ÉTUDES SUR L’ÉVANGILE DE JEAN

Bellett John Gifford


Table des matières :

1 - Chapitres 1 à 4

1.1 - Chap. 1:1-18

1.2 - 1:19-28

1.3 - 1:29-43

1.4 - 1:44-51

1.5 - Chap. 2:1-12

1.6 - 2:13-22

1.7 - 2:23 à 3:21

1.8 - 3:22-36

1.9 - Chap. 4

2 - Chapitres 5 à 12

2.1 - Chap. 5

2.2 - Chap. 6

2.3 - Chap. 7

2.4 - Chap. 8

2.5 - Chap. 9 et 10

2.6 - Chapitre 10

2.7 - Chap. 11 et 12

3 - Chapitres 13 à 17

3.1 - Chap. 13

3.2 - Chap. 14 à 16.

3.3 - Chapitre 17

4 - Chapitre 18 à 21

4.1 - Chap 18 et 19

4.2 - Chap. 20

4.3 - Chap. 21

5 - Conclusion


1 - Chapitres 1 à 4

1.1 - Chap. 1:1-18

Ces versets me paraissent former une sorte de préface, qui place devant nous l’Évangile de Jean sous son vrai caractère, comme l’Évangile du Fils de Dieu — le Fils du Père ; — et le témoignage de Jean le baptiseur, qui est sommairement ajouté à cette préface, concourt au même but.

Observons d’emblée que le Seigneur, en venant sur la terre, prend immédiatement la place qui lui appartient comme Fils de Dieu, une place qui appartient aussi à l’Église avec lui, celle d’étranger. Dès les premiers moments, il nous est montré sous ce caractère. Il est la lumière au milieu des ténèbres ; le Créateur du monde et inconnu au monde ; il vient chez les siens, et n’y est pas reçu ; il est fait chair, et ne demeure parmi nous que peu de jours. Tout le fait voir comme étranger ici-bas, et c’est comme tel que cet Évangile nous le présente. Aussi dès le début, les questions que le Seigneur avait avec le monde et avec son peuple terrestre d’Israël, sont toutes tranchées. Dans cet Évangile, l’Esprit de Dieu renferme sous la condamnation le monde et Israël : le premier comme étant « sans Dieu », et le second comme étant incrédule ; et il parle d’une famille élue, qui n’est pas enregistrée sur la terre ou née de la chair, mais qui est née de Dieu, et en faveur de laquelle « la grâce et la vérité », la plénitude du Père dans le Fils, sont désormais préparées.

Le livre de la Genèse s’ouvre par la création ; l’Évangile de Jean, par la révélation de Celui qui était avant la création et au-dessus de la création. C’est à lui que nous sommes amenés. La création est passée sous silence, et nous nous trouvons devant la Parole, qui était avec Dieu, et qui était Dieu.

Tel est le début par lequel notre Évangile apparaît comme l’Évangile du Fils de Dieu, Créateur de toutes choses, Révélateur du Père, Source et Canal de grâce et de vérité pour des pécheurs. C’est pourquoi Jean nous dit que la gloire qu’ils ont vue était la gloire « d’un Fils unique de la part du Père », c’est-à-dire, une gloire personnelle, tandis que celle dont parlent les autres Évangiles comme ayant été vue, était la gloire sur la sainte montagne, une gloire officielle seulement. Ceci nous montre encore, d’une manière caractéristique, le but et la portée de l’évangile de Jean.

Bien précieuses sont-elles, en même temps qu’élevées et divines, les pensées que ces versets nous suggèrent. Elles nous disent, comme je l’ai déjà remarqué, que la lumière, la lumière de la vie, a lui, quoique voilée, avant que la Parole fût faite chair et habitât parmi nous ; avant même que vînt Jean Baptiste son précurseur. Il en a été ainsi dans la création. La lumière fut formée la première par la puissance de Dieu. Elle a existé avant le soleil, qui fut créé le quatrième jour, tandis que la lumière fut la première chose créée au premier jour. Les trois premiers jours, par conséquent, s’accomplirent à la simple lueur de la lumière, sans la présence de l’astre qui devait plus tard dominer sur le jour.

Une même chose se voit dans l’histoire de la lumière de la vie. Christ a été la première pensée de Dieu, et Dieu a déclaré que cette lumière se lèverait sur les ténèbres morales et le chaos introduits par l’homme apostat. Dans cette parole : « Il te brisera la tête », la lumière de la vie fut nommée de Dieu. Des jours ou dispensations prirent leur cours : les trois premiers jours se déroulèrent : il y eut les temps des patriarches et après, ceux de Moïse. Ainsi, la lumière de la vie s’était répandue au loin, bien avant que la Parole eût été faite chair. La lumière luisait avant que le soleil se montrât dans le ciel. Et c’est là une douce pensée. Le Christ de Dieu a été la première révélation qui ait jeté sa lumière sur les ruines et les ténèbres amenées par la chute d’Adam ; et quoique, pendant un temps, le Dépositaire divin de toute lumière, la Source de tous rayons vivifiants, demeurât voilé, des gerbes de sa lumière sont venues réjouir et éclairer ce premier âge du premier, deuxième et troisième jour.

Mais nous possédons la chaleur aussi bien que la lumière, pourrais-je dire. La même Écriture qui nous dit ce qui s’est passé dans la création, nous apprend que le sein du Père nous a été découvert. « Le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître ». Il n’existe rien de pareil. Cet amour profond, inexprimable, insondable — l’amour qui habite dans le « sein du Père » — est Celui qui nous a visités, et qui est venu à nous dans sa beauté et sa plénitude. Cette faveur ne dépasse-t-elle pas toute connaissance ? Il nous convient de demander d’être fortifiés en puissance par l’Esprit pour la comprendre (Éph. 3). Se taire ! garder le silence, dans la foi, pour laisser notre cœur ouvert aux richesses d’une si grande révélation, n’est-ce pas déjà une félicité ?


1.2 - 1:19-28

Ces versets font aussi plus ou moins partie de l’introduction ; à peine peut-on dire que l’action ait commencé. Ils nous donnent, sous forme de récit, le témoignage rendu aux Juifs par Jean le Baptiseur, avant que le Seigneur Jésus lui eût été manifesté comme le Fils de Dieu ; car le Saint Esprit, dans cet Évangile, s’occupe si peu d’un témoignage juif, que les choses nous sont données comme une révélation de la confession de Jean, aux messagers que les Juifs lui avaient adressés.


1.3 - 1:29-43

Ici toutefois, l’action commence réellement par le témoignage que Jean Baptiste rend à Jésus, après qu’il lui a été manifesté comme le Fils de Dieu. Après ce témoignage rendu, Jean semble avoir la conscience que sa course est achevée. Au verset 35, nous le voyons comme retiré de son ministère, et simplement se réjouissant dans ce qui en était le résultat : — la manifestation de l’Agneau de Dieu. On l’entend exprimer la secrète satisfaction de son cœur, lorsqu’il dit : « Voilà l’Agneau de Dieu ! » car il ne paraît pas avoir adressé ces paroles à ses disciples ; mais ceux-ci, ayant entendu cette expression de sainte joie d’un cœur qui contemplait Jésus, suivent Jésus eux-mêmes. — Bien-aimés, cet effet se produit aussi maintenant : la puissance qui attire les âmes au Seigneur, réside surtout dans notre propre joie, et dans notre communion avec lui. — Jean en avait fini avec lui-même ; toutes ses pensées étaient fixées sur l’Agneau de Dieu ; et ses disciples paraissent l’avoir compris, car ils le quittent pour suivre Jésus.

C’était le vrai ministère, un ministère qui exerçait de la puissance sur le cœur de ceux qui entendaient. Voyez ce que dit Paul (1 Thess. 1:5-6).

Mais les disciples, où suivent-ils Jésus ? L’Évangile ne le dit pas. Plein de grâce, le Seigneur les a encouragés à le suivre, et « ils allèrent, et virent où il demeurait, et ils demeurèrent auprès de lui ce jour-là ; mais le lieu ne nous est pas nommé. Ils suivent Jésus par quelque chemin ignoré et ils sont avec lui-même ; c’est tout ce que nous apprenons ; car le Fils de Dieu n’était sur la terre qu’un étranger, et ceux qui l’accompagnent doivent, comme lui, y être étrangers. C’est ce qui paraît ici. Le petit rassemblement était groupé autour du Fils de Dieu, de l’Agneau de Dieu, seulement il n’était pas pour ici-bas ; car c’était la première poignée de froment pour le grenier céleste, les prémices de la famille du ciel pour Dieu et l’Agneau, et vraiment la terre n’y a pas pris garde, le fait a passé inaperçu.

Jean le baptiseur déclare que Celui qui venait après lui, était de fait avant lui, et cela il le répète même avec une sainte jalousie (vers. 15, 27, 30), et Paul, en rappelant le ministère de Jean Baptiste, y fait allusion (Actes 19:4). Cela est d’un grand prix pour nous ; car le Saint Esprit, qui inspire Jean, rend ainsi honneur à Jésus comme au grand Objet de tous les conseils divins, la grande Ordonnance de Dieu, que toutes les autres ordonnances avaient en vue. C’est pourquoi, bien que venant après Jean, Jésus était avant lui, et le Baptiseur semble rendre la pensée de toutes les ordonnances et de tous les ministères, lorsqu’il dit : « Celui qui vient après moi prend place avant moi, car il était avant moi ». Nul autre que le Fils de Dieu n’a été signalé dès les siècles (Prov. 8:23), lui, le premier, le grand Objet de tous les conseils de Dieu ; et soit prophètes, soit ordonnances, tous n’étaient que des serviteurs, appelés à rendre témoignage de lui.

Je ferai remarquer que Jean et le Seigneur ne se connaissaient pas, jusqu’au moment où Jésus s’avança pour entrer dans son ministère : le Baptiseur avait été élevé en Judée et le Seigneur en Galilée. Toutefois, quand Jésus s’approche de Jean pour être baptisé, Jean le reconnaît aussitôt. Il semblerait qu’il avait de lui quelque intuition (Matt. 3:14). Il l’avait en effet reconnu avant d’être né (Luc 1:44). Le monde ne connaissait pas Jésus ; Jean le connaissait et ainsi condamne le monde. Cependant, il ne le connaît pas de manière à rendre témoignage de lui comme le Fils de Dieu, avant que l’Esprit ne fût descendu et n’eût demeuré sur Jésus, car, selon l’avertissement qu’il avait reçu, c’est à cela que Jean reconnaîtrait le Fils de Dieu.

Ensuite, cet Évangile, en plein accord avec son caractère général, nous montre, dans ces versets, ce que je nommerai l’appel personnel d’André et de Pierre ; tandis que Matthieu ne donne que leur appel officiel. Tout est en harmonie avec la pensée de l’Esprit dans les deux Évangiles ; et c’est avec bonheur et gratitude que nous pouvons remarquer toute la perfection des témoignages divins.


1.4 - 1:44-51

Ces versets nous présentent l’action qui appartient à une période subséquente, appelée « le lendemain ». Nous voyons le ministère du Seigneur lui-même, en même temps que le fruit de ce ministère dans les personnes de Philippe et de Nathanaël.

C’est une chose nouvelle. Ce n’est plus un rassemblement avec Jésus comme « l’Agneau de Dieu », dans un lieu mystérieux et inconnu ; c’est un rassemblement avec Celui « duquel Moïse a écrit dans la loi et duquel les prophètes ont écrit » (*) ; et ce n’est plus ici l’image de l’Église ou de la famille céleste, mais de l’Israël de Dieu, le résidu qui sera sauvé au dernier jour, et que Jésus connaîtra en grâce du milieu de la nation, comme il connaît Nathanaël sous le figuier, symbole permanent du peuple juif (Matt. 21). Alors ils le confesseront de la même manière que Nathanaël le fait ici. Ils le reconnaîtront et le recevront comme le Fils de Dieu, le roi d’Israël. Et quand ce moment sera venu, tout sera préparé pour le déploiement de la gloire dont le reflet lointain brille ici sur le Seigneur, et dont il promet la manifestation, en sa saison, à Nathanaël. — Tout ceci est d’une grande portée et se trouve confirmé au chapitre suivant.


(*) Ceci est caractéristique ; c’est tout ce que je veux en déduire. Évidemment tous se groupèrent autour de Jésus, quoiqu’il en soit des circonstances de détail, et l’ont connu comme l’Agneau de Dieu.


1.5 - Chap. 2:1-12

Nous venons de voir l’Église et Israël respectivement manifestés dans les deux rassemblements auprès de Christ. En conséquence, nous avons ici « le troisième jour », ou la noce, pour laquelle le vin est fourni par Jésus lui-même. Ces circonstances mêmes nous indiquent le sens mystique de la scène, car le troisième jour (le même que celui de la résurrection), la noce, et le vin fourni par le Seigneur sont des choses qui se rapportent au royaume, comme le savent ceux qui sont habitués aux Écritures. Je ne doute donc pas que la noce de Cana ne représente le royaume à venir du Seigneur, où il sera vu à la fois comme Roi et comme Époux.

Le Seigneur avait été invité en qualité de convive ; mais bientôt il devient l’hôte qui fournit et distribue le vin. Ainsi, après que nous aurons goûté les consolations que nous trouvons dans cette scène inférieure, le Seigneur nous donnera la joie du royaume, et boira nouveau, avec nous, du fruit de la vigne. Par son intervention pleine de grâce, il transforme ce qui n’était qu’une simple noce en mystère, et en fait l’occasion de manifester sa gloire, la gloire préfigurée du royaume, que Nathanaël avait reconnu en sa personne. Jésus lui-même devient l’hôte ou l’époux. Le maître d’hôtel s’adresse à l’époux qui les avait conviés, comme si lui était l’hôte ; mais c’était Jésus qui avait pourvu à la joie du festin ; et qui, maintenant encore, garde le bon vin à son peuple pour la fin, lorsque toute autre joie aura cessé. Jésus était le véritable époux. La fête était là où il changeait l’eau en vin ; comme dans son royaume il mettra de côté nos joies premières, et nous donnera ce que l’œil n’a pas vu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme.

À ce sujet, je désire ajouter que nous avons à entretenir soigneusement l’assurance que la joie est notre part, l’élément préparé et nécessaire dans lequel notre éternité aura son cours. Nous sommes enclins à ne nous réjouir qu’avec parcimonie ; il faut combattre ce sentiment et laisser nos cœurs s’abandonner à la joie. « La joie est la chose première, a dit quelqu’un ; la fatigue, le danger, la douleur ne sont que subordonnés » ; et cette vérité est pleine d’encouragement. Lorsque jadis les conseils éternels se tinrent, lorsque l’ordre de la création fut établi, ce furent un moment et une scène de joie divine. L’Éternel trouvait ses délices dans la Sagesse. La Sagesse, en Christ, se réjouissait dans la partie habitable de la terre, et ses plaisirs étaient avec les fils des hommes (Prov. 8) ; et cette joie de Dieu fut communiquée : les anges la connurent et l’exprimèrent (Job 38:7), et la création, dans ce jour de sa naissance, elle aussi, sourit.

Le renversement de cet état de choses, par l’infidélité de l’homme, n’a pas mis obstacle à la joie ; il n’a fait qu’en changer le caractère. La rédemption devient la source d’un bonheur plus élevé, plus étendu et d’un ton plus solennel, et la nouvelle création sera l’occasion d’une joie plus abondante encore que l’ancienne. Quelle viande est procédée de celui qui dévorait ! Viande pleine de saveur, agréable pour le cœur de Jésus lui-même. Quelle douceur, même pour Dieu, est procédée du fort ! Que de fontaines ouvertes dans les sables arides de ce monde, rafraîchissent les célestes régions elles-mêmes !

Toute l’Écriture rend ce témoignage, et pas n’est besoin d’y ajouter. Seulement je ferai remarquer encore — et il est doux de voir quelle part les saints ont dans ces choses — que les serviteurs seuls se trouvent en rapport avec le Seigneur. Ils sont dans sa confidence, tandis que le maître d’hôtel lui-même ne sait rien. La mère également (en relation avec le Seigneur quant à la chair) est tenue à distance. Dans tout ce qui se passe, les serviteurs sont amenés le plus près de Jésus. — Et il en est ainsi pour nous, bien-aimés. Jésus, le Seigneur de gloire, héritier de toutes choses, a été ici-bas un serviteur. Il est venu non pour être servi, mais pour servir ; et ceux qui sont le plus humbles dans le service sont aussi le plus près de lui. Au jour où il servira le véritable vin du royaume, ses serviteurs d’aujourd’hui seront encore une fois les dispensateurs de la joie par lui donnée, et seront seuls dans le secret de sa gloire. « Si quelqu’un me sert, le Père l’honorera ».


1.6 - 2:13-22

Ensuite nous voyons le Seigneur à Jérusalem, purifiant le temple avec autorité, et revendiquant ainsi la royale prérogative du Fils de David (voyez Matthieu 21:12-16).

Il est interpellé sur les droits qu’il a d’exercer cette autorité, et Jésus allègue sa mort et sa résurrection. « Détruisez ce temple », dit-il, « et en trois jours je le relèverai. » En effet, c’est là son titre. Les droits et l’honneur qui lui appartenaient, comme Créateur du monde et Seigneur d’Israël, lui étaient refusés, comme nous l’avons vu ; son titre, comme tel, était méconnu. Mais nous savons qu’il a acquis toute puissance dans le ciel et sur la terre par un autre titre, c’est-à-dire, par la mort et la résurrection ; titre qui a chassé l’usurpateur, et reconquis pour l’homme l’héritage qu’il avait perdu. Ceci donne à Jésus un droit irrécusable sur toutes choses. Constamment les apôtres parlent de la mort du Seigneur et de sa résurrection, comme établissant et assurant ses droits à tous ses diadèmes et à toutes ses gloires. La prédication de Pierre (Actes 2) en est un témoignage. Il dit au peule d’Israël qu’ils ont mis à mort Jésus, par les mains d’hommes iniques, mais que Dieu l’a ressuscité et l’a fait Seigneur et Christ. L’enseignement de Paul, dans l’épître aux Philippiens (chap. 2), entre autres Écritures, le répète encore ; et ici le Seigneur lui-même, en réponse à l’interpellation des Juifs, met en avant sa mort et sa résurrection, comme son titre aux fonctions les plus élevées, à l’exercice de l’autorité royale et sacerdotale. Parce qu’il s’est abaissé lui-même, Dieu lui a donné un nom au-dessus de tout nom. Le Fils de David, selon l’Évangile de Paul, a été ressuscité d’entre les morts (2 Tim. 2). La couronne de Jésus était avec lui fixée à la croix, à la vue du monde entier, Hébreux, Grecs, et Latins (Luc 23), de sorte que tous les témoignages publient, comme Jésus lui-même l’avance ici, que les souffrances du Seigneur conduisaient à ses gloires (1 Pierre 1), et que sa mort et sa résurrection sont ses titres.


1.7 - 2:23 à 3:21

Ainsi la joie du royaume était manifestée, la puissance du royaume mise en exercice, et le titre du Seigneur à cette puissance démontré et revendiqué. Maintenant, selon l’ordre voulu, il s’agit d’un titre pour d’autres personnes à entrer avec lui dans le même royaume, et cette question est ici discutée. Saint et solennel sujet, qui doit profondément affecter nos cœurs.

L’homme est une créature à laquelle Dieu le Créateur ne peut pas se fier. Le manque de fidélité d’Adam dans le jardin d’Eden en est la cause. L’homme a fait tout ce qu’il pouvait faire, pour vendre la gloire de Dieu entre les mains d’un autre. Plus tard, la dispensation de la loi vint prouver qu’il était encore également indigne de la confiance de Dieu ; et le Seigneur lui-même le flétrit ici de ce caractère : « Jésus lui-même ne se fiait pas à eux, parce qu’il connaissait tous les hommes ». Il savait ce qu’il y avait dans l’homme, et il ne trouvait rien qui lui inspirât la confiance. Quel jugement ! Il y a plus. L’homme, tel qu’il est, ne peut jamais être amélioré, de manière à ce que Dieu puisse de nouveau se fier à lui. Son cœur peut être touché, son intelligence développée, sa conscience convaincue, pourtant Dieu ne peut pas avoir confiance en lui. Il nous est dit que « plusieurs crurent en son nom, contemplant les miracles qu’il faisait. Mais Jésus lui-même ne se fiait pas à eux ». L’homme ici faisait de son mieux ; il était impressionné à la vue des choses que Jésus faisait, et pourtant le Seigneur ne pouvait pas se fier à lui. — C’est pourquoi, l’homme doit « être né de nouveau ».

La nécessité d’être « né de nouveau » ou d’en haut, ou bien, comme on s’exprime improprement, la nécessité de la régénération, est comprise et reconnue parmi les saints. Cependant, la nouvelle naissance n’est-elle pas une chose plus simple et plus évidente qu’on ne le suppose généralement ? Je le crois. La doctrine, à ce sujet, éveille presque toujours dans l’âme le sentiment de quelque chose de vague et d’étrange, ce qui ne doit pas être.

Nicodème était venu à Jésus comme un disciple. « Nous savons, dit-il, que tu es un docteur venu de Dieu » ; sur quoi le Seigneur lui dit immédiatement qu’il doit être né de nouveau ; et il ne le laisse pas qu’il n’ait dirigé sa pensée vers le serpent d’airain, en lui montrant que c’était là qu’il devait aller, pour recueillir la semence de cette vie nouvelle dont il avait besoin.

Sous quel caractère, par conséquent, faut-il que Nicodème prenne sa place là, et qu’il regarde vers le Fils de l’homme élevé à la croix ? Simplement comme un pécheur, un pécheur convaincu de péché, et qui, pareil à l’Israélite mordu par le serpent, porte au-dedans de lui la sentence de mort. Mais Nicodème avait encore à apprendre que telle était sa condition, car ce n’est pas dans cet esprit qu’il était venu à Jésus. Il doit donc tout recommencer ; il doit être né de nouveau, arriver auprès de Jésus par un nouveau chemin et sous un nouveau caractère. Il se considérait comme un disciple, et voyait en Jésus un docteur venu de Dieu ; mais que lui, Nicodème, fût un pécheur mort dans ses péchés, un homme mordu par le serpent ancien ; que le Fils de Dieu fût un Esprit vivifiant, un Rédempteur qui serait sa justice, voilà ce qu’il ne comprenait pas encore, de sorte que la semence de la vie n’avait jamais pénétré dans son cœur.

Le caractère de la vie éternelle, de cette nature divine en nous, est par conséquent aussi simple que le besoin pour nous de la posséder ; et le secret de cette vie, c’est d’apprendre à connaître Jésus, le Fils de Dieu, comme le Sauveur, d’aller à lui comme un pécheur convaincu ; de regarder à lui comme possédant la même vertu que le serpent d’airain apportait à l’Israélite mordu. — Et il y a une grande douceur à suivre depuis ce moment les traces de Nicodème, d’après ce que nous apprend ce même Évangile. Jusqu’alors, comme nous l’avons vu, Nicodème s’était trompé de chemin ; mais, lors même qu’il avait dû changer sa route, la direction que le Seigneur lui donne ici, la rend bonne et sûre ; car plus tard, nous le voyons prendre le parti de Jésus devant le conseil, et trouver une part de l’opprobre attaché au Galiléen rejeté ; et à la fin, il est là où le Seigneur l’avait envoyé dès le début, c’est-à-dire, devant le serpent d’airain. Il voit le Fils de l’homme élevé à la croix. Alors il va à Jésus, mais non pas comme un disciple à un docteur ; il va à lui, mais non pas le soir ; il le reconnaît, non pas devant le conseil seulement, mais en plein jour ; et en présence du monde entier, il lui rend hommage comme à l’Agneau de Dieu froissé, frappé, meurtri. Nicodème était lent de cœur peut-être, mais le serpent est encore sur la perche, même pour ceux-là ; il est toujours là, attendant pour bénir.

C’est ainsi que la vie éternelle nous apparaît aussi simple dans son caractère que dans sa nécessité. Nous découvrons la semence qui la produit. La divine puissance, le Saint Esprit, qui préside à toute l’œuvre selon sa propre énergie, agit d’une manière qui dépasse toutes nos pensées. Que ce soit le vent ou l’Esprit, nous ne savons ni d’où il vient, ni où il va ; mais nous apprenons quelle est la nature de la semence qu’il emploie et du terrain dans lequel il sème. L’une est la parole du salut, l’autre, l’âme d’un pécheur convaincu de péché.

La vie qui coule au travers de la famille de Dieu est esprit, parce que Jésus, le second Homme, le Premier-né de cette vie, est « Esprit vivifiant » ; et « ce qui est né de l’Esprit est esprit », nous dit le Seigneur. Telle est notre nouvelle vie. Elle est éternelle, infaillible, et, soit qu’elle réside dans la Tête ou dans les membres du corps, elle est victorieuse de tout le pouvoir de la mort. Le docteur divin dit encore : « Si quelqu’un n’est né d’eau et de l’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu ». Il n’y a d’admission là que pour les « nés de nouveau », c’est-à-dire pour des pécheurs justifiés ou vivifiés par la parole du salut. Il n’y a pas de justes, pas de sages, pas de riches dans ce royaume ; personne qui ait sous ce rapport quelque confiance en la chair. Cette vérité est donc établie, pour la joie et l’assurance de nos cœurs ; car tout en étant décisive, elle est pleine d’encouragement. Lorsqu’il est dit « Si quelqu’un n’est né de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu », il est encourageant de comprendre en même temps, que si nous sommes nés de nouveau, nous verrons le royaume, et que ni ruse, ni force de la part des hommes ou du diable, ne pourra nous tenir dehors. Si nous prenons la place de pécheurs convaincus de péché (tirés du Père sans doute par l’action secrète du Saint Esprit), et que nous recevions du Fils de Dieu la parole du salut — si, comme les Israélites mordus, nous levons les yeux vers le serpent élevé sur la perche, nous sommes déjà entrés dans le royaume, nous possédons la vie, et la gloire nous attend. Notre cantique aura de l’écho dans le ciel et retentira jusque dans l’éternité. La vue que nous aurons de Jésus et de son salut n’aura pas de limites, et s’étendra dans la sphère de la gloire à venir. La vie éternelle est à nous, la vie du ciel est en nous.

Revenons un instant à Nicodème. Après que le Seigneur lui eut ainsi révélé quelle était la semence de la vie éternelle, il cherche à la jeter au-dedans de lui, là où elle doit être semée pour produire du fruit, c’est-à-dire, dans la conscience. Car Nicodème était venu de nuit, comme si ce qu’il faisait ne pouvait pas supporter la lumière ; aussi le Seigneur, voulant sans doute parler à sa conscience, lui dit au moment de le quitter : « Quiconque fait des choses mauvaises hait la lumière, et ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient reprises ».

La nécessité d’une nouvelle naissance par la parole du salut, nous est donc enseignée par le Seigneur. Si l’homme n’est né de nouveau, Dieu ne peut pas se fier à lui ; et cet homme ne peut ni voir le royaume de Dieu ni y entrer. Quel rapport y a-t-il, par exemple, entre le fils aîné, frère du prodigue, et la joie qui remplissait la maison de son père ? Aucun. Jamais il n’avait eu, lui, seulement un chevreau pour faire bonne chère avec ses amis ; il n’y avait que le fils prodigue, « revenu à lui-même », qui pouvait obtenir l’anneau, la plus belle robe et le veau gras. Et le royaume aussi est tel, que des pécheurs rachetés seuls peuvent en comprendre le bonheur et y avoir place. Tous ceux qui s’y trouvent sont des « nouvelles créatures », des êtres d’un ordre qui ne se trouve pas dans la première création. Adam fut créé intègre ; mais dans le royaume il n’y a que des pécheurs rachetés par le sang. Toutes choses y ont été réconciliées par le sang, ainsi qu’il est écrit : « La plénitude s’est plue … à réconcilier toutes choses avec elle-même, ayant fait la paix par le sang de sa croix, par lui, soit les choses qui sont sur la terre, soit les choses qui sont dans les cieux » (Col. 1).


1.8 - 3:22-36

Nous voyons ensuite le Seigneur poursuivre son service en Judée, comme ministre de la circoncision, mais nous ne le voyons qu’un moment ; car s’occuper ici de ces questions n’aurait pas été en accord avec le plan général de cet Évangile qui, nous le savons, présente le Seigneur en dehors des relations juives. Une même remarque s’applique au passage suivant, où le Baptiseur est vu en rapport avec Israël, mais encore en passant seulement, et dans le but, semble-t-il, d’avoir l’occasion, par le Saint Esprit, de rendre témoignage à Jésus, vu, non pas dans sa gloire juive, mais dans des honneurs plus élevés et des joies plus douces, que le Christ, comme Fils de David, n’avait pas en partage.

Ici je m’arrêterai un peu, pour considérer ce moment particulier, cette épreuve morale, par laquelle Jean est appelé à passer, ainsi qu’il en avait été pour Moïse (Nombres 11), et qu’il en fut plus tard pour Paul (1 Cor. 3).

Josué, le serviteur de Moïse, était jaloux pour son maître de ce que Eldad et Médad prophétisaient dans le camp. Moïse le reprend, non seulement par une parole, mais aussi par un acte ; car il se rend immédiatement dans le camp, dans l’intention évidente de jouir et de profiter du don et du ministère de ces deux hommes, sur lesquels le Saint Esprit venait de tomber.

C’était là une noble conduite de ce bien-aimé de Dieu. Nulle rancune, nulle jalousie ne venait souiller le fond pur de son cœur, ni troubler la sérénité de son âme. Lui-même, vase richement doué par le Saint Esprit, voulait recevoir aussi par le moyen d’autres vases, bien qu’ils fussent inférieurs, et recevoir avec reconnaissance et promptitude de cœur.

Paul, en son jour, dut passer par une épreuve semblable. Des rivalités s’étaient élevées à Corinthe au milieu des saints ; quelques-uns disaient : « Moi, je suis de Paul », d’autres : « et moi, d’Apollos ». Comment Paul a-t-il fait face à l’épreuve ? A-t-il su triompher du tentateur, comme Moïse avait triomphé ? Oui ; mais par une arme différente. D’une main puissante et d’un cœur dévoué, il met en pièces tous les vases, afin que Celui qui doit les remplir, et lui seul, ait toute la gloire. « Qui donc est Apollos, et qui Paul ? » dit-il ; « ni celui qui plante n’est rien, ni celui qui arrose, mais Dieu qui donne l’accroissement ». C’était vaincre, également au mauvais jour, mais d’une manière différente et avec d’autres armes.

Que voyons-nous chez Jean ? Il rencontre ici la même ruse de l’Ennemi. Ses disciples témoignent en sa faveur de la jalousie à l’égard de Jésus. Mais, comme Moïse et comme Paul, il tient ferme au mauvais jour, bien que placé dans une autre situation. Il ne peut pas, comme Paul, briser le vase rival. Il ne peut pas dire : « Qui donc est Jean et qui, Jésus ? » comme Paul disait : « Qui donc est Apollos et qui, Paul ? » Il ne peut traiter le nom de Jésus comme Paul traite celui d’Apollos. Alors Jean met en pièces un des vases rivaux, c’est-à-dire lui-même, sous les yeux de ses trop zélés disciples ; et celui dont ils étaient jaloux, par attachement à leur maître, Jean lui reconnaît des gloires qui dépassent toutes leurs pensées, et que n’aurait pu contenir aucun autre vase que Jésus.

Combien cela est parfait ! Quel beau témoignage Jean donne, par sa conduite en cette circonstance, d’avoir su se fier à la direction et à la sauvegarde de l’Esprit de sagesse ! Jésus, il est vrai, était, dans un certain sens, un vase de la maison de Dieu comme les prophètes et les apôtres. Il était serviteur de la circoncision. Comme Jean, il prêchait l’Évangile du royaume à venir. Il chantait des airs joyeux, et Jean, des complaintes. Dieu parlait par lui comme il avait parlé par tout autre prophète, de sorte que, sans nul doute, il était un vase de la maison de Dieu. Mais il était d’un ordre particulier. La matière et le travail de ce vase différaient des autres ; et quand l’occasion le place, comme dans ce passage, en face d’un autre vase, l’honneur qui lui appartient doit être reconnu. Ce sont les délices de Jean de servir d’instrument alors. Dirigé par l’Esprit, et en pleine communion avec la pensée du Père, il trouve sa joie à montrer la verge fleurie du véritable Aaron brillante de fleurs et de fruits, et à exposer les verges rivales dans tout leur état de mort et de sécheresse, réduisant ainsi au silence les murmures d’Israël et les pensées affectueuses, mais partiales, de ses propres disciples (Nombres 17). Sa joie était accomplie par ce qui provoquait leur mécontentement. Il n’était que l’ami de l’époux. Sa course à lui était achevée, et il était satisfait de se retirer et d’être mis en oubli. Comme ses compagnons de service, les prophètes, il avait tenu haut élevée la lumière, pour guider sa génération à Christ, pour conduire l’épouse à l’époux, et il ne lui restait plus qu’à se retirer. Il se tient là, comme le dernier de la lignée des prophètes, et en son nom et au leur, il laisse toutes choses aux mains du Fils. Et quand il touche le sujet des gloires de Celui qui était plus grand que lui, avec quel bonheur il demeure sur ce thème ! L’Esprit fait passer devant lui les divers rayons de cette gloire. Combien il est heureux, en effet, quand Jésus est l’objet qui occupe toute notre intelligence, tout notre cœur, et que tous, nous sommes contents de n’être rien, pour que lui seul remplisse toutes choses !

Que par ta grâce divine, Seigneur, il en soit ainsi de plus en plus de tous tes saints !


1.9 - Chap. 4

Jean a disparu de la scène, et le ministère du Fils nous reste seul. Tout est entre ses mains, et ainsi il s’avance simplement comme le Fils de Dieu, le Sauveur du monde. Ce chapitre nous le montre rejeté d’Israël, et quittant la Judée, le lieu de la justice, sans autre caractère que celui de Sauveur des pécheurs, Il doit nécessairement traverser un lieu souillé, et faire l’expérience que passer au milieu de nous lui coûte d’amères douleurs et lassitudes. Nous en trouvons un exemple ici.

Les Juifs, dans leur justice, étaient conséquents de refuser toute relation avec les Samaritains. C’était en accord avec leur appel de dire : « C’est une chose illicite pour un Juif que de se lier avec un étranger, ou d’aller à lui » (Actes 10:28), car c’était un témoignage contre le mal, témoignage qui était précisément le dépôt que Jéhovah avait confié à Israël. Ils se disaient les témoins de Dieu contre le monde, eux, la nation pure, séparée des nations impures, en témoignage de la justice de Dieu contre une terre corrompue. Mais Jésus se tenait loin d’Israël maintenant. Il avait quitté la Judée, le lieu de la justice, et se trouvait dans l’impure Samarie, comme le Fils de Dieu, le Sauveur des pécheurs. Déjà, il était allé en Judée cherchant la justice, ce fruit qui convenait à un tel pays, et il n’en avait pas trouvé ; mais dans la Samarie, il n’a pas la peine d’en chercher. Il doit être là dans un caractère tout différent, celui de la grâce pure ; aussi, dans la conscience que cela est, qu’il n’est là qu’en grâce, comme le Sauveur des pécheurs, il s’adresse à une femme, venue pour puiser de l’eau à la fontaine de Sichar.

Il y avait, dès le commencement, un secret en Dieu, secret qui dépassait toutes les exigences révélées à Israël et tout l’ordre de justice établi en Judée. C’était la grâce et le don par la grâce. Si un témoignage de justice avait été confié au Juif contre le monde, le Fils était le don de Dieu au monde ; il avait la vie pour le monde. « La loi a été donnée par Moïse ; la grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ » ; et sachant qu’il apportait ce secret de grâce pour des pécheurs, Jésus dit à la femme : « Donne-moi à boire ». Elle s’étonne, et avec raison, de ce qu’un Juif ne se tenait pas à distance. Elle ne savait pas encore que le secret de Dieu était avec lui. Ceci toutefois devait lui être dévoilé bientôt. La gloire excellente allait occuper ce lieu impur. L’Éternel Dieu prenait sa place, non pas en justice sur la montagne brûlante, mais à la source du fleuve de la vie, comme le Seigneur, prêt à en dispenser les salutaires eaux.

