que ce soit, c’est être sous la malédiction. La loi ne peut que prononcer une malédiction en cas de désobéissance. Ainsi, si un saint était sous la loi en tant que règle de vie, il serait « tenu d’accomplir toute la loi », et s’il pèche sur un point, il est coupable sur tous, et est condamné. Le Sinaï n’a qu’une seule voix. Quelle folie de penser à une règle de vie venant d’un lieu qui ne fait que tonner la mort et le jugement pour la moindre désobéissance. « S’il avait été donné une loi qui pût donner la vie, en vérité la justice aurait été par la loi » (Gal. 3:21). En fait, la loi est même « la puissance du péché » (1 Cor. 15:56), et l’apôtre, dans ce merveilleux ch. 7 des Romains, montre qu’elle est aussi impuissante à produire la justice chez un saint que chez un pécheur. Plût à Dieu que les Siens le réalisent ! Combien d’efforts infructueux et d’aspirations désespérées leur seraient épargnés !

Non, frères bien-aimés, nous ne sommes en aucun cas sous la loi ; en fait, nous ne l’avons jamais été. N’entachons donc pas ce témoignage parfait qui déclare parfaitement la pensée de Dieu pour l’homme, mais qui déclare tout aussi parfaitement qu’il n’a pas répondu aux pensées de Dieu. Nous laissons la loi avec son témoignage, et nous inclinons nos têtes devant ce témoignage, reconnaissant humblement que si la vie ou la liberté pouvaient être gagnées de cette manière, notre cas serait aussi désespéré que celui de la veuve Naomi et de la Moabite Ruth.

Mais, Dieu soit béni, cela laisse notre Seigneur ressuscité libre de déverser sur nous l’amour de Son cœur en pleine mesure. Nous sommes morts à la loi par le corps du Christ, afin de porter du fruit pour Dieu, étant unis par des liens d’union éternelle à un Autre, à celui qui est ressuscité d’entre les morts (Rom. 7:4). Ainsi, notre Seigneur a Sa voie, et la loi elle-même n’en est que le témoin ; elle témoigne pareillement de son propre abandon de toute revendication sur les pauvres « fils d’étrangers » sans ressources, qui trouvent leur demeure près du cœur de Celui qui est Puissant.


7.7 - [Le témoignage des prophètes sur la déchéance du peuple et sa restauration]

Comme nous l’avons déjà vu, Boaz prend Ruth pour épouse en présence du proche parent et des témoins. Rien n’est « fait dans un coin » ou « en douce », aucune demande juste n’est ignorée, aucune revendication nécessaire n’est écartée. La loi même qui a témoigné contre la nation apostate, sera aussi témoin de la justice de Celui qui, sur la base de la grâce, restaure pour Lui le Résidu repentant et croyant. Les prophètes en témoignent abondamment, établissant un lien, comme nous l’avons déjà vu dans une certaine mesure, entre l’infidélité passée du peuple en tant qu’épousé par l’Éternel, et la grâce future qui le rétablira.

« Car d’ancienneté tu as rompu ton joug et arraché tes liens, et tu disais : je ne servirai pas, alors que sur toute colline élevée et sous tout arbre vert tu te prostituais » (Jér. 2:20). Dieu les avait sauvés de l’Égypte, et ils avaient promis, au Sinaï, de ne pas transgresser. Hélas, le veau d’or a été dressé avant que la loi ne soit apportée au camp, et la longue liste des idolâtries qui ont suivi a montré combien ils ont rompu l’alliance. Des « hauts lieux » pour le culte idolâtre étaient parsemés dans tout le pays, tandis qu’à l’ombre de tout arbre vert, les abominations du paganisme étaient pratiquées. Spirituellement et littéralement, ces rites profanes et impurs méritaient le nom de prostitution donné si souvent dans les prophètes. Que pouvait faire Dieu avec une telle nation, sinon les chasser ?

« Ils disent : Si un homme renvoie sa femme, et qu’elle le quitte et soit à un autre homme, reviendra-t-il vers elle ? ce pays-là n’en sera-t-il pas entièrement souillé ? Et toi, tu t’es prostituée à beaucoup d’amants ; pourtant retourne à moi, dit l’Éternel » (Jér. 3:1). « Revenez, fils infidèles, dit l’Éternel, car je vous ai épousés » (Jér. 3:14). « Comme une femme perfide quitte son mari, ainsi vous avez agi perfidement envers Moi, maison d’Israël, dit l’Éternel (Jér. 3:20) … Revenez, fils infidèles, et je guérirai vos infidélités… Nous voici, nous venons à Toi, car Tu es l’Éternel notre Dieu » (Jér. 3:22). Toute cette partie de Jérémie est extrêmement belle et touchante. Les tendres supplications de l’amour divin auprès d’un peuple effronté, infidèle et impudique, les assurances de pardon et de miséricorde éternelle sont extrêmement touchantes.

