Je puis toutes choses en Celui qui me fortifie

Bibliquest, 19.04.2014


Lecture : Philippiens 4 : 10 à 14


Nous avons chanté le cantique 78, et puis nous avons dit quelque chose dans les prières en rapport avec Phil. 4: 13 : « Je puis toutes choses en celui qui me fortifie ». Quand nous y réfléchissons c’est un verset étonnant, parce que d’abord l’apôtre lui-même a été souvent en prison ; étonnant parce que dans cette épître aux Philippiens il était en prison ; étonnant parce qu'il y avait tant de choses qui l’affligeaient au point qu'il pleurait (ch. 3: 18). Il connaissait toutes ces choses négatives. Et pourtant il le dit et il l’affirme catégoriquement : « Je puis toutes choses en celui qui me fortifie ». Comment comprendre le sens de ce passage ?

Dans cette même épître Paul dit au ch. 3 : « je considère toutes choses comme des ordures, afin que je gagne Christ » ; au v. 12 : « je poursuis, cherchant à le saisir, vu aussi que j’ai été saisi par le Christ » ; au v. 14 : « oubliant les choses qui sont derrière et tendant avec effort vers celles qui sont devant, je cours droit au but pour le prix de l’appel céleste ». On pourrait dire : « Mais comment quelqu'un qui est en prison peut-il dire qu’il court droit au but pour le prix de l’appel céleste ? Comment peut-il dire qu’il poursuit, cherchant à le saisir vu aussi qu’il a été saisi par le Christ ? » Et pourtant il le dit, et c’est dans la même épître à quelques versets d’intervalle, donc il ne s’agit pas ni de contradiction, ni de ce qu’entre-temps les circonstances ont changé.

Il faut donc comprendre ce verset.

Le contexte dans le ch. 4: 10 à 14 (que nous avons lu) montre que l’apôtre avait été dans les privations. Les Philippiens lui avaient envoyé un don par Épaphrodite (v. 10) : « vous avez fait revivre votre pensée pour moi ». Cela avait permis à Paul d’être apparemment dans une certaine abondance (v. 12). Par ce don ils avaient pris part à son affliction (v. 14).

D’un côté il avait reçu ce don mais il dit lui-même (les versets le montrent) qu'il a connu une certaine période où il était dans l’abondance, une autre où il était dans l’affliction, et pas seulement l’affliction mais même dans les privations et au point d’avoir faim, ce qui est une épreuve peu commune que nous ne connaissons pas.

Comment peut-il dire : « Je puis toutes choses en celui qui me fortifie » ? Justement ces mêmes v. 10 à 14 donnent en bonne partie l’explication. « Je puis toutes choses en celui qui me fortifie », ce n’était pas d’obtenir de l’abondance quand il avait faim, ce n’était pas de supprimer les privations ; mais c’était d’avoir appris, d’avoir été enseigné « aussi bien à être rassasié qu’à avoir faim », d’avoir appris aussi bien à être dans l’abondance que dans les privations. Il avait appris, il avait reçu ces leçons. Il dit au v. 11 : « J’ai appris à être content en moi-même », puis v. 12 : « je sais », mais « je sais » parce que « je suis enseigné ». Ainsi « Je puis toutes choses en celui qui me fortifie » n’est pas tant une question de résoudre les difficultés extérieures, mais d’apprendre du Seigneur et d’être enseigné à s’y comporter et à y marcher avec le Seigneur, là où on saisit le Seigneur (ch. 3: 12), là où on gagne Christ (ch. 3: 8), où on regarde le prix de l’appel céleste (3: 14). Voilà les leçons que Paul a apprises !

Dans ces situations, le regard de Paul sur les circonstances n’est pas du tout le regard ordinaire que nous portons nous-mêmes, ou qu’ont les hommes. Déjà le ch. 3: 8 parle de ce regard, quand il regarde toutes choses comme des ordures « afin que je gagne Christ ». Nous connaissons ce verset – que le Seigneur nous donne de mieux le réaliser ! Mentionnons les autres circonstances dont parle cette épître : d’abord cette première crainte qu’étant en prison, l’évangile n’en souffre puisque lui qui était un puissant prédicateur ne pouvait plus exercer son ministère comme auparavant. Son regard est ailleurs, ch. 1: 12 : « Or, frères, je veux que vous sachiez que les circonstances par lesquelles je passe sont plutôt arrivées pour l’avancement de l’évangile ; en sorte que mes liens sont devenus manifestes comme étant en Christ, dans tout le prétoire et à tous les autres, et que la plupart des frères, ayant, dans le Seigneur, pris confiance par mes liens, ont beaucoup plus de hardiesse pour annoncer la parole ». Cette circonstance extérieure était apparemment un échec – et un gros échec puisque le plus puissant des prédicateurs était réduit au silence – L’apôtre dit : il faut regarder les choses comme il faut, il faut regarder les choses dans le bon sens ! Et le bon sens, c’est le contraire : c’est ce qui amène la promotion de l’évangile. D’une part tous les gens dans le prétoire reconnaissent que son emprisonnement n’est pas du tout parce qu'il a mal fait, mais parce qu'il a annoncé le Seigneur ; et puis tous les frères se mettent à prêcher, et à prêcher avec hardiesse en sorte qu'il y a une multiplication des serviteurs.

Tout au long de l’épître on lit des enseignements de ce genre.