Quelle bénédiction que celle qui se prépare pour la pauvre paria ! Seule, une paria pouvait en comprendre l’étendue. Cependant elle doit apprendre que la source de cette bénédiction n’est pas en elle-même. La Samaritaine est amenée à connaître ce qu’elle est, à regarder en arrière sur tout ce qu’elle a été, et à voir qu’il ne lui reste que le désert et un pays de ténèbres. Sa conscience est troublée. « Celui que tu as maintenant n’est pas ton mari ». Mais dans ce désert et ces ténèbres, le Fils de Dieu y est avec elle ; et c’était le bonheur, un bonheur qu’une pauvre paria isolée pouvait comprendre. Ce fut à Jacob proscrit, ayant pour oreiller les pierres du chemin, que le ciel fut ouvert et que Dieu fut révélé dans toute sa grâce et sa gloire. Il en était ainsi de cette fille de Jacob. L’Éternel de nouveau fendait le rocher pour en donner l’eau. L’arche de Dieu se trouvait ramenée dans le camp au milieu du désert. Le Seigneur des sources de la vie adresse la parole à une vile créature, et la joie et la puissance de l’amour de Dieu lui sont aussitôt manifestées. La Samaritaine ne pense plus à sa cruche, et son cœur et ses lèvres débordent d’un témoignage rendu au nom de Jésus.

Bien-aimés, tout cela est divin. Une pauvre Samaritaine, à qui la justice a enjoint de se tenir à l’écart dans un lieu souillé, devient le fruit du travail de Jésus, et est admise dans les secrets et l’intimité du Fils de Dieu. Pécheresse, sa position et son caractère sont ce qui la place devant les pas du Fils de Dieu. Il n’y a que le pécheur qui se trouve ainsi sur le chemin du Sauveur. — Ah ! mes frères, quelles que soient les afflictions et les épreuves que l’entrée du péché dans le monde nous ait occasionnées et peut nous occasionner encore, sans lui cependant nous n’eussions pas connu Dieu, et nous ne l’eussions pas possédé comme nous le possédons maintenant, — le Dieu qui nous a ouvert son sein, les trésors de son amour, en nous donnant son Fils.

Les disciples, à leur retour, s’étonnent, comme la femme, de ce que Jésus, comme Juif, ne se fût pas tenu à distance. Conscients toutefois de la présence d’une gloire au-dessus de leur portée, nul ne dit : « Que lui demandes-tu ? » ou : « de quoi parles-tu avec elle ? » Ils ne connaissaient pas encore le secret que le Fils de Dieu portait en lui ; et Jésus leur montre alors, blancs pour la moisson, des champs que leur foi n’avait jamais contemplés. Les seuls champs qu’ils connussent, c’étaient ceux qui jadis avaient été partagés entre les tribus d’Israël. Dans leur estime, le labourage de Dieu devait se borner à cette enceinte sacrée, et la Samarie, pensaient-ils, lieu impur, était en dehors. Mais, comme nous l’avons vu, il y avait un secret en Dieu. Le Fils de Dieu, le Sauveur des pécheurs, était sorti, portant la semence, et son travail avait préparé une moisson pour les moissonneurs dans les plaines souillées de la Samarie. Il montre à ses disciples une compagnie d’hommes, arrivant de Sichar, qui bientôt devaient dire : « Celui-ci est véritablement le Sauveur du monde ». C’étaient des épis prêts pour la faucille. La moisson était abondante dans la Judée ; dans la Samarie, elle était blanche pour la moisson. Le Seigneur avait porté la charge du semeur ; las et épuisé, il avait parlé avec la femme ; maintenant il veut partager avec ses disciples la joie de la moisson, et comme gage, il demeure deux jours à Sichar, avec la petite assemblée, laquelle croyait en lui et le reconnaissait comme le Sauveur du monde.

La proximité à laquelle le Seigneur invite l’âme, l’intimité avec lui-même qu’il veut établir dans le cœur du pécheur sauvé par la foi, sont d’une grande douceur à connaître. Il n’agit pas envers nous comme un protecteur ou un bienfaiteur, principe dont le monde est rempli. « Ceux qui exercent l’autorité sur elles [les nations] sont appelés bienfaiteurs » (Luc 22:25). L’homme est assez disposé à conférer des bienfaits dans le caractère d’un protecteur, en maintenant la distance d’une supériorité à la fois avancée et reconnue. Jésus n’agit pas ainsi. Il peut dire : « Je ne donne pas, moi, comme le monde donne ». Il amène son obligé très près de lui. Il lui fait voir et éprouver qu’il le traite plutôt comme un parent que comme un protecteur. Toute la différence est là ; et j’ose dire que le ciel dépend de cette différence. Le ciel que l’âme espère, et dont elle jouit déjà en esprit, dépend de ce que Jésus n’agit pas envers nous sur le principe du protectorat ; sinon le ciel ne serait qu’un monde bien ordonné de principes humains et de bienveillance humaine. Et que serait-ce que cela ! Aussi, ce n’est pas la condescendance d’un grand de la terre que nous voyons en Christ. « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert », a-t-il dit. Et chaque circonstance de sa vie nous le confirme. Jamais sa manière de faire n’était celle d’un bienfaiteur simplement ; jamais il n’a montré la hauteur et la réserve d’un protecteur. Il « a pris nos langueurs, et a porté nos maladies ».

Voyez-le ici, à cette fontaine, avec cette femme de la Samarie. Elle avait dans ce moment les pensées les plus élevées à son sujet : « Je sais que le Messie qui est appelé le Christ, vient ; quand celui-là sera venu, il nous fera connaître toutes choses ». Telle était son appréciation juste et élevée du Messie, ne sachant pas que celui à qui elle parlait face à face pouvait immédiatement lui répondre : « Je le suis, moi qui te parle ».

Où se trouvait alors ce Messie haut élevé ? Assis sur le bord de la fontaine, il causait avec cette femme qui l’y rencontrait, et à qui, afin de la mettre à l’aise dans sa présence, il avait demandé un peu d’eau !

Était-ce là du protectorat comme les hommes en font ? Y avait-il la distance et la condescendance d’un supérieur ? Était-ce le ciel ou la terre, l’homme ou Dieu ? La condescendance du monde vous accordera toutes les faveurs que vous voudrez, pourvu que le rang du supérieur et la déférence du protégé soient dûment maintenus. Le ciel ou l’amour n’agit pas ainsi, Dieu soit béni ! Jésus, Dieu manifesté en chair, était là si près, qu’on aurait dit un parent de celui à qui il dispensait ses faveurs. Il cherche à nous amener près de lui, à mettre dans nos cœurs la liberté et la confiance. Il nous visite ; même il vient à nous sur notre invitation, comme il alla demeurer deux jours chez les Samaritains, que la parole de la femme avait attirés vers lui. Il nous demande une faveur pour que, de notre côté, nous en acceptions une de sa main. Il boira de notre cruche, pour nous encourager à nous abreuver aux sources intarissables qu’il a ouvertes, et il mangera de notre chevreau à la porte de la tente, en même temps qu’il nous révélera des secrets divins (Gen. 18).

Ceci peut réjouir nos cœurs. Le cœur du Seigneur jouit aussi de ses propres voies d’amour ; car ces deux jours à Sichar furent pour lui un peu de la joie de la moisson ; ils furent un rafraîchissement pour le Fils de Dieu fatigué et lassé sur cette terre. Il trouvait là la foi la plus pure qu’il ait jamais rencontrée ; et il n’y avait que la foi du pécheur qui pouvait le rafraîchir ici-bas. Rien dans l’homme n’en était capable, mais seulement la foi qui sort l’homme de lui-même.

Toutefois, cette joie ne devait durer que deux jours. Bientôt il est appelé dans une région moins élevée ; car, après ces deux jours, il alla en Galilée, se retrouvant ainsi dans un milieu juif. Il s’y rend avec le triste présage « qu’un prophète n’est pas honoré dans son propre pays », et il le ressent d’autant plus, après la communion dont il venait de jouir parmi les pauvres pécheurs de Samarie. Le présage n’est que trop vrai. Il trouve dans la Galilée de la foi, mais d’un ordre inférieur. Les Galiléens le reçurent, ayant vu toutes les choses qu’il avait faites à Jérusalem. Le Seigneur de la cour crut, lui et toute sa maison, mais non avant d’avoir soigneusement vérifié la puissance de Jésus, par ses propres témoins. L’assemblée à Sichar avait cru Jésus lui-même ; les Galiléens le croient à cause de ses œuvres ; les Samaritains le connaissaient dans sa propre personne ; les Juifs demandent, pour ainsi dire, un signe nouveau. Aussi les uns se trouvent en communion avec le Fils de Dieu, tandis que les autres sont guéris par le Médecin d’Israël. La bénédiction de Samarie l’impure dépasse celle de Jérusalem la juste.


La première section de notre Évangile est terminée. Nous avons suivi les pas du Fils de Dieu, du Fils du Père, dans ce siècle mauvais où nous sommes. Au début, nous avons vu sa gloire qui, du moment où elle brilla dans le monde, manifesta les ténèbres du monde. Elle ne trouva pas de réponse chez l’homme. Le monde, qui fut créé par lui, ne le connut pas. Mais le Fils de Dieu portait avec lui un secret, le secret de la grâce de Dieu pour les pécheurs, cette chose plus profonde que toutes les pensées des hommes. Sur la terre il fut un Étranger, mais la révélation de son secret aux pauvres pécheurs avait la puissance de faire de ceux-ci des étrangers avec lui.


2 - Chapitres 5 à 12

Nous venons de parcourir les chapitres 1 à 4 ; et nous désirons, avec le secours de la grâce de Dieu, continuer à suivre les pas du Seigneur. Qu’il daigne, par son Esprit, faire de ce travail l’occasion d’une sainte jouissance, et de la gratitude de nos cœurs.

Dans les chapitres 5 à 12, le Seigneur est vu en relation avec les Juifs. Cependant le dessein de l’Esprit n’est pas de nous montrer ici la vie publique et le ministère de Jésus. On ne voit pas le Seigneur, comme dans les autres évangiles, aller dans les villes et les villages, prêchant le royaume, afin d’amener peut-être quelques pécheurs à la repentance. Ce qui surtout semble occuper sa pensée, c’est l’éloignement de Dieu dans lequel vivait ce monde où il passait, et ce n’est que de temps à autre qu’on le voit s’avancer, pour agir en puissance et en grâce autour de lui comme le Fils de Dieu — l’Étranger céleste — le Sauveur des pécheurs.

Il en est de même pour ce qui concerne ses disciples. Dans l’évangile de Jean, ils ne sont pas ses compagnons dans son ministère, comme c’est le cas dans les autres. Jésus ne nomme pas les douze ; il n’envoie pas les soixante-dix : le service reste dans ses propres mains. Jusqu’au chapitre 13, alors que le ministère du Seigneur a pris fin, les apôtres sont rarement vus dans sa compagnie. Et quand ils sont avec lui, il y a une certaine réserve.

D’autre part, il n’est aucun des évangiles où Jésus soit montré aussi rapproché du pécheur que dans celui-ci. Il est seul avec la Samaritaine ; seul avec la femme adultère ; seul avec l’aveugle mendiant ; et c’est ce qui rend cette portion de la Parole de Dieu d’un si grand prix. La joie et la sécurité d’être seul avec le Fils de Dieu, comme cela est vu ici, sont du plus haut intérêt pour l’âme. Le pécheur apprend ainsi qu’il a un droit auprès du Sauveur, et il lui devient évident que le pécheur et le Sauveur ont été faits l’un pour l’autre. Aussitôt que nous apprenons que nous sommes des pécheurs, nous pouvons lever les yeux vers le Fils de Dieu et le réclamer comme nôtre. Quel moment que celui-là ! Quel événement à enregistrer dans les annales du ciel ! Jésus est venu chercher et sauver ce qui est perdu ; il marchait solitaire ici-bas, sauf quand il rencontrait un pécheur. Celui-ci avait le droit et, on oserait dire, le pouvoir de troubler la solitude de l’Étranger céleste. Le monde ne le connaissait pas. Son chemin parmi nous fut un chemin solitaire, si ce n’est lorsque le pécheur et Lui se trouvaient face à face. Le lépreux en dehors du camp le rencontrait, mais nul autre.

Être seul avec Jésus est la première position du pécheur. C’est le commencement de sa joie, — une intimité avec Jésus dans laquelle il n’est permis à personne de s’immiscer. Dans tous les âges du christianisme, ce qui s’appelait l’Église a cherché à pénétrer dans l’intimité du Sauveur et du pécheur, et à se constituer partie intéressée dans la question qui existait entre les deux. Mais l’Église a eu tort en ceci. Le péché nous rejette sur Dieu seul.

Et, dans les jours où nous sommes, au milieu de tant d’opinions diverses, il est nécessaire de le savoir, bien-aimés, pour notre repos. Quelques-uns voudraient exiger que nous nous joignions à eux dans certains sentiers de service, ou pour certaines formes de culte ; ils nous croient désobéissants à Dieu si nous refusons. Toutefois, quelle que soit la mesure dans laquelle nous cédions, nous n’osons pas, à cause d’eux, mettre de côté la prérogative qui appartient à Dieu, d’agir seul envers nous, pécheurs. Nous ne devons laisser personne se saisir du droit que Dieu a de nous entretenir seul de nos péchés ; et, quelque juste que soit notre anxiété au sujet d’une foule de questions qui se présentent, elle ne doit jamais nous faire oublier que, comme pécheurs, nous nous sommes déjà trouvés seuls avec Jésus, et que, une fois pour toutes, selon les richesses de sa grâce, il nous a pardonné nos péchés et nous a reçus à lui.

La solitude dans laquelle Christ et le pécheur se rencontrent, est mise en relief dans cet Évangile de la manière la plus encourageante. Quant à ses rapports avec d’autres, Jésus est vu comme à distance et dans la réserve, pour ce qui concerne les lieux aussi bien que les personnes. Le Fils de Dieu n’avait rien à faire avec un endroit plutôt qu’avec un autre : l’immense désert du monde, où sont les pécheurs, c’est là qu’il était appelé à agir. — Mais suivons les chapitres par ordre.

2.1 - Chap. 5

Bien des exemples de ce qui est arrivé en Israël durant toutes les périodes de son histoire, nous montrent qu’il y avait eu, par moments, la manifestation d’une action particulière du Saint Esprit, manifestation par laquelle, et non par les ressources de leur propre système, le Seigneur soutenait le peuple, et leur enseignait à reconnaître après tout où se trouvait le fondement de leur espérance. On peut remarquer cela, en particulier, dans l’intervalle qui sépare Abraham de David (*).


(*) Le peuple d’Israël devait savoir, par l’histoire nationale, combien souvent leur sort avait dépendu des ressources que Dieu a par devers lui, et selon lesquelles il avait agi en leur faveur, quoique en dehors du système dans lequel ils étaient légalement établis. Dans toutes les périodes de leur histoire, ils avaient été soutenus et conduits de Dieu par le déploiement de ces ressources, provenant de sa grâce souveraine. Leur père Abraham avait été appelé par un acte de cette grâce (Jos. 24:2, 3). La main de Dieu les avait protégés et considérablement multipliés en Égypte (Ex. 1:12). Dans les lointaines solitudes de Madian, où Israël n’était pas connu, Moïse est préparé de Dieu pour être leur libérateur. Durant leur chemin à travers le désert, ils avaient expérimenté leur entière dépendance de Dieu. Josué, après Moïse, accomplissant son ministère, avait réduit les nations de Canaan, non par sa force, mais par celle de l’Esprit de Dieu. Et plus tard, quoique en des circonstances différentes, il en fut toujours de même. L’épée de Josué, qui avait donné la preuve de la fidélité du Seigneur envers Abraham et sa semence, fut à peine rentrée dans le fourreau, et la bénédiction acquise par la main de Dieu fut à peine confiée au peuple, que tout était déjà perdu. Le premier chapitre des Juges se termine en déclarant qu’Israël avait, par sa faute, tout compromis. Israël et Canaan, c’est de nouveau Adam et le jardin. Israël alors ne fut pas chassé du pays, mais le reste du livre nous montre Dieu, présent au milieu de son peuple, réparant les maux de sa propre main et par l’énergie de son Esprit. Il leur donne des libérateurs ; il a suscité Débora, Gédéon, Jephté, Samson. — Ainsi, d’Abraham à David, toutes les périodes de l’histoire d’Israël sont marquées de l’action de Dieu en grâce souveraine, quand, par le système établi en Sinaï et confié aux mains d’Israël, il ne restait aucune ressource, mais plutôt une occasion de châtiment pour un peuple infidèle.


Il me paraît que Béthesda était un témoin de cette action. Béthesda ne provenait pas du système juif proprement. C’était une source curative, ouverte à Jérusalem par la grâce souveraine de Jéhovah (comme en effet le nom l’indique) ; ce n’était pas un secours permanent, mais seulement un secours momentané, ainsi que l’avaient été les juges et les prophètes. Comme eux, Béthesda était un témoignage de la grâce et de la puissance qui étaient en Dieu pour Israël, et l’avait été, à certaines saisons peut-être, pendant toute la sombre période écoulée depuis les jours du dernier de leurs prophètes. Et maintenant, Béthesda devait être mis de côté. Ses eaux ne devaient plus être agitées. Celui vers lequel tendaient tous ces témoignages était là. Source véritable de santé, le Fils de Dieu était venu à la fille de Sion, et se présentait.

Il y avait une fête à Jérusalem, nous est-il dit. Les choses se passaient comme si tout était en règle avec Dieu : on observait dûment les fêtes ; les services religieux étaient exactement suivis. Pourtant, la présence seule de Béthesda aurait pu dire à la fille de Sion qu’elle avait besoin d’un médecin, et qu’elle n’était pas en possession de ce repos dans lequel la fidélité à l’Éternel l’aurait maintenue. Et le Seigneur lui disait la même chose. Il guérit l’homme infirme, prenant ainsi la place de Béthesda ; seulement, il le fait de manière à faire comprendre à Israël qu’ils ont perdu le sabbat, perdu ce qui était leur gloire. — « Or, c’était sabbat ce jour-là ».

La nation s’émeut aussitôt. L’orgueil des Juifs est froissé, car le sabbat était le signe qui les distinguait comme peuple, et ils en veulent à Jésus. « Ils cherchaient à le faire mourir, parce qu’il avait fait ces choses en un jour de sabbat ».

Je m’arrêterai ici un moment.

Jésus auprès du réservoir de Béthesda est une vision qui mérite, comme fit Moïse auprès du buisson, que nous nous détournions pour la voir. Bien que, anciennement, cette eau eût en quelque sorte reflété Jésus, lui est là maintenant pour la tarir. Il est venu comme une chose nouvelle, et s’il est auprès du réservoir, c’est pour être en contraste avec la vertu de ses eaux, avec le réservoir même. « Veux-tu être guéri ? » demande-t-il au malade couché-là. Et cet homme était-il disposé à se remettre tel qu’il était entre ses mains ? Voulait-il être son débiteur, et se confier avec toute son impuissance et sa misère, à Jésus seul ? C’était autre chose assurément que le système compliqué et embarrassant de Béthesda. Il n’y avait pas de rivalité à craindre, pas de secours à solliciter, nul retard, aucune incertitude. Le pauvre infirme n’avait plus à s’occuper de ceux qui s’efforçaient de le devancer dans l’eau, ni de ceux qui voulaient l’aider à y descendre avant les autres. Au lieu de vivre d’attente et d’espérance, il y avait une guérison instantanée et complète. Anges et réservoir, amis et rivaux, retard et incertitude, Jésus disposait de tout en sa faveur de la manière la plus étendue et la plus glorieuse. Lorsque Jésus paraît, quand le Fils de Dieu se tient auprès du réservoir de Béthesda, il ne s’agit plus que de savoir si le malade consent à lui devoir tout, — à demeurer tranquille pour voir la délivrance de Dieu.

L’insuffisance du réservoir de Béthesda est mise à découvert : ce n’est qu’un « misérable élément », dépourvu de gloire à cause de la gloire qui excelle. De la même manière, dans l’épître aux Hébreux, l’Esprit, par le moyen de l’apôtre, montre ce qu’était le sanctuaire terrestre avec toutes ses dispositions et ses services. S’il m’est permis de le dire, Jésus est vu là une fois de plus auprès du réservoir de Béthesda. Le Saint Esprit le place en contraste avec le système d’ordonnances et d’observances qui avait précédé, et dont il fait ressortir toute l’impuissance et la pauvreté. Il y avait eu, sans doute, une réflexion de Christ dans les cérémonies de l’ancien tabernacle, comme dans l’eau à la Porte des brebis, mais cela disparaît dès que la lumière elle-même est là.

Mais que dirons-nous en voyant non seulement l’homme malade, mais une multitude d’infirmes retenus auprès de cette eau douteuse et décevante, pendant que le Fils de Dieu est dans le pays, apportant avec lui et en lui la guérison et la délivrance, sans incertitude et sans retard, en dépit de toute rivalité et sans le secours de personne ? N’y a-t-il pas là une leçon pour nous ? Le réservoir est entouré de monde, et Jésus passe inaperçu. Béthesda est recherché, tandis que Jésus est obligé de chercher lui-même et de s’offrir. Quel témoignage de la religion de l’homme ! On s’attache à des ordonnances, à un système, et la grâce de Dieu qui apporte le salut est méprisée.

Nous nous étonnerions si nous ne connaissions, par une triste expérience, quelles sont les œuvres de cette nature corrompue qui est la nôtre.

Mais continuons. Dans les autres évangiles, quand le Seigneur est interpellé parce qu’il fait des guérisons le jour du sabbat, il répond en citant David mangeant les pains de proposition, les sacrificateurs faisant le service dans le temple, et le fait que ceux-là mêmes qui l’accusaient, conduisaient leurs ânes à l’abreuvoir le jour du sabbat. Ici, au contraire, il ne parle pas de ce que faisaient David, et les sacrificateurs et ses accusateurs eux-mêmes, mais il dit ce que le Père qui est au ciel avait fait sans relâche dans ce pauvre monde perdu. « Mon Père travaille jusqu’à maintenant, et moi je travaille ». Voilà ce que répond le Seigneur à ceux qui l’attaquaient au sujet de son œuvre à Béthesda, faite un jour de sabbat.

Parole étrange ! parfaitement en accord avec tout ce que l’évangile de Jean dit de Jésus. Ce n’est ni dans la compagnie de David, ou des sacrificateurs, ou de ses voisins que le Seigneur se place, c’est dans celle de Dieu. « Mon Père travaille jusqu’à maintenant, et moi je travaille ».

Dans ce que nous apprenons de ces paroles à l’égard du Père et du Fils, il y a bien des motifs de joie et de louange pour ceux qui connaissent le Seigneur. Mais pour les Juifs il n’en était pas ainsi. Ces paroles leur disaient de nouveau qu’ils avaient perdu le sabbat dont ils se glorifiaient ; qu’ils l’avaient perdu depuis longtemps, depuis le commencement même ; car à chacune des périodes de leur histoire, Dieu, « son Père », avait agi parmi eux en grâce, ce dont Béthesda était le témoignage. Et lui-même, Jésus, était aussi venu pour travailler en grâce parmi eux, ce dont la guérison de l’homme infirme était le témoignage à son tour. Voilà ce que signifiait : « Mon Père travaille jusqu’à maintenant, et moi je travaille », paroles qui rappelaient au souvenir du peuple cette action de la grâce pendant toute la durée de leur histoire. Aussi les Juifs en sont d’autant plus irrités contre Jésus, et comme ils n’étaient pas dans le secret de sa gloire, ils l’accusent de blasphème parce qu’il appelle Dieu, son Père.

À ceci le Seigneur répond encore (toujours en parlant de lui comme le Fils, mais en gardant en même temps une position de dépendance) : « En vérité, en vérité, je vous dis, Le Fils ne peut rien faire de lui-même ». (*)


(*) Si on ne fait la part de la dignité de sa divine personne, on ne peut discerner la position de sujétion que le Seigneur prend ici ; car dans la bouche d’une créature, même la plus distinguée, ces paroles : « Je ne puis rien faire de moi-même », n’auraient qu’un sens vulgaire, et ne signifieraient que ce qui appartient à la nature des choses ; mais dans la bouche du Fils, elles nous disent l’état de sujétion envers Dieu dans lequel, par son abaissement, il est entré.

Tout cela est très précieux. Celui qui venait dans le monde à cause de Dieu et de sa gloire, ne pouvait prendre une autre place. C’était celle de la justice. « Celui qui cherche la gloire de celui qui l’a envoyé, celui-là est vrai, et il n’y a point d’injustice en lui » (chap. 7:18). L’homme, par orgueil, avait déshonoré Dieu. Il avait offensé sa majesté en prêtant l’oreille à la suggestion de Satan : « Vous serez comme des dieux » ; et le Fils, qui venait pour relever la gloire de Dieu offensée, a dû s’abaisser. Bien qu’étant en forme de Dieu, il a dû ici-bas s’anéantir lui-même. La gloire de Dieu demandait ce sacrifice, dans un monde que l’orgueil avait entraîné loin de lui. Et ce sacrifice, le Fils l’a offert. Cela n’allait pas à l’homme ; ce n’était pas selon l’homme ; et il ne pouvait ni reconnaître, ni recevoir Celui qui venait ainsi. « Moi, je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas ; si un autre vient en son propre nom, celui-là vous le recevrez » (v. 43).

Bien-aimés, ce sont de saintes et profondes pensées. Par son abaissement et sa soumission, le Fils honorait Dieu et mettait l’homme à l’épreuve. Il reconnaissait au seul Seigneur les droits qui lui appartiennent dans ce monde ; mais en même temps lui-même devenait un signe, par lequel les pensées de plusieurs cœurs seraient révélées. Le Juif, le Juif favorisé, était manifesté comme partageant l’athéisme de tous les hommes ; car le but du discours de Jésus, dans ce chapitre, était de mettre à découvert cette source cachée d’incrédulité. Ni la lumière, ni les témoignages ne leur faisaient défaut. Ils avaient les œuvres de Christ, la voix du Père, leurs propres écritures et le témoignage de Jean. Mais l’amour de Dieu n’était pas en eux ; l’amour du monde les tenait ; c’est pourquoi ils n’étaient pas préparés à recevoir le Fils de Dieu.

« Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez de la gloire l’un de l’autre et qui ne cherchez pas la gloire qui vient de Dieu seul ? » (v. 44). Cela nous est dit aussi à nous. N’avons-nous pas à veiller sur notre cœur et sur toutes ses tendances secrètes ? « Garde ton cœur plus que tout ce que l’on garde, car de lui sont les issues de la vie » (Prov. 4:23). Des courants puissants et dangereux peuvent se trouver sous la surface. Job était un homme pieux ; il n’avait pas d’égal sur la terre ; dans son cœur toutefois se mouvait un courant perfide. Il attachait de la valeur à son caractère, aux circonstances dans lesquelles il était placé. Non qu’il fût ce qu’on appellerait un homme mondain ou plein de propre justice ; il était vraiment un croyant, un ami généreux, un homme qui aimait à faire le bien. Mais il se glorifiait de sa position dans la vie et de la considération dont il jouissait parmi les hommes. Dans le secret de son âme il s’y complaisait (Job 29) ; et c’était un courant caché et puissant. Ses amis n’avaient rien vu à son état intérieur ; mais son Père céleste voyait tout, et parce qu’il aimait Job et qu’il voulait le rendre participant de sa sainteté, avec laquelle cet état ne s’accordait pas, il le fit passer à son école et l’exerça pour son bien.

Avertissement plein de grâce, pour que nous aussi, nous veillions sur les hausses et les baisses de nos cœurs. Il est bon de se demander chaque jour : « Quelle est la pensée qui m’occupe ? À quoi s’applique mon activité ? Quels sont mes calculs dans le secret du cœur ? Est-ce de l’Esprit ou de la chair que j’attends un aliment pour mon âme ? Et mes désirs sont-ils d’en haut ou d’en bas ? »

C’est un examen profitable, que suggère la portée profonde des paroles du Seigneur : « Comment pouvez-vous croire, vous qui recevez de la gloire l’un de l’autre ? »

L’homme, apostat orgueilleux, ne pouvait supporter la présence du Fils de l’homme dans l’abaissement, du Fils de Dieu sans gloire. La source de l’incrédulité était là. C’était chose incompatible que l’état de l’homme et la présence de Celui qui maintenait devant l’homme l’honneur de Dieu. Jésus était repoussé dans son humble apparence, comme son œuvre de grâce à Béthesda avait été méconnue. Ses frères auraient dû comprendre que Dieu voulait les délivrer par son moyen, mais ils ne le comprenaient pas. Ils ne croient pas Moïse, et par le fait, en principe, ils sont encore en Égypte, encore dans la chair ; ils ne sont pas rachetés. S’ils avaient cru Moïse, ils auraient cru Christ, et auraient été délivrés par lui de cet autre Pharaon, la puissance de la chair et du monde. Mais par leur incrédulité ils sont asservis à toutes ces choses ; et c’est ainsi que dans ce chapitre nous les trouvons et que nous les laissons.


2.2 - Chap. 6

Une scène nouvelle s’ouvre ici. C’était la Pâque. — Malheureusement la miséricorde de Dieu, dont cette fête était la commémoration, Israël n’en avait pas fait cas. Le peuple avait encore à apprendre ce qu’était l’Égypte et ce qu’était le désert ; et Dieu, dans sa patiente bonté, malgré tant de provocations, voulait bien encore les enseigner. Le Seigneur nourrit donc les foules dans un désert, manifestant la puissance et la grâce de Celui qui pendant quarante ans, dans un autre désert, avait nourri leurs pères. Comme Moïse, les disciples incrédules s’étonnent : « Leur égorgera-t-on du menu et du gros bétail, afin qu’il y en ait assez pour eux ? » (Nombres 11). Or la main de Jéhovah n’est pas raccourcie, et il donne à manger à la multitude. Et celle-ci, mêlant le zèle à ses impressions, veut l’enlever pour le faire roi. Mais cette ferveur n’est pas agréée du Seigneur. Le royaume du Fils de Dieu ne doit pas avoir une origine pareille. Si les « bêtes » reçoivent leurs royaumes « des vents qui se déchaînent sur la grande mer » (Daniel 7), Jésus ne le peut pas. Il n’y avait pas là le témoignage de la franche volonté de son peuple, au jour de sa puissance (Ps. 110). Cet appel au trône n’aurait pas reposé sur une base meilleure que celui qui avait fait de Saül un roi. Le royaume du Seigneur aurait été le fruit de l’excitation du peuple, comme celui de Saül était le fruit des sentiments d’un cœur révolté. Il n’en pouvait être ainsi. D’ailleurs, avant que le Seigneur pût s’asseoir sur le mont de Sion, il fallait qu’il gravît la montagne solitaire. Avant que le peuple pût entrer dans le royaume, il avait à passer par la mer orageuse. Ces choses sont ici placées devant nous comme dans un miroir. Le Seigneur s’en est allé sur la montagne, pour un temps, et les siens luttent contre les vents et les flots ; mais quand le moment est venu, il descend des lieux élevés, calme la tempête, et conduit les siens au port qu’ils désirent. Il en sera ainsi bientôt. Du haut du ciel où le Seigneur est maintenant, il descendra en puissance pour délivrer les siens qui souffrent. Alors ils verront ses merveilles dans les lieux profonds, ils célébreront sa bonté et les merveilles qu’il fait envers les fils des hommes (Ps. 107).

Le Seigneur ne peut donc que se retirer devant le flot de cette faveur populaire. Étranger et céleste, il ne pouvait ressentir dans son âme qu’une séparation complète d’avec ces choses. Il s’éloigne, mais pour reprendre le lendemain un travail différent, et dévoiler le secret de la véritable pâque et de la manne du désert que les Juifs ne connaissaient pas. Ils avaient à apprendre quelle serait la vertu de la croix, véritable pâque, qui délivre de l’Égypte, de la puissance de la chair, de la condamnation de la loi ; qui rend le pécheur capable de dire : « Je suis crucifié avec Christ ; et je ne vis plus, moi, mais Christ vit en moi ». Le salaire du péché, c’est la mort ; et dans la croix, le péché a reçu son salaire. La mort a exercé son empire, et la loi peut retourner au trône de Dieu, honorée de la sanction que lui donne la mort du Juste. Elle a accompli sa mission : Christ est mort et il est mort pour nous. C’est la vraie pâque, la puissance de la rédemption, par la grâce de laquelle nous quittons l’Égypte, le pays de l’esclavage, et nous entrons avec le Fils de Dieu dans le désert, pour y être nourris de la manne, et vivre de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.

Et bien que, dans un certain sens, ces choses fussent distinctes l’une de l’autre, le Seigneur semble réunir dans son discours le mystère de la pâque et celui de la manne. C’est au temps de la Pâque qu’il leur parle ainsi de la manne : toutes deux appartenaient au même Israël. Le sang pascal couvrait les linteaux des portes, pour la rédemption, pendant que dans l’intérieur de la maison, l’Israélite mangeait l’agneau, se trouvant ainsi en communion vivante avec ce qui garantissait sa sécurité. C’était pour lui le commencement d’une vie dans la puissance de laquelle il marchait vers le désert, pour y être nourri de la manne.

Mais Israël, nous le voyons, n’en a pas encore fini avec l’Égypte, pour recevoir la pâture de Dieu dans le désert. Les Juifs montrent qu’ils sont étrangers à la vie spirituelle et que, jusqu’à ce moment, ils n’ont jamais réellement célébré la pâque, ni mangé la manne. « Ils murmuraient contre Jésus ». Leurs pensées étaient trop occupées de Moïse : « Il leur a donné à manger du pain venant du ciel », disent-ils. Avant de pouvoir manger de la manne, ils devaient entrer dans les voies de l’amour, connaître le Père, et ne plus se réclamer de Moïse. Car c’est l’amour qui nous attire à la croix, et Moïse n’avait jamais donné ce pain-là. La loi ne dresse pas la table du festin ; c’est l’amour, et nous savons ce qu’est l’amour quand nous sommes assis à sa table. Voilà pourquoi il y a si peu de convives. L’homme a des pensées dures au sujet de Dieu, et des pensées orgueilleuses au sujet de lui-même ; et pour célébrer la fête, il faut penser à Dieu avec bonheur et à nous-mêmes avec humilité, nous renonçant nous-mêmes. C’est la communion avec le Père et avec le Fils, sur le fondement du salut — la communion avec Dieu en amour — qui est la vie.

Mais Israël ne connaissait pas cette communion. Les Juifs se retirent. Comme leurs pères, ils retournent de leurs cœurs en Égypte. Un résidu seulement se nourrit des paroles de la vie éternelle — un résidu qui reste au désert avec Christ, qui ne trouve rien hors de lui, et qui déclare son attachement à Christ en disant : « Auprès de qui nous en irions-nous ? »

Et ce résidu d’où provenait-il ? Il était « selon l’élection de la grâce », comme le Seigneur nous l’apprend ensuite, en nous montrant l’action du Père dans le mystère de la vie éternelle, c’est-à-dire que c’est lui qui donne au Fils ceux qu’il destine à la vie, lui qui les attire vers le Fils ; ainsi l’attrait du Père et ses enseignements sont les canaux secrets par lesquels la vie parvient jusqu’à nous. « Seigneur, auprès de qui nous en irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ; et nous, nous croyons et nous savons que toi, tu es le Saint de Dieu ». Telles sont la foi et la parole de ce résidu élu. Sorti de l’Égypte, il vit par la foi au Fils de Dieu. Mais au fond, c’est la foi au Fils de Dieu crucifié ; car notre vie est dans sa mort, et par la foi qui se nourrit de cette mort. Il n’y a que Christ crucifié qui nous donne la vie. Nous vivons, non de ses vertus, de ses enseignements, de son exemple ; nous vivons de sa mort (de sa chair et de son sang). La mort de Christ seule a accompli ce que rien d’autre n’aurait accompli. Notre Seigneur est mort ; il a remis son esprit, il a donné sa vie — une vie que personne n’avait le droit de lui ôter. Mais aussitôt cela accompli, des résultats immenses se manifestent. À la mort de Christ, le voile du temple se déchira, les rochers se fendirent, les sépulcres s’ouvrirent. Le ciel, la terre, le hadès, subirent l’effet d’une puissance qu’ils n’avaient pas connue auparavant. Ni la vie de Jésus, ni ses bienfaits envers l’homme, ni sa soumission à Dieu, ni le parfum de son humanité sans tache, ni la sainteté de cette « chose » née de la vierge, de tout cela rien, si ce n’est le don de sa vie — sa mort — n’aurait déchiré le voile et ouvert les sépulcres. Dieu serait demeuré à distance, l’enfer n’aurait pas été conquis, et celui qui a le pouvoir de la mort serait encore en possession de son empire. Le sang du Fils bien-aimé a fait ce que rien d’autre n’a fait et ne pouvait faire. Et maintenant, le Seigneur étant manifesté dans sa victoire sur la mort et annoncé, il s’ensuit qu’on peut dire : « Celui qui a le Fils a la vie ».