« Je me souviendrai de Mon alliance avec toi aux jours de ta jeunesse, et j’établirai avec toi une alliance éternelle, … et j’établirai mon alliance avec toi, et tu sauras que je suis l’Éternel » (Ézéch. 16:60, 62). Ici encore, après avoir dépeint avec la plus grande fidélité la condition originellement impuissante du peuple, son « temps de l’amour » et la beauté dont Il l’avait parée, Il décrit son impudeur éhontée, son infidélité et sa dégradation sans espoir. Dieu les assure d’un rétablissement et d’une réunion dans les liens d’une alliance de mariage « qui ne sera jamais rompue ni oubliée ».

De même, dans le passage bien connu d’Osée, l’infidélité passée du peuple, son rejet actuel en tant que « Lo-ammi » et sa restauration future sont présentés. « Voici, Moi, je l’attirerai, je la mènerai au désert, et je lui parlerai au cœur ; de là, je lui donnerai ses vignes, et la vallée d’Acor comme porte de l’espérance ; elle y chantera comme aux jours de sa jeunesse, comme au jour où elle monta du pays d’Égypte. … Je te fiancerai à moi pour toujours ; je te fiancerai à moi en justice, et en jugement, et en bonté et en miséricorde. Je te fiancerai à moi en vérité, et tu connaîtras l’Éternel » (Osée 2:14, 15, 19, 20).


7.8 - [Ch. 4:9-10 — Similitude entre la restauration d’Israël (Résidu) et de son pays d’une part, et l’acquisition de Ruth comme épouse par Boaz et le rachat de l’héritage d’Élimélec d’autre part]

Ces passages touchants et magnifiques pourraient bien servir de lien entre Naomi et Ruth. La nation est partie comme Naomi, elle est restaurée — le Résidu d’entre eux — comme Ruth, dans une profonde et véritable repentance et une foi qui renonce à toute prétention quant à elle-même, mais qui, pour cette raison, s’attache d’autant plus au Seigneur et à Sa grâce.

Ainsi, comme Boaz appelle les anciens et tout le peuple à témoigner qu’il a acheté tout l’héritage perdu et la veuve Gentil Ruth, notre Seigneur appellera tout le monde à témoigner de Sa rédemption de Son peuple désolé. « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu. Parlez au cœur de Jérusalem, et criez-lui que son temps de détresse est accompli, que son iniquité est pardonnée, car elle a reçu de la main de l’Éternel le double pour tous ses péchés » (Ésaïe 40:1-2). « Avec une voix de chant de joie, déclarez et faites entendre ceci jusqu’aux bouts de la terre ; dites : l’Éternel a racheté son serviteur Jacob » (Ésaïe 48:20).

La grâce qui rachètera le peuple, restaurera aussi le pays pour eux pour qu’ils en jouissent. En effet, tout au long de leur captivité et de leur éloignement de Dieu, le pays a joui de ses sabbats, — signe de l’alliance entre Dieu et le peuple. Ainsi, dans un sens, la désolation même du pays était un rappel de la promesse infaillible de Dieu, qui ne donnerait pas à d’autres ce qui était réservé aux Siens. « Ainsi dit l’Éternel : Comme J’ai fait venir sur ce peuple tous ces grands maux, de même je ferai venir sur lui tous le bien que je lui ai promis … On achètera des champs à prix d’argent, on souscrira des attestations, on les scellera et on prendra des témoins … car je ferai revenir leurs captifs, dit l’Éternel » (Jér. 32:42, 44). « Je rétablirai les captifs de Juda et les captifs d’Israël, et je les rebâtirai comme au commencement. Je les purifierai de toutes les iniquités qu’ils ont commises contre moi. … On entendra de nouveau dans ce lieu … la voix de la joie et la voix de l’allégresse, la voix de l’époux et la voix de l’épouse, la voix de ceux qui disent : Célébrez l’Éternel des armées, car l’Éternel est bon, car Sa bonté demeure à toujours, — des gens apporteront le sacrifice de louange dans la maison de l’Éternel. Car je ferai revenir les captifs du pays comme au commencement, dit l’Éternel » (Jér. 33:7, 10, 11). La miséricorde envers le peuple doit nécessairement s’accompagner de miséricorde envers le pays. L’une ne va pas sans l’autre. « Il fera miséricorde à Son pays et à Son peuple » (Deut. 32:43). « J’exaucerai les cieux et eux exauceront la terre ; la terre exaucera le blé, le vin et l’huile, et ils exauceront Jizréel » (Osée 2:21-22).