Ceci me conduit à dire quelques mots sur un sujet qui se rattache à la vie dont ce chapitre nous entretient. Je veux parler de manger le sang. Le Seigneur ici nous commande de manger le sang et même son propre sang ; et sous la loi, manger le sang était défendu. Sous la loi, toutes les bêtes qu’on sacrifiait devaient être amenées à la porte du tabernacle, et leur sang était offert sur l’autel ; il ne devait jamais être mangé (Lév. 17). On reconnaissait de cette manière que la vie retournait à Dieu et n’était pas au pouvoir de l’homme. Sous la loi, manger le sang aurait été chez l’homme une tentative de retrouver la vie par sa propre force, de reprendre ce qu’il avait perdu. En Christ, les choses sont changées : « Si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et ne buvez son sang, vous n’avez pas la vie en vous-mêmes ». La vie appartient à Dieu, et Dieu l’a donnée pour faire la propitiation. Le sang du Nouveau Testament a été répandu pour la rémission des péchés ; et la vie, par le sang, est donnée aux pécheurs dans le Fils de Dieu. En lui était la vie. Il est venu de Dieu, nous apportant la vie. « Celui qui a le Fils, a la vie ». Et Dieu nous commande, nous supplie même, de recevoir de lui la vie. Dieu a rendu parfaites notre tranquillité et notre assurance devant lui, en nous montrant que c’est de la désobéissance de ne pas recevoir de lui la vie comme un don ; tout comme ce ne serait que de l’orgueil et de l’indépendance de cœur, de la chercher par nos propres œuvres. Nous sommes désobéissants si nous ne sommes pas sauvés ! La mort est l’ennemi de Dieu aussi bien que le nôtre ; et si nous ne recevons pas la vie du Fils, nous nous joignons à l’ennemi de Dieu. « Vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie », dit le Fils de Dieu affligé. Et lorsque, dans ce chapitre, quelques-uns lui demandent : « Que ferons-nous pour faire les œuvres de Dieu ? », il a cette seule réponse : « C’est ici l’œuvre de Dieu, que vous croyiez en Celui qu’il a envoyé ». Croire, et recevoir la vie comme le don de Dieu par le Fils, est le seul acte d’obéissance que Dieu demande d’un pécheur, la seule chose qu’un pécheur, avant d’être réconcilié avec Dieu, puisse faire pour lui plaire.

Révélation merveilleuse et précieuse de la grâce !

Le commandement qui défendait de manger le sang était comme l’épée flamboyante des chérubins à l’entrée d’Eden. L’un et l’autre disaient au pécheur qu’aucun effort de sa part ne pouvait lui rendre la vie qu’il avait perdue. Et ici la soumission d’Adam s’est montrée avec beaucoup de charme. Il ne chercha pas à détourner l’épée, comme s’il pouvait par lui-même recouvrer l’arbre de vie. Mais il lui restait une ressource, il pouvait s’attacher à la promesse concernant la semence de la femme, et on peut penser qu’il le fit, puisqu’il appela sa femme : « La mère de tous les vivants ».


2.3 - Chap. 7

De nouveau une scène nouvelle s’ouvre. Ce sont les jours de la fête des Tabernacles, comme la scène précédente se passait aux jours de la Pâque.

C’était le temps le plus joyeux de l’année juive ; celui de la grande fête annuellement célébrée à Jérusalem, en commémoration du séjour du peuple dans le désert et de son repos dans la terre de Canaan. C’était aussi le type de la gloire et de la joie à venir du Messie, comme roi d’Israël. — Les frères du Seigneur l’engagent à profiter de ce moment et à aller à Jérusalem, pour manifester sa puissance et se faire un nom dans le monde. Ils ne le comprenaient pas. Ils étaient du monde. Ils s’y trouvaient chez eux, et monter à la fête pour la célébrer avec le monde, pour eux, cela allait de soi. Le Fils de Dieu était étranger ici-bas. Lui n’était pas du monde. Il était pour Dieu contre le monde. Celui de qui cette fête rendait témoignage ne pouvait pas y monter et prendre la place qui lui appartient, car le monde était là, et le chef du monde avait usurpé cette place et gâté toute la scène.

Cet état de choses montrait jusqu’où Israël était tombé. Qu’était-ce la fête dont ils se vantaient, quand Celui qu’elle devait honorer et qui par sa présence en ferait la joie, devait y demeurer étranger ?

L’or était devenu obscur. Les chemins de Sion restaient déserts ; personne, dans le sens véritable, ne venait aux fêtes solennelles, et en esprit le prophète pleurait encore. Le Seigneur monte à Jérusalem, il est vrai, mais non dans sa gloire. Il n’y va pas comme ses frères désiraient qu’il y allât. Il se rend à Jérusalem dans l’obéissance, pour prendre la place des humbles et non celle des grands de la terre. C’est dans ce caractère que nous le trouvons dans la ville en fête ; il va au temple et enseigne ; et comme ceci attirait l’attention, il se cache en disant : « Ma doctrine n’est pas mienne, mais de celui qui m’a envoyé ». Il se cache, pour que le Père qui l’avait envoyé, fût en évidence, et pas lui. Dépouillé de lui-même, ayant pris la forme d’esclave, il est content de n’être rien.

Cependant ceux qui célébraient la fête montrent à l’endroit même de la fête, combien ils ont fait de chemin dans l’éloignement de Dieu. Ils disent : « Comment celui-ci connaît-il les lettres, vu qu’il ne les a point apprises ? ». Dans leur orgueil, ils n’admettaient aucune source de connaissance ou de sagesse au-dessus de l’homme. C’était la créature qu’ils voulaient honorer, tandis que la fête célébrait Jéhovah, et avait été instituée pour rendre honneur à Celui qui, présent en ce jour, devait, pour la justice, cacher sa gloire et rester étranger à tout ce qui se passait. Israël et la fête, Israël et le Fils de Dieu n’allaient plus ensemble. Ils ne se convenaient plus ; de sorte que, dans ce chapitre, soit que nous écoutions les Juifs, ou les hommes de Jérusalem, ou les pharisiens, de tous nous apprenons qu’ils rejettent Jésus ; et lui-même, à la fin, en vient à leur dire : « Là où moi je serai, vous, vous ne pouvez venir ».

Ainsi Jésus refuse de sanctionner la fête. Il déclare aux Juifs qu’ils n’avaient plus aucun droit au repos et à la gloire dont elle avait été pour eux le gage ; qu’en réalité ils n’étaient pas dans la terre de Canaan, et n’avaient jamais puisé aux fontaines du salut ; que leur pays, au lieu de recevoir les eaux du fleuve de Dieu, n’était qu’une parcelle aride et désolée de la terre maudite ; qu’ils avaient abandonné la source des eaux vives, et que leurs propres citernes étaient crevassées. En conséquence, le dernier jour de la fête, Jésus fait couler les eaux vives dans de nouveaux vaisseaux, et il tarit les sources qui sont à Jérusalem. Le pays deviendra encore plus désert, par suite de la méchanceté de ceux qui y habitent. Et Jésus ouvre ailleurs un cours au fleuve de Dieu. « Et en la dernière journée, la grande journée de la fête, Jésus se tint là et cria, disant : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. Celui qui croit en moi, selon ce qu’a dit l’Écriture, des fleuves d’eau vive couleront de son ventre ».

En rapport avec ceci, je désire rechercher les traces du fleuve de Dieu à travers l’Écriture. Nous verrons ce fleuve poursuivre son cours par des canaux différents, selon les diverses dispensations.

Dans le Paradis, le fleuve sortit d’Eden pour arroser le jardin, et ensuite, divisé en quatre bras, il parcourut la terre. La dispensation d’alors était celle d’une bénédiction terrestre : l’homme ne connaissait aucune source de bonheur ou de joie en dehors de la création. — Dans le désert, le Rocher frappé était la source du fleuve, et chacun des sentiers du camp en était le canal. Il suivait le peuple ; car dans ce temps-là, les Israélites étaient seuls les rachetés de l’Éternel, les seuls sur qui son regard s’arrêtait dans le monde. — Plus tard, en Canaan, les eaux de Siloé coulaient doucement. L’Éternel arrosait le pays de ses propres vaisseaux, et lui donnait les pluies du ciel ; et pour le cœur du peuple, chaque fête et chaque sacrifice étaient une fontaine de l’eau du fleuve. Le service annuel dans le sanctuaire en était le canal permanent. Israël était le peuple de l’Éternel et leur pays était sa demeure.

Mais le temps était venu où Canaan serait changée en un lieu aride, et un autre cours s’ouvrirait devant le fleuve de Dieu. Comme le Seigneur l’enseigne ici, les eaux allaient s’élever et procéderaient du Fils de l’homme glorifié dans le ciel, et ceux qui croyaient en lui seraient les canaux du fleuve sur la terre. Ce serait une dispensation de bénédictions spirituelles dans les lieux célestes. Pour le moment, la terre ne devait plus être arrosée, mais l’Église de Dieu seule. — Après cependant, et bientôt, lors du royaume, quand l’âge actuel aura comme les autres accompli son cours, et que des dispensations nouvelles seront introduites, le même fleuve trouvera d’autres canaux et d’autres fontaines. Il sortira du trône de Dieu et de l’Agneau et coulera dans la rue d’or de la cité, pour réjouir les multitudes devant le trône (Apoc. 22). Il surgira aussi de dessous les fondations du temple de la Sion terrestre, pour arroser Jérusalem et la terre tout entière (Ézéch. 47). Alors sera le temps de la double bénédiction, de la gloire céleste et de la gloire terrestre. Toutes choses auront part à la grâce et à la puissance de Dieu ; toutes seront visitées par les « ruisseaux de Dieu qui sont pleins d’eau ». Alors la fête des Tabernacles sera célébrée à Jérusalem dans sa réalité ; et les nations qui ne monteront pas à Jérusalem pour la célébrer, perdront leur part à la visitation en grâce du fleuve fertilisant.

J’examinerai de plus le rapport qu’il y a entre notre soif et l’effusion de ces eaux vives. L’enfant de Dieu est-il altéré, il va à Jésus, et il revient ayant en lui le fleuve de Dieu, l’eau vive, l’action de l’Esprit, pour son propre rafraîchissement et celui de ceux qui sont las. À la soif qu’il éprouvait succède la présence abondante du Saint Esprit, qui fait de lui un canal du fleuve de la vie — du fleuve dont la source est en haut avec le Chef de l’Église ; et les eaux descendent de lui vers les siens. Ah ! que n’éprouvons-nous davantage cette soif de Dieu, comme le cerf brame après les eaux courantes ! Que ne soupirons-nous plus ardemment après les parvis de l’Éternel ! Alors l’Esprit remplirait nos âmes, et il y aurait de la consolation et du rafraîchissement pour les saints dans le service et la communion mutuelle. Car c’est en cela que consiste la puissance du ministère. Le ministère n’est que l’effusion de cette eau vive, l’expression de la présence abondante et secrète de l’Esprit en nous. Le Chef a reçu pour nous les dons, et de lui tout le corps, alimenté et bien uni ensemble par des jointures et des liens, croît de l’accroissement de Dieu. Voilà notre fête des Tabernacles, en attendant que nous la célébrions plus parfaite autour du trône. Nous jouissons de la fête dans sa forme actuelle, en marchant ensemble dans la liberté et la joie de l’Esprit Saint.

Cette fête, cette « joie dans le Saint Esprit », est quelque chose de plus que la pâque d’Égypte ou la manne du désert. Ces dernières parlaient de rédemption et de vie, tandis que la fête des Tabernacles est la joie et l’avant-goût de la gloire future. Elles étaient la chair rompue et le sang versé du Fils de l’homme ici-bas, tandis que notre fête célèbre la gloire du Fils de l’homme présent dans le ciel. Elle ramène le peuple vers Canaan, bien que destinée à être la consolation dans le désert, comme la fête des Tabernacles était célébrée en Canaan, le pays du repos et de la gloire, après la traversée du désert.

Israël cependant, comme nous l’avons vu ne comprenait rien à ces choses. Au chapitre 5, le Seigneur était venu à eux, comme s’il les rencontrait en Égypte ; il était venu en grâce et en puissance pour sauver. Semblable à Moïse qui jetait sa verge devant la face d’Israël comme preuve de sa mission, Jésus avait guéri l’homme infirme qui souffrait depuis trente-huit ans. Mais cela n’aboutit qu’à mettre au jour leur vouloir de rester en Égypte ; ils refusent de croire Moïse en refusant de croire Celui de qui Moïse avait écrit ; et quelle délivrance y avait-il pour Israël, si Moïse était rejeté ? — Au chapitre 6, Jésus venait à eux dans le désert, avec la manne ; et là encore, ils montrent qu’ils ne sont pas le camp de Dieu qui était nourri du pain de Dieu. — Dans le chapitre qui nous occupe, le Seigneur vient à eux en Canaan, et là aussi tout fait voir que Canaan était toujours le pays des incirconcis, la terre aride où ne coulait pas le fleuve de Dieu. Aussi dès ce moment, Jésus se tient-il en dehors de la ville en fête, et monte-t-il en Esprit dans le ciel, comme Chef de l’Église, pour abreuver de là ceux qui ont soif. « Si quelqu’un a soif », dit-il, « qu’il vienne à moi, et qu’il boive ». Et tandis que les Juifs raisonnent entre eux, puis s’en vont chacun dans sa maison, Jésus, dans la conscience qu’Israël lui est certainement aliéné, et n’ayant par conséquent point de chez soi sur la terre, s’en va à la montagne des Oliviers.


2.4 - Chap. 8

Voilà où en était Israël. Ils ne savaient pas qu’ils étaient toujours esclaves ; et ils avaient besoin de la main du Seigneur pour les délivrer et les nourrir à nouveau. Ils ne savaient pas que la véritable Canaan, le pays d’Emmanuel, leur restait à atteindre. Ils rejetaient la grâce du Fils de Dieu et se vantaient de la loi, et dans la confiance qu’elle était à eux et qu’ils pouvaient en faire usage pour embarrasser le Seigneur, ils lui amènent la femme adultère.

Ils avaient pu remarquer la grâce avec laquelle Jésus agissait envers les pécheurs ; toutes ses voies le leur disaient. Ils pensèrent s’en prévaloir pour faire de Jésus un ennemi de Moïse et de la loi. Mais le Seigneur remporte un saint et glorieux triomphe. La grâce peut chanter victoire sur le péché, comme le pécheur sur ceux qui l’accusent. Le Seigneur ne combat pas la loi. Il ne le pouvait pas d’ailleurs, car elle est sainte, et lui n’était pas venu anéantir la loi, mais l’accomplir. De l’autre côté, il n’acquitte pas la coupable ; il ne le pouvait pas non plus ; car il était venu dans le monde sachant la culpabilité du pécheur, et c’était cela même qui L’avait conduit au milieu de nous. Aussi ne met-il en avant aucune de ces questions. La pécheresse est convaincue et la loi la condamne justement. Seulement, qui est-ce qui appliquera la loi ? Qui jettera la pierre ? Cette question, Jésus seul peut la soulever, et il la soulève en effet. Que Satan accuse une pécheresse coupable, sur qui la loi prononce la peine de mort, le droit de la loi est évident ; mais l’exécuteur, qui sera-t-il ? Qui peut manier l’épée ardente de la loi ? Personne que le Seigneur lui-même. Lui seul peut revendiquer les droits de la justice de Dieu sur le pécheur ; lui seul a les mains assez pures pour lever la pierre et la jeter, et il se refuse à le faire. Il se baisse et écrit de son doigt sur la terre, comme s’il n’entendait pas. Il ne présidait pas une cour qui connaissait pareilles causes. Il n’était pas venu pour juger.

Cependant ils continuent à l’interroger, et alors le Seigneur répond, de fait, que s’ils veulent Sinaï, ils l’auront. Si, comme Israël autrefois, ils se réclament de la loi et des conditions prononcées du haut de la montagne brûlante, eh bien ! ils auront la loi, et la voix de cette montagne résonnera encore une fois à leurs oreilles. En conséquence, Jésus donne issue à quelques jets de la chaleur native de ce lieu, et bientôt ils se sentent atteints aussi bien que l’était la femme coupable, et le terrain sur lequel ils se trouvent devient trop ardent sous leurs pieds.

Ceci dépassait leurs calculs. Ils n’avaient pas pensé que les tonnerres de la montagne les feraient frissonner, que ses effrayantes ténèbres les envelopperaient eux aussi, en compagnie de la pécheresse déshonorée que leurs propres mains avaient traînée là. Mais ils avaient voulu la montagne de feu ; ils ont ce qu’ils avaient choisi.

Or Jésus, en donnant à la loi ce caractère, et faisant qu’elle frappe aussi bien les juges que la coupable, se manifestait comme le Seigneur de Sinaï. Ainsi que je l’ai dit, il fait jaillir un peu du feu brûlant de la montagne. Lui, le Seigneur, il commande à ses tonnerres, il dirige ses foudres, et répand son obscurité terrible. Il ordonne aux armées du Sinaï de sainteté (Deut. 33:2) de s’appliquer à leur œuvre, et aussitôt, comme jadis, la position est trouvée intolérable. Que Dieu ne nous parle pas, avait dit Israël ; et les pharisiens maintenant, étant repris par leur conscience, « sortirent un à un ». Ils ne pouvaient pas mieux se maintenir devant cette présence qu’eux-mêmes avaient appelée, que jadis le peuple d’Israël devant la montagne ardente.

Tout ceci est grand de caractère. Le Seigneur est hautement glorifié. Les Juifs espéraient citer Jésus comme l’adversaire de Moïse, et Jésus se manifeste comme son Seigneur, le maître de ces tonnerres et de ces éclairs, qui avaient épouvanté Moïse lui-même.

Mais poursuivons. Nous voyons à la fois la gloire du Seigneur et notre bénédiction. Si le Seigneur est glorifié en dirigeant la puissance redoutable de la loi, nous voyons qu’il agit en notre faveur. Et il le donne à comprendre à la pauvre pécheresse. Pendant que les pharisiens l’accusaient, il reste sourd à leurs paroles, et quand ils le pressent, elle voit les foudres détournées sur la tête même de ses accusateurs. Ils sont forcés de s’éloigner, et de la laisser seule avec Celui qui venait de se faire connaître comme le Dieu de Sinaï et comme son Rédempteur.

Pouvait-elle désirer davantage ? Voudrait-elle quitter la place où elle se trouvait ? Impossible. Elle pouvait y demeurer aussi bien que le Seigneur de la montagne lui-même. Sinaï n’avait pas de terreurs pour elle plus que pour lui. Mais voulait-elle cacher sa honte et s’en aller, c’était le moment, car ceux qui l’avaient amenée de force étaient disparus. Le Seigneur connaît son péché dans toute son étendue, et elle n’a pas à penser qu’en restant là elle sera déclarée innocente. Ce serait le comble de la folie ; il ne lui resterait qu’à se retirer sur les traces de ses accusateurs. Mais non. Les paroles et les actes de Jésus lui ont fait comprendre la grâce qui délivre, et elle n’a que faire de s’en aller. Les sentiments naturels l’auraient conduite à s’éloigner ; mais la foi qui a saisi la rédemption, s’élève au-dessus de la nature ou du jugement de l’homme, et la pécheresse reste là où elle se trouve. Elle ne craint pas la montagne brûlante. Voici le « son doux et subtil » qui avait répondu à Moïse et plus tard à Élie, qui lui répond aussi à elle : « Je ne te condamne pas ». L’ombre de la mort s’était transformée en lumière de vie. Il n’était pas nécessaire qu’elle s’en allât. Peut-elle quitter la présence de Jésus, qui s’était montré si glorieusement à la fois le Dieu de Sinaï et son Libérateur ? Elle savait qu’elle était une pécheresse, et celui devant lequel elle se tenait le savait aussi, et il avait réduit au silence ses accusateurs. La lumière de la vie rayonnait autour d’elle. En peu d’instants sa conscience avait parcouru un long chemin d’expérience ; et de la région des ténèbres et de la mort, elle avait passé, conduite par le Seigneur de la vie, au royaume de la liberté, de la sécurité et de la joie.

C’est le triomphe de la grâce ; c’est le bonheur du pécheur pardonné. C’est le chant de victoire sur les rives de la mer Rouge, quand l’ennemi vaincu gît inanimé sur ses bords. Elle avait appelé Jésus : « Seigneur », et Jésus lui avait dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, dorénavant ne pèche plus ».

La délivrance était entière, et la même délivrance attend tout pécheur qui va à Jésus et qui, à l’exemple de la pécheresse, reste seul avec lui. Comme pécheurs (je l’ai déjà fait remarquer), nous n’avons affaire qu’à Dieu. Il peut nous arriver d’offenser nos semblables, de leur faire quelque tort ; et eux de se plaindre et de nous attaquer ; toutefois, comme pécheurs, c’est à Dieu seul que nous avons affaire. Savoir cela est d’un grand secours. David l’apprit et s’en trouva bien. Il avait causé un grand tort à son semblable ; il lui avait enlevé l’unique petite brebis qu’il possédait. Mais dans cet acte il avait aussi péché contre Dieu ; il le reconnaît et dit : « J’ai péché contre l’Éternel », et ainsi, c’est avec Dieu qu’il se rencontre. Urie aurait pu réclamer contre l’outrage reçu, mais il n’avait rien à faire avec David pécheur. Dieu était saisi de la conduite de son enfant, et celui-ci, dès l’instant que son péché le place devant Dieu seul, semblable à la femme adultère, c’est la voix de la miséricorde qu’il entend : « Aussi l’Éternel a fait passer ton péché : tu ne mourras pas » (2 Sam. 12:13). Le châtiment l’atteint pour le mal qu’il avait fait, mais la culpabilité envers Dieu est pardonnée, le péché lui est remis.

C’est toujours avec succès que le pécheur vient à Jésus par la foi, pour être seul avec lui. Le sacrificateur et le lévite ont passé leur chemin ; qu’auraient-ils pu faire, eux ? Que savait faire la Loi pour secourir le pécheur ? C’est la grâce — l’Étranger venu du ciel — qui doit venir à son aide. Le pauvre pécheur blessé est couché sur la route, et le bon Samaritain doit aller à lui. — Oui, à mesure qu’on avance dans la vie, on aime à se rappeler comment on l’a commencée dans la solitude avec Jésus, le Sauveur.

Tout ceci est à la gloire du Seigneur comme aussi à notre consolation. Jésus est glorifié de sa gloire la plus élevée, sa gloire comme Sauveur des coupables. Une coupe est préparée pour les pécheurs rachetés, laquelle contiendra un parfum qui n’a son égal nulle part (Ex. 30) ; même les coupes des anges ne contiennent pas ce parfum. Ils louent l’Agneau, il est vrai, mais non sur des notes aussi élevées que celles de l’Église des sauvés. Ils attribuent à l’Agneau « puissance, et richesse, et sagesse, et force, et honneur, et gloire, et bénédiction », mais l’Église chante ce cantique devant le trône : « Tu es digne… car tu as été immolé et tu as acheté pour Dieu par ton sang, de toute tribu, et langue, et peuple, et nation ».

Cette bénédiction pour le pécheur, cette gloire pour le Sauveur, nous les voyons dans ce chapitre. La pécheresse était mise à l’abri de ses accusateurs, à qui le Seigneur avait imposé silence. Les huissiers avaient été désarmés par le charme et la sainteté de ses paroles, et les scribes, à leur tour, sont repris par la lumière qui en rejaillit : ce sont des armes non point charnelles, mais d’une trempe divine. La haine des Juifs avait épuisé ses ressources ; ils avaient essayé de la force du lion et de la ruse du serpent ; puis, quand tout est passé, le Fils de Dieu prend la place suprême qui lui appartient, et se montre entièrement séparé et loin d’eux. Il élève la colonne de nuée, qui était lumière aux uns et ténèbres aux autres, dans le désert de la Canaan d’aujourd’hui, et il place Israël, comme jadis les Égyptiens, du côté de l’obscurité. « Je suis la lumière du monde », dit-il, « celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres ».

Tel était l’état d’Israël, spirituellement appelé Égypte. Ils n’avaient aucun lien avec Abraham, ni avec Dieu, tout en se glorifiant et de l’un et de l’autre ; car ils ne savaient discerner ni la joie d’Abraham, ni l’Envoyé du Père ; il ne leur restait qu’à prendre leur place loin de Dieu, dans les ténèbres de l’athéisme. Le Seigneur les met au rang d’Ismaël, là même où Paul les met plus tard. Israël est pareil au fils de la servante, et le sera jusqu’à ce qu’il se tourne vers le Seigneur, jusqu’à ce qu’il connaisse la vérité et qu’il soit rendu libre, semblable à Isaac. Les Juifs prétendent n’avoir jamais été esclaves, et Jésus n’aurait eu qu’à se faire montrer un denier, dont l’image et la légende auraient établi leur mensonge. Mais, selon l’intention élevée et divine de cet Évangile, le Seigneur traite la question avec eux autrement, et les convainc d’un esclavage plus mortel que celui de Rome : la servitude à la chair et au péché.

Voyez aussi leurs pensées basses et erronées au sujet du Seigneur lui-même et de ses paroles les plus simples. Jésus avait dit : « Abraham a tressailli de joie de ce qu’il verrait mon jour », et ils répondent comme s’il disait avoir vu Abraham. La différence est immense, et ils ne s’en aperçoivent pas. Le Seigneur, par les expressions dont il s’était servi, revendiquait pour lui-même les plus hautes gloires. Il se faisait connaître comme étant, depuis le commencement, le grand objet de la foi ; Celui qui dans tous les âges avait occupé les pensées, engagé les espérances, satisfait les besoins de tous les élus de Dieu. Ce n’était pas lui qui avait vu Abraham, c’était Abraham qui l’avait vu, lui, et sans contredit, le supérieur reçoit l’attention du moindre. « Tournez-vous vers moi, et soyez sauvés, vous, tous les bouts de la terre » (És. 45:22). Voilà la place de Christ. Il a été l’objet de la foi d’Abel et de Noé. Il a été vu d’Abraham et des patriarches, et ils se sont réjouis en lui. Il était la substance des ombres et la fin de la loi. Devant les regards du Baptiseur, il était l’Agneau et la Lumière. Maintenant il est l’objet de la confiance du pécheur racheté, et pendant toute l’éternité il sera le centre et la gloire de la création de Dieu.

Ce chapitre nous découvre donc pleinement l’état du peuple. Le moment était sérieux pour Israël. Dans l’évangile de Matthieu, le Seigneur mettait les Juifs à l’épreuve en se présentant comme le Messie, et il finit en leur démontrant que comme tel, ils le rejettent. Mais dans l’évangile de Jean, Jésus se place devant eux sous des aspects plus élevés, comme la lumière, la vérité, comme celui qui faisait les œuvres de Dieu, qui disait les paroles de Dieu, comme le Fils du Père, et ainsi il les convainquait non seulement d’incrédulité quant au Messie, mais de l’athéisme commun à l’homme.

Dans ce caractère, Israël est vu ici dans l’état de Caïn, retiré au pays de Nod, le séjour où l’homme se trouve par nature, loin de Dieu. Jésus leur avait dit les paroles du Père, mais ils n’avaient pas compris ; ils n’avaient pas cru. Comme l’Envoyé du Père, il était venu à eux en grâce, ainsi qu’un envoyé semblable devait venir, et ils l’avaient refusé. Il en est encore de même aujourd’hui. L’Évangile est un message de bonté, mais l’homme n’en veut pas. L’homme ne veut pas penser du bien de Dieu ; là est le secret de l’incrédulité. L’Évangile est bonté (Rom. 11), et l’homme demande encore : Est-il vraiment de Dieu ? Car l’homme a des pensées dures au sujet de Dieu, et Satan entretient de telles pensées dans son esprit. Il fait ce qu’il peut, pour voiler au pécheur la liberté avec laquelle il peut aller à Dieu, afin que ce pécheur cherche ailleurs son héritage.

C’est le cas d’Israël ici. Jésus ne jugeait personne ; il disait la parole du Père, qui leur apportait la liberté et la vie ; mais, comme il le leur reproche, ils n’entendent pas son langage. Ils avaient malheureusement un père de qui leurs cœurs tenaient, celui qui est menteur et meurtrier, et ils n’avaient pas d’oreilles pour écouter la grâce et la vérité qui venaient à eux par Jésus Christ. Et lui, le témoin du Père, repoussé par eux, la Lumière du monde, détestée du monde, il n’a pas de place dans le pays, ni de chemin sur cette terre pour y poursuivre sa course. Il « s’en va », étranger, solitaire, mais comme la lumière du monde, répandant partout ses rayons, afin d’éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort.


2.5 - Chap. 9 et 10

Dans ce caractère, Jésus est séparé d’Israël. Le peuple est laissé dans les ténèbres, et la colonne de Dieu se porte plus loin. Jésus, « la lumière du monde », s’avance, et rencontre un homme aveugle dès sa naissance ; en lui ses œuvres pouvaient être pleinement manifestées.

L’Éternel Dieu est un grand roi et il agit en Souverain. Comme le potier, il a pouvoir sur l’argile pour en faire ce qu’il veut. Or le Fils ne venait pas du trône du roi, il venait du sein du Père. Il est venu manifester le Père. L’aveugle était dans le monde, partageant la condition de tous les hommes ; mais le Fils était venu pour être la lumière du monde ; et comme tel, par conséquent, il se met à son travail de grâce et de puissance ; il ouvre les yeux de l’aveugle mendiant.

Qu’est-ce que cela importait à Jérusalem ? Les ténèbres y régnaient et, quoique la lumière brillât, elle n’était pas comprise. Aussi voyons-nous qu’ils « amenèrent aux pharisiens celui qui auparavant avait été aveugle ». Il y avait à Jérusalem une haute cour inquisitoriale, où les actes du Fils de Dieu devaient être examinés. Au lieu de le saluer comme jadis, quand la nuée de Dieu se levait, et de dire : « Lève-toi, Éternel ! et que tes ennemis soient dispersés », ils préfèrent leurs ténèbres et y demeurent.

Ils commencent par questionner l’homme lui-même, mais ne recevant pas l’appui qu’ils espèrent, ils s’adressent à des témoins plus dociles ; ils appellent ses parents. Vaine espérance : le fait que la lumière avait lui ne pouvait être nié. Alors ils cherchent à faire diversion, et à conduire toute l’affaire de manière à ne pas compromettre leur orgueil, ni révéler leur état moral, et ils disent à l’aveugle : « Donne gloire à Dieu ; nous savons que cet homme est un pécheur ». Cela ne va pas non plus. Le pauvre homme maintient ce qu’il avait déjà dit. Sur quoi, ils tâchent de lui faire peur, en le rejetant du fondement reconnu de toute sécurité. « Toi, tu es le disciple de celui-là ; mais nous, nous sommes disciples de Moïse ». L’homme est encore gardé, et non seulement gardé, mais il marche de force en force. Il a, et davantage lui est donné. Il suit la lumière qui le conduit, jusqu’à ce qu’elle brille de manière à lui faire discerner les ténèbres où sont les pharisiens ; et alors ceux-ci, lançant contre lui les foudres de l’église, le jettent hors du camp.

Et quel est le lieu où ils le jettent ? Là précisément où le pécheur abandonné, repoussé, se trouve ; — où la Samaritaine, la femme reconnue adultère s’étaient déjà trouvées : dans la présence de Jésus, dans la solitude du Fils de Dieu — et c’est la porte du ciel, car le Seigneur était sorti du camp avant lui. La brebis du troupeau avait été « menée dehors », mais pour rencontrer le berger qui « allait devant elle ». Ils sont ensemble à cette place de réjection et d’ignominie. Il est trouvé par celui qui lui-même avait été blessé par les archers. Cette rencontre était une véritable réunion. Le pauvre Israélite, dans le camp, avait trouvé en Jésus son Médecin ; maintenant, dehors, il trouve en lui le Fils de Dieu ; il apprend à connaître en lui Celui qui lui a ouvert les yeux, quand il était aveugle, et qui lui parle, maintenant qu’il est réprouvé de la synagogue. Chers amis, c’est toujours de cette manière que, comme pécheurs et rejetés, nous rencontrons Jésus à l’endroit souillé. Si, après nous y avoir trouvés, il nous prend à lui, c’est dans la pleine grâce du Fils de Dieu, le Sauveur ; et c’est ainsi que notre caractère de pécheurs nous établit dans la plus douce et la plus précieuse intimité avec le Seigneur de la vie et de la gloire. Comme créatures, nous connaissons la force de son bras, sa divinité, sa sagesse, sa bonté ; mais comme pécheurs, nous voyons quel amour il y a dans son cœur et quels sont les trésors de sa grâce.

Remarquez le changement de ton chez le pauvre mendiant. En présence des pharisiens, il est ferme et inflexible. Il ne modifie pas un instant l’expression de la justice et de la vérité dont il a conscience. Il rend son visage semblable à un caillou et supporte la dureté. Mais dès qu’il est avec le Seigneur il est tout humilité et douceur, s’anéantissant, pour ainsi dire, à ses pieds. Quel aimable exemple de l’opération du Saint Esprit. Devant l’homme, la hardiesse ; mais les attendrissements de l’âme et l’attitude de l’adoration devant Celui qui nous a aimés et nous a rachetés.

Cependant ce lieu souillé hors du camp, où le Seigneur du ciel et de la terre se tenait avec le pauvre pécheur, n’était pas seulement le lieu où celui-ci avait trouvé la liberté et le bonheur, c’était aussi un vaste champ d’observation pour le Seigneur. Portant de là son regard sur lui-même, sur le mendiant, sur le camp d’Israël, hors duquel il était sorti avec son élu, il résume la morale de toutes ces choses dans la parabole du « bon Berger ».


2.6 - Chapitre 10

La scène qu’avait présentée le chapitre 9 montrait que Jésus était entré par la porte dans la bergerie, car il était venu faisant les œuvres du Père, prouvant ainsi qu’il possédait la confiance du Maître de la bergerie, qu’il était le Berger reconnu du troupeau. Devenu étranger à Israël, il lui restait, comme à Moïse dans un cas pareil, à garder les troupeaux de son Père dans d’autres pâturages, près de la montagne de Dieu. Les pharisiens qui lui résistaient étaient nécessairement des voleurs et des larrons ; ils montaient par ailleurs dans la bergerie ; et le pauvre mendiant était une des brebis du troupeau qui, ayant refusé d’écouter la voix des étrangers, et entendu et connu la voix de Celui qui était entré par la porte, entrait aussi par lui qui est « la porte des brebis », et en qui elles trouvent sécurité, repos et nourriture.

Tout ceci s’est déroulé dans ce que nous avons eu sous les yeux, et s’est exprimé dans la parabole du berger et des brebis, précieux commentaire de la condition nouvelle du pauvre homme qu’on avait mis hors caste. Au point de vue des Juifs (et ils auraient voulu que le mendiant en jugeât comme eux), il venait d’être séparé de toute sécurité, en étant séparé d’eux. Jésus fait voir qu’au contraire c’est depuis lors seulement qu’il est en sécurité, et que s’il était resté avec eux, il serait devenu la proie des larrons. Maintenant il a été trouvé et recueilli par Celui qui, pour lui donner la vie, allait laisser la sienne.

Voilà ce que nous disent et le récit et la parabole. C’est à ce moment de notre Évangile que le Seigneur et le résidu se trouvent en présence. On voit « les pauvres du troupeau » que leurs propres pasteurs n’épargnent pas, et que le Berger venu du ciel prend à lui, comme étant ce dont il a souci, afin de les garder et de les paître (Zach. 11).

Mais l’amour et les soins de Celui qui lui avait dit : « Pais le troupeau de la tuerie », sont vus ici de la manière la plus touchante. C’est peut-être le détail le plus doux de la parabole. Nous apprenons quelle est la pensée du Père envers le troupeau ; car le Seigneur dit : « Comme le Père me connaît et moi je connais le Père ; et je mets ma vie pour les brebis » ; nous découvrant ainsi, dans les profondeurs du cœur du Père, les secrets de son amour et de sa sollicitude pour les brebis. En effet, le troupeau appartenait au Père avant d’être confié à Christ, « Ils étaient à toi », dit le Seigneur, « et tu me les as donnés ». Ils étaient dans la main du Père avant d’être dans celle du Fils. Ils appartenaient au Père par l’élection dès avant la fondation du monde, et furent à Christ par le don du Père et le prix du sang de l’Agneau. L’activité et les soins du Berger ne sont que l’expression de la pensée du Maître du troupeau. Le Berger et le Maître sont un, comme le Seigneur le dit : « Moi et le Père nous sommes un » ; un en gloire, sans doute, mais un aussi en amour et en tendresse pour le pauvre troupeau de pécheurs sauvés. Christ répondait à la pensée du Père, quand il a aimé l’Église et qu’il s’est donné lui-même pour elle ; et lui et le Père demeurent pour jamais un dans cet amour, aussi certainement qu’ils demeurent un dans leur gloire. C’est une vérité d’un très grand prix pour nous. Notre communion est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. Dieu est amour ; et, quand nous le savons, nous trouvons en Dieu le repos qui n’existe nulle autre part. Le cœur fatigué et brisé du pécheur peut se reposer dans l’amour, car « Dieu est amour, et celui qui demeure dans l’amour, demeure en Dieu et Dieu en lui ».

Ici, par conséquent, les « pauvres du troupeau » trouvent de la pâture et se reposent. Cependant les deux verges, Beauté et Liens, doivent être rompues. Les houlettes du Berger, qui auraient conduit et gardé Israël, doivent être mises en pièces. Il n’y avait qu’un résidu qui connaissait sa voix. Et qui peut connaître la voix du Sauveur si ce n’est le pécheur ? Ceux qui se portaient bien n’avaient pas besoin du médecin ; et cela met fin aux relations du Seigneur avec Israël. Il refuse de les paître davantage. « Que ce qui meurt, meure ; et que ce qui périt, périsse ». (Zach. 11:9).

Remarquez que la rupture des relations du Seigneur avec Israël est tout à fait en accord avec le caractère de l’évangile de Jean. Les Juifs cherchent à lapider Jésus, parce que, étant homme, il se faisait Dieu. Dans les autres évangiles, on voit aussi l’âme d’Israël dégoûtée du Seigneur (comme l’exprime Zacharie) ; mais c’est pour des motifs différents : c’était parce qu’il annulait leurs traditions, qu’il touchait à leur sabbat, et recevait des pécheurs ; tandis que, dans l’évangile de Jean, c’est l’assertion d’être le Fils de Dieu, la revendication des honneurs divins appartenant à sa Personne, qui deviennent la cause du débat. En réponse aux Juifs, le Seigneur met en avant ce qu’il avait manifesté au sujet de lui-même ; et ce n’était pas le premier exemple en Israël : la chose s’était faite déjà avant lui. Des hommes, élevés en dignité, avaient été appelés dieux parce qu’ils manifestaient Dieu dans son caractère d’autorité et de jugement, et qu’ils étaient les pouvoirs ordonnés de Dieu. Or Jésus avait manifesté le Père. Les juges et les rois auraient pu montrer que la parole de Dieu était venue à eux, leur confiant l’épée de Dieu. Jésus s’était fait connaître comme l’Envoyé du Père, plein de grâce et de vérité, travaillant parmi eux comme le Père avait travaillé jusqu’alors : la grâce restaurant, guérissant et bénissant les pécheurs ; et il avait montré ainsi que le Père était en lui et lui dans le Père. Mais leurs cœurs étaient trop endurcis ; les ténèbres ne pouvaient comprendre la lumière, et Jésus doit songer à s’échapper de leurs mains, et à garder sur la terre une position en dehors de la nation insoumise (*).


(*) Voir chap. 2:13 ; 6:4 ; 11:55. Nous pouvons remarquer que dans cet évangile, les fêtes sont appelées « fêtes des Juifs », comme si l’Esprit de Dieu y était étranger. C’est un trait assez remarquable de cet évangile dans lequel, ainsi que je l’ai fait remarquer, l’Esprit, comme en dehors des traditions de sa nation, est occupé à tracer le chemin qu’a suivi le Fils de Dieu, le Fils du Père, Celui qui est personnellement au-dessus de toute connexion avec les Juifs. Pareillement, nous voyons que la montagne d’Horeb en Sinaï, qui dans l’Ancien Testament est appelée « la montagne de Dieu », dans le Nouveau, par la plume de Paul, est appelée : « le mont Sina, en Arabie », l’Esprit de Dieu ne reconnaissant pas cette montagne plus longtemps et se bornant à la désigner d’un nom simplement local.


Ici se termine la seconde section de l’évangile de Jean. Nous y avons vu le Seigneur en controverse avec les Juifs, mettant de côté toutes les choses juives les unes après les autres, et prenant lui-même de droit la place qu’elles avaient. Au chapitre 5, il met de côté Béthesda, dernier témoignage de l’activité du Père au milieu de son peuple, et en prend la place comme le serviteur de la grâce. Aux chapitres 6 et 7, il abolit les fêtes : celle de la Pâque, qui ouvrait l’année juive par ce qui était la vie de la nation, puis celle des Tabernacles, qui fermait l’année par ce qui était leur gloire, prenant lui-même la place de ces ordonnances et montrant qu’il était, lui, l’unique source de vie et de gloire. — Au chapitre 8, après avoir montré combien la loi s’adaptait peu aux besoins de l’homme, à cause de l’état de péché et de faiblesse de l’homme, il prend encore la place de la loi comme « la lumière du monde », comme Celui par qui seul, et non par la loi, les pécheurs peuvent arriver à la vérité et à la liberté et jusqu’auprès de Dieu. Enfin, au chapitre 9, dans ce caractère de lumière du monde, il sort d’Israël. Il avait fait luire ses rayons sur ce peuple, mais ils ne l’avaient pas compris. Il sort par conséquent, emmenant avec lui les pauvres du troupeau ; et au chapitre 10, il se montre avec eux hors du camp, laissant le pays d’Israël, comme le prophète l’avait dit, un chaos sans forme et vide. La Parole de Dieu, qui y aurait apporté la beauté et l’ordre, était repoussée, et désormais le lieu dont Dieu avait jadis pris soin, sur lequel il avait eu continuellement les yeux, depuis le commencement de l’année jusqu’à la fin (Deut. 11), et qu’il arrosait des pluies du ciel, ce lieu est abandonné au désert et à l’ombre de la mort.


2.7 - Chap. 11 et 12

Tel était l’état d’Israël. Ayant repoussé les offres du Fils de Dieu, ils sont abandonnés à l’incrédulité et aux ténèbres. Cependant, ces chapitres nous montrent que si Israël retarde l’œuvre de la miséricorde qui doit lui être faite, il ne peut la détourner pour toujours. Le dessein de Dieu est de bénir et il bénira. En vertu de sa propre alliance, c’est-à-dire dans la puissance de la résurrection et de la grâce, il apportera la bénédiction à Israël. C’était comme Celui qui ressuscite les morts que jadis il avait traité alliance avec Abraham, et dans ce même caractère il était apparu à Moïse, en Horeb, comme l’espérance de la nation (Ex. 3). C’était par la résurrection qu’il devait donner à Israël le prophète promis, semblable à Moïse (Comp. Deut. 8 et Actes 3) ; et tous les prophètes parlent de lui comme devant agir selon ce caractère, envers la semence d’Abraham aux derniers jours. L’apôtre Paul aussi dit que la résurrection de Jésus est le gage de toutes les bénédictions promises aux Juifs (Actes 13:31). L’Éternel rendra à Israël la vie et la gloire, dans la puissance et la grâce de la résurrection. Dans ce moment d’extrême détresse, quand toute leur force les aura abandonnés, il se lèvera pour venir à leur secours. Il établira la gloire dans la terre des vivants. La femme stérile aura une famille. L’Éternel appellera Israël hors de ses tombeaux et fera revivre les os secs (Ézéch. 37). Et, qu’il accomplisse ces choses, ces deux chapitres l’affirment. Les chapitres précédents ont montré Israël en ruines et loin de Dieu ; ici le Seigneur, avant de disparaître de devant eux, leur donne dans la résurrection de Lazare et ses résultats, les gages certains de la vie et de la gloire futures.


Telle est la portée générale des chapitres 11 et 12. Ils forment ainsi une sorte d’appendice de la section qui précède, plutôt qu’une partie distincte de l’Évangile.


Le Seigneur avait quitté la Judée et s’était retiré au-delà du Jourdain, lorsqu’un message lui parvint, disant qu’un homme qu’il aimait était malade en Judée. Il demeura au lieu où il était, jusqu’à ce que la maladie eût fini ses ravages et eût abouti à la mort ; alors il s’apprête au départ. C’était le moment qui convenait au Fils de Dieu, à Celui qui vivifie les morts, pour se rendre auprès de ses amis affligés ; et dans la conscience qu’il allait déployer sa puissance, il se met en route, en disant : « Lazare, notre ami, s’est endormi, mais je vais pour l’éveiller ».

Arrêtons-nous ici un instant.

Les paroles qui, dans le courant de ce chapitre, sont prononcées par les deux sœurs, semblent faire un reproche au Seigneur du retard qu’il a mis à venir. « Seigneur, si tu eusses été ici », disent-elles, « mon frère ne serait pas mort ». Mais en s’exprimant ainsi, ces femmes manquaient d’intelligence. Elles n’étaient pas dans le secret — secret divin — du Fils de Dieu. Lui était venu dans ce monde tel qu’autrefois il vint à la maison d’Abraham, c’est-à-dire, comme Celui qui ressuscite les morts. Il apportait avec lui une vie triomphante, et il fallait qu’il fût connu dans la manifestation de cette gloire. Ce pouvoir avait été exercé depuis que le péché et la mort étaient entrés dans le monde ; mais la nature n’est pas à la hauteur de ce grand mystère. La foi le reçoit et le proclame, seulement la foi est l’opération de Dieu dans l’âme. C’est ainsi que, lorsque Pierre reconnut cette vie en Jésus et le confessa comme le Christ, le Fils du Dieu vivant, Jésus lui dit : C’est le Père qui t’a révélé ces choses. Ici, dans ce chapitre, personne ne les comprend. Tous, et Marthe et Marie elles-mêmes, parlent de mort et non de vie. Mais Jésus a la vie en lui, et il dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie : celui qui croit en moi, encore qu’il soit mort, vivra ; et quiconque vit, et croit en moi, ne mourra point, à jamais ».

C’est la vie ainsi qualifiée que le Fils nous communique, une vie éternelle, incorruptible, victorieuse, et la foi la saisit, la reçoit, et en jouit. « Celui qui a le Fils a la vie ». À Pierre, nous le savons, elle fut révélée par le Père. Jésus déclare qu’elle existe en lui (vers. 25) ; le sépulcre vacant la reconnaît et la magnifie ; le Christ ressuscité la donne. Cette vie est, à la fois, incorruptible, éternelle et triomphante. La mort ne peut l’atteindre, ni les portes du hadès prévaloir contre elle.

Quelle histoire de la vie dans un monde où le péché a régné par la mort ! Quelle gloire pour Dieu ! Quelle consolation pour nous ! C’est la vie recouvrée, mais la vie arrachée à la mort ; la vie introduite par l’abolition du péché, au prix du sacrifice inappréciable de l’Agneau de Dieu, de Celui « qui, par l’Esprit éternel, s’est offert lui-même à Dieu sans tache » (Héb. 9:14). Quel mystère ! Ah ! « prenez garde, frères, qu’il n’y ait en quelqu’un de vous un méchant cœur d’incrédulité ! » (Héb. 3 12) (*).


(*) Qu’il me soit permis ici de considérer les pleurs de Jésus. La conscience de posséder le pouvoir de la résurrection, et le sentiment de remplir de consolation et de joie la maison de Béthanie par l’exercice de ce pouvoir, n’a pas arrêté le courant de ses affections naturelles. « Jésus pleura ». Son cœur était aussi sensible à la tristesse qu’à la dégradation de la mort. Son calme durant cette remarquable scène n’était pas de l’indifférence, mais de l’élévation de sentiment. Son âme était dans la lumière de ces hautes régions, où la mort n’est pas connue, qui sont bien au-delà de la tombe de Lazare ; mais il pouvait visiter cette vallée de pleurs et de larmes et pleurer avec ceux qui pleurent.


Mais le Seigneur avait la conscience de porter avec lui le jour aussi bien que la vie, car « la vie est la lumière des hommes », de sorte qu’en réponse aux craintes de ses disciples, il dit : « N’y a-t-il pas douze heures au jour ? Si quelqu’un marche de jour, il ne bronche pas, car il voit la lumière de ce monde » (Jean 11:9). Lui, non seulement voyait la lumière, mais il était la lumière lui-même ; pas seulement un fils de lumière, mais la source même de la lumière. Les disciples, hélas ! ont l’ouïe dure. Ils ne reconnaissent pas la voix du Fils de Dieu, et ne discernent pas le chemin de la lumière de la vie. Ils jugent que la mort est là pour le Seigneur plutôt que la vie pour les autres, et ils disent : « Allons-y, nous aussi, afin que nous mourions avec lui ». Il y avait en cela, sans doute, de l’affection humaine, mais en même temps une triste ignorance au sujet de la gloire du Seigneur. Les disciples, comme plus tard les femmes auprès du sépulcre, auraient apporté des aromates, pour honorer la sépulture du Sauveur, tandis qu’eux et elles auraient dû savoir que Jésus n’y était plus.

Le Fils de Dieu, qui ressuscite les morts, se rend en Judée, par un chemin qui le conduit au tombeau de Lazare, son ami. Il se tient là, ayant devant lui la vision du triomphe du péché dans toute son étendue ; car « le péché a régné par la mort », et si tout finissait là, la victoire resterait à Satan. Jésus pleure. Le Fils du Dieu vivant pleure à la vue de la mort. Dans un autre évangile, on lit que le Fils de David avait pleuré sur une ville qu’il avait choisie pour y mettre son nom, mais qui le rejetait ; ici, le Fils de Dieu, la source de la vie, pleure à la vue de la mort. Il frémit aussi en lui-même, et Celui qui sonde les cœurs connut ce frémissement. Jésus, assuré d’être entendu, n’a qu’à le reconnaître avec des actions de grâces, et en prononçant la parole qui pénètre dans la retraite de la mort : « Lazare, sors dehors ». Aussitôt celui qui était mort se lève et sort, en témoignage que si « le Père a la vie en lui-même, ainsi il a donné au Fils aussi d’avoir la vie en lui-même ».

C’est ici que se termine le sentier du Fils de Dieu. Il s’était trouvé en face de la puissance du péché et avait montré qu’il la dominait, lui, la résurrection et la vie. Cependant celui qui avait l’empire de la mort n’était pas détruit, car il n’y avait pas eu encore la mort et la résurrection du Chef de notre salut. Il n’y avait pas non plus pour les saints le gage de leur résurrection dans des corps glorieux, car Lazare était sorti ayant les pieds et les mains liés de bandes, et fut délié pour marcher à nouveau dans un corps qui était chair et sang. C’était plutôt le gage pour Israël de la puissance vivifiante du Fils de Dieu, laquelle il déploiera en sa faveur, quand le moment de la vivification promise de sa nation sera venu (*).


(*) Je voudrais suivre les traces de Marthe et de Marie dans cette circonstance. Marthe, dans l’ardeur bruyante de la chair (car elle s’agitait pour beaucoup de choses), s’en va au-devant du Seigneur, quand elle apprend qu’il approche. Mais à peine peut-on dire qu’elle l’a rencontré. Jésus était trop haut pour elle. Après les premières paroles échangées, Jésus, dans la conscience de sa gloire, lui dit : « Je suis la résurrection et la vie », et elle, rappelant sa foi, lui répond : « Je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, qui vient dans le monde ». Puis, éprouvant de l’embarras, elle s’éloigne. Un sentiment de vérité, je pense, lui avait soufflé dans l’âme que sa sœur, plus céleste de cœur et plus éclairée, comprendrait mieux le Seigneur, et elle va l’appeler secrètement. Là, je crois, est le secret des paroles de Marthe à sa sœur. Le Seigneur n’avait réellement pas appelé Marie ; et Marthe était, moins encore, porteur d’un faux message. Mais elle comprenait que le cœur de Marie entrait avec une sympathie plus grande dans les pensées de Jésus, et sans commettre d’erreur proprement, elle peut dire à Marie : Le Maître est venu, et il t’appelle. Et la chose s’est trouvée vraie. Marie vient à Jésus et réellement se rencontre avec lui. Il n’y a pas pour elle la même distance avec Jésus qu’il y avait eu pour Marthe. En rencontrant le Seigneur, elle se jette à ses pieds, et lui, en ce moment, frémit en son esprit. Le Prince de la vie et l’un de ses adorateurs étaient en présence. Marie ne se répand pas en paroles et le Seigneur n’a pas à redresser ses pensées. Toutefois, l’amour de Jésus appartient à l’une et à l’autre. Quel bonheur que celui d’avoir une communion vivante avec Jésus ! Des sentiments ardents, des vues brillantes peuvent être le privilège de quelques-uns, mais quoique notre mesure ne dépasse pas celle de Marthe, néanmoins, quand la communion est vivante et vraie, c’est pour tous la communion du ciel.


Malheureusement Israël n’avait pas d’yeux pour discerner le signe de la miséricorde qui l’attendait, ni de cœur pour le saisir. Bien loin d’y trouver le fondement de leur foi, la résurrection de Lazare devient l’occasion d’une œuvre d’inimitié déclarée. « Depuis ce jour-là, ils consultèrent ensemble pour le faire mourir ». Les cultivateurs de la vigne s’apprêtent à se défaire de l’héritier. Leur reniement d’Abraham, leur père, et leur complète apostasie à l’égard de Dieu sont maintenant manifestés. Israël avait été autrefois mis à part pour Dieu d’entre toutes les nations, mais il délibère maintenant contre lui et reprend sa place au milieu d’elles. Peu semblables à Abraham, ils acceptent des dons du roi de Sodome, de préférence à la bénédiction de la main de Melchisédec : ils choisissent la protection de Rome, plutôt que de reconnaître la puissance de résurrection du Fils de Dieu. « Si nous le laissons ainsi faire, tous croiront en lui, et les Romains viendront, et ôteront et notre lieu et notre nation ». — Et le jugement arrive sur eux : « Vous entendrez, et vous ne comprendrez point ; vous verrez, et vous n’apercevrez point » ; car la voix de l’Esprit s’était fait entendre par leur Souverain Sacrificateur, et ils n’ont pas eu d’oreilles pour la comprendre. Les œuvres du Fils de Dieu avaient été opérées au milieu d’eux, et ils n’ont pas eu d’yeux pour les voir.

Jésus, toutefois, est Celui qui vivifiera Israël, et les os secs, au dernier jour, entendront la Parole du Seigneur et vivront. Lazare, comme je l’ai dit, en est le gage : le résidu juif d’alors est typifié dans la famille de Béthanie. Au sein de cette famille bien-aimée, Jésus trouve du délassement, de la communion, et la reconnaissance de sa gloire, comme il les trouvera chez son résidu plus tard. Au milieu de ce cercle, il s’assied comme le « Prince de vie », ayant à côté de lui le témoin de sa puissance vivifiante ; et comme le « Roi de gloire », recevant à ses pieds l’hommage de son peuple, porté de franche volonté. C’est dans ces deux saintes dignités qu’il est reçu par cette famille fidèle. « Pendant que le roi est à table », semble dire Marie, « mon nard exhale son odeur » (Cant. 1:12). Et Jésus est assis auprès de ceux qu’il aime. Dans le pays apostat, une seule famille reconnaît en lui le « Prince de vie » et le « Roi de gloire ». Cependant Jérusalem et les étrangers qui y sont, ne devaient pas tarder à le voir dans les insignes de cette gloire ; comme aussi, pour nos temps, et avant qu’il s’écoule un grand nombre de jours, il sera reconnu dans cette gloire, par le résidu de la fin, la nation elle-même, et la terre entière.

En conséquence, « le lendemain », une grande foule, émue par la nouvelle qu’il avait ressuscité Lazare, vient à sa rencontre sur le chemin de Jérusalem, et le conduit dans la ville royale, en lui rendant les hommages dus au Fils de David, le roi d’Israël. C’était le moment de la Pâque ; mais le peuple se réjouit comme à la fête des Tabernacles, et prend des branches de palmier pour fêter son roi. Les nations aussi semblent être montées à la fête, car quelques Grecs viennent à Philippe et le prient, disant : « Seigneur, nous désirons voir Jésus ». La gloire brille un instant dans le pays des vivants. Lazare avait été ressuscité des morts, la ville accueillait son roi, et les nations venaient pour adorer. Jésus a vu, pour un moment, et comme passant devant lui, les éléments du royaume dans lequel il sera glorifié. Il a vu la joie de Jérusalem et le rassemblement des peuples ; mais son âme est occupée de la pensée que la mort attend toutes choses ici-bas, quel que soit leur charme ou l’espérance qui s’y rattache ; et que la gloire et le bonheur ne sont possibles que dans d’autres régions.

De nouveau, au milieu de cette scène et de ces fêtes, Jésus est assis solitaire. Tandis que tous, autour de lui, sont remplis de l’attente d’un royaume avec ses honneurs et ses réjouissances, son esprit songe à la mort. « En vérité, en vérité, je vous dis », telle est sa parole, « à moins que le grain de blé, tombant en terre, ne meure, il demeure seul ». La résurrection était tout pour lui ; elle était sa consolation dans les afflictions de la vie, comme nous l’a montré le chapitre 11 ; elle est son objet devant les perspectives d’un monde qui lui est promis, comme nous le voyons ici (chap. 12). Elle avait communiqué une douce sérénité à son âme, lorsque de sombres nuages s’étaient amassés sur Béthanie ; et maintenant que la splendeur d’un jour de fête répandait son éclat sur le chemin de Jérusalem, elle calme et tient son cœur. C’est ainsi que la pensée de la résurrection gouvernait son âme dans les peines et les joies qu’il éprouvait. La résurrection était tout pour lui. Elle faisait de lui ici-bas le parfait exemple de ce principe, d’une valeur si actuelle : « Que ceux qui pleurent soient comme ne pleurant pas ; et ceux qui se réjouissent, comme ne se réjouissant pas » (1 Cor. 7:30).

Combien nous savons peu nous élever ainsi au-dessus des situations et des circonstances de la vie !

Pour Jésus, ce moment était en réalité la Pâque et non la fête des Tabernacles ; et pendant quelques instants, son âme anticipe l’angoisse du sacrifice. Mais le Père lui rend témoignage de nouveau. Il l’avait glorifié au tombeau de Lazare comme le Fils de Dieu, qui ressuscite les morts ; et maintenant, par la voix du ciel, il le glorifie comme le Fils de l’homme, qui jugera le monde et le chef de ce monde.

Ici finit le chemin du Fils de l’homme, comme le chemin du Fils de Dieu avait pris fin au tombeau de Lazare. Le Fils de Dieu et le Fils de l’homme avaient été pleinement manifestés devant Israël incrédule. Jésus avait été glorifié parmi eux comme le Prince de vie, Celui à qui appartiennent toute autorité et tout pouvoir. Les choses rapportées dans ces deux chapitres, accomplissaient la parole qu’il leur avait dite au commencement ; elles étaient ces « œuvres plus grandes » devant lesquelles ils seraient dans l’admiration » (5:20). Ils venaient d’être témoins de sa puissance vivifiante comme le Fils de Dieu, et la voix venue du ciel confirmait sa gloire judiciaire comme le Fils de l’homme. Ils devaient donc l’honorer comme ils honoraient le Père. Mais loin de là : ils allaient, au contraire, le mettre à mort ; ils renieraient le Prince de vie et le Roi de gloire, en qui se concentraient toutes leurs espérances pour la vie et pour le royaume. Jésus les avait mis à l’épreuve par ces « œuvres plus grandes » à eux promises ; mais il n’y avait pas eu d’écho en Israël. La moisson était terminée, l’été avait passé, et ils n’étaient pas sauvés. La lamentation du prophète devenait une solennelle actualité : « Qui a cru à ce que nous avons fait entendre ? » Non pas que ses œuvres n’eussent pas manifesté Jésus comme l’espérance d’Israël, car nous voyons même que plusieurs des chefs les avaient comprises et acceptées dans leur conscience ; mais, ainsi que le Seigneur avait dit : « Ils ont aimé la gloire des hommes plutôt que la gloire de Dieu » (Jean 12:43). Désormais il ne restait à Israël que le jugement, mais la gloire dans le ciel à ce Jésus rejeté de la terre. L’évangéliste lui-même nous le dit, en traçant la morale de toute la scène : « Il a aveuglé leurs yeux, et il a endurci leur cœur, afin qu’ils ne voient pas des yeux et qu’ils n’entendent pas du cœur, et qu’ils ne soient convertis et que je ne les guérisse. Ésaïe dit ces choses parce qu’il vit sa gloire et qu’il parla de lui ». Pour Israël le jugement, pour Jésus, la gloire, la gloire céleste, la gloire au-dedans du voile.


L’évangile de Jean replace ainsi le Fils de Dieu dans le ciel. C’est là que son chemin se termine ; c’est là qu’il avait commencé. L’évangile de Matthieu introduit Jésus comme le Fils de David, né à Bethléhem, et s’arrête, quant à son ministère, sur la montagne des Oliviers (Matt. 1 et 24) ; l’évangile de Jean au contraire, s’ouvre en montrant Jésus venant du sein du Père, et se ferme, également quant à son ministère, par sa rentrée dans le ciel. Et Jésus est encore dans les lieux saints, en haut, et les cœurs humbles et brisés y sont avec lui. Il parle du haut du ciel, et sa parole est dans la puissance de l’œuvre accomplie qui l’a conduit là. Il a pénétré dans le saint des saints, à travers les parvis extérieurs, détruisant les inimitiés, renversant tout mur mitoyen de clôture ; et de là il est venu de nouveau, par la vertu de son sang et dans la puissance du Saint Esprit, annoncer la bonne nouvelle de la paix à tous les hommes (Éph. 2). Il ne nous parle que de ce qui est là-haut, et non de ce qui est ici-bas ; par son Esprit, il ne nous entretient que de la paix, de la joie, de la gloire qui s’y trouvent, et non des accusations dont le péché, qui survient encore trop souvent, réussit à remplir nos cœurs.

Pendant tout le cours de son divin ministère dans cet Évangile, ainsi que je l’ai remarqué, le Seigneur avait agi en grâce, comme le Fils du Père, la « lumière de la vie ». Sa présence était « le jour » pour le pays d’Israël. Il brillait, si les ténèbres avaient su le comprendre. Et maintenant, au terme de son service, toujours la lumière, nous le voyons projetant ses derniers rayons sur la contrée et sur le peuple. Il ne peut cesser de luire, qu’ils veuillent ou non le comprendre. Aussi longtemps qu’il est présent, c’est le jour. La nuit ne viendra qu’après son départ. « Pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde » (Jean 9:5). Mais déjà la lumière s’éloigne : « S’en allant, il se cacha de devant eux » et alors Dieu, par son prophète, amène la nuit sur le pays. Ce n’est pas que la lumière eût été douteuse, leurs consciences disaient le contraire ; — la lumière avait accompli son service et avait dominé sur le jour, mais les ténèbres ne l’avaient pas comprise. Et alors le soleil, qui s’était levé sur la Judée, se coucha pour ce pays, mais afin de se lever dans d’autres sphères ; car la parole que Jésus prononce, en terminant, s’adresse à Israël et à la terre tout entière. La même lumière du monde, qui venait d’accomplir son cours en Judée, sort de sa chambre pour accomplir une carrière plus étendue. Et cette carrière, elle la poursuit encore. Le jour du salut est encore avec nous. La nuit du jugement sur les nations n’est pas encore venue. Éclairés de cette lumière, nous savons où nous allons et nous pouvons marcher sans broncher. C’est encore le jour auquel la lumière dit : « Réveille-toi, toi qui dors, et relève-toi d’entre les morts, et le Christ luira sur toi ». — Telles sont tes voies, Sauveur béni, Agneau de Dieu, Fils du Père !


3 - Chapitres 13 à 17

J’ai suivi le Seigneur dans les chapitres 1 à 12 de cet évangile, observant ses voies comme le Fils de Dieu, l’Étranger venu du ciel, le Sauveur des pécheurs, et en même temps ses rapports et ses controverses avec Israël. D’une part, son chemin avait été celui de la grâce, mais dans l’isolement ; — de l’autre, Jésus avait semblé marcher sur les traces du prophète Jérémie. Comme lui, le Seigneur avait vu l’apostasie de la fille de Sion. Comme lui, il l’avait avertie et enseignée, et il aurait aimé la guérir. Mais comme Jérémie, il avait été témoin de l’obstination de son cœur ; il avait été méconnu et rejeté par elle, et il ne lui restait qu’à pleurer sur Jérusalem. Jusqu’à la fin de son ministère, il lui avait parlé dans le langage du prophète : « Donnez gloire à l’Éternel, votre Dieu, avant qu’il fasse venir des ténèbres, et avant que vos pieds se heurtent contre les montagnes du crépuscule : vous attendrez la lumière, et il en fera une ombre de mort et la réduira en obscurité profonde. Et si vous n’écoutez pas ceci, mon âme pleurera en secret à cause de votre orgueil » (Jér. 13).

Ainsi Jésus avait pleuré sur la ville, car elle ne s’était pas repentie. Le lion avait à nouveau quitté ses forêts pour la dévorer ; le Destructeur des nations était encore une fois sorti de son lieu, comme du temps du prophète (Jér. 4). La captivité de Babylone n’avait pas davantage nettoyé la souillure de Sion, que les eaux de Noé n’avaient sanctifié la terre, et tout avait mûri pour un nouveau jugement. Cependant, ainsi que Jérémie, au milieu de ces choses, avait eu son Baruch, le compagnon de ses épreuves, à qui, de la part de Dieu, il avait donné sa vie pour butin, et à qui il avait remis en dépôt le gage certain de l’héritage final — Jésus avait ses saints, les compagnons de sa réjection, auxquels il donne l’assurance de la vie, et la promesse certaine d’un repos et d’une gloire à venir. C’est dans l’intimité avec eux que nous trouvons le Seigneur. Son ministère public est terminé, et nous le voyons avec les siens, leur découvrant, comme leur Prophète, les secrets de Dieu.

Avant que nous l’écoutions dans son caractère de Prophète de l’Église, je ferai remarquer que ce que le Seigneur nous communique, comme tel, forme notre présente richesse. Il ne s’agit pas pour nous, comme pour l’Israël de jadis, des bénédictions de la corbeille et de la huche (Deut. 28:5), ni d’avoir autorité sur des villes, comme cela aura lieu plus tard : — ce qui nous est donné, c’est « la pensée de Christ ». « Les trésors de la sagesse et de la connaissance » cachés en Dieu sont notre trésor actuel (Col. 2). En conséquence, le Seigneur, après s’être détourné d’Israël pour s’occuper de ses élus, et considérant ceux-ci à part du monde, leur fait connaître tout ce qu’il a entendu du Père. Bientôt, comme le Roi de gloire, il partagera son autorité avec les saints ; — pour le moment, il n’a que la langue des savants pour leur parler et leur enseigner les secrets de Dieu. Il les enrichit, mais seulement des richesses que peut donner un prophète. Quant aux autres richesses, ils peuvent se regarder comme pauvres, ainsi que l’a exprimé un des leurs, qui le disait sans honte : « Je n’ai ni argent, ni or ».

Le Seigneur Jésus est le Prophète semblable à Moïse qui avait été promis jadis. Moïse voyait Dieu face à face. Dieu lui parlait comme un homme parle à son intime ami et dit de lui : « Je parle avec lui bouche à bouche, et en me révélant clairement, et non en énigmes ; et il voit la ressemblance de l’Éternel » (Nomb.12:8). Dans toutes ces hautes prérogatives, Moïse était l’ombre du Fils de Dieu. Il avait accès auprès de Dieu. Il était avec Dieu sur le sommet de la montagne, au-delà des régions du tonnerre et de la tempête. Il était avec Dieu dans la nuée de gloire, quand elle s’arrêta à l’entrée de la tente d’assignation ; et jusque dans le saint des saints, quand le tabernacle avait été établi (Ex. 24 ; 33 ; 25:22) . Il se tenait dans cette proximité de Dieu d’une manière habituelle, et sans qu’il fût besoin d’offrir du sang ; tandis qu’Aaron lui-même, nous le savons, ne pouvait se trouver là qu’une fois l’an et non sans du sang. Tout cela nous dit, dans un langage aisé à comprendre et touchant, quelle est l’excellence personnelle de notre Prophète — la gloire de la déité de Celui dont Moïse était l’ombre, de Celui qui alors était dans le sein du Père, et qui maintenant nous a parlé (Hébr. 1).

Et ce qui a été montré à Moïse sur le sommet de la montagne, dans la nuée de gloire et auprès du propitiatoire dans le saint des saints, est précisément le secret que le Fils nous a révélé du sein du Père. Moïse y apprit la grâce de Dieu ; il vit la gloire de sa bonté (Ex. 33). Précieuse vision ! Et le Fils unique a été au milieu de nous « plein de grâce et de vérité ».

Cependant le service du Seigneur envers nous, comme Prophète, est varié ; et dans cette variété, nous verrons que le caractère particulier de l’évangile de Jean est pleinement maintenu.

Dans les premiers chapitres de l’évangile de Matthieu, le Seigneur, comme prophète, révèle la pensée de Dieu au sujet de son peuple ; il interprète la loi dans toute sa portée et sa pureté, déterminant le modèle divin et l’appliquant à la conscience. Il prescrit le caractère et la conduite des saints, par lesquels, au jour de la régénération, ils seront dignes d’entrer dans le royaume ; amenant l’âme à être exercée devant Dieu, et plaçant devant elle son vrai but et son véritable objet (Matt. 5 à 7). Dans l’évangile de Jean, Jésus est le prophète dans un caractère plus élevé. Il fait connaître le Père, et révèle les choses célestes. Il parle de Celui qui est monté au ciel et qui est d’en haut. Ce n’est pas autant de notre marche que des pensées de Dieu qu’il nous entretient. Il nous dévoile les mystères de la vie et du jugement. Il révèle l’amour du Père, les œuvres et la gloire du Fils, la place et les opérations du Saint Esprit dans l’Église et pour elle. Dans l’évangile de Jean, Jésus est le prophète des secrets du sein du Père, nous découvrant les choses cachées du sanctuaire. Il nous parle comme la Parole qui était avec Dieu et qui était Dieu, nous donnant la connaissance qu’une simple marche dans la justice et dans le service n’aurait pas exigée, mais qui fait de nous rien moins que des « amis », et nous place dans une communion intelligente avec les voies du « Père de gloire » (Éph. 1).

Telle est la diversité que le Seigneur déploie dans l’exercice de son office prophétique, tel surtout qu’il paraît dans l’évangile de Jean, exercice du caractère le plus élevé, qui rend cet évangile d’un si grand prix pour les saints. Et lorsque, dans le jour actuel du salut, l’Église aura été rassemblée, et que tous seront parvenus à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme fait, nous ne perdrons pas Celui qui est notre Prophète. Nous l’écouterons comme tel, même pendant le royaume. Ses discours seront notre nourriture à jamais. Salomon était prophète, aussi bien que sacrificateur et roi. Ses serviteurs se tenaient continuellement devant lui, et les rois de la terre cherchaient de voir la face de Salomon pour l’entendre. La reine de Sheba vint l’éprouver par des questions obscures, et Salomon lui expliqua tout ce qu’elle avait proposé. Quand elle vit la magnificence du roi, la rampe par laquelle il montait dans la maison de l’Éternel, et qu’elle entendit la sagesse du prophète, c’était plus que son cœur ne pouvait supporter. On ne lui en avait pas rapporté la moitié ; elle fut hors d’elle-même. Ainsi, dans le royaume à venir, nos yeux seront immergés dans la gloire ; le cœur trouvera ce qui satisfait toutes ses affections ; l’esprit, toujours plus vaste, sera nourri des trésors de sagesse qui sont cachés dans le Prophète divin, pendant que l’harmonie de sa louange résonnera à nos oreilles durant toute l’éternité.