Ce point est longuement développé dans le magnifique Ps. 65. La louange attend Dieu dans le silence en Sion jusqu’à l’heure prévue pour le renversement des ennemis et l’établissement définitif de la paix dans le pays. La miséricorde de Dieu envers Son pays sera alors célébrée : « Tu as visité la terre et tu l’as abreuvée ; tu l’enrichis abondamment : le ruisseau de Dieu est plein d’eau. … Tu couronnes l’année de Ta bonté, et Tes sentiers distillent la graisse. … Les pâturages sont couverts de troupeaux, les vallées sont couvertes de blé ; ils poussent des cris de joie, ils chantent » (Ps. 65:9-13).

Ainsi, l’achat de tout ce qui appartenait à Élimélec et à ses deux fils, la terre et l’héritage, inclut également Ruth la veuve. La rédemption de son peuple par Christ inclut également le pays. Il est très révélateur qu’à l’heure actuelle [écrit en 1900], nous ayons non seulement un peuple sans terre, les Juifs, mais aussi une terre sans peuple nettement établi. Chacun attend l’autre, et tous deux, en toute chose, attendent le temps de Celui qui accomplira certainement toute Sa parole. « Si mon alliance touchant le jour et la nuit ne demeure pas, et si je n’ai pas établi les ordonnances des cieux et de la terre, je rejetterai la postérité de Jacob » (Jér. 33:25-26).


7.1 - [Ch. 4:11-12 — Rédemption pleinement accomplie en Christ]

Les témoins répondent avec joie à la déclaration de Boaz. « Tout le peuple qui était à la porte — les dix hommes représentant la loi et tous les autres — dirent : « Nous sommes témoins. Que l’Éternel fasse que la femme qui entre dans ta maison soit comme Rachel et comme Léa, qui toutes deux ont bâti la maison d’Israël ! » (4:11a). Ces deux femmes étaient les mères des douze patriarches, les fondateurs de la nation. Quand tout a apparemment failli, le Puissant intervient et rétablit la nation dans sa grandeur originelle, et bien plus encore. La référence ne sera plus la rédemption originelle de l’Égypte, mais la rédemption dernière et finale, lorsqu’Il rassemblera Son peuple bien-aimé et que Rachel, à qui il est fait ici allusion, cessera de pleurer ses enfants. « Il y a de l’espoir pour ta fin, dit l’Éternel, et tes fils reviendront sur leur territoire » (Jér. 31:17).

Ils font également allusion à Tamar et à ses enfants — celle, pourrait-on dire, qui a fondé la tribu de Juda à laquelle appartenait Boaz (4:12). En regardant cette histoire, nous la trouvons comme une page tristement effacée. Le péché semble y être inscrit dessus en toutes lettres, et cependant il y a une foi qui désire, une foi comme celle de Jacob qui obtient la bénédiction par des artifices. Ici la bénédiction est sans tache, mais elle nous rappelle, comme nous l’avons vu, la grâce faite à un peuple pécheur et indigne.

Ainsi, la loi, magnifiée et rendue honorable, non seulement transfère tous ses droits à Christ, mais elle réclame pour le peuple — stérile en ce qui concerne la loi — une bénédiction qui dépasse la sienne grâce à cette nouvelle relation.

Tout est consommé et Boaz prend son épouse pour lui. Bientôt, la pauvre nation rejetée sera rassemblée dans les bras de l’amour éternel et « comme l’époux se réjouit de l’épouse, ainsi ton Dieu se réjouira de toi » (És. 62:5).