Je voudrais ajouter toutefois, pour ma propre instruction et pour celle de mes frères, qu’il faut toujours craindre les efforts de l’intelligence, quand nous écoutons les paroles de notre Prophète, c’est-à-dire quand nous lisons les Écritures. L’Esprit est un suprême docteur, comme il est aussi un écrivain infaillible ; et bien que parfois, à cause de nos propres ténèbres, la lumière de l’Esprit nous arrive un peu confuse, elle nous apporte cependant toujours plus ou moins de certitude. Souvenons-nous, encore, que c’est la lumière du sanctuaire. C’était dans le lieu saint qu’était placé le chandelier ; et l’intelligence que le Saint Esprit apporte à l’âme est accompagnée de l’esprit d’adoration et de communion.

J’ai déjà fait remarquer la différence de l’exercice du service prophétique du Seigneur dans l’évangile de Matthieu et dans celui-ci. Et dans ses discours avec ses élus, après que son ministère public est terminé, nous trouvons cette même différence caractéristique. Dans l’évangile de Matthieu, le Seigneur parle à ses disciples, sur la montagne des Oliviers, de sujets touchant les Juifs (Matt. 24 et 25) ; ici, au contraire, il les conduit en esprit dans le ciel, pour leur ouvrir le sanctuaire et leur révéler des secrets célestes. Il ne prend pas sa place sur la montagne des Oliviers, pour entretenir le résidu des douleurs d’Israël et de son repos final ; il se place dans le ciel, et dévoile à ses saints l’œuvre de leur Souverain Sacrificateur, ainsi que les souffrances et les bénédictions qui les attendent eux, comme église de Dieu, pendant le temps de cette sacrificature céleste. Celle-ci forme le grand sujet de tous ces chapitres, que je désire examiner plus en détail. Ils constituent une section distincte de l’évangile de Jean ; mais je les considérerai par portions détachées, selon que leur contenu me paraît l’indiquer.


3.1 - Chap. 13

Le lavage des pieds des disciples, cet acte du Seigneur que nous trouvons à l’entrée de ce chapitre, nous fait connaître une des principales fonctions de son ministère dans le ciel.

Le lavage des pieds faisait partie des devoirs de l’hospitalité, et le Seigneur, au chapitre 7 de Luc, en blâme l’oubli chez son hôte. Le lavage des pieds apportait au convive un double soulagement : il purifiait le voyageur de la poussière de la route, et le rafraîchissait après sa fatigue. Abraham, Lot, Laban, Joseph et le vieillard de Guibha (Gen. 18 ; 19 ; 24 ; 43 ; Juges 19) sont distingués parmi ceux qui ont observé ce devoir, et le fils de Dieu, recevant ses élus dans la maison céleste, voulait leur donner le sentiment qu’il ne manquait rien à leur bienvenue ni à leur état, pour se présenter ; afin qu’ils pussent prendre leur place, avec une joyeuse confiance, dans quelque département que ce fût du sanctuaire royal. C’était bien un sanctuaire, mais ce lavage les rendait propres à entrer dans un pareil lieu. Le Fils de Dieu accomplissait, à l’égard de ses disciples, le service que la cuve d’airain rendait dans le tabernacle pour les fils d’Aaron (Ex. 30). Lui-même se chargeait de les préparer pour la présence de Dieu. Dans une famille bien tenue, il est d’usage que les serviteurs se maintiennent nets, ou bien ils quittent la maison. Mais telle est la grâce du Fils de Dieu, du maître de la maison céleste, que lui-même se charge du devoir de maintenir ses gens dans la sainteté et la dignité du sacerdoce.

Insondable merveille et mystère divin ! Ce qu’il nous faut, c’est un esprit de foi simple et confiant, qui se repose dans la réalité de cette grâce infinie.

Cependant ce service pour nous dans le sanctuaire comme le Souverain Sacrificateur de notre profession, le lavage de nos pieds comme le vrai Purificateur de la maison de Dieu, Jésus ne s’en est pas acquitté avant d’avoir accompli, sur la terre, l’œuvre de la Passion et d’être monté dans le ciel ; aussi semble-t-il traverser toute cette scène mystique dans la conscience d’avoir achevé de souffrir, d’être déjà monté au ciel, et de regarder en arrière vers ses saints ; car ces paroles au début du chapitre : « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde », paraissent suggérer la pensée que le Seigneur considérait les siens comme étant encore ici-bas, et que lui-même les avait quittés pour de plus pures et de plus hautes régions. Et alors, bien que glorifié de nouveau dans le Père et avec le Père, et comme le serviteur de leurs besoins et de leur infirmité, il se ceint d’un linge et lave leurs pieds, leur donnant à entendre qu’il demeurait dans le sanctuaire céleste, dans le but de les rendre participants de la vertu constante de la « sainteté » que, comme leur Souverain Sacrificateur, il portait continuellement sur son front devant le trône de Dieu (Ex. 28).

Il y a donc une différence entre la signification mystique du souper et le lavage des pieds qui vint ensuite ; différence qui est la même entre le jour des expiations et les cendres de la génisse rousse, sous le régime de la loi. Le jour des expiations met en évidence la vertu du sang du Fils de Dieu, comme le fait le souper ; et les cendres de la génisse, comme le lavage des pieds, montrent la vertu de son intercession. Le jour des expiations ne se présentait qu’une seule fois dans l’année juive ; c’était un grand jour annuel de réconciliation, auquel le péché d’Israël était effacé une fois pour l’année ; tandis que les cendres de la génisse étaient la provision pour les transgressions de chaque jour, pour toutes les souillures accidentelles que l’Israélite pouvait contracter pendant ce temps. Il en est de même de l’effusion du sang en premier lieu, et des intercessions sacerdotales du Fils de Dieu ensuite ; comme le dit l’Écriture : « Si, étant ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, beaucoup plutôt, ayant été réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie » (Rom. 5:10).

Les mêmes bénédictions nous sont encore données dans le même ordre, sous une autre forme. Ainsi, l’Agneau de Pâque délivrait Israël de l’Égypte une fois pour toutes ; tandis que l’intercession de Moïse au désert, détournait la colère de Dieu des transgressions accidentelles du camp. Et nous avons le sang de Jésus, notre Pâque, et l’intercession de Jésus, notre Médiateur ; — le souper d’abord, puis le lavage des pieds ; la mort ici-bas, la vie dans le ciel. Celui qui a été lavé une fois, n’a besoin que d’avoir les pieds lavés ; et ce lavage des pieds, cette purification de la souillure que le saint contracte sur la terre, dans sa marche journalière, le Souverain Sacrificateur, qui est dans le ciel pour lui, l’accomplit par sa présence et son intercession. Il est le Médiateur de la nouvelle alliance, comme il en a offert le sang.

C’est ainsi que l’amour du Fils de Dieu pour l’Église, un amour qui a existé dès avant les siècles, doit subsister jusqu’à la fin des siècles, comme il est écrit ici : « Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin ». Tous les âges, toutes les scènes seront les témoins des opérations variées de cet amour, mais toujours dans sa richesse et sa réalité invariables. Aucun changement ne peut l’affecter. Les afflictions du monde, comme les gloires du ciel, l’ont trouvé dans le cœur de Jésus, toujours le même. Douleurs ou joies, souffrances ou gloires, rien n’a pu y porter atteinte. Sa mort sur la terre, comme sa vie dans le ciel, le déclarent. — Et plus encore. Dans cet amour, il a servi l’Église avant que le monde fût, quand il disait : « Voici, je viens » ; et quand le royaume sera venu, il la servira dans le même amour ; il fera asseoir à table ses saints, et sera le serviteur de leur joie.

Tel a été le Seigneur, tel il est aujourd’hui, et tel sera-t- il à jamais dans son service d’amour à l’égard de ses saints ; et il leur commande d’être ses imitateurs. « Si donc moi, le Seigneur et le Maître, j’ai lavé vos pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns des autres ». Il s’attend à retrouver parmi nous sur la terre, s’exerçant dans l’affection mutuelle, les soins qu’il nous donne du ciel. Il nous lave les pieds journellement ; il supporte notre misère ; et devant le trône, il s’occupe de nos souillures ; et il veut qu’ici-bas, sur le marchepied de la maison, nous nous lavions les pieds les uns aux autres, que nous supportions réciproquement nos infirmités, et que nous sachions contribuer de part et d’autre à notre commune joie.

Cet acte du Seigneur et l’enseignement qui en découle emmenaient ainsi l’Église sur la montagne, comme jadis Moïse, lorsque lui furent montrées les formes d’après lesquelles les choses devaient être faites sur la terre. Moïse, alors, était au-dessus de la loi, au-delà des régions du feu consumant et des tonnerres ; et ici, l’Église est pareillement placée. Les disciples sont appelés en esprit dans le sanctuaire céleste, les voies du Souverain Sacrificateur leur sont exposées dans son amour et sa sollicitude de tous les jours, et il leur est dit de descendre et de faire de même ; comme il avait été dit à Moïse : « Prends garde à faire toutes choses selon le modèle qui t’a été montré sur la montagne ». Le moment pour Moïse d’être appelé sur la montagne et d’y rester, n’était pas encore venu. Il ne devait que s’y arrêter un peu, pour voir le modèle du tabernacle et recevoir des ordres. Et il en est de même ici. L’Église n’était pas encore préparée pour la gloire et la maison du Père. « Là où moi je vais, dit le Seigneur à ses disciples, vous, vous ne pouvez venir ». Il leur promet qu’ils le suivront plus tard ; pour le présent, il ne leur est donné que la vue du modèle sur la montagne, pour qu’ils l’imitent sur la terre.

Mais ces copies, ce n’est que l’amour qui peut les produire, car l’amour en est l’original dans le ciel ; ainsi que le Seigneur le déclare : « À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour entre vous ». Il ne s’agit plus, comme jadis, de l’intelligence de ceux qui travaillent l’or et l’airain (Ex. 35) ; mais de l’intelligence de ceux qui « marchent dans l’amour ». La culture dans le cœur d’une pensée affectueuse envers un frère ; la puissance pour porter et supporter dans l’amour ; les sympathies manifestées ; des soins pour corriger une tendance égoïste ou des allures blessantes — voilà quelles sont les imitations du modèle céleste. Mais ce n’est que comme de « bien-aimés enfants » que nous pouvons être les « imitateurs de Dieu » (Éph. 5). — Quel encouragement que celui-là ! Quand le Seigneur veut établir sur la terre un témoignage de ses voies dans le ciel, il nous dit de nous aimer les uns les autres, de nous laver les pieds les uns aux autres ! Quelles beautés ce tableau nous révèle de Celui qui est au-dedans du voile ! Il nous montre combien sa pensée est remplie d’affection, et quelle est l’occupation journalière de notre Sacrificateur dans son sanctuaire céleste !


Chers amis, je voudrais nous exhorter, vous et moi, à marcher davantage dans ces témoignages du Seigneur, car ce serait notre assurance devant lui et notre propre joie. Si nos voies étaient des voies fermes et inébranlables d’amour, nous cheminerions immergés dans la lumière du Christ ; nous le trouverions partout. Ses pensées seraient toujours devant nous dans leur bonté constante, et quel bonheur et quelle confiance il s’ensuivrait pour nous ! Aucun soupçon à l’égard de son amour, aucun nuage, ni le doute, ni la crainte, ne viendraient s’établir dans le cœur ; nous entendrions Jésus de nos oreilles, nous le verrions de nos yeux, nous le toucherions de nos mains, car toutes choses avec lesquelles nous serions en contact seraient un témoignage de son amour et en auraient la saveur. Ce serait, en effet, une agréable demeure dans la maison de l’Éternel, une heureuse contemplation de la beauté du Seigneur. Malheureusement le pauvre cœur de l’homme n’est pas propre à rencontrer un pareil déploiement d’amour et de gloire. Pierre exprime cette commune ignorance. Il ne comprend pas encore cette relation entre la gloire et le service. Il donne cours à ses appréciations humaines et dit : « Tu ne me laveras jamais les pieds ». Mais Pierre saurait toutes ces choses plus tard, le Seigneur le lui promet ; car le Seigneur, les disciples, Pierre sont un. Judas, cependant, devait être séparé des autres : « Non pas tous », dit le Seigneur. La présence du traître au milieu des saints était nécessaire jusqu’à ce moment solennel, car l’Écriture avait dit : « Celui qui mange le pain avec moi a levé son talon contre moi ». Judas doit recevoir le morceau trempé, de la main du Seigneur lui-même. Le gage d’amour doit avoir été donné et méprisé, avant que Satan puisse entrer ; car c’est le rejet de l’amour qui amène à maturité le péché de l’homme ; et en restant insensible devant cette preuve signalée de bonté de la part de son Maître, Judas a consommé son péché, et alors Satan pénètre. L’entrée en lui de Satan n’est pas mentionnée avant que le morceau ait été donné et reçu ; de même, dans la dispensation où nous sommes, l’homme a méprisé l’amour et a, de cette manière, consommé son péché, ainsi que le Seigneur le dit peu après : « Si je n’avais pas fait parmi eux les œuvres qu’aucun autre n’a faites, ils n’auraient pas eu de péché ». Ayant méprisé l’amour dont l’Évangile fait preuve, l’homme est allé son propre chemin ; comme ici Judas, qui, ayant reçu le morceau, sortit pour aller trahir Celui qui le lui avait donné. Et l’apôtre ajoute : « Or il était nuit ». Paroles solennelles : Nuit dans l’homme, et nuit pour Jésus.

Jésus, toutefois, regarde aussitôt au-delà de cette nuit obscure, car, quelque sombre qu’elle dût être pour lui, elle aboutirait à un jour sans nuage. Jésus devait être glorifié en Dieu immédiatement, car Dieu était glorifié en lui — en lui, le seul fils d’homme dans lequel Dieu fut jamais glorifié. Jésus avait maintenu la nature sans tache, et allait l’offrir à Dieu comme la gerbe de fruit humain pure, convenable pour le grenier de Dieu. En Jésus, l’homme avait été glorifié ; car tout ce qui était procédé de lui, tout ce qui avait été tiré de lui, avait été selon Dieu. Nulle tache ne souillait cette beauté morale. L’homme, en Jésus, n’était pas resté en deçà de la gloire de Dieu ; et Dieu, qui avait été glorifié en lui, le glorifierait par conséquent en lui-même. Quant aux autres hommes, il en était autrement. Jésus pouvait aller à Dieu immédiatement, en vertu de cette gloire morale, lui seul ; car pour les autres hommes, qu’ils fussent des saints ou des incrédules, des Pierre ou des pharisiens, cela ne se pouvait. Une place devant Dieu devait être préparée avant que d’y rassembler les saints ; c’est pourquoi le Seigneur leur dit : « Vous me chercherez ; et comme j’ai dit aux Juifs : Là où moi je vais, vous, vous ne pouvez venir, je vous le dis aussi maintenant à vous ».

Jésus anticipe ici le jour de sa propre gloire en Dieu, en disant, aussitôt que le traître fut sorti : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié » (*). Et cette gloire, le moment viendra auquel elle sera manifestée. Quand le Fils de l’homme aura cueilli de son royaume tous les scandales et tous ceux qui commettent l’iniquité, quand le traître « sortira » de nouveau, alors la gloire sera vue, et les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père. L’aire une fois purifiée, les gerbes de gloire seront rassemblées dans le grenier.


(*) Remarquons quelle assurance nous donne toujours la conscience que nous aimons. Pierre et Jean ne sont nullement alarmés des suggestions de Jésus, touchant le traître qui se trouvait parmi eux ; ils prennent conseil ensemble pour le découvrir, et à la fin ils trouvent l’énigme. Nos cœurs, bien-aimés, sont-ils en état de soutenir les recherches de l’Esprit de jugement ? La conscience d’aimer donne le courage du lion.


3.2 - Chap. 14 à 16.

Ayant ainsi, en esprit, traversé la nuit et pris sa place dans le jour au-delà, le Seigneur se tourne vers ses disciples et, comme le Prophète des choses célestes, il les enseigne et les console ; leur parlant du mystère de sa céleste sacrificature, et de leur vocation, de leurs devoirs, de leurs bénédictions comme Église de Dieu séjournant sur la terre, pendant la durée de cette sacrificature.

La sacrificature du Fils de Dieu — ou la dispensation actuelle, pendant laquelle le Seigneur est assis sur le trône du Père, et nous, introduits dans le royaume du Fils de l’amour de Dieu — était un mystère en Dieu, qui avait été caché à Israël. Le « peu de temps » était une étape dans l’œuvre divine, dont les Juifs et les disciples étaient également ignorants. Ils pensaient tous que Christ demeurerait éternellement, car leurs prophètes avaient parlé de lui en rapport avec une domination terrestre. Cependant il y avait eu, dans la prophétie et dans l’histoire, bien des indications qui auraient pu les préparer aux choses que Christ leur révèle. La demeure de Joseph en Égypte et les années de sa gloire — durant lesquelles il ne se souvint plus de sa parenté au pays de Canaan, jusqu’au jour où l’angoisse de la famine amena les siens auprès de lui — avait été un type de ce mystère. Le séjour de Moïse dans le pays de Madian, également (voyez Actes 7). Il est permis de penser que ni Joseph, ni Moïse n’oublièrent leur peuple, et que l’un et l’autre gardaient bien des souvenirs ; mais ces sentiments n’ont pas été signalés. Et de même, nous savons que le Seigneur se souvient de Jérusalem, que ses murs sont continuellement devant lui, et qu’il l’a gravée sur les paumes de ses mains, quoique, en apparence, il soit pour elle comme « un homme stupéfait, comme un homme fort qui ne peut sauver » (Jér. 14:9).

Outre ces récits typiques, les prophètes avaient mentionné le mystère ; du moins ils en avaient tracé les grands contours. Ils avaient prédit le veuvage de Jérusalem, qui devait durer un temps déterminé. Moïse, anciennement, avait laissé à Israël le témoignage que pendant un temps le Seigneur leur cacherait sa face, et les émouvrait à jalousie par un peuple qui n’est pas un peuple (Deut. 32). David avait dit que le Messie, comme son Seigneur, serait assis pour un temps à la droite de Dieu (Ps. 110). Ésaïe avait eu une vision de Christ dans la gloire céleste, pendant une période de jugement sur Israël (És. 6). Ézéchiel avait vu la gloire quitter la ville et y revenir plus tard (Éz. 11 ; 43). De plus, le Seigneur avait dit par Osée : « Je m’en irai, je retournerai en mon lieu, jusqu’à ce qu’ils se reconnaissent coupables et recherchent ma face. Dans leur détresse, ils me chercheront dès le matin » (Osée 5:15). Pendant son propre ministère, le Seigneur avait fait allusion à ce même mystère. Dans l’évangile de Matthieu, en rappelant les passages des Écritures relatifs à la pierre que ceux qui bâtissaient avaient rejetée, il corrige l’erreur de ceux qui pensaient que Christ devait demeurer éternellement. Dans l’évangile de Luc, il avait montré par la parabole du Seigneur, s’en allant dans un pays éloigné, qu’il y avait un intervalle entre la première apparition du Messie et son apparition dans son royaume. Et ici, dans l’évangile de Jean, il traite la question plus explicitement encore, en exposant le caractère de cet intervalle, pendant le temps de sa séance à la droite de Dieu, dans le ciel.

Aussi, après avoir terminé son ministère public et s’être retiré à l’écart avec ses disciples, Jésus s’occupe de ce sujet, et dans la scène du chapitre l3, dans l’enseignement des chapitres 14, 15 et 16, et de nouveau dans la scène du chapitre 17, il expose et développe alternativement ce qu’est la sacrificature céleste ; faisant voir que pendant l’intervalle de séparation d’avec Israël, il est occupé de l’Église de la manière la plus précieuse. En sympathies, en intercessions, selon la vigilance et la sollicitude de quelqu’un dont le regard est sur eux, Jésus est tout activité envers ses saints maintenant. Séparé, il est vrai, de ses frères selon la chair, il garde, comme Moïse, le troupeau de son Père à la montagne de Dieu pendant un temps, loin des souillures d’Égypte et de l’incrédulité d’Israël, goûtant dans une sainte retraite les douceurs d’une demeure et d’une famille chéries.

En lisant le commencement du chapitre 14, il me reste une impression d’un caractère très doux, que voici : Le Seigneur suppose que son ministère a amené le Père tellement près de ses disciples, qu’ils doivent en avoir conclu que sa maison est la leur. Il y a beaucoup d’encouragement dans cette pensée. Le ministère du Seigneur avait été une révélation si claire de l’amour du Père pour eux, que cela aurait été étrange, en effet, si tel n’eût pas été le cas. Qu’il se trouvât des demeures pour ses disciples comme pour lui dans la maison du Père, était tellement en accord avec toutes les œuvres et toutes les paroles de Jésus, qu’un pareil fait, une pareille vérité n’avaient pas même besoin d’être mentionnés. C’était une conclusion nécessaire. Tous les privilèges de la famille leur appartenaient, et naturellement la maison de la famille était leur demeure.

Quelle chose, que nous puissions tirer une conclusion si grande sans que ce soit directement enseigné ! Et non seulement cela, mais nous mériterions le blâme d’être pris de pesanteur spirituelle, si elle nous échappait ! Le ministère de Jésus « le Fils du sein du Père » pouvait-il, en effet, parler de choses moindres que celles qui concernent la maison du Père et notre privilège d’y demeurer à toujours ?

Insondable merveille et mystère divin, je le répète. Ce qu’il nous faut, c’est une foi simple et confiante qui se repose dans la réalité d’une telle grâce !

Ah ! pourquoi la famille de Dieu ne sait-elle mieux réjouir les solitudes du Fils de Dieu ! Que n’est-elle un plus « magnifique troupeau » comme résultat de ses soins et de sa vigilance à la montagne de Dieu ! Que n’est-elle, en compensation de la perte actuelle d’Israël, un chœur joyeux qui fasse éclater ses accents devant lui ! Mais pour eux il a laissé sa vie ; il s’est livré lui-même pour ses brebis, et dans son amour il reste fidèle.

Ces chapitres nous montrent, en outre, que le ministère du Fils n’avait rien produit d’efficace sur le cœur de ses disciples ; car l’ordre divin était celui-ci : le Père avait travaillé jusqu’alors, le Fils travaillait, mais le Saint Esprit devait aussi travailler, avant que l’Église pût entrer dans sa demeure. Voilà pourquoi ce n’est qu’ici que le nom de Dieu nous est pleinement révélé. La révélation de Dieu brille de plus en plus à mesure que les dispensations se déroulent. Mais c’est un grand sujet.


Dans le premier chapitre de la Genèse, nous ne voyons et n’entendons que « Dieu » seul. C’est « Dieu » qui agit pendant les six jours de création et qui, après cela, se repose le septième. Mais dans le chapitre 2, nous voyons et nous entendons « l’Éternel Dieu ». Il y a progression. Ce sont deux degrés dans la révélation que Dieu donne de lui-même. Dans le premier chapitre, il se manifeste simplement comme Dieu, agissant selon son bon plaisir et pour sa propre gloire. Il trouve toute satisfaction dans son œuvre, qu’il contemple et voit « très bonne », et il se glorifie lui-même, en plaçant au-dessus de l’œuvre, et comme représentant de lui-même, un être qu’il crée à son image. Dans le second chapitre toutefois, nous voyons « l’Éternel Dieu », c’est-à-dire le Dieu des alliances, Dieu entrant dans des conseils et des desseins, pour la bénédiction de sa créature. Aussi, bien des détails de l’œuvre primitive, telle qu’elle s’opérait sous la main de « Dieu », sont omis, et des choses sont placées en évidence qui n’avaient pas été nommées d’abord. C’est ainsi que nous trouvons mis en relief ici des sujets dont le premier chapitre ne parlait pas du tout, tels que : le Jardin et le Fleuve, la manière dont l’homme fut créé, dont la domination lui fut donnée, la formation de la femme, l’institution de son union avec l’homme ; ensuite nous avons l’Arbre mystique, et le commandement, accompagné de la peine attachée à sa transgression — toutes choses qui se rapportaient à la position et à la bénédiction de la créature, dans son alliance avec « l’Éternel Dieu ».

C’est ainsi que Dieu a commencé à nous révéler son nom. Après les noms de « Dieu » et de « l’Éternel Dieu », nous trouvons celui de « Dieu fort, Tout-Puissant », déclaré à Abram. C’était une nouvelle révélation de lui-même que Dieu donnait à Abram, quand il était « hors d’âges, et n’avait d’autre ressource que la toute-puissance de Dieu, sa pleine suffisance (Gen. 17). C’est par ce nom, qui proclamait cette suffisance nécessaire, que Dieu a conduit Abram et Isaac, et après eux, Jacob ; car tous étaient étrangers et voyageurs sur la terre, ne possédant que la promesse d’un Ami Tout-Puissant, que serait leur bâton et leur houlette. Plus tard, Dieu fut connu de ses enfants sous un autre nom encore. En commençant de s’occuper des enfants d’Israël, pour les introduire dans son alliance et dans l’héritage promis, Dieu se révéla sous le nom d’Éternel, c’est-à-dire, le Dieu d’alliance avec Israël (Ex. 6) et c’est sous la protection de Dieu connu sous ce nom, qu’Israël entra et s’établit dans le pays de Canaan.

Jusque-là cependant, Dieu n’était pas connu dans la pleine gloire de son nom. Il y a en lui de la grâce, et des dons par la grâce, que ces révélations ne dévoilaient pas complètement, et qui nous sont révélés maintenant dans le nom de Père, Fils et Saint Esprit. C’est là le nom complet, sous lequel la pleine gloire de notre Dieu et la grâce et les dons par la grâce nous sont apportés en puissance, par la dispensation qui nous révèle ce nom (*).


(*) Quand nous prononçons le mot « Seigneur », nous avons conscience que nous nommons quelqu’un qui est plus près de nous que lorsque nous disons « Dieu ».


Par conséquent, ce n’est que dans l’ère actuelle que le nom et la gloire de Dieu ont été pleinement manifestés. Le Père avait travaillé, il est vrai, durant les âges des Juifs ; mais Israël, comme nation et dans ses rapports avec Dieu, n’avait eu affaire qu’à « l’Éternel ». La révélation du Père attendait le ministère du Fils, et certaines dispensations devaient achever leur cours, avant que le Fils pût venir. Le Fils ne pouvait pas être le ministre de la loi. Ce ministère ne convenait pas à la dignité de Celui qui était dans le sein du Père. Il fut confié à des anges. De même, le Fils n’entra pas dans son ministère public avant que le « grand salut » ne fût prêt à être annoncé (Héb. 2). La manifestation du Saint Esprit attendait également ; car, pas plus que le Fils, le Saint Esprit ne pouvait s’occuper du ministère de la loi. La nuée, les éclairs, les tonnerres signalèrent ce ministère (Ex. 19) ; tandis que le Saint Esprit apportait ses dons et sa puissance au service du ministère du Fils, pour la publication du grand salut. L’Esprit de Dieu ne pouvait pas être un esprit de servitude engendrant la crainte — la loi le pouvait — mais le Saint Esprit devait engendrer la confiance. « Tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu » (Rom. 8:14).

Le Saint Esprit ne pouvait pas être manifesté tant que le Fils n’avait pas achevé son œuvre. Le cœur devait premièrement être purifié d’une mauvaise conscience, de manière à ce que le temple fût sanctifié, pour être la demeure de l’Esprit. L’ameublement de l’intérieur, pour ainsi dire (l’esprit de liberté et d’adoption et la connaissance de la gloire), devait être prêt pour ce moment, et cela n’avait lieu que par la mort, la résurrection et l’ascension du Fils. Il fallait que ces choses fussent accomplies pour que le Saint Esprit fût révélé. Depuis le commencement, il est vrai, le Saint Esprit a agi dans le monde comme puissance sainte. Il a parlé par les prophètes. Il a été la force des juges et des rois. Il a aussi été la puissance de la foi, du service, de la souffrance chez tous les serviteurs de Dieu. Mais tout cela restait au-dessous de la place que le Saint Esprit prend actuellement dans l’Église. Précédemment, il n’habitait pas en nous comme dans son temple ; tandis que maintenant il demeure en nous, et son opération forme un royaume qui est justice, paix et joie. Comme Esprit de sagesse, il nous donne « la pensée de Christ », des sens exercés pour discerner le bien et le mal. Comme Esprit d’adoption, il nous rend capables d’appeler Dieu, Père, et Jésus, Seigneur. Il intercède aussi pour nous par des soupirs inexprimables. Il répand l’amour de Dieu dans nos cœurs et nous fait abonder en espérance. Il est en nous une fontaine d’eau, jaillissant en vie éternelle, et il est la source des fleuves d’eaux vives, découlant de nous pour le rafraîchissement de ceux qui sont las. Il rassemble les saints pour être une maison spirituelle, où sont offerts des sacrifices spirituels, ne reconnaissant plus de sanctuaire terrestre, ni d’ordonnances charnelles ; car les saints sont édifiés ensemble pour être une habitation de Dieu par l’Esprit, et des dons leur sont donnés pour croître en toutes choses jusqu’à Christ.

Ce sont là quelques-unes des voies du Saint Esprit envers les saints dans son royaume ; ce sont les œuvres qui resplendissent dans l’étendue de son domaine. Dans les croyants, le Saint Esprit est des Arrhes, une Onction, et un Témoin. Il nous parle ouvertement du Père, et prend des choses de Christ pour nous les annoncer. Sa présence en nous est si pure, qu’il n’y a point de mal dont il ne s’aperçoive et ne se contriste (Éph. 4) ; et si tendre et sympathique en même temps, qu’il n’y a pas d’affliction selon Dieu, qu’il ne ressente et qui ne le fasse soupirer (Rom. 8). Comme je l’ai dit, il fait abonder l’espérance ; il nous donne le sentiment de la faveur de Dieu ; il fait connaître à la conscience son droit à une complète et paisible assurance. Il n’y a rien de chétif, d’étroit, d’incertain, là où l’Esprit exerce sa puissance. Ses opérations, dans leur ensemble, c’est un royaume, mais un royaume qui est de Dieu, plein de force et de beauté. Nous avons à confesser combien peu nous vivons dans la puissance et la clarté de ce royaume ; cependant voilà ce qu’il est en lui-même, bien que nos cœurs étroits et gênés se l’approprient si pauvrement. Et l’œuvre de l’Esprit attend de nous sa louange ; sa gloire doit être publiée dans ses temples. Il y a sujet d’être humiliés, quand nous nous examinons nous-mêmes en présence des richesses de ce royaume ; mais le royaume lui-même ne trouve pas en nous sa mesure.

Ce mystère est précieux, bien-aimés, je n’ai pas besoin de le dire. Tout l’état de choses dans lequel nous sommes introduits, nous dit que c’est avec Dieu directement et non avec nous-mêmes que nous avons affaire, et c’est un immense bienfait. Il n’en était pas ainsi sous la loi. La loi procédait avec nous directement, quand elle disait : « Tu feras » et « tu ne feras pas ». Maintenant, c’est tout d’abord avec Dieu que nous avons affaire. Nous sommes péremptoirement appelés en dehors de nous, pour ne plus nous souvenir si nous sommes Juifs ou Grecs. Nous avons à regarder à Dieu, à entendre Dieu, nous avons affaire à Dieu. C’est la bénédiction la plus élevée que le pécheur puisse concevoir — bénédiction si grande, que Satan fait ce qu’il peut pour nous en tenir séparés ; pour nous rendre sourds à la voix de Dieu, ou dérober à nos regards ses voies et ses œuvres, afin que nos cœurs ne répondent point à son amour. Il voudrait nous occuper de n’importe quoi, pour faire que la lumière de l’Évangile de la gloire du Christ, « qui est l’image de Dieu », ne resplendisse pas. Il tourne les pensées des uns sur leur justice, celles des autres sur leurs péchés, pour que, d’une manière ou d’une autre, par vaine gloire ou par crainte, il parvienne à tenir les hommes loin de Dieu.

Sortir ses disciples d’une position simplement juive, pour les amener à cette hauteur, et les consoler ainsi de la tristesse causée par la perspective de son départ, tel est le but du Seigneur, dans les discours qu’il leur tient dans ces chapitres, discours comme jamais il n’en a été prononcé parmi les fils des hommes. Jamais le cœur de Dieu n’avait aussi pleinement et aussi magnifiquement communiqué ses trésors à l’attente de son peuple. Ce furent de saints moments de communion entre le ciel et la terre.

Le Seigneur commence en disant : « Que votre cœur ne soit pas troublé ; vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi ». C’était annoncer d’un seul coup aux disciples un autre objet de foi que celui qu’ils avaient eu jusqu’alors. D’après le sens de ces paroles, Dieu était déjà connu en Israël. Les disciples, comme Juifs, croyaient déjà en Dieu : leur foi n’était pas erronée, mais seulement défectueuse, et le Seigneur voulait la compléter. Il voulait leur apprendre à connaître le Père par le Fils, et tout ce qu’il dit tend vers ce but. Il parle spécialement du Père, et il promet que le Consolateur leur fera connaître les choses qui regardent le Père et le Fils.

C’est ce caractère de grâce que notre Évangile donnait à entendre au commencement, lorsque Jean écrivait : « Mais à tous ceux qui l’ont reçu, il leur a donné le droit d’être enfants de Dieu » ; et cette première mention de la valeur et de la puissance du ministère du Fils est, dans ces chapitres, largement développée. Mais en même temps que cela se poursuit, l’ignorance juive se montre sous plusieurs de ses formes chez les disciples ; — et il n’en pouvait être autrement : Israël n’était pas initié dans la connaissance dans laquelle le Seigneur introduit maintenant les siens. Thomas ignore le départ de Christ et sa séparation d’avec cette terre, et il dit : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas » ; car Israël avait appris à dire que le Christ demeurerait éternellement. Philippe, de son côté, trahit son ignorance du « Père » ; car ce n’était pas à connaître le Père dans le Fils qu’Israël avait été conduit. Jude s’étonne à la pensée d’une gloire autre que la manifestation de la gloire terrestre du Messie ; car celle-ci était l’espérance d’Israël. Et tous restent ébahis devant ces mystérieuses paroles : « un peu de temps ». Le prophète céleste les fait sortir de ce courant d’idées. Déjà, comme le résidu de Dieu, ils avaient été pris hors de la nation apostate, en recevant Jésus comme le Messie venu de Dieu ; toutefois ils ont encore à connaître le Fils comme venant de la part du Père, Celui qui, pendant qu’il était avec eux, leur avait manifesté le Père. Le moment était venu pour lui de s’en aller auprès du Père ; mais il reviendrait pour les introduire dans la maison du Père. C’était ces grandes choses, ce fruit de son amour, que le Prophète divin leur révèle ici ; elles étaient encore pour eux des choses étranges.

Dans cet entretien cependant, le cours des pensées de notre Seigneur n’est qu’un instant interrompu par les défectueuses conceptions juives de ses disciples. Son but est de les élever jusqu’à la conscience de leur appel comme Église de Dieu et de les consoler de cette manière ; et il poursuit ce but avec persévérance, lors même que, par moments, il doit les reprendre à cause de la lenteur de leurs cœurs. C’est ainsi que dans l’interruption causée par Pierre, le Seigneur, en lui répondant, est amené à s’occuper de l’infidélité et du reniement de son disciple et à les prédire ; mais cela ne change en rien le cours de ses préoccupations bienveillantes à son égard et à l’égard des autres. « Que votre cœur ne soit pas troublé », dit ce maître plein de grâce, immédiatement après avoir averti Pierre du péché dans lequel il allait tomber. Il en est de même à la fin de l’entretien. Il avait à leur dire que l’heure était venue, à laquelle ils seraient dispersés « chacun chez soi », et qu’ils « le laisseraient seul » ; mais sans permettre que rien n’interrompe un seul instant l’effusion de son amour envers eux, il revient aussitôt à ses pensées et leur dit : « Je vous ai dit ces choses, afin qu’en moi vous ayez la paix. Vous avez de la tribulation dans le monde ; mais ayez bon courage, moi j’ai vaincu le monde ».

Et dès lors, bien-aimés, il en a toujours été de même. Il se peut que nous ayons besoin d’être avertis par le cri du coq et de sortir pour pleurer sur notre conduite — le cœur de Jésus ne revient jamais sur les intentions de sa bonté envers nous. Son but est de bénir, et il bénira ; son but est de sauver, qui l’en empêchera ? Il n’a pas aperçu d’iniquité chez les siens. Ils auront la paix, accomplie par sa mort ; la vie leur sera apportée par sa résurrection, et la gloire plus tard, par sa venue. Ce sont là les bénédictions qui les attendent et, quoique leur cœur pesant et leurs misères rendent la chose difficile, Jésus les leur annonce, afin qu’ils soient consolés sous le poids de leur tristesse en le voyant partir.


Les œuvres que Jésus a faites sont reconnues dans l’évangile de Matthieu comme étant les œuvres du Fils de David (Matt. 12). Elles sont le sceau de son caractère de Messie. Ici le Seigneur les place devant les disciples comme le sceau de son caractère de Fils du Père. Il voulait qu’on vît en elles non seulement la preuve qu’il pouvait établir le royaume d’Israël, selon les promesses des prophètes (És. 35), mais aussi le témoignage qu’il était le dispensateur de la grâce et de la puissance du Père ; car il dit : « Croyez-moi, que je suis dans le Père, et que le Père est en moi ; sinon croyez-moi à cause des œuvres elles-mêmes ». Cela répond parfaitement au caractère de l’évangile de Jean. Et les « œuvres plus grandes » qu’aussitôt il mentionne — ces œuvres que feraient ceux qui croyaient en lui, devaient avoir, je suppose, le même caractère ; elles auraient la saveur de la grâce du Père, en amenant de pauvres pécheurs perdus à la liberté d’enfants de Dieu, comme Paul le dit : « Moi je vous ai engendrés dans le Christ Jésus par l’Évangile » (1 Cor. 4:15) ; et il en est toujours de même. Des pécheurs sont encore introduits dans la liberté d’enfants bien-aimés.

« Je ne vous laisserai pas orphelins », dit le Seigneur ; « je viens à vous ». — « Parce que moi je vis, vous aussi vous vivrez ». Pour eux, jamais la situation d’orphelins ; point de lamentations comme il y en avait eu en Israël parce que le peuple était sans père (Lam. 5). L’adoption des saints, pendant qu’Israël est orphelin, est mise en évidence ici par le Seigneur, dans des termes d’une portée merveilleuse et profonde. Ils devaient apprendre qu’il était dans le Père et eux en lui et lui en eux. Le Père, toujours le Père, tel est le thème constant des paroles de Jésus et le faix d’amour dont il nous charge.

Il y a un mouvement du Seigneur que je ne dois pas passer sous silence. À la fin du chapitre 14, il dit : « Je vous laisse la paix ; je vous donne ma paix », leur faisant comprendre qu’avant de quitter ce monde, il laisserait après lui sa paix — la paix accomplie par sa mort pour eux, pécheurs. Et après leur avoir ainsi parlé de paix, il dit : Levez-vous, partons d’ici » ; ce qui peut nous faire supposer qu’ils se levèrent tous de la table pascale, pour s’en aller du côté de la montagne des Oliviers. C’est en ce moment qu’il se déclare à eux comme source et puissance de vie ici-bas, en disant : « Moi, je suis le cep, vous, les sarments ».

Il y a dans l’ensemble de tout ceci une signification d’une beauté particulière. Jésus demeure assis à la table du souper, jusqu’au moment où la paix est prononcée, car sur cette table les gages de paix étaient encore présents ; mais en se levant, il parle à ses disciples de la vie qu’ils sauraient être en lui, élevé au dessus du pouvoir de la mort, en lui, le vrai cep. Et il leur dit qu’il n’y a pas d’autre vie que celle-là ; car il ajoute : « Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors comme le sarment, et il sèche ». Et leur ayant ainsi révélé la seule source de la vie, il leur expose les joies et les saintes prérogatives de cette vie. Il leur apprend qu’ils auraient sa propre joie — la joie du Fils — accomplie en eux-mêmes ; que de plus, ils seraient amenés à l’honneur et à la grâce d’être les amis de leur Seigneur, et qu’ils auraient la preuve que sa gloire et leur bénédiction étaient devenues un seul et même intérêt. En outre, le Seigneur fait entendre ici que la préoccupation actuelle du Père est la beauté et la fertilité du cep ; qu’il veut glorifier Jésus comme chef de vie, ainsi qu’il le glorifiera plus tard comme chef sur toutes choses.

Ceci dévoilait aux disciples d’immenses richesses de grâce. En même temps toutefois, le Seigneur leur dit que l’union avec lui allait les séparer du monde ; qu’être ses amis les exposerait à la haine des hommes, qui manifesteraient bientôt toute leur inimitié contre Dieu et ensuite contre eux. La révélation du Père, dans le Fils et par le Fils, était sur le point d’être complètement rejetée du monde. C’était, en effet, de la haine, une haine sans cause, une haine en réponse à l’amour. La croix de Christ allait montrer qu’au plus grand amour de Dieu avait répondu la plus grande haine de l’homme. Ne connaissant pas le Père, il y aurait encore du zèle pour Dieu, et on croirait rendre service à Dieu en mettant à mort les enfants du Père ; car on peut être zélé pour la synagogue et même pour le Dieu de la synagogue, tout en restant éloigné de l’esprit de la dispensation qui déploie des richesses de grâce et révèle le Père dans le Fils.

Cependant la perspective des souffrances que ses saints pourraient endurer de la part du monde, conduit le Seigneur à développer, d’une manière encore plus précieuse, le ministère en eux et par eux du Consolateur promis. Il leur apprend que le consolateur tiendrait pour eux contre le monde, convainquant celui-ci de péché, de justice et de jugement ; qu’en même temps, il habiterait en eux comme le témoin de l’amour de leur Père, et de la gloire de leur Sauveur. Le Seigneur leur fournit cette consolation pour le jour auquel ils éprouveraient la haine du monde.

Je ferai observer que, selon la promesse qui est ici, l’Esprit serait envoyé de la part du Père. Dieu avait approuvé Jésus le Nazaréen (Actes 2) ; et, en donnant le Saint Esprit, le Père faisait connaître l’agrément de sa pensée avec la présence ici-bas du Consolateur. Remarquez le caractère de cette présence de l’Esprit dans l’Église, immédiatement après qu’il eut été donné. Quelle huile de joie, quel esprit de liberté, quelle largeur de cœur, il produisit chez les saints ! Jésus avait reçu le Saint Esprit dans les hauts lieux, où lui-même avait été rassasié de la joie de la face de Dieu ; et en le donnant de là, l’Esprit se manifeste en conséquence, et communique aussitôt quelque chose de cette joie de la face de Dieu, dans laquelle le Seigneur venait d’entrer. Les foules reçurent la parole avec joie, les disciples prenaient leur nourriture avec joie et louaient Dieu. Et cette joie d’en haut pouvait aisément tarir des joies qui n’avaient leur source que dans les choses humaines. Le Saint Esprit en eux était joie, liberté, largeur de cœur. C’était l’Esprit du Père. C’était le reflet ici-bas, sur les saints, de cette lumière qui avait brillé sur Jésus dans le saint des saints. L’huile avait découlé de sa tête jusque sur le vêtement.

Nous ne pouvons, en vérité, nous faire qu’une faible idée de la valeur d’une dispensation comme celle que le Consolateur allait introduire, et du changement qu’elle apportait pour une âme placée sous l’esprit de servitude qu’engendre la loi. Que de pensées au sujet d’un jugement à venir allaient disparaître ! Que de terreurs de la mort devaient céder, devant la conscience d’avoir déjà maintenant la vie dans le Fils de Dieu ! Que serait-ce, sinon l’onction d’une huile de joie ? En entendant ces choses, les disciples étaient formés pour cette joie et cette liberté. La chaire de Moïse cédait la place ; le Fils, dans ses discours, conduit les enfants dans le chemin de la maison du Père, loin de ces tuteurs et gouverneurs qui n’enseignaient que des rudiments ; et bientôt ils seraient arrivés jusqu’auprès du Père même, pour connaître, par le Saint Esprit, la liberté et la joie de l’adoption.

Telle était cette heure pleine d’intérêt pour l’Église : le Saint Esprit, le témoin du Père et du Fils, et ainsi l’Esprit d’adoption, allait être communiqué, et les disciples étaient conduits hors de l’école de la loi, pour l’attendre. Le Saint Esprit allait remplir le cœur des saints de pensées bénies, au sujet du Père, du Fils et des intérêts de l’Église. Et c’est ce qu’il fait dans la dispensation où nous sommes. Il nous parle comme le Seigneur dit qu’il le ferait — des délices que le Père trouve dans le Fils, de son dessein de le glorifier, et de notre place dans ces délices et dans cette gloire. Il prend de ces choses et d’autres semblables et nous les annonce.

Voyez Genèse 24, passage bien connu et très goûté. Il montre l’élection d’une Épouse pour le Fils par le Père ; — mais la place occupée par le serviteur est précisément celle du Saint Esprit dans l’Église ; il pourvoit, comme en grâce divine, à la joie du Fils et de l’Église, en accomplissant les intentions de l’amour du Père. Dans ce tableau, le serviteur d’Abraham dit à Rebecca comment Dieu a fait prospérer son maître ; de quelle faveur et de quel amour Isaac était l’objet ; comment il avait été « l’enfant de la vieillesse », et comment Abraham lui avait donné tout ce qu’il possédait. Il lui découvre les conseils, pris par Abraham, concernant une épouse pour ce fils bien-aimé, et il lui montre clairement qu’elle-même a été élue de Dieu pour remplir cette place honorée et sainte. Et il termine en plaçant sur elle les gages de cette élection et de l’amour d’Isaac.

Rien n’est plus doux et plus significatif que cette scène. Puissent nos cœurs, en jouissant de la réalité dont elle est un signe, en ressentir la puissance par le Saint Esprit, comme Rebecca dut l’éprouver par les discours du serviteur d’Abraham. C’était parce qu’il avait rempli ses pensées d’Abraham, d’Isaac et de la part qu’elle aurait, qu’elle s’était trouvée prête à traverser le désert seule avec cet étranger. Son cœur avait été formé par ces pensées, et elle avait pu quitter son pays, sa parenté, la maison de son père, en disant : « J’irai ». De même, la pensée de l’amour de notre Père céleste, et des délices que notre Isaac trouve en nous, peut maintenant encore produire dans nos cœurs cette sainte décision qui rompt tout autre lien et laisse tout pour être avec lui. La communion avec le Père et avec le Fils, par le Consolateur, est la voie sainte qui doit distinguer l’Église d’avec le monde. Il se peut que la crainte d’un jugement à venir amène jusqu’à un certain point une séparation d’avec le monde, ou bien que l’orgueil du pharisien produise une séparation religieuse ; toutefois c’est la connaissance présente de l’amour du Père et l’espérance des gloires futures du Fils, qui seules peuvent opérer une séparation réelle et selon Dieu d’avec le courant et l’esprit du monde.

L’amour du Père, dont le Consolateur rend témoignage, est un amour immédiat (16:26, 27). C’est l’amour de Dieu qui a visité le monde, quand il fut manifesté dans le don du Fils ; et dès l’instant que cet amour est cru, et que le message de la réconciliation, qui procède de cet amour, a été accepté, les croyants ont droit, par les richesses de la grâce, à connaître l’amour du Père, pour en jouir comme d’un amour immédiat. C’est de cet amour du Père et de la gloire du Fils, que le Consolateur nous entretient le long du chemin. Le Consolateur nous accompagne pendant tout le trajet et voilà de quoi il nous occupe.

Sans doute, le serviteur d’Abraham, en marchant avec Rebecca à travers le désert, a continué à lui parler de son maître, ajoutant bien des détails à ce qu’il lui avait déjà dit en Mésopotamie ; car il possédait la confiance de son maître qu’il avait connu depuis le commencement. Il savait quel était son désir pour son fils, et connaissait la promesse et la fidélité de Dieu. Il savait la victoire d’Abraham sur les rois, et la délivrance de Lot, ainsi que la rencontre avec Melchisédec. Il connaissait l’alliance, le gage de l’héritage. Il savait le renvoi d’Ismaël hors de la maison où Isaac avait dès lors habité sans rival. Il savait le voyage mystérieux à Morija, Isaac en étant revenu comme vivant d’entre les morts. Toutes ces choses il les savait, et sans doute il en parlait à Rebecca pendant qu’ils voyageaient ensemble ; et par ces souvenirs et ces perspectives, il entretenait l’intérêt du voyage et encourageait Rebecca, bien que, pour elle, pays et maison paternelle fussent laissés sans retour.

Chers amis, si nous marchions plus réellement dans la communion du Saint Esprit, combien notre chemin en deviendrait aisé ! et combien ses communications à l’âme, de l’amour et de la gloire concentrés dans le Père et dans le Fils — mais ouverts à notre foi — rempliraient nos cœurs de joie et de courage ! Qu’il en soit ainsi de plus en plus pour nous, ton peuple, glorieux Sauveur !


3.3 - Chapitre 17

Après les avoir ainsi encouragés par la connaissance de leur position comme famille du Père, et leur avoir donné toutes les consolations de sa grâce en vue de son départ, le Seigneur manifeste ici un de ses ministères sacerdotaux, comme il l’avait fait au chapitre 13. Les ministères sont différents entre eux, mais réunis, ils présentent l’ensemble de ses voies comme notre Avocat dans le sanctuaire céleste. Si, au chapitre 13, le Seigneur semblait poser une main sur les pieds souillés de ses saints, ici il pose l’autre sur le trône du Père, formant ainsi une chaîne merveilleuse qui s’étend de Dieu jusqu’aux pécheurs. Au chapitre 13, son corps est ceint et il se baisse vers nos pieds ; ici, il lève les yeux au ciel et contemple la face du Père. Quelle est la demande, présentée par Celui qui remplit toute la distance entre le trône resplendissant du Père et nos pieds vils, qui puisse essuyer un refus ? Tout lui est accordé : sa voix est toujours écoutée !

Nous trouvons donc ici la pleine suffisance et l’acceptation de l’Avocat, et nous avons à remarquer l’ordre dans lequel il présente ses requêtes et établit ses droits devant le Père.

Premièrement, il demande ce qui concerne la gloire du Père lui-même : « Père, l’heure est venue ; glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie ». Sa première pensée est le Père ; comme déjà il avait enseigné ses disciples, lorsqu’ils adresseraient leurs prières, à dire dès le début : « Notre Père qui es dans les cieux, que ton nom soit sanctifié ! ».

Le Seigneur met la vie éternelle entre les mains du Père, en disant : « Comme tu lui as donné autorité sur toute chair, afin que, quant à tout ce que tu lui as donné, il leur donne la vie éternelle ». Notre Médiateur s’incline ainsi devant la vérité de Dieu, que Satan avait anciennement calomniée, et que l’homme avait mise en doute (Gen. 3) ; puis il ajoute : « Et c’est ici la vie éternelle, qu’ils te connaissent seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ » ; reconnaissant que maintenant la vie ne peut être obtenue que par la rédemption ; que cette vie n’est pas celle d’une simple créature, mais d’une créature rachetée, vie recouvrée pour nous de la puissance de la mort, par la grâce du Père et du Seigneur Jésus Christ, le Sauveur.

Secondement, il revendique sa propre gloire : « glorifie-moi, toi, Père, auprès de toi-même, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde fût » ; et il fonde son titre sur ce qu’il a achevé l’œuvre qui lui avait été donnée à faire : « Moi, je t’ai glorifié sur la terre, j’ai achevé l’œuvre que tu m’as donnée à faire ». Car dans cette œuvre, aucune tache ne s’était glissée ; en elle, Dieu trouvait une pleine satisfaction ; il pouvait se reposer, et comme dans la création, il pouvait contempler l’œuvre et dire : Voilà, c’est très bon. Dans cette œuvre, Dieu retrouvait un sabbat.

C’est l’assurance du croyant de savoir que son salut dépend d’une œuvre accomplie, dans laquelle Dieu flaire « une odeur agréable » (ou : de repos) (Gen. 8:21). Au commencement, après avoir terminé l’œuvre de la création, Dieu sanctifia le septième jour, se reposant avec une pleine satisfaction dans tout ce que sa main avait créé. Mais l’homme troubla ce repos, de sorte que Dieu se repentit d’avoir créé l’homme sur la terre. Plus tard, l’Éternel institua un autre repos : il éleva un tabernacle dans le pays de Canaan, et offrit à Israël une place dans ce repos, en leur donnant le sabbat (Ex. 31). Ce repos en Canaan fut assuré à Israël, d’abord par l’épée de Josué (Josué 21 ; 23), et ensuite, sous le règne de Salomon (1 Chron. 22). Mais Israël, comme Adam, troubla ce repos ; le pays ne garda pas ses sabbats, à cause de la méchanceté de ceux qui y habitaient (2 Chron. 36) ; et maintenant le Dieu bienheureux a trouvé un autre repos ; un repos qui ne peut être ni perdu, ni troublé. Dans l’œuvre accomplie par le Seigneur Jésus Christ (et qu’il présente ici à son Père), Dieu se repose de nouveau avec une pleine satisfaction, comme dans ses propres œuvres d’autrefois. Cette œuvre accomplie répond de toute manière à sa pensée. Dans la résurrection de Christ, le Père a dit : Voilà, tout est très bon, car la résurrection signifie cela. Cette œuvre est son repos à toujours ; il y trouve toutes ses délices ; ses yeux et son cœur sont là toujours. L’œuvre de Christ, faite pour des pécheurs, a donné à Dieu un repos, pensée remplie de douceur pour le cœur. Et lorsque la foi apprécie le sang selon sa juste valeur, c’est-à-dire selon la valeur que Dieu lui donne, l’âme connaît le repos, le repos de Dieu lui-même.

Cependant, c’est alors que le saint, le croyant, commence son labeur. Aussitôt que je possède le repos comme pécheur, j’entre dans le travail comme saint. Le repos pour le saint est un repos qui reste à venir ; c’est pourquoi il est écrit : « Appliquons-nous donc à entrer dans ce repos-là, afin que personne ne tombe en imitant une semblable désobéissance » (Héb. 4:11). Le pécheur se repose maintenant, le saint travaille, et travaillera jusqu’à ce que vienne le royaume.

Troisièmement, Jésus prie pour les siens. Il demande qu’ils soient gardés en le nom du Père et sanctifiés par la vérité du Père, afin qu’ils soient un dans la communion de la joie du Fils dès à présent ; et il demande qu’ils soient avec lui là où il est, qu’ils voient sa gloire, et soient un avec lui dans sa gloire quand le moment viendra. Ce sont des demandes d’une grande portée. L’Avocat céleste voulait que tous ses saints fussent un. — Cette unité, toutefois, ne me paraît pas être celle qu’on entend généralement, c’est-à-dire la manifestation d’une unité ecclésiastique. C’est l’unité des saints, dans la connaissance personnelle et la communion du Père et du Fils ; unité en esprit, dans l’esprit de leur entendement, chacun d’eux ayant reçu l’esprit d’adoption : grâce et puissance qui appartiennent à la présente dispensation, laquelle le Fils allait introduire ; et il désire que cet esprit ait son action dans le cœur de chacun des élus et de tous ceux qui devaient être rassemblés.

Cela a-t-il manqué ? Impossible. Toutes les épîtres rendent témoignage du contraire. Partout nous trouvons les saints, Juifs et Gentils, en tout lieu, considérés comme gardés par le Père en son propre nom, gardés comme des fils, comme étant « rendus agréables dans le Bien-aimé », comme ayant « l’esprit d’adoption », comme réunis pour parvenir « à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu ». Ces déclarations nous assurent que le désir du grand Avocat a été entendu, chacun des croyants ayant la joie du Fils accomplie en lui-même, et tous ainsi étant un dans l’esprit de leur entendement. Ce désir, j’en suis certain, ne se rapportait à aucun ordre de choses ecclésiastique. Les chrétiens, en le supposant, ont tenté bien des efforts humains. Ils s’accusaient de ce qu’ils ne répondaient pas à la prière du Seigneur, et ils en sont venus à l’usage de moyens pour la produire. Mais cette prière a-t-elle besoin du concours des saints, je le demande ? Ne s’adressait-elle pas au Père, pour ce qui ne dépendait que du bon plaisir, de la puissance, et du don du Père ? Assurément. Elle fait appel au Père, lui demandant de garder les élus en son nom, de les sanctifier par sa vérité, et de leur donner la joie du Fils, afin que chacun d’eux eût cette joie en lui-même.

Ce désir a été réalisé. L’Esprit du Fils est là pour tous les saints et pour chacun d’eux, et ils sont un dans cet Esprit et dans cette joie. Quand le moment arrivera, nous verrons s’accomplir toutes les autres demandes du chapitre. Tous ceux qui doivent recevoir le témoignage n’ont pas encore été appelés ; la gloire n’a pas été manifestée et ne leur a pas été communiquée encore, de sorte que, jusqu’à présent, le monde n’a encore ni cru ni connu que le Père a envoyé le Fils. Jusqu’à présent, le monde ne connaît pas les saints (1 Jean 3). Mais ces demandes auront leur réponse, quand le temps sera là. De même aussi pour la vue de la gloire. Pour autant que nous avons pénétré dans la dispensation divine, les désirs du Seigneur ont reçu leur réponse ; le reste attend son heure.

Pour nous toutefois, bien-aimés, il est doux de trouver que le Seigneur fonde ces glorieuses demandes en faveur des saints, uniquement sur le fait qu’ils avaient reçu le témoignage du Fils au sujet du Père, et qu’ils avaient vraiment cru à l’amour du Père. « Je leur ai donné les paroles que tu m’as données, et ils les ont reçues ; et ils ont vraiment connu que je suis sorti d’auprès de toi, et ils ont cru que toi tu m’as envoyé ».

Qu’il est précieux de voir que nous sommes présentés devant Dieu simplement comme croyant à son amour ! Avec quelle certitude cela nous dit que le bon plaisir de Dieu est que nous le connaissions dans son amour, comme le Père ; que nous le connaissions selon les paroles de Celui qui est venu d’auprès de lui ! C’est la joie et la liberté. En effet, ce n’est que d’avoir vu Dieu en amour, d’avoir vu et entendu le Père en Jésus, qui fait de nous sa famille. Ce ne sont pas les grâces qui nous parent, ni les services que nous accomplissons, c’est uniquement que nous connaissons le Père. Voilà ce qui distingue le saint d’avec le monde, et lui donne, quoique ici-bas, sa position dans la présence du Père. Ainsi que le Médiateur le dit au Père en parlant de nous, c’est uniquement en ce que nous avons reçu sa parole, reçu du Fils le témoignage d’amour qu’il a apporté du sein du Père.

Ainsi l’Avocat divin accomplit son office devant le trône. La gloire du Père, la sienne propre, celle de son peuple, à toutes il est pourvu, et toutes sont assurées. Après qu’il a ainsi épanché son cœur, il soumet « le monde », le grand ennemi, à l’attention du Père juste. « Père juste ; — et le monde ne t’a pas connu ». Car le monde venait de prouver qu’en effet il ne connaissait pas le Père, qu’il haïssait Celui que le Père avait envoyé, et le Seigneur se sépare du monde et en sépare aussi les siens. Il n’appelle pas le jugement sur le monde ; il en parle comme d’une chose dont il n’avait pas à s’occuper, étant notre Avocat ; il remet le monde à l’attention du « Père juste », à qui le jugement appartient.

Le Seigneur présente le monde simplement comme ne connaissant pas le Père. Il n’expose pas devant le trône les péchés du monde ; il le mentionne comme ne connaissant pas le Père. De même, en parlant de l’Assemblée, il ne met pas en avant ses grâces et ses services, comme nous voyons, il dit simplement qu’elle a connu le Père. Car, ainsi que la connaissance du Père fait l’Église ce qu’elle est, c’est l’ignorance du Père qui fait le monde ce qu’il est. Le monde refuse de connaître le Père de manière à se réjouir en lui. Il veut se créer ses propres plaisirs et puiser à ses propres ressources ; il veut tout, sauf les réjouissances de la maison du Père (Luc 15). Le monde a été formé par Satan dans le jardin d’Eden. C’est là que le serpent trompa la femme ; et comme il fut écouté et qu’on lui parlait, il façonna le cœur de l’homme à sa propre image. L’histoire et la nature de cette œuvre mauvaise nous sont racontées dans le chapitre 3 de la Genèse. L’amour de Dieu et les paroles de Dieu furent calomniés par l’Ennemi ; et l’homme crut le mal et fit Dieu menteur. La convoitise de la chair, la convoitise des yeux, et l’orgueil de la vie furent plantés dans l’âme comme des puissances dominantes, et alors l’homme, ayant une conscience, eut peur de Dieu et l’évita. Cela devint la condition de l’homme. L’homme et la femme s’aperçurent qu’ils étaient nus, et se cachèrent parmi les arbres du jardin quand ils entendirent la voix de Dieu. Puis ils trouvèrent des excuses pour se justifier et accuser Dieu. « Le serpent m’a séduite, et j’en ai mangé », dit Eve. « La femme que tu m’as donnée pour être avec moi, elle, m’a donné de l’arbre, et j’en ai mangé », dit Adam.

Tel fut l’homme alors, et tel a été le monde depuis. L’homme est gouverné par ses convoitises ; en même temps il a peur de Dieu et se tient loin ; et son cœur pense dans le secret, que tout ce mal vient de Dieu.

C’est d’un monde pareil que, en esprit et par vocation, les saints sont délivrés ; et le monde lui-même est abandonné au jugement. « Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde ». Le monde n’avait rien en Jésus. Quand le chef du monde vint, il n’obtint du Seigneur que le témoignage qu’il aimait le Père, et ferait comme le Père lui avait commandé. Et les saints ont quitté le monde. À la voix du Fils, ils en sont sortis. L’amour du Père envers eux leur a été annoncé, ils y ont cru, et ont marché à sa bienfaisante clarté. C’est donc la foi au message d’amour que le Fils nous a apporté du sein du Père, c’est cela précisément, qui fait des saints ce qu’ils sont : une élection hors des régions ténébreuses où le monde gît loin de Dieu, où l’esprit du monde a son action. Et, comme nous l’avons déjà vu, c’est le refus d’écouter ce message qui fait que le monde demeure toujours le monde. « Père juste, le monde ne t’a pas connu » ; car les hommes n’ont qu’à recevoir la parole de réconciliation de la part de Dieu, à croire à son amour, manifesté dans le don de son Fils, et ils prennent place dans la famille de Dieu, au nombre des élus « rendus agréables dans le Bien-aimé ».


Ici se termine la troisième section de notre Évangile. Nous avons vu Jésus, le Fils du Père, comme notre Avocat, accomplissant sans relâche son service envers nous ; — et ensuite, le Fils du Père, révélant le Père à ses enfants. Le Dieu béni avait pris le nom d’Éternel dans ses relations avec Israël, et se l’était acquis par des signes et des miracles, opérés en Égypte et dans la terre de Canaan (Jér. 32) ; maintenant il a pris un nom d’une grâce plus riche, le nom de « Père ». Et ce nom, il l’établit dans la personne et l’œuvre du Fils de son amour. Le Saint Esprit réalise dans le cœur des enfants de Dieu la puissance de cette grâce.

Ce sont là tes voies, notre Dieu et Père ! mais combien peu nos cœurs fermés savent te comprendre et jouir de Toi !

Cependant, avant d’entrer dans la dernière partie de notre Évangile, je désire faire remarquer que les écrits de Jean mettent devant nous quelque chose de spécialement personnel, soit en Christ premièrement, soit aussi en nous, par suite du propos divin. Nous rencontrons cela dès le début, dans cet Évangile. Le monde n’a pas connu Celui qui l’avait créé ; Israël n’a pas reçu Celui à qui il appartenait, mais « à tous ceux qui l’ont reçu, il leur a donné le droit d’être enfants de Dieu ». Voilà ce que nous lisons dans le premier chapitre. L’Évangile vient jusqu’à nous, pour nous rencontrer dans notre place de perdition ; il s’adresse à nous dans notre caractère de pécheurs, victimes du mensonge du serpent ancien. Il ne s’adresse pas à nous comme nous trouvant dans une condition exceptionnelle, mais comme nous rencontrant là où la commune corruption de la nature nous a conduits, dans ces « ténèbres », cet éloignement de Dieu, que notre chute du commencement a amenés.

Quel caractère distinctif cela donne aux écrits de Jean ! Que nous ouvrions l’Évangile ou les Épîtres, partout nous lisons que nous devons avoir, et connaître que nous avons, chacun de nous, notre place et notre intérêt devant le Dieu vivant. Et, en accord avec cela, nous remarquons, dans la manière de faire du Seigneur, quelque chose de particulier à cet Évangile, et qui fait partie de cette personnification marquée dont je veux parler.

Au début, pendant le ministère public de Jésus, les apôtres sont tenus à quelque distance de lui ; puis après, dans les entrevues et les discours du Seigneur avec eux, ils se trouvent avec lui dans une grande intimité. Pendant son ministère public, Jésus est remarquablement seul dans son travail, ainsi que je l’ai déjà fait observer. Il n’appelle point les soixante-dix disciples, comme dans les autres Évangiles, pour être ses compagnons dans son ministère ; il est seul avec les pécheurs, réglant avec eux les grands intérêts de leurs âmes, dans la puissance et la grâce du Fils de Dieu. Il est doux de le remarquer. C’est une précieuse pensée pour nous, pécheurs, de nous trouver seuls avec Jésus, sans que des apôtres et des églises, des frères ou des ordonnances aient à voir en ce qui doit décider de notre bonheur personnel pour l’éternité. La fontaine de Samarie, où le Fils du Père rencontre la pécheresse, fut pour elle un endroit aussi solitaire que Luz l’avait été pour Jacob jadis ; mais comme Luz pour Jacob, il devint Béthel aussi pour elle, la porte même du ciel.

Cependant, la distance où le Seigneur se tenait des apôtres, la solitude du Fils de Dieu avec le pécheur, était l’effet de son amour pour les pécheurs, et ne provenait d’aucun éloignement pour ses disciples. Jésus aimait ses serviteurs et ses compagnons, et ne songeait point à leur refuser une part dans son service et à ses récompenses. Mais il devait s’occuper du pauvre pécheur, et ne voulait pas le priver de la consolation de régler ses intérêts éternels avec le Seigneur seul.

Ce ministère public prend fin au chapitre 10. Le fruit de la grâce ayant été scellé aux pécheurs, dans sa saison, Jésus quitte ce service extérieur et s’occupe des siens dans l’intimité. Nous voyons qu’il les rapproche de lui-même plus près que jamais, aussi près qu’il le peut, aussi près que l’affection pouvait le souhaiter.

Après le départ de Judas (13), quand tout est fini entre Jésus et ce qui l’entoure, et qu’il peut être seul avec ses disciples, comme il l’a été avec les pécheurs, nous le trouvons avec eux dans l’intimité la plus étroite et la plus précieuse. Il s’ouvre à eux, comme dans le sein d’une famille, laissant s’épancher l’abondance de son cœur. Il parle du Père, de la maison du Père, de l’amour du Père, des secrets du Père, promettant que le Consolateur rendrait ces choses efficaces pour leurs âmes, et que lui-même, bien qu’éloigné, se souviendrait d’eux et les servirait.

Quelle vision que celle qui passe devant nous, à mesure que nous avançons dans cet Évangile ! Si la solitude du Fils de Dieu avec le pécheur donnait à celui-ci de se sentir comme à la « porte des cieux », l’intimité du Fils du Père avec ses élus, qu’est-elle pour les saints, sinon le ciel même ?

L’évangile de Jean est, en effet, l’évangile des intimités du Fils de Dieu, avec le pécheur d’abord, avec le disciple ensuite. Cette pensée est précieuse au-delà de toute expression ; si seulement nous avions des cœurs ouverts et tendres pour la recevoir ! Tout est grâce ; et la grâce aime à déployer la diversité de ses voies et la richesse de ses ressources. Que ne sommes-nous simples et pleins de foi, et capables ainsi de rechercher de pareils secrets et de semblables trésors !


4 - Chapitre 18 à 21

J’ai suivi cet évangile dans l’ordre qui lui appartient, jusqu’à la fin du chapitre 17, le divisant jusqu’ici en trois sections principales : la première, qui introduit le Seigneur Jésus Christ comme le Fils de Dieu, l’Étranger venu du ciel, et montre sa réception et son action dans le monde ; la seconde, qui expose ses rapports et ses controverses avec Israël ; la troisième, qui le fait voir au milieu de ses élus, les enseignant dans le mystère de sa sacrificature céleste et de leur position d’enfants du Père. Il me reste à considérer une quatrième section, qui nous parle de ce qui a accompagné la mort et la résurrection du Seigneur. Puisse l’entrée de ses paroles continuer de nous illuminer, et apporter à nos âmes un parfum du Bien-aimé dont elles nous entretiennent !

Mais pendant que nous nous occupons ainsi à découvrir l’ordre de la Parole divine, et que nous sommes conduits à nous étonner devant ses profondeurs et à admirer sa beauté, il faut nous rappeler que c’est sa vérité que nous avons à considérer avant tout. C’est lorsque la Parole vient à nous avec une « plénitude d’assurance » qu’elle agit efficacement. Elle ne profite pas si elle n’est pas mêlée avec la foi. Son pouvoir, pour nous réjouir et nous purifier, dépend de ce qu’elle est reçue comme la vérité ; aussi, en découvrant et en savourant, dans la communion mutuelle, les beautés, les profondeurs et les merveilles de la Parole, il sera bon de nous arrêter quelquefois pour nous dire, comme l’ange le disait à l’apôtre, étonné des visions magnifiques et des révélations étonnantes qu’il avait vues et entendues : « Ce sont ici les véritables paroles de Dieu » (Apoc 19:9).

La partie de l’Écriture à laquelle nous sommes parvenus, présente le Seigneur Jésus Christ dans ses souffrances. Toutefois, ce n’est pas d’elles qu’il est préoccupé dans l’évangile de Jean, où il semble ne pas être atteint par les accusations du peuple et la réjection du monde. Aussi, remarquons-nous, à l’approche de la fête de Pâque, bien que dans les autres Évangiles il paraisse pénétré de ce qu’il est l’Agneau choisi pour le sacrifice, et qu’il dise à ses disciples : « Vous savez que la Pâque est dans deux jours, et le Fils de l’homme est livré pour être crucifié » (Matt. 26:2) — qu’il n’en est pas ainsi dans le récit de Jean. Quand le moment est venu, il monte à Jérusalem, mais pour aller s’asseoir en paix au milieu d’une famille élue (12) ; et toute la suite est sur ce pied. Est-il seul avec ses disciples, on le voit au-dessus des souffrances et du monde. Il ne leur parle pas des Juifs qui le livreraient aux Gentils, et des Gentils qui le crucifieraient ; il ne dit pas qu’il sera raillé et fouetté, et qu’on lui crachera au visage. Tout cela est passé sous silence. Les choses que le Fils de l’homme aurait à souffrir par les mains d’hommes iniques, ne sont pas racontées. D’autre part, il regarde l’heure des ténèbres comme déjà passée, et dès que nous le trouvons seul avec ses élus, il prend sa place au-delà de cette heure (13). Gethsémané et le Calvaire sont derrière lui, et il se voit parvenu au moment, non du jardin et de la croix, mais de la montagne des Oliviers, le moment de son ascension ; car notre Évangile dit : « Or Jésus, sachant que son heure était venue pour passer de ce monde au Père » ; et ces paroles montrent clairement qu’il n’était pas occupé de ses souffrances, mais du ciel du Père qui était au delà. Ce n’est pas le mémorial de sa mort, c’est celui de sa vie dans le ciel qu’il déploie devant ses disciples, comme nous l’avons vu ; car, après le souper, il lave leurs pieds. Et tous ses discours avec ses bien-aimés, plus tard (14-16), ont ce même caractère. Tous supposent que ces souffrances sont passées — qu’il a fini sa course — qu’il s’est trouvé en face du chef du monde et qu’il l’a vaincu — qu’il est demeuré dans l’amour du Père, et que tout est prêt pour qu’il soit glorifié. Les paroles qu’il leur dit supposent ces choses ainsi ; et sur ce fondement il fortifie les saints pour vaincre comme il a vaincu. Au lieu de leur parler de ses souffrances, son but est de les encourager dans les leurs. Il leur donne la paix, avec la promesse d’un Consolateur et de la gloire qui viendrait après. Et lorsque, comme poussé par l’état de leurs âmes, il leur dit qu’ils allaient le laisser seul, c’est avec cette assurance : « Et je ne suis pas seul, car le Père est avec moi ». De même en est-il lorsqu’il sépare Judas des autres disciples ; nous lisons qu’il « fut troublé dans son esprit » ; mais aussitôt que le traître est sorti, il se retrouve dans sa grandeur, et il dit : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui ». Ainsi, quand son âme passe par l’angoisse ou la douleur, ce n’est que pour un instant, et seulement pour lui découvrir une vue plus complète de la gloire qui est au-delà.