7.2 - [Ch. 4:13-17 — Obed, type de Christ comme Serviteur fidèle]

Un fils est né de Ruth, mais, de façon très belle, ce n’est pas Ruth mais Naomi qui est mise en avant ici. La mère âgée, à la vie malheureuse et aux souvenirs amers, est maintenant devant nous avec le jeune enfant dans ses bras. Tout le passé est oublié, si ce n’est pour le mettre en contraste avec la joie du présent. En se réjouissant, ils bénissent l’Éternel qui n’a pas laissé son peuple désolé sans un homme qui ait le droit de rachat, c’est-à-dire sans Rédempteur, et dont le nom est « nommé en Israël », c’est-à-dire qui est célèbre (4:14). Ruth aussi n’est pas oubliée, et son fidèle dévouement est reconnu par tous. « Ta belle-fille, qui t’aime et qui vaut mieux pour toi que sept fils, l’a enfanté » (4:15). Israël selon la chair aurait été totalement inutile pour restaurer la bénédiction, et cette belle-fille Gentil — qui parle, comme nous l’avons vu, de foi et de repentance — vaut mieux que toute l’excellence de la chair.

Cet enfant sera, comme on le dit à Naomi, « un restaurateur de son âme et un soutien de ta vieillesse » (4:15). C’est pourquoi l’enfant est appelé Obed, « serviteur » (4:17).

Passant à la signification spirituelle de tout ceci, nous ne pouvons manquer de relier cet enfant à cet autre Enfant merveilleux, né de la même lignée, et qui transposera, tout en le réalisant, tout ce que nous avons vu, étant aussi Lui-même Boaz, le Ressuscité et glorifié : « Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné ; le gouvernement sera sur son épaule, et son nom sera appelé Admirable, Conseiller, Dieu fort, Père d’éternité, Prince de paix » (Ésaïe 9:6).

Il est tout à fait approprié qu’il porte le nom de « serviteur » (Obed, 4:17). Israël était le serviteur de Dieu, mais combien infidèle ! C’est alors que vient Celui qui est fidèle, qui est vraiment le serviteur de Dieu, « mon élu en qui mon âme prend plaisir » (És. 42:1). Par Lui et par Sa grâce, le Résidu est appelé et promu, et lui aussi est désigné par ce même titre ; tandis qu’enfin toute la nation sera restaurée et se réjouira d’être appelée serviteurs de l’Éternel, tandis qu’ils l’étaient autrefois dans la désobéissance

Combien notre Seigneur béni a parfaitement illustré la beauté d’un service fidèle ! Il est venu pour accomplir la volonté de Dieu, et Sa nourriture et Sa boisson étaient de l’accomplir. Tout au long de Son parcours terrestre, Il s’est occupé des souffrants et des malades. Sur la croix, Il a servi — que son nom soit béni à jamais ! — afin que nous ne connaissions jamais la terrible peine du péché. Tout cela, Il l’a fait gratuitement. Il a été celui qui n’avait l’obligation d’aucun service — la génisse qui n’avait jamais porté aucun joug, Nomb. 19. Pourtant, Il a pris la forme d’un serviteur et a accompli le travail d’un serviteur — pour Dieu et pour les besoins de l’homme. Aujourd’hui encore, dans la gloire, Il sert les Siens nécessiteux par Son Esprit, par Sa parole et par Son travail d’avocat et d’intercesseur ; et le couronnement de Son service sera de Se ceindre et de servir Ses fidèles — fidèles uniquement par Sa grâce — en signe de Son approbation. Il a bien mérité ce titre, et pour nous, il n’y a pas de plus grand honneur que de suivre, dans notre mesure, Son humble chemin.

« Naomi prit l’enfant et le mit dans son sein » (4:16). Le vieillard Siméon prit pareillement l’Enfant dans ses bras et, pour ainsi dire, disparut dans son propre chant de louange, nous laissant contempler la cause de sa joie. Combien la veuve âgée a trouvé de joie et de chaleur lorsque cette vie jeune et fraîche s’est blottie contre son cœur. Voilà l’espoir de la nation, et jusqu’au moment où Lui sera porté dans le cœur du peuple, ce dernier restera dans une solitude de veuve.

Pour en revenir à nous-mêmes, nous voyons ici le grand remède à toutes nos misères. Notre cœur s’est-il refroidi ? Notre joie, comme celle de Naomi, s’est-elle évanouie ? Nous avons en réalité le privilège, comme ce fut le sien en type, de serrer sur notre poitrine Celui qui, autrefois bébé, se livre encore dans la gloire aux étreintes de Son peuple. Nous ne nous réchauffons jamais si ce n’est lorsqu’Il a Sa place dans notre cœur.

Accorde-nous, Seigneur, de connaître davantage de cela — Toi-même tenu ferme dans nos cœurs par une foi vivante, alors que nous réalisons aussi un amour plus puissant qui nous tient ferme, pour toujours attachés à Toi.