La même chose encore, quand il descend dans les profondeurs les plus sombres de son chemin solitaire. La force l’accompagne jusqu’au bout, et la gloire est toujours devant lui ; de sorte que, soit qu’il travaille, qu’il rende témoignage ou qu’il souffre, il reste, dans l’évangile de Jean, à l’élévation qui est celle du Fils de Dieu. Il poursuit sa marche dans la conscience de sa dignité ; il prend la coupe de la main du Père, et laisse sa vie de lui-même.


4.1 - Chap 18 et 19

Nous nous rappellerons qu’au chapitre 17, nous avons vu notre Avocat dans le sanctuaire céleste, présentant ses requêtes ; maintenant il descend de là, pour se trouver devant l’heure de la puissance des ténèbres. Au chapitre 17, son cœur et ses regards avaient été remplis de la gloire du Père, de la sienne propre, de celle de l’Église ; et de ces choses, devant lui placées en esprit, au chapitre 18, il s’avance pour venir endurer la croix.

Dans les autres évangiles, c’est après avoir été fortifié par l’ange en Gethsémané, qu’il rencontre la croix ; ici, nous n’avons pas ce trait. Là, c’était le Fils de l’homme, anticipant sa dernière angoisse : son âme était de toutes parts saisie de tristesse jusqu’à la mort ; et le secours de Dieu lui fut porté par l’ange. Ici, le Fils de Dieu descend, pour ainsi dire, du ciel vers la croix ; et son passage, à travers toute cette heure de ténèbres, est accompli dans la force du Fils de Dieu. Il ne cherche pas à être accompagné. Ailleurs, nous le voyons prendre avec lui Pierre, et Jacques, et Jean, dans l’espoir que leur sympathie les fera veiller avec lui une heure ; cela ne se trouve pas ici ; il traverse seul ses douleurs. Les disciples, à la vérité, sont avec lui dans le jardin, mais il les sait là dépendants de sa protection, et non en état de lui témoigner la sympathie désirée. « Si donc vous me cherchez, laissez aller ceux-ci ». Le secours de l’ange et la sympathie demandée aux disciples, tout cela est omis. Jésus descend de sa place dans les hauts lieux comme le Fils de Dieu, pour se rendre seul au Calvaire. Bien que son chemin d’alors le conduisît à la croix, c’était toujours un chemin où la personne qui y marchait n’était rien moins que le Fils de Dieu. L’isolement de l’Étranger céleste est reconnu ici, comme il l’a été tout le long de cet évangile.

Je désire ajouter une réflexion qui s’est présentée à moi et qui m’a fort encouragé, c’est qu’il y a en Dieu une grandeur, dont le sentiment devrait profondément pénétrer nos cœurs. Il n’y a pas d’étroitesse en lui. Dans le Psaume 36, le psalmiste paraît être occupé de cette pensée. Tout ce qu’il voit en Dieu, il le voit dans sa grandeur et son excellence divines. La gratuité de l’Éternel atteint jusqu’au ciel, sa fidélité jusqu’aux nues ; sa justice est comme de hautes montagnes ; ses jugements sont un grand abîme ; ses soins protecteurs sont si parfaits, que les animaux en sont les objet aussi bien que les hommes ; sa tendresse est si grande, que les fils des hommes se retirent sous l’ombre de ses ailes ; sa maison est tellement remplie de tous les biens, que son peuple est abondamment rassasié de sa graisse ; et les délices qu’il leur réserve sont telles, qu’ils en sont abreuvés comme d’un fleuve. Telles sont la grandeur et la munificence de Dieu, non seulement dans ce qu’il est en lui-même, mais dans ses voies et ses dispensations à notre égard. C’est une vérité d’un grand prix ; et nous devons juger nos péchés dans la conscience de cette grandeur de Dieu. Le péché est excessivement pécheur. La moindre souillure, la moindre tache sur la belle œuvre de Dieu est quelque chose d’horrible pour l’œil de la foi qui apprécie réellement la gloire de Dieu. Une petite ouverture, pratiquée dans un mur, suffit pour découvrir à un prophète les plus grandes abominations (Ézéch. 8) ; mais, comparées à l’immensité de la grâce qui est en Dieu notre Sauveur, comment apparaissent-elles ? Que devint l’horrible péché de la femme adultère ? Où sont-ils, ceux dans lesquels la Samaritaine avait, pour ainsi dire, vieilli ? On peut les chercher ; on ne les trouvera pas. Ils disparaissent, en présence de la grâce qui vint tout auprès répandre ses clartés. La grâce qui surabonde les a lavés pour toujours. Dieu, qui enlève les îles comme un atome, qui a mesuré les eaux dans le creux de sa main (Ésaïe 40:15, 12), a aussi jeté nos péchés au loin, dans une terre inhabitée (Lév. 16).

Ces pensées sont bien de nature à nous encourager. Notre Dieu a voulu que nous le connussions dans la lumière de sa propre grandeur. Laissez le péché apparaître dans sa nudité, la moindre parcelle est un monstre ; approche la grâce, le péché n’existe plus. Cette expression de grandeur divine se fait jour en Jésus, dans l’évangile de Jean. Que nous voyions le Seigneur dans le travail ou dans la souffrance, le ton et le maintien du Fils de Dieu sont vus partout en lui et autour de lui.

Mais ceci en passant. — Nous venons de suivre le Seigneur au-delà du torrent de Cédron, à cet endroit auquel bien des souvenirs touchants et sacrés devaient se rattacher pour lui. C’était là que David, fuyant de Jérusalem par crainte d’Absalom, s’était arrêté avec Itthaï, son ami, et Tsadok, et l’arche. C’est au-delà de ce torrent, et gravissant cette même montagne des Oliviers, que le roi d’Israël était allé en pleurant, la tête couverte et les pieds nus, pendant qu’Akhitophel, autrefois son conseiller, le vendait (comme Judas) à ses ennemis (2 Sam. 15). Jésus se rendait souvent dans ce lieu, et sans doute il se souvenait alors de ces choses. Cependant, c’est du Fils de Dieu qu’il s’agit en ce moment, et non du Fils de David — Le torrent est passé ; Jésus est entré dans le jardin ; l’arche aussi est avec lui, et même plus que l’arche, avec sa gloire et sa puissance, allait être manifesté. Le Seigneur s’avance au-devant de la compagnie d’huissiers et de soldats, et dit : « Qui cherchez-vous ? » leur parlant du haut du repos du ciel, qui était le sien. Et c’est dans la puissance, aussi bien que dans ce paisible état céleste, qu’il s’avance, car lorsqu’il leur dit : « C’est moi ! » ils reculent et tombent par terre. Aucun homme ne pouvait prendre sa vie. C’est lui, de fait, qui leur indique leur proie, car ni flambeaux, ni lanternes n’auraient suffi. Il disposait de toutes les stations du chemin. Il donne sa vie lui-même. Ceux qui veulent se repaître de sa chair doivent broncher et tomber. Ceux qui machinent son mal doivent être repoussés « en arrière » et « confondus » (Ps 35). Le feu est prêt à consumer ce capitaine et sa cinquantaine (2 Rois 1). Si tel avait été le bon plaisir du Fils de Dieu, l’ennemi serait resté étendu par terre devant lui. Mais il était venu, non pour détruire la vie des hommes, mais pour les sauver ; c’est pourquoi il donnera sa vie. La gloire, qui aurait confondu toute la puissance de l’adversaire, avait été entrevue cachée, comme le flambeau des hommes de Gédéon, caché dans des cruches (Juges 7) ; et Jésus veut la cacher encore.

C’est dans ce moment, on peut le penser, qu’en esprit il chanta le Psaume 27. L’Éternel était sa lumière et son salut, de qui aurait-il peur ? Il venait de contempler la gloire de Dieu dans son sanctuaire, et, comme le Psaume l’exprime, son désir était d’habiter dans la maison de l’Éternel tous les jours de sa vie. C’était, il est vrai, un temps de détresse, mais, en esprit, sa tête s’élevait au-dessus de ses ennemis ; et quelques heures encore, et il sacrifierait dans le tabernacle des sacrifices de cris de réjouissance ; il chanterait et psalmodierait à l’Éternel.

Comme Fils de Dieu, il tint ferme dans cette heure, et il aurait soutenu un millier d’heures semblables ; mais il voulait prendre la coupe de la main de son Père et donner sa vie pour l’Église. Cependant, ceux qui sont avec lui, lui sont en scandale par leur obstination. Son royaume n’était pas de ce monde, c’est pourquoi ses gens ne devaient pas combattre. Pierre a tiré son épée ; il aurait volontiers transformé la scène en une simple lutte d’hommes. Cela ne devait pas être. Il est vrai que le Fils de Dieu aurait pu résister. Il aurait pu, encore une fois, être l’arche de Dieu, devant laquelle tombait la puissance de l’ennemi ; mais comment les Écritures seraient-elles accomplies ? Non. — Jésus s’abandonne entre les mains de l’ennemi. La compagnie de soldats, le chiliarque et les huissiers des Juifs se saisissent de Jésus, le lient et l’emmènent.

Voilà jusqu’où en sont les choses pour le moment, quant au Seigneur. Et en continuant à suivre ses traces, nous trouvons toujours celles du Fils de Dieu, les traces du Seigneur du ciel. Que nous l’entendions parler aux huissiers, au souverain sacrificateur, à Pilate, c’est toujours le même ton de sainte distance d’avec tout ce qui l’entoure. Ils peuvent le traiter comme bon leur semble ; il y demeure étranger. Il ne s’inquiète pas de leurs affaires ou de leurs préoccupations, dans ses réponses ; il passe isolé au travers de tout. Ici, les filles de Jérusalem ne lui témoignent pas leur pitié et ne reçoivent pas la sienne ; il n’y a pas de brigand, attendant de partager cette heure avec lui. Durant tout ce sombre chemin, il est seul. Pierre est trouvé dans la voie des impies, se chauffant au milieu d’eux, comme un homme qui n’a pas d’autres ressources que les leurs. Un autre disciple, Jean lui-même, prend sa place, peut-être, comme étant connu du souverain sacrificateur, et s’en prévaut. Tout cela, c’était retomber dans ce qui n’est autre chose que la nature, et laisser le Fils de Dieu seul ; — comme il le leur avait dit : « Vous me laisserez seul ; et je ne suis pas seul, car le Père est avec moi ».

Et son chemin est sans tache, je n’ai pas besoin de le dire. Que Dieu soit vrai et tout homme menteur. Jésus est sans reproche, bien que tous à côté de lui fassent défaut. Il était « justifié en esprit ». Il n’avait aucun pas à refaire, pas une parole à rétracter. En toutes choses, il pouvait se justifier avec justice, et même reprendre celui qui l’accusait : « Si j’ai mal parlé, rends témoignage du mal ; mais si j’ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? » — Paul, qui se vit dans un cas semblable, reste bien en arrière ; car il dut revenir sur ce qu’il avait dit : « Je ne savais pas, frères, que ce fût le souverain sacrificateur » (Actes 23:5).

Des mains du souverain sacrificateur, le Seigneur passe dans celles du gouverneur romain ; et ici s’ouvre une scène pleine de sérieux avertissements pour nous, bien-aimés ; et qui, en même temps, maintient dans son entier le caractère de cet Évangile.

Il est évident que, pendant tout ce qui se passe, Pilate cherchait à apaiser le peuple, et à délivrer Jésus de la méchanceté des Juifs. Dès le premier moment, il paraît avoir eu la conscience de quelque chose d’extraordinaire chez le prisonnier qu’ils lui avaient amené. Le silence de Jésus avait un tel caractère que le gouverneur « s’en étonnait » (Marc 15). Quelles divines attractions il devait y avoir dans chacun des moindres détails de la vie de Jésus, dans chacun des sentiers où il marchait parmi les hommes ! et quelle devait être, chez l’homme, la condition de l’œil, de l’oreille et du cœur, pour ne pas savoir les discerner et les reconnaître ! — La première impression, chez Pilate, était fortifiée par tout ce qui avait lieu à mesure que la scène se déroulait. Le songe de sa femme, la haine trop évidente des Juifs et, par-dessus tout, ce prisonnier innocent et juste (quoique dans l’opprobre et la souffrance), qui maintenait toujours qu’il était le Fils de Dieu, tout assaillait sa conscience. Hélas ! ces convictions ne suffisaient pas ; le monde était si puissant dans le cœur de Pilate ! Elles avaient beau élever leur voix à l’intérieur, la voix du monde l’emportait ; et tout en étant convaincu, Pilate suivit le chemin du monde. S’il avait pu, en même temps, conserver le monde, il aurait volontiers garanti Jésus. Il fit clairement comprendre aux Juifs qu’il ne craignait nullement Jésus ; que ce n’était pas l’homme qui pouvait l’alarmer au sujet des intérêts de l’empereur, son maître. Mais ils insistèrent sur ce que Jésus s’était fait roi, et que si lui, Pilate, le laissait aller, il ne pouvait être ami de César. Et cela prévalut.

Combien ceci nous fait voir qu’il n’y a de sécurité pour l’âme que dans la foi qui est victorieuse du monde ! Pilate ne demandait pas, comme les Juifs, le sang de Jésus ; mais il fallait ne pas compromettre la confiance de César. Les anciens d’Israël avaient craint une fois que, s’ils laissaient faire Jésus, les Romains viendraient ôter et leur lieu et leur nation ; et Pilate, maintenant, craint de perdre la considération de ce même monde, dans la personne de l’empereur romain. Et alors le monde unit Pilate et les Juifs, dans l’acte de crucifier le Seigneur de gloire ; ainsi qu’il est écrit : « En effet, dans cette ville, contre ton saint serviteur Jésus, que tu as oint, se sont assemblés et Hérode et Ponce Pilate, avec les nations et les peuples d’Israël » (Actes 4:27).

Pourtant, comme je l’ai fait observer, Pilate aurait voulu sauver Jésus, s’il avait pu en même temps sauver sa réputation devant César ; voilà pourquoi il rentre dans le prétoire et demande à Jésus : « Toi, tu es le roi des Juifs ? » Car les Juifs, ayant conduit le Seigneur devant lui, sous l’accusation de s’être fait roi (Luc 23), Pilate calculait que, s’il pouvait amener Jésus à retirer ses prétentions à la royauté, il pourrait à la fois le garantir et se garantir lui-même. C’est dans cette intention qu’il paraît entrer dans le prétoire alors. Mais le monde qui était dans le cœur de Pilate ne connaissait pas Jésus. Le monde « ne l’a pas connu » (1 Jean 3) ; et Pilate allait trouver que le Chef du monde n’avait rien en Jésus. Jésus lui répondit : « Dis-tu ceci de toi-même, ou d’autres te l’ont-ils dit de moi ? » En s’exprimant ainsi, Jésus mettait Pilate en demeure de déclarer si l’accusation, portée contre lui et contre son titre à être roi des Juifs, procédait de Pilate, comme protecteur des droits de l’empereur sur la Judée, ou simplement de la haine des Juifs.

Dans la conjoncture présente, tout dépendait de cela ; et la sagesse du Seigneur et son but en posant cette question, sont manifestes. Si Pilate répliquait qu’il avait eu des craintes pour les intérêts de Rome, Jésus en aurait aussitôt référé à tout le cours de sa vie et de son ministère, pour établir, en ce qui concernait le roi, que toute innocence avait été trouvée en lui, Jésus. Il avait enseigné « à rendre à César ce qui était de César ». Quand il avait su que la multitude allait venir l’enlever afin de le faire roi, il s’était retiré sur la montagne, tout seul. Ce n’était pas avec Rome qu’il avait de controverse. En venant en Judée, il y avait trouvé César, et jamais il n’avait contesté son titre à être là ; au contraire, il l’avait reconnu, et avait pris la place de la nation qui, par sa désobéissance, avait l’image et la devise de César imprimées, pour ainsi dire, sur son front. Il est vrai que c’était le mépris de la majesté de Jéhovah qui avait frayé le chemin aux nations pour entrer à Jérusalem ; mais, pour le moment, Jérusalem était la demeure des nations, et le Seigneur n’avait rien à dire aux Juifs à cause de cela. Le retour d’Israël à la foi et à la soumission à Dieu, pouvait seul anéantir avec justice ce droit des nations. Le Seigneur n’avait donc pas de débat avec Rome. Voilà ce que Jésus aurait pu répondre à Pilate, si l’accusation était procédée de lui, comme représentant du pouvoir romain. Mais tel n’était pas le cas. Pilate répondit : « Suis-je Juif, moi ? Ta nation et les principaux sacrificateurs t’ont livré à moi ; qu’as-tu fait ? »

Ces paroles de Pilate apportaient la preuve péremptoire de la culpabilité d’Israël. Par la bouche de celui qui représentait alors la puissance du monde, la chose était établie. Israël avait désavoué son roi, et s’était vendu aux mains d’un autre. Pour Jésus, tout était là dans ce moment. Cela le transportait d’un coup au-delà de la terre, hors du monde. Israël l’avait rejeté, son royaume n’était donc pas d’ici ; car Sion est le lieu où le Roi de toute la terre doit avoir son siège et régner ; mais l’incrédulité de la fille de Sion tenait son Roi éloigné.

Le Seigneur, par conséquent, en entendant ce témoignage des lèvres du gouverneur romain, ne pouvait, comme le roi rejeté, que reconnaître la perte actuelle de son trône. « Jésus répondit : Mon royaume n’est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu, afin que je ne fusse pas livré aux Juifs ; mais maintenant mon royaume n’est pas d’ici ». Si Israël le rejetait, il n’avait pas d’armes pour lui faire la guerre. Il n’avait pas à fouler son aire, car Israël était sa herse pour fouler les montagnes (És. 41:15 ; Michée 4:13 ; Jér. 11:20). Israël ne voulait pas de lui. C’est de la maison de Juda, et d’elle seule, que le Seigneur fera son « cheval de gloire » au jour de la bataille (Zach. 10:3) ; et par l’incrédulité de Juda, il n’avait rien en mains pour briser les éclairs de l’arc, le bouclier, l’épée, et soutenir la bataille (Ps 76). Son royaume ne pouvait pas être « de ce monde » ; il ne pouvait pas être « d’ici » ; il n’avait pas de gens qui pussent combattre, de manière à tenir contre ses ennemis.

Cependant, la perte actuelle de son royaume n’annulait point les droits du Seigneur ; et lui, tout en admettant cette perte, il le fait dans des termes qui confirment pleinement son titre et reçoivent de Pilate cette réponse : « Tu es donc roi ? » paroles qui témoignent de la belle confession que fit alors le Seigneur (1 Tim. 6). Or Pilate n’aurait eu aucun motif de craindre le déplaisir de son maître, ou le tumulte du peuple ; il aurait librement pu écouter son désir et délivrer son prisonnier, si le Seigneur avait voulu modifier la parole qui était sortie de sa bouche, et retirer ses droits à être roi. Mais Jésus répondit : « Tu le dis que moi je suis roi ». Il ne pouvait pas renier son titre. Ce fut là sa « belle confession devant Ponce Pilate ». Quoique les siens ne le reçussent pas, il était néanmoins à eux ; quoique le monde ne le connût pas, il était néanmoins le créateur du monde ; quoique les cultivateurs le jetassent dehors, il était néanmoins le maître de la vigne. Il avait été oint pour le trône de Sion, lors même que ses concitoyens disaient ne pas vouloir qu’il régnât sur eux ; et, par sa « belle confession », il doit pleinement ratifier ses droits à la royauté, et les maintenir devant toute la puissance du monde. Lors même qu’elle s’arme contre lui tout entière, cette confession doit être faite. Hérode et tout Jérusalem avaient été troublés en apprenant que le Roi des Juifs était né, et avaient cherché à tuer l’enfant ; mais la terre entière serait-elle dans l’émoi, et armerait-elle sa puissance contre Jésus, il doit déclarer le conseil de Dieu. « J’ai oint mon roi sur Sion, la montagne de ma sainteté » (Ps 2). Il doit témoigner de son droit, quoique dans la présence de l’usurpateur, et à l’heure même de son pouvoir.

Là-dessus d’autres révélations nous sont données. La « belle confession » ayant été faite, le Seigneur peut dévoiler d’autres portions des conseils divins. Après avoir clairement constaté, à la face du monde, son titre au royaume, il peut rendre témoignage de son caractère et de son ministère actuels : « Moi, je suis né pour ceci, et c’est pour ceci que je suis venu dans le monde, afin de rendre témoignage à la vérité ». L’incrédulité du peuple mettait obstacle, pour un temps, à ce qu’il possédât son royaume ; mais il fait voir que le dessein de Dieu n’était pas manqué à cause de cela, et que lui, Jésus, était venu dans le monde pour une autre œuvre encore que celle de prendre possession de son trône en Sion. Il était venu pour rendre témoignage à la vérité ; et l’évangile de Jean, spécialement, présente le Seigneur dans ce ministère, ainsi qu’il est dit au commencement : « Le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître ». Il était venu dans le monde, afin de pouvoir dire : « Moi, je suis le chemin, et la vérité, et la vie ». Il était venu pour nous donner une intelligence, afin que nous connaissions le Véritable (1 Jean 5). Il avait manifesté le nom du Père à ceux qui lui avaient été donnés du monde, et c’était une même chose que de rendre témoignage à la vérité. Quiconque était de la vérité, comme il le dit à Pilate, avait écouté sa voix ; ses brebis l’avaient écoutée, tandis que les autres ne l’avaient pas écoutée, parce qu’ils n’étaient pas de ses brebis. Celui qui était de Dieu l’avait entendue ; et d’autres ne l’avaient pas entendue, parce qu’ils n’étaient pas de Dieu.

C’était là le service actuel du Seigneur, pendant qu’Israël était dans l’incrédulité. Bien que roi des Juifs, et comme tel roi de toute la terre, il ne pouvait pas prendre possession de son royaume, son peuple ayant désavoué ses droits. Il doit donc s’occuper d’un autre ministère, et c’est le caractère de ce ministère qu’il révèle à Pilate, et que cet évangile tout entier met devant nous.


La « belle confession » devant Pilate continue à diriger les pensées du Seigneur dans le courant de l’évangile de Jean. S’il consent à rendre compte de lui-même, c’est toujours dans la conscience de son ministère, le plus élevé et le plus saint de tous, ministère divin, puis-je dire ; ministère que nul ne pouvait accomplir que le Fils unique du Père, Celui qui était dans le sein du Père, plein de grâce et de vérité.

Cela est frappant. En suivant Jésus à la croix, nous trouvons toujours le Fils de Dieu. Nous voyons son titre au royaume confirmé en toute autorité. L’ennemi aurait voulu l’effacer, mais il n’y réussit pas. Pilate, qui avait d’abord méprisé les droits de Jésus, disant aux Juifs : « Voici votre roi ! » — maintenant veut qu’ils soient publiés dans tous les langages de la terre ; et les Juifs ne peuvent pas, comme précédemment, le faire changer d’avis. La croix devient l’étendard du Seigneur, et l’Éternel y peindra le blason de sa dignité royale, quelle que soit l’opposition de la terre.

L’évangile de Jean est le seul qui nous fasse connaître le pourparler entre Pilate et les Juifs, au sujet de l’inscription sur la croix ; car cela se rapporte à la gloire de Jésus. Seul aussi, il mentionne la tunique sans couture que les soldats ne voulaient pas déchirer ; — circonstance en elle-même peu importante, mais qui contribue à ne pas laisser perdre de vue la dignité sainte de Celui qui passait alors par l’heure des ténèbres.

C’est aussi ici, que le Seigneur met de côté ses affections humaines. Il voit près de la croix sa mère et le disciple qu’il aimait, mais c’est pour les recommander l’un à l’autre, renonçant ainsi à la place qu’il avait une fois occupée auprès d’eux. Il est doux d’observer avec quelle fidélité il reconnaît cette affection, jusqu’au dernier moment qu’il peut y consacrer ; aucunes souffrances personnelles (bien qu’elles fussent cruelles, nous le savons) ne peuvent faire qu’il l’oublie. Il ne devait pas la connaître toujours ; car dans la résurrection, on ne se marie ni on n’est donné en mariage. Désormais, eux aussi ne le connaîtraient plus « selon la chair ». Il doit les former à le connaître selon d’autres pensées, car bientôt ils seront unis à lui comme « un seul esprit ». Telles sont ses voies précieuses. S’il s’éloigne de nous, comme ne nous connaissant plus selon la chair, c’est afin que nous lui soyons unis par des affections plus étroites et des intérêts plus intimes.

Et si nous regardons au-delà des circonstances de cette heure, si nous considérons l’état d’esprit dans lequel était le Seigneur sur la croix, nous discernerons encore le Fils de Dieu. Il est vrai qu’il eut soif ; — qu’il goûta la mort ; — il connut la sécheresse de ce pays où le Dieu vivant n’est pas ; — mais la conscience qu’il en avait est exprimée du ton qui lui appartient. Il ne fait pas entendre le cri : « Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m’as-tu abandonné ? » Ces paroles nous sont données à leur propre place ; ici elles ne sont pas mentionnées. Il n’y a pas d’épouvantement d’esprit, pas de frayeur, de grande obscurité pendant trois heures. Jésus ne se recommande pas au Père ; il dit seulement : « J’ai soif » ; et après avoir éprouvé et traversé cette soif, il constate le plein accomplissement de toutes choses en disant : « C’est accompli ». Il ne remet pas son œuvre à l’approbation de Dieu, il la scelle de son propre sceau, attestant qu’elle est complète et lui donnant la sanction suffisante de sa propre approbation. Et quand il peut ainsi reconnaître que tout est achevé, il laisse sa vie de lui-même.


Ce sont de remarquables témoignages de l’esprit dans lequel Jésus traversait ces heures ; elles ont pris fin maintenant. Le Fils de Dieu était consommé comme l’auteur du salut éternel pour tous ceux qui lui obéissent ; et la source qui purifie du péché et de la souillure est ouverte. L’eau et le sang coulèrent pour rendre témoignage que Dieu nous a donné la vie éternelle, et cette vie est dans son Fils (1 Jean 5). Nous ne trouvons pas ici la confession du centurion : « Certainement celui-ci était Fils de Dieu » (Matt. 27), ni la femme de Pilate ; ni l’aveu de Judas, convaincu d’avoir trahi Jésus et lui rendant témoignage. Jésus ne reçoit pas ici témoignage des hommes, mais de Dieu. L’eau et le sang sont le témoignage que Dieu rend à son Fils, et à la vie que les pécheurs peuvent trouver en lui. — C’est le péché qui perça le côté de Jésus. L’acte du soldat était le stigmate de la haine de l’homme ; c’était le coup de dépit donné par l’ennemi vaincu, après la bataille, disant hautement l’inimitié profonde qu’il y a dans le cœur de l’homme contre Dieu et contre son Christ. Mais la richesse de cette grâce qui y a pourvu et a surabondé, ressort d’autant plus ; car l’amour de Dieu a répondu à cette inimitié.

La pointe de la lance du soldat toucha le sang. La source est ouverte qui efface le péché : le sang et l’eau sortent du côté percé du Fils de Dieu. Le jour d’expiation était réellement venu ; l’eau de purification, les cendres de la génisse rousse étaient maintenant répandues. Là était l’agneau qu’Abel avait offert ; et le sang que Noé avait versé et qui donna un libre cours à la pure grâce du cœur de Dieu envers les pécheurs. C’était le bélier de Morija, et le sang qui coulait journellement autour de l’autel d’airain, dans le tabernacle. C’était le sang qui est l’unique rançon des innombrables milliers de sauvés qui sont devant le trône de Dieu.

Cependant le corps du Seigneur, bien que percé pour être la source du sang et de l’eau qui nous sauvent, ne doit pas être rompu. L’Agneau de pâque sera égorgé, mais pas un de ses os ne doit être brisé. Il accomplira tout le propos de l’amour divin, en garantissant les premiers-nés de la main du destructeur ; mais passé cette limite, il est sacré ; nulle main profane ne doit le toucher. Jésus devait pouvoir dire en louant l’Éternel : « Tous mes os diront : Éternel ! qui est comme toi, qui délivres l’affligé de celui qui est plus fort que lui, et l’affligé et le pauvre de celui qui les pille ? » (Ps. 35:10).


Ainsi en fut-il du Seigneur pendant qu’il était sur la croix. Dans chaque détail nous discernons le Fils de Dieu ; et si nous l’accompagnons à la tombe, nous voyons encore le Fils de Dieu. Il n’est pas mis au rang des transgresseurs ni avec les méchants dans sa mort. Son sépulcre est parmi les riches. Deux honorables fils d’Israël viennent le reconnaître et prennent son corps, qu’ils entourent de leurs aromates et de leurs soins.

Il y a quelque chose à remarquer ici. Quand le corps de Jésus fut percé, ce n’est pas seulement pour qu’il y eût les témoins de Dieu : le sang et l’eau ; mais pour que l’occasion fût donnée à l’accomplissement de ce qui est écrit : « Ils regarderont vers Celui qu’ils ont percé » (Zach 12). Et cette parole, qui annonce la repentance d’Israël au dernier jour, introduit l’acte de Joseph et de Nicodème, et fait d’eux les représentants du peuple repentant. Ils arrivent les derniers dans l’ordre de la foi. Effrayés de la nation incrédule et des foudres de la synagogue, ils n’avaient pas persévéré avec le Seigneur dans ses tentations, et n’avaient été ses disciples qu’en secret. Ils étaient lents de cœur. À la fin cependant, ils reconnaissent le Seigneur, et sont amenés à regarder vers Celui qu’ils ont percé. Ils ôtent de la croix son corps, que la lance du soldat venait d’injurier ; et, en le descendant du bois, leurs yeux ne peuvent éviter de voir ce corps percé, et même on ose dire qu’ils ont mené deuil, car déjà leurs cœurs avaient été adoucis, et attirés vers le Crucifié. Il en sera de même d’Israël. Eux aussi viennent les derniers dans l’ordre de la foi, et sont lents de cœur ; mais à la fin ils regarderont vers Celui qu’ils ont percé et se lamenteront sur lui, comme on se lamente sur un fils unique (Zach. 12:10).

Il en était ainsi de Joseph et de Nicodème, et il en sera de même plus tard des habitants de Jérusalem. Les deux Israélites, comme de vrais enfants d’Abraham, réclament le corps du Seigneur, et, dans la foi du patriarche, ils le consacrent en le plaçant dans un sépulcre neuf (Gen 23:19) ; eux, vrais sujets du roi d’Israël, lui rendent les honneurs dus à un fils de David (2 Ch. 16:14) Ils le couvrent en profusion d’aromates précieux, et le mettent dans le jardin, dans un sépulcre net, sur lequel l’odeur de la mort n’avait jamais passé.

Et, pour le moment, toutes choses sont terminées ; dans le second jardin, pour l’appeler ainsi, le second Homme est gisant dans la mort. Dans le premier, le premier homme avait été placé, ayant accès à l’arbre de vie ; mais dans l’égarement de son chemin, il choisit la mort. Ici, dans le second, la mort, peine de cet égarement, est subie : Jésus, sans avoir touché à l’arbre de la connaissance, goûte la mort. Dans le premier jardin se trouvait tout arbre désirable à la vue et bon à manger ; ici, on n’aperçoit que le sépulcre de Jésus. C’est là, pour ce qui concernait l’homme, où le péché de l’homme a abouti. Mais attendons. À travers ceci, le Fils de l’homme deviendra bientôt la mort de la mort, la destruction de l’enfer, pour faire luire la vie et l’incorruptibilité, et planter à nouveau dans le jardin l’arbre de vie pour l’homme. Que le troisième jour se lève, et le jardin, témoin de Jésus dans la mort, verra le Fils de l’homme ressuscité et triomphant, dans une vie victorieuse pour des pécheurs.


4.2 - Chap. 20

Aussi, dès le début de ce chapitre, trouvons-nous les choses ainsi. Jésus est ressuscité ; il a vaincu par la mort celui qui avait le pouvoir de la mort.

Remarquons avec quelle puissance l’Esprit de Dieu, au travers de toutes les Écritures, nous dévoile les mystères de la vie et de la mort. Il voudrait pénétrer nos âmes du sentiment que nous avons perdu la vie, et, pour autant qu’il dépend de nous, que nous l’avons perdue irrévocablement ; mais que, en christ, nous l’avons recouvrée, et en lui, recouvrée d’une manière certaine et pour toujours. Dieu est « le Dieu vivant », et il agit comme tel dans cette scène de mort. Il y est descendu comme le Dieu vivant ; et comment aurait-il pu venir d’une autre manière ? Assurément nous pouvons dire, à la gloire de son Nom, que s’il n’est pas venu dans ce caractère, il n’est pas venu du tout. Le triomphe du Dieu vivant dans ce lieu de la mort, c’est la résurrection. Celle-ci est-elle niée, Dieu n’est pas connu, et on nie ainsi que le Dieu vivant soit venu et intervenu dans la condition de ce monde, retenu sous le pouvoir de la mort et perdu.

Il est précieux de le saisir ; et pourtant c’est une vérité à la fois simple et assurée. Le Dieu vivant, à part dans sa gloire et dans les ressources qui appartiennent à sa propre nature, a opéré en dehors du monde, et au-dessus de la scène dans laquelle le monde est enveloppé par la mort. Si sa créature, revêtue de la dignité la plus haute, établie par lui sur les œuvres de ses mains, a été infidèle et l’a, pour ainsi dire, déçu, se révoltant contre lui et introduisant la mort, Dieu (il est doux de le dire) a regardé à lui-même et a compté sur lui seul. Dans ses propres ressources et les richesses par lui fournies, il a trouvé le remède. Et c’est dans sa victoire comme le Dieu vivant, dans la résurrection, que se concentrent les inépuisables ressources de la vie, en dépit des conquêtes du péché et de la mort. Que la mort apparaisse, que le jugement du péché soit sur le point d’être exécuté, il a été pourvu par Dieu d’une expiation pour le péché — et le péché est la racine de la mort — et il a tiré la vie de dessous le juste jugement qui avait son effet jusqu’à la mort ; de quoi Jésus ressuscité est le sceau pour nous.

C’était le troisième jour, le jour qui avait été annoncé — le jour auquel Abraham jadis avait reçu son fils comme d’entre les morts — le jour du rétablissement promis à Israël (Osée 6) — le jour aussi auquel Jonas s’était retrouvé sur la terre à sec.

Cependant, les disciples ne connaissent pas encore le Seigneur en résurrection. Ils ne le connaissent que « selon la chair » ; et nous voyons Marie de Magdala déjà au sépulcre le matin de bonne heure, cherchant le corps du Seigneur ; et Pierre et son compagnon accourent peu d’instants après dans la même intention. Mais ce n’est pas l’intelligence de la foi qui les amène. À leur arrivée, ils voient, non pas Celui qu’ils cherchent, mais les trophées de sa victoire sur le pouvoir de la mort. Ils contemplent les portes d’airain et les barres de fer mises en pièces. Les linges, et le suaire qui avait enveloppé la tête du Seigneur comme s’il était le captif de la mort, sont les dépouilles du vaincu sous la main du vainqueur. Les armes de l’homme fort sont exposées en spectacle dans sa propre demeure ; proclamant hautement que Celui qui est le vainqueur de la mort et de l’enfer avait été là et avait fait son œuvre. Malgré tout cela cependant, les disciples ne comprennent pas ; ils ne connaissent pas encore l’Écriture qu’il devait ressusciter d’entre les morts, et ils s’en retournent chez eux.

Mais Marie ne s’éloigne pas de cette place aimée ; elle refuse d’être consolée parce que son Seigneur n’était plus. Volontiers elle aurait pris un sac et l’aurait étendu pour elle sur le roc, comme avait fait une autre femme (2 Sam. 21), si elle pouvait trouver le corps de Jésus pour le garder et veiller sur lui. Elle pleurait et, se baissant dans le sépulcre, elle vit les anges. Mais que lui importaient les anges ? Leur vue ne l’épouvante pas comme les autres femmes (Marc 16) ; elle était trop remplie d’autres pensées pour éprouver de l’effroi. Sans doute les anges étaient pleins de majesté et d’un aspect céleste ; ils étaient vêtus de blanc et assis, l’un à la tête et l’autre aux pieds, là où le corps de Jésus avait été couché. Mais qu’était pour elle toute cette splendeur ? Elle ne cherchait et ne désirait que le corps sans vie du Seigneur, et elle se détourne de ces êtres glorieux pour le chercher encore. Apercevant alors le jardinier, comme elle le suppose, elle lui dit : « Seigneur, si toi tu l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et moi je l’ôterai ». Elle dit : « Si toi tu l’as emporté », sans nommer Jésus, car, attachée comme elle l’est au Seigneur, elle croit que tous doivent être occupés de lui autant qu’elle l’est elle-même.

Et c’était peut-être un amour auquel se mêlait une affection ignorante, mais c’était pour Jésus ; et plût à Dieu, chers amis, qu’un peu de ces sentiments fût répandu dans nos cœurs ! L’affection de Marie de Magdala s’attachait à un digne objet, tout en laissant percer des pensées humaines ; et Celui à qui elle a affaire, fera, selon sa bonté et sa grâce accoutumées, qu’elle en trouvera le fruit. À celle qui avait, il fut « donné davantage ». Elle avait dûment appris à connaître Jésus « selon la chair ». En cela elle avait été la plus fidèle ; et maintenant, le Seigneur veut l’amener à une connaissance de lui plus étendue et meilleure. Il veut la conduire dans des régions plus élevées que celles où ses pensées la retiennent : « à la montagne de la myrrhe et à la colline de l’encens » (Cant. 4:6).

Afin de le faire avec toute douceur, Jésus répond d’abord à l’affection humaine de Marie et, de sa voix bien connue, il lui fait entendre encore une fois son nom, à elle. C’était bien là la note qui répondait à tout ce qui était dans son cœur, la seule pour laquelle il y avait de l’écho dans l’âme de Marie. Si Jésus lui était apparu dans sa gloire céleste, il serait resté un étranger pour elle, car jusqu’à ce moment elle ne le connaissait que comme Jésus. Toutefois, c’est la dernière fois qu’elle doit le connaître « selon la chair », car il est ressuscité d’entre les morts, et il va monter vers son Père dans le ciel ; la terre ne doit plus être le lieu de leur communion. « Ne me touche pas », lui dit Jésus, « car je ne suis pas encore monté vers mon Père ».

Est-il besoin de faire remarquer combien ceci est en accord avec l’évangile de Jean ? Dans celui de Matthieu, nous voyons les femmes, en revenant du sépulcre, rencontrer le Seigneur, et il leur permet de saisir ses pieds et de lui rendre hommage, tandis qu’ici il dit à Marie : « Ne me touche pas ». C’est que l’évangile de Jean nous montre le Seigneur au sein de la famille céleste, et non dans son royaume d’Israël et sa gloire terrestre. La résurrection, il est vrai, lui garantit cette gloire et ce royaume (Actes 13) ; mais elle est aussi la condition de vie pour les lieux célestes, et par conséquent le premier pas de ce côté ; et c’est de quoi notre Évangile s’occupe.

Marie est donc la première à être instruite de ces voies plus étendues de la grâce et de l’amour du Seigneur, et elle devient auprès des frères l’heureuse messagère de ces mêmes bonnes nouvelles du pays éloigné. Jésus lui dit : « Va vers mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, et vers mon Dieu et votre Dieu ».

Marie, ainsi honorée, va porter aux frères le message du Seigneur ; et lui-même s’apprête à aller à eux avec une bénédiction qui dépasse tout ce qu’ils avaient connu jusqu’à présent. Les nouvelles apportées par Marie paraissent, en effet, les avoir préparés ; car lorsque le Seigneur vient à eux, le soir de ce même jour, ils ne sont pas effrayés et incrédules comme on les voit dans l’évangile de Luc ; mais semblent être dans l’expectative. Ils ne sont plus dispersés comme auparavant ; ils sont ensemble réunis, avec la famille de Dieu, et le Premier né entre, chargé du fruit de son saint labeur pour eux.

C’était en vérité un rassemblement, et la présence de Jésus ; une visite du Premier-né à la famille du Père céleste ; dans une sphère qui se trouvait au-delà de la mort et en dehors du monde. Et tel est en réalité le lieu de la réunion promise avec le Seigneur. Ceux qui, en esprit, ont leur demeure ici-bas, ne le rencontrent jamais, car il est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu des étrangers et des voyageurs. Le monde est un domaine souillé, et nous devons nous trouver avec le Seigneur dans la résurrection, dans le royaume qui n’est pas du monde.

Il en était ainsi du Seigneur et de ses frères. Pour la première fois il est véritablement assemblé avec eux, à la place désignée, et il est assemblé avec eux comme avec ses propres frères. C’est alors qu’il commence à accomplir ses vœux. Il les avait formés à la croix (Ps. 22). Premièrement, il déclarerait le nom de son Père à ses frères ; secondement, il le louerait au milieu de l’assemblée. Il commençait par l’accomplissement du premier de ces vœux ; et il continue pendant toute la durée de la dispensation actuelle, révélant à nos cœurs le nom du Père par le Saint Esprit. Le second, il l’accomplira quand l’assemblée de tous les frères sera réunie, et qu’il conduira leurs chants dans la joie sans mélange et sans fin de la résurrection.

La vie promise est aussi communiquée. « Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus ; mais vous, vous me verrez ; parce que moi je vis, vous aussi vous vivrez ». Le Fils de Dieu, qui a la vie en lui-même, l’apporte à ses saints. Il souffle en eux, comme autrefois il a soufflé dans les narines d’Adam (Gen. 2), mais cette fois, c’est le souffle du second Adam, l’esprit vivifiant, qui communique une vie recouvrée du pouvoir de la mort, et par conséquent une vie au-delà de son atteinte. Les frères apprennent que Christ était dans le Père, et eux en lui, et lui en eux. Ils connaissent la pleine paix de la croix, en voyant Jésus, ses mains et son côté percés. Leur douleur est transformée en joie, car « ils se réjouirent quand ils virent le Seigneur ». Lui se révélait à eux autrement qu’il ne s’était révélé au monde. Celui-ci n’était point admis dans cette petite entrevue ; et les disciples, haïs du monde, sont réunis à huis clos, là où il convenait au Seigneur de les rencontrer pour se manifester à eux, comme il le leur avait dit : « Celui qui m’aime, sera aimé de mon Père ; et moi je l’aimerai, et je me manifesterai à lui » (14:21). Ainsi ils auraient de la tribulation dans le monde, mais en lui ils avaient la paix.

Tout ceci est donné aux disciples, dans cette précieuse visite du « premier-né d’entre les morts » à ses frères, quand il leur communique la bénédiction qui est à eux comme enfants ; et cette petite entrevue devient ainsi un exemple de la communion dont nous, nous jouissons dans la dispensation où nous sommes. La communion avec Christ ne change rien à notre condition dans le monde, ni n’allège les circonstances de la vie ; elle nous laisse dans le lieu de l’épreuve. Nous sommes heureux en lui, dans la pleine conscience de sa présence et de sa faveur.

Comme les disciples ici, nous apprenons à connaître notre unité avec Jésus ; et par l’adoption et par la communion avec le Père, nous possédons la paix stable que donnent les mains et le côté percés de Jésus. Nous sommes joyeux à cause de Celui qui est ressuscité d’entre les morts ; et la vie dans l’Esprit — la vie du Seigneur ressuscité — nous est donnée. Ainsi que nous avons vu l’armure de l’ennemi vaincu, jonchant au loin le champ de bataille, nous voyons ici le fruit de la victoire apporté à la maison, pour réjouir et affermir la famille du vainqueur. Mais plusieurs d’entre nous connaissent bien pauvrement ces choses !

Ce fruit de la victoire doit être porté en saint triomphe dans le monde entier. « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » ; telles sont les paroles du Seigneur à ses frères. Lui-même était venu du Père avec un message, non de jugement, mais de grâce ; et c’est d’une mission de la même grâce que les frères sont chargés. Envoyés par le Seigneur de vie et de paix, leur ministère met à l’épreuve toute âme vivante. Le message qu’ils apportent vient de la part du Fils du Père ; c’est un message de paix et de vie, garanti par lui-même et en lui-même. La parole qui a dit : « Celui qui a le Fils a la vie, celui qui n’a pas le Fils de Dieu n’a pas la vie » (1 Jean 5:12), le dit encore ; et pour mettre en évidence qui a le Fils ou qui ne l’a pas, le Seigneur ajoute, faisant de ses témoins comme la pierre de touche : « À quiconque vous remettrez les péchés, il sont remis ; et à quiconque vous les retiendrez, ils sont retenus ».

Telle fut la première entrevue du Seigneur avec ses disciples après sa résurrection. Elle place devant nous les saints comme les fils du Père, ainsi que leur ministère comme tels ; et elle nous a donné les prémices de cette moisson par l’Esprit Saint, qui depuis lors a continué dans la dispensation actuelle.

Bien que cela me détourne un peu de mon sujet, je ne puis éviter de remarquer que le ministère, confié par le Seigneur à ses disciples, après qu’il fut ressuscité d’entre les morts, prend dans chacun des évangiles un caractère différent. Et comme chaque évangile a un but distinct, en vue duquel les récits sont choisis et rapportés, les formes diverses sous lesquelles le Seigneur remet le ministère, doivent être comprises et interprétées, selon le caractère spécial de l’évangile lui-même.

Dans l’évangile de Matthieu, le message est ainsi formulé : « allez donc, et faites disciples toutes les nations, les baptisant pour le nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, leur enseignant à garder toutes les choses que je vous ai commandées ». Or ce message était exclusivement donné aux apôtres, qui avaient déjà été consacrés par le Seigneur et associés à lui, le serviteur de la circoncision (Rom. 15:8). Ils sont considérés comme étant à Jérusalem, et comme partant de là, pour rendre disciples toutes les nations, et les maintenir dans l’observance des commandements et des ordonnances du Seigneur. Car le but de l’évangile de Matthieu est de montrer le Seigneur dans sa relation avec les Juifs comme l’espérance d’Israël, peuple élu autour duquel devaient se rassembler tous les autres peuples ; et en accord avec ceci, la conversion des nations et l’arrangement du monde entier autour de Jérusalem comme centre de culte, sont supposés. Un corps de nations restaurées et soumises, se réjouissant avec Israël, sera bientôt manifesté, et c’est là ce que le Seigneur ressuscité a devant les yeux dans l’évangile de Matthieu, lorsqu’il confie le ministère à ses apôtres.

Dans l’évangile de Marc, la perspective de la conversion des nations est passablement modifiée. Voici les termes du message : « Allez dans tout le monde, et prêchez l’évangile à toute la création. Celui qui aura cru et qui aura été baptisé, sera sauvé ; et celui qui n’aura pas cru, sera condamné ». Il n’est pas parlé de faire disciples les nations, mais d’un témoignage universellement rendu et partiellement accepté. Car Marc présente le Seigneur dans le service, et le cas est prévu auquel quelques uns recevraient la parole et d’autres ne la recevraient pas ; parce que tels sont les résultats qui ont accompagné tout ministère, comme il est dit quelque part : « Et les uns furent persuadés par les choses qu’il disait ; et les autres ne croyaient pas » (Actes 28:24).

Dans l’évangile de Luc, le Seigneur, après avoir expliqué Moïse et tous les prophètes et avoir ouvert l’intelligence des disciples pour les comprendre, leur délivre le ministère en ces mots : « il est ainsi écrit, et ainsi il fallait que le Christ souffrît, et qu’il ressuscitât d’entre les morts le troisième jour, et que la repentance et la rémission des péchés fussent prêchées en son nom à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. Et vous, vous êtes témoins de ces choses ; et voici, moi, j’envoie sur vous la promesse de mon Père. Mais vous, demeurez dans la ville, jusqu’à ce que vous soyez revêtus de puissance d’en haut ». La mission ne paraît pas s’adresser aux onze exclusivement, mais aussi à d’autres (Luc 24:33) ; et elle devait commencer par Jérusalem et non partir de là. Ensuite, ils ne doivent pas exercer leur ministère avant d’avoir reçu la puissance d’en haut, reconnaissant ainsi que ce qu’ils avaient reçu du Seigneur sur la terre, ne suffisait pas. C’était rompre avec tout ordre simplement juif ou terrestre. Tel est le message, quelque peu modifié, qui convenait à l’évangile de Luc, où le Seigneur est vu plus en dehors des Juifs, et non pas strictement associé à eux.

Ici, dans l’évangile de Jean, il n’y a pas de message ; aucune mention n’est faite non plus de « la puissance d’en haut ». Nous trouvons simplement la communication de la vie de l’Homme ressuscité, et les disciples, participant de cette vie, envoyés pour juger, en vertu de cette vie même, de la condition de toute âme vivante. Le Seigneur leur donne leur mission comme du haut du ciel, et non du haut de la montagne en Galilée. Il les envoie de la part du Père, non de Jérusalem ; car, dans cet évangile, le Seigneur a laissé derrière lui tout souvenir de Jérusalem ; il renonce, pour le présent, à tout espoir de restaurer Israël et de rassembler les nations.

Cette diversité dans les termes de la mission et du ministère est très frappante ; et, en considérant les différents buts de chaque évangile, elle est exquise et parfaite. L’homme qui ne fait que raisonner peut y trouver achoppement ; et celui qui honore les Écritures, mais sans faire la part de cette diversité, et qui voudrait en défendre la bonne réputation, pourrait essayer de montrer l’accord littéral des choses dites. Mais la Parole de Dieu ne cherche pas la protection de l’homme ; elle ne demande pas qu’on présente des apologies en sa faveur, quelque bien intentionnées qu’elles soient. Il n’y a en elle aucune contradiction ; il n’y a qu’une diversité qui répond aux buts différents du même Esprit ; et bien qu’ainsi variés, chaque pensée, chaque parole est également et entièrement divine, et nous n’avons qu’à bénir Dieu pour la sûreté, l’encouragement et la complète suffisance que nous trouvons dans ses parfaits témoignages.

Je dis ceci en passant, mes frères ; veuille le Seigneur garder notre intelligence dans toutes nos méditations et dans tous les conseils de nos cœurs !


Nous avons laissé le Seigneur dans la compagnie de ses frères, s’occupant de les placer dans leur position d’enfants du Père, et de les élever jusque dans les lieux célestes. Cependant, il a des intentions touchant Israël aussi bien que touchant son Église. Au dernier jour, il appellera Israël à la repentance et à la foi, et leur donnera, aussi à eux, leur vraie position et leur ministère : C’est ce qui apparaît d’une manière typique dans les détails qui suivent.

Thomas, est-il dit, n’était pas avec les frères quand le Seigneur vint les voir. Il n’avait pas gardé sa première origine : il était absent, pendant que la petite assemblée se tenait prête pour son Seigneur ressuscité. Apprenant ce qui venait d’arriver, il refuse de croire ses frères, s’il n’a le témoignage de ses propres mains et de ses yeux. Les Juifs, comme Thomas alors, refusent jusqu’à ce jour de croire l’Évangile ou la bonne nouvelle du Seigneur ressuscité.

Cependant il ne fallait pas que les choses en restassent là. Thomas retrouve sa place ; et « huit jours après », les disciples, et Thomas avec eux, étant de nouveau réunis, Jésus se présente ; car cette visite était pour l’amour de Thomas, et le disciple incrédule est amené à reconnaître Jésus comme son Seigneur et son Roi. Ainsi aussi, « huit jours après », lorsqu’une semaine ou une dispensation aura tout entière achevé son cours, on dira dans le pays d’Israël : « Voici, c’est ici notre Dieu ; nous l’avons attendu, et il nous sauvera ; c’est ici l’Éternel, nous l’avons attendu. Égayons-nous et réjouissons-nous dans sa délivrance » (És. 25:9). Alors Israël reconnaîtra Emmanuel ; et, de même que le Seigneur reçoit Thomas, il dira d’Israël : « Tu es mon peuple ».

Cependant il y a une chose à remarquer. Le Seigneur reçoit Thomas, il est vrai, mais c’est en lui disant : « Parce que tu m’as vu, tu as cru ; bienheureux ceux qui n’ont point vu et qui ont cru » ; et il en sera ainsi d’Israël au dernier jour. Ils connaîtront la paix de la croix, la pleine paix que donnent les mains et le côté percés de Jésus ; toutefois leur bénédiction sera inférieure à celle de l’Église. Ils auront la vie par le Fils de Dieu ; mais ils se tiendront sur le marchepied, tandis que les saints seront assis sur le trône.

Ici le mystère de la vie prend fin, soit pour l’Église maintenant, soit pour Israël plus tard ; et l’apôtre fait une pause. Ceci était l’Évangile de Jésus, le Christ, le Fils de Dieu, dont il est dit que quiconque croit en lui a la vie par son nom. Bien des choses auraient pu être ajoutées, mais celles-ci suffisaient pour rendre témoignage du Fils, et être ainsi la semence de la vie. Le troisième témoignage de Dieu venait d’être entendu ; l’eau et le sang avaient coulé du côté percé du Fils crucifié ; et maintenant l’Esprit était donné par le Fils ressuscité. Les trois qui rendent témoignage sur la terre avaient été entendus, et le témoignage de Dieu : « qu’il nous a donné la vie éternelle et cette vie est dans son Fils » était donc complet. L’apôtre ajoute simplement : « Ces choses sont écrites, afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie par son nom ».


4.3 - Chap. 21

Nous avons vu le Seigneur ressuscité donner la vie à ses frères et leur confier un ministère ; puis, dans la personne de Thomas, assurer la vie à Israël. Mais Thomas restauré, ou l’Israël de Dieu au dernier jour, recevra un ministère aussi bien que la vie, comme l’Église maintenant. Il sera employé aussi bien que vivifié. Le gage nous en est donné en son lieu.

Le chapitre 21 nous fait voir les apôtres, revenus à l’état dans lequel le Seigneur les avait trouvés au commencement. Pierre et les fils de Zébédée sont de nouveau occupés de leur pêche. Leur premier travail n’avait, en effet, rien produit. Les filets s’étaient rompus. Le Seigneur avait voulu se servir d’eux, mais Israël avait été dans sa main comme un arc qui trompe, un filet rompu. Maintenant ils sont de nouveau à leur labeur ; le Seigneur leur apparaît une seconde fois, et leur donne une seconde pêche qui est abondante, et les filets ne se rompent point. Ensuite, les disciples, dans la compagnie du Seigneur lui-même, prennent le dîner, font la fête.

L’Israël de Dieu, au dernier jour, fera la même expérience. Comme Thomas, ils marcheront à la lumière du Seigneur, et alors aussi, l’abondance de la mer se sera tournée vers eux (Ésaïe 60:5). Les eaux sortiront de la maison de l’Éternel à Jérusalem, et des pêcheurs se tiendront là, étendant leurs filets, et leur poisson sera en fort grand nombre, comme le poisson qu’on pêche dans la « grande mer » (Éz. 47 :10). La grande mer, la grande Méditerranée, comme le prophète en suggère la pensée, et non pas le lac étroit de Tibériade, remplira leurs filets, et le poisson sera « chacun selon son espèce » ; car Madian et Épha et Kédar et Nebaïoth et tous les pays, leur apporteront leurs richesses (Ésaïe 60:6, 7). Le filet, jamais rompu, sera encore préparé pour d’autres pêches. Une génération dira la louange des œuvres de l’Éternel à une autre génération, et elles raconteront ses actes puissants (Ps. 145:4).

L’apôtre fait remarquer que c’était « la troisième fois » que Jésus était manifesté aux disciples, après qu’il fut ressuscité d’entre les morts. La première fois, il se trouva avec les frères, pour les placer, comme la famille céleste, dans la communion et le ministère. La deuxième fois, il restaure Thomas, figure de la conversion et de la vivification finales d’Israël ; et maintenant, la troisième fois, il donne les gages du ministère futur d’Israël, et des fruits qu’il portera pour Dieu. Ces trois différentes visites nous donnent de cette manière un aperçu complet de l’Église et d’Israël.

Mais il y a un acte, produit par la conscience d’être aimé, auquel il est doux de s’arrêter un instant. Pierre savait que, malgré tout ce qui s’était passé, il existait un lien entre lui et le Seigneur, de sorte qu’il ne craint pas de se trouver seul avec son maître. La dernière fois qu’ils s’étaient rencontrés, Pierre l’avait, il est vrai, renié, et le Seigneur, se retournant, avait regardé Pierre. Pierre, toutefois, avait la conscience qu’il aimait son Maître, et il n’a pas peur de se jeter à la mer maintenant et de rejoindre le Seigneur avant les autres. Et il y a quelque chose de très précieux dans ce mouvement. La loi ne l’aurait jamais produit, et ne l’aurait d’ailleurs pas autorisé. La verge de la loi aurait chassé Pierre, et l’aurait tenu à distance. La grâce seule pouvait permettre cet acte ; rien que les cordeaux de l’amour pouvaient attirer l’infidèle Pierre auprès de son Seigneur, pour qui il avait montré si peu d’estime devant ses ennemis. Mais il y a plus. Le dîner était terminé ; le but de cette troisième visite était atteint ; cependant, afin de clore le tout selon une grâce et une gloire merveilleuses, et dans l’esprit de cet Évangile, le Seigneur se tourne vers Pierre. Il s’adresse à lui particulièrement, et l’interpelle d’une manière qui ne pouvait manquer, et qui ne manque pas, de lui rappeler son péché.

Donnons un moment d’attention à tout cela. Pendant tout le temps que le Seigneur s’était trouvé avec ses disciples, il avait eu à s’occuper de Pierre bien plus que des autres ; et après sa résurrection, il en est encore ainsi ; dans tout ce chapitre 21, il ne s’agit, pour ainsi dire, que de Pierre.

Le Seigneur poursuit à son égard l’œuvre de grâce qu’il avait commencée avant de le quitter, et la reprend au point même où il l’avait laissée.

Pierre avait manifesté de la confiance en lui-même. Quand même tous seraient scandalisés, il ne le serait pourtant pas, avait-il dit. Quand il lui faudrait mourir avec son Maître, il ne le renierait point. Jésus lui avait fait observer combien de pareilles vanteries étaient vaines ; mais en même temps il ajoute qu’il avait prié pour lui, pour que sa foi ne défaillît point. Et lorsqu’il eut été démontré que la vanterie avait, en effet, été vaine, et que Pierre eut renié son Maître, même avec blasphème, le Seigneur avait regardé son disciple et ce regard avait eu son résultat béni. La prière et le regard avaient fait leur œuvre. Si la prière avait empêché la foi de Pierre de défaillir, le regard avait brisé son cœur. Il ne « sortit » pas comme un homme qui s’en va, mais il pleura, et pleura amèrement.

Nous trouvons Pierre ici dans la condition où la prière et le regard de son divin Maître l’ont placé, et il est en état de donner une douce preuve que sa foi n’a pas failli ; car aussitôt qu’il a compris que c’est son Seigneur qui se tient sur le rivage, il se jette à l’eau pour aller à lui. Et ce n’est pas comme un homme repentant ou qui n’a pas encore pleuré sa faute qu’il s’approche de Jésus ; mais comme pouvant se présenter avec confiance et d’un cœur assuré, devant ce Maître qu’il avait renié.

La prière et le regard avaient eu leur effet envers Pierre et ne seront pas répétés. Le Seigneur continue simplement l’œuvre commencée, afin de la rendre complète. Par conséquent, la prière et le regard sont suivis de la parole. Après la conviction de péché et les larmes, vient le relèvement : Pierre est mis à même de fortifier ses frères, comme son Seigneur le lui avait dit une fois, et aussi de glorifier Dieu par sa mort ; privilège que son incrédulité et son reniement du Seigneur lui avaient fait perdre. Ainsi fut la parole qui releva Pierre, après que la prière eut soutenu sa foi et que le regard eut brisé son cœur.

Ce moment, d’un profond intérêt pour nous, renferme autre chose encore. Aux jours du chapitre 13 de cet Évangile, Jésus avait dit à ce même bien-aimé Pierre, qu’un homme qui avait tout le corps lavé, n’avait besoin que de se laver les pieds ; et il agit ici à son égard de cette manière. Il ne le fait pas passer encore une fois par l’expérience du chapitre 5 de Luc, où la prise de poissons écrase Pierre et le fait se reconnaître pécheur ; il le restaure et le rétablit dans sa place, c’est-à-dire, il lave les pieds de Pierre, comme d’un homme qui avait déjà le corps lavé.

Maître parfait ! le même pour nous hier et aujourd’hui et éternellement ; le même dans son activité pleine de grâce et d’amour ; poursuivant l’œuvre commencée, reprenant auprès des siens, comme le Seigneur ressuscité, le service demeuré inachevé quand il leur fut ôté ; et le reprenant au point où il l’avait laissé, reliant ainsi, avec une habileté pleine de grâce, le service passé au service présent. Les trois reniements de son Maître sont pleinement rappelés au souvenir du disciple, quand Jésus lui demande pour la troisième fois : « M’aimes-tu ? »

Cependant le Seigneur ne fait que restaurer entièrement l’âme de Pierre et le diriger vers de plus riches bénédictions. Il le rend à son ministère, car un autre ne devait pas prendre sa charge, et il lui garantit la force de servir son Seigneur sans le renier une seconde fois. Il fait de lui son témoin et son serviteur, dans la pleine puissance de foi d’un martyr ; et après lui avoir ainsi ratifié la grâce de rendre témoignage de lui fidèlement jusqu’à la mort, il lui dit : « Suis-moi ! »

Ce fut un doux moment. Nous savons que si nous souffrons avec le Seigneur, nous règnerons aussi avec lui ; et si nous le suivons, là où sera le Seigneur, là aussi sera son serviteur. Or cet appel fait à Pierre, était l’appel à suivre Jésus dans la puissance de la résurrection, le long du sentier du témoignage et de la souffrance, jusqu’au repos où ce sentier aboutit et auquel la résurrection mène. Précédemment, avant de quitter son disciple, Jésus lui avait dit : « Là où je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant, mais tu me suivras plus tard » ; et le Seigneur allait alors au ciel et auprès du Père, en passant par la croix. Le présent appel était l’accomplissement de cette promesse :Pierre aurait à suivre son Seigneur à travers la mort jusqu’à la maison du Père. Et, comme il le paraît, après lui avoir dit ces mots, Jésus se lève de la place où ils avaient mangé, et Pierre, appelé, se lève pour le suivre.

Jean avait écouté l’appel comme s’il lui avait été adressé à lui aussi, et en voyant le Seigneur se lever, et Pierre se lever, lui aussi immédiatement, se lève. Car il s’était constamment trouvé le plus rapproché de Jésus. Pendant le souper, il s’était penché sur sa poitrine ; et il était le disciple que Jésus aimait. Il avait vécu dans la plus grande intimité avec le Seigneur : ses yeux avaient été sur ses yeux, sa bouche avait touché sa bouche, sa main, la main de Jésus ; de sorte que, par une espèce de nécessité (heureuse nécessité !), quand le Seigneur se lève, lui aussi, quoique n’étant pas appelé, se lève également.

C’est dans cette attitude que nous les voyons. Le Fils de Dieu s’est levé ; il marche ; nous le perdons de vue, et Pierre et Jean le suivent. Tout cela est plein de charme et d’une grande portée. Nous ne voyons pas jusqu’où va leur chemin car, pendant qu’ils marchent, l’Évangile se clôt. La nuée les reçoit, pour ainsi dire, et les dérobe à notre vue. En vain nous tâchons de les suivre du regard ; le chemin des disciples se dérobe à nous autant que celui de leur Maître. Dans le fait, c’était le chemin de la maison du Père, préparée pour le Seigneur et pour ses frères, la présence de Dieu dans le ciel.

Certes nous pouvons dire qu’à cette fête, l’époux a gardé le meilleur vin pour la fin. Si nos âmes étaient capables d’entrer dans ces choses, nous trouverions qu’il n’y a rien de pareil. L’évangile de Marc nous parle du fait que le Seigneur a été reçu dans le ciel, et Luc nous fait voir l’ascension elle-même, le Seigneur levant ses mains et bénissant ses disciples. Mais quelque précieux que soient ces détails, ce n’est pas ce que nous trouvons ici ; car ils nous montrent les disciples séparés du Seigneur : il monte au ciel, et eux ont à s’en retourner à Jérusalem. Ici, au contraire, ils le suivent là où il va. Le chemin des disciples ne s’arrête pas en deçà de celui du Maître.

Ainsi l’évangile de Jean nous conduit jusqu’à « la porte du ciel » et nous y laisse. Le Seigneur agit ici dans une grâce parfaite envers ceux qu’il a choisis : le gage nous est donné de la réception de ses frères dans la maison du Père, car Pierre et Jean nous représentent tous. Quelques-uns d’entre nous auront peut-être à glorifier Dieu par leur mort, comme Pierre ; d’autres, comme cela est dit de Jean, vivront et resteront jusqu’à ce que Jésus vienne ; mais que ce soit Pierre ou Jean, Moïse ou Élie, que nous dormions ou que nous veillions à sa venue, tous nous suivrons le Seigneur, tous nous serons ravis ensemble dans les nuées à sa rencontre en l’air, et nous serons toujours avec lui. Ce sera comme l’enlèvement d’Enoch avant le déluge ; et, étant reçus par le Seigneur, nous entrerons avec lui dans les demeures préparées pour nous dans la maison du Père, ainsi qu’il l’a promis. (*)


(*) Nous ne voulons pas faire entendre qu’il devait rester quelqu’un jusqu’à ce que Jésus vienne. Le verset 23 règle la chose sur ce point. Mais le même verset nous permet d’affirmer que le Seigneur, s’il lui convient, peut venir avant que nous délogions.


C’est le seul aperçu de l’ascension du Seigneur que l’évangile de Jean nous présente. Il s’accorde pleinement avec tout le caractère de cet Évangile, où le Seigneur est en relation avec l’Église comme famille du Père, famille céleste. Car ici Jésus ne monte pas au ciel proprement pour prendre place à la droite du Père, au siège de la puissance, et y demeurer seul ; il entre dans la maison du Père, où les enfants doivent aussi habiter. Par sa grâce sans limites, leur sentier, dans cette direction, va aussi loin que le sien. Quelque part que Jésus aille, que ce soit vers un lieu inconnu et sans nom sur la terre, Pierre et Jean le suivent. Jésus, en disant : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne », rend présente la scène de son retour, et procède comme si déjà il était allé préparer les demeures dans la maison du Père, et qu’il fût revenu auprès des siens pour les prendre avec lui, afin que là où il est, ils y soient aussi ; car il se pouvait que ce disciple ne mourût pas et qu’il fût présent quand Jésus viendrait. Il en sera ainsi, en effet, à la résurrection de ceux qui sont de Christ, à sa venue, quand les derniers, ceux qui seront demeurés sur la terre, s’en iront avec eux à sa rencontre, en l’air.

Le Fils de Dieu, arrivé au terme, fait ce qu’il avait fait au début : il montre aux siens où il demeure (1:40) ; seulement, au début, il était sur la terre, un Étranger, et les disciples ne restent avec lui qu’un jour ; tandis que maintenant il retourne dans son ciel, où ils seront avec lui éternellement.

Jean nous fait connaître encore la réponse de la foi des élus de Dieu aux vérités et merveilles qu’il nous a révélées : « Nous savons que son témoignage est vrai ». Ils scellent que Dieu est vrai. Puis le tout est clos par une simple parole d’admiration, car c’est là, je crois, le sens du dernier verset. En effet, que pouvait-il dire ? Cela ne dépassait-il pas toute louange ? Quel cœur était en état de comprendre l’excellence et la perfection des voies de Celui dont Jean venait de proclamer le Nom ?


5 - Conclusion

Ici se termine la quatrième section de l’évangile de Jean, et ainsi le tout. Quel chemin que celui du Fils de Dieu dans cet évangile ! Fait chair au commencement, il a marché sur la terre comme un Étranger venu du ciel, sauf quand il allait apportant la grâce et la guérison à des pécheurs. Le Chef du monde vint à lui, à la fin, et ne trouvant rien en lui, il chercha à l’ôter du monde, mais il échoua. Le Fils de Dieu s’en est allé quand le moment est venu pour lui, et il n’est pas parti avant d’avoir, comme Sauveur, accompli la paix pour tous ceux qui se confient en lui. Alors le Christ, triomphant, brisa le pouvoir de la mort et, comme ressuscité, il a communiqué la vie qu’il avait recouvrée pour son peuple. Enfin, par une dernière action dans laquelle sa pensée se révèle, il assure aux siens que là où il allait, eux le suivraient, afin que là où il serait, ils y fussent avec lui… et pour toujours.

L’évangile de Jean avait commencé par la descente du ciel du Fils de Dieu ; il se clôt par l’ascension des saints. Quant à l’époque de cette ascension, ou de l’enlèvement dans les nuées, elle reste ignorée pour nous. Cet enlèvement peut avoir lieu demain, et aura lieu certainement quand la plénitude des Gentils sera entrée, et que tous les saints seront parvenus, dans l’unité de la foi, à l’état d’hommes faits. Il ne dépend d’aucun laps de temps qui devrait préalablement s’écouler. Aucune prophétie, impliquant une supputation de temps, ne s’y rapporte, ce me semble ; la prophétie a trait au retour du Seigneur sur la terre, et non à l’enlèvement des saints à la rencontre du Seigneur en l’air. Quand le Seigneur reviendra sur la terre, ses saints seront avec lui, et cette terre sera préparée pour être leur royaume et fera partie de leur commun héritage. Cet événement, l’apparition du Seigneur, attend le moment prescrit et l’accomplissement complet des jours et des années annoncés par les prophètes ; tandis que l’intervalle entre l’ascension de Jésus et celle des saints n’est pas mesuré par des jours et des années. Le Saint Esprit nous fait connaître, il est vrai, le caractère moral de certaines époques, et il les désigne par ces mots « les derniers temps », « les derniers jours » (1 Tim. 4 ; 2 Tim 3) ; mais il nous dit aussi que, même en ce cas, « la dernière heure » était déjà venue (1 Jean 2) ; de sorte que la foi peut s’attendre à chaque instant à la joie d’aller à la rencontre du Seigneur en l’air, mais s’appliquant en attendant à faire sa volonté avec patience. Les temps auxquels appartient la prophétie non accomplie sont pour le moment interrompus, et ne reprendront leur cours que lorsque l’enlèvement dans les nuées aura eu lieu. Alors sera sur la scène d’ici-bas le résidu souffrant d’Israël, qui pourra commencer à compter les jours, pour le soutien de sa foi, au milieu de sa profonde affliction. Connaissant par les livres que sa délivrance est proche, il lèvera les mains avec confiance vers le ciel.

Après cela, bien-aimés, Dieu a bien le droit d’attendre que nous lui montrions de la confiance, et que nous trouvions en lui les motifs d’une entière et sainte liberté, ainsi qu’une source de bonheur constante et sûre. Ce sera honorer le Père. Et s’il y a en nous une pensée qui nous laisse un regret, c’est celle de notre incrédulité et de notre folie. Tout est mis en lumière pour la foi. Tel est Dieu notre Père, et nous sommes rendus agréables dans le Fils de son amour. Il ne veut pas être dans la gloire et nous laisser dehors. Nos cœurs devraient constamment lui dire : « Viens, Seigneur Jésus ». Et cette confiance dans une adoption actuelle, cette joie de l’espérance, nous les possédons par le Saint Esprit qui habite en nous, et qui est notre compagnon pendant le voyage, notre « autre Consolateur », en attendant que vienne l’Époux.

Au Dieu de toute grâce, Père, Fils et Saint Esprit, soit gloire aux siècles des siècles ! Amen.