Ch. 1: 29 : « à vous il a été gratuitement donné, par rapport à Christ, non-seulement de croire en lui, mais aussi de souffrir pour lui ». Voilà que la souffrance pour Christ est présentée comme un don – un don gratuit. On dira : « Mais comment ? Souffrir pour Christ amène au découragement… à la détresse… on est tourmenté… on va tout abandonner… » L’apôtre ne présente rien de tout cela ! Bien sûr, ces encouragements que nous trouvons dans ces paroles de l’apôtre sont des encouragements qui ont la force de l’Écriture – non pas notre propre force ou ma force à moi, car nous faillissons certainement à bien des égards. Mais voilà la souffrance présentée comme quelque chose de normal, et même de positif !

Le ch. 2 présente d’abord l’abaissement du Seigneur. Et puis vient cette exhortation du ch. 2: 12 de travailler « à votre propre salut avec crainte et tremblement : car c’est Dieu qui opère en vous et le vouloir et le faire, selon son bon plaisir ». Le salut ici de manière évidente, n’est pas le salut d’âmes dont parle l’apôtre Pierre ; ce n’est pas un salut par les œuvres. C’est la délivrance au travers de la course chrétienne, à laquelle on travaille avec crainte et tremblement. Vient en premier le côté de la responsabilité : « travaillez » ; puis le côté de l’encouragement de Dieu (ch. 2: 13) « qui opère en vous et le vouloir et le faire, selon son bon plaisir ».

« Faites toutes choses sans murmures et sans raisonnements » (v. 14). Sans murmures et sans raisonnements ? Là encore on s’étonne : c’est un apôtre en prison qui dit cela ! Il avait de plus d’autres sujets d’affliction : certains annonçaient le Christ par esprit de parti (ch. 1: 17). « Sans murmures et sans raisonnements », il dit même qu’il était joyeux (ch. 2: 17) parce qu'il servait d’aspersion « sur le sacrifice et le service de votre foi ». Les Philippiens et leur service étaient le sacrifice, et lui était la libation que l’on rajoutait par-dessus (il reprend cette image de libation en 2Timothée 4: 6).

Paul avait encore d’autres sujets d’affliction : la maladie d’Épaphrodite lui avait été un poids tel que quand il a été guéri, Paul est amené à dire «  afin que je n’aie pas tristesse sur tristesse » (2: 27). On voit donc que Paul avait de grosses tristesses.

« Je puis toutes choses en celui qui me fortifie ». Certains pourraient dire : « Si les circonstances n’ont pas été améliorées pour Paul, c’est parce qu’il manquait de foi ». La lecture même de cette épître montre à l’évidence que c’est absurde ; mais je tiens à le dire parce qu’on entend fréquemment dans la chrétienté, que si les choses ne vont pas mieux c’est que nous manquons de foi.

On peut se reporter à cet égard à Luc 17. J’en rappelle les points-clefs. « Les apôtres dirent au Seigneur : Augmente-nous la foi » (v.5). Ils se sentaient bien incapables de réaliser les exhortations précédentes ; alors ils disent au Seigneur : « Augmente-nous la foi ». Le Seigneur leur dit : « Si vous avez de la foi comme un grain de moutarde, vous diriez à ce mûrier : Déracine-toi, et plante-toi dans la mer ; et il vous obéirait ». Dans d’autres évangiles Il dit : « si vous aviez de la foi… » Effectivement ils n’avaient pas cette foi. Mais dans Luc 17 le Seigneur dit : « Si vous avez » – Il présume qu’ils ont cette foi. Mais ont-ils besoin de beaucoup de foi ? Un grain de moutarde suffit – et suffit pour faire des choses extraordinaires. Alors pourquoi les apôtres demandent-ils : « Augmente-nous la foi » ? Justement, ces apôtres pensent que c’est un problème de dimension d’une foi, de l’importance de la foi que l’on possède. Mais le Seigneur remet les choses en place : « Qui est celui d’entre vous qui ayant un esclave labourant ou paissant le bétail, quand il revient des champs, dise : Avance-toi de suite et mets-toi à table ? Ne lui dira-t-il pas au contraire : Apprête-moi à souper et ceins-toi, et me serviteurs jusqu'à ce que j’aie mangé et bu ; et après cela, tu mangeras et tu boiras, toi ? Est-il obligé à l’esclave de ce qu’il a fait ce qui avait été commandé ? Je ne le pense pas. Ainsi, vous aussi, quand vous aurez fait toutes les choses qui vous ont été commandées, dites : Nous sommes des esclaves inutiles ; ce que nous étions obligés de faire, nous l’avons fait ». On insiste aussi souvent sur cette expression : « nous sommes des esclaves inutiles », qui a son importance à sa place. Les apôtres disent : « Mais ce qui nous manque, c’est la foi ! Si on avait plus de foi, tous les problèmes seraient résolus », le Seigneur répond : « La solution du problème est : « Quand vous aurez fait toutes les choses qui vous ont été commandées, dites : Nous sommes des esclaves inutiles ; ce que nous étions obligés de faire, nous l’avons fait » ». Revenons à l’épître aux Philippiens : « toutes les choses, je les considère comme des ordures afin que je gagne Christ », « je cours droit au but pour le prix de l’appel céleste ». Ce sont là les choses qui nous ont été commandées, c’est le chemin qui est placé devant nous, c’est le chemin qui accepte la Parole, les commandements de la Parole, ce qui est dit ; c’est chercher les intérêts de Jésus Christ selon l’expression de Phil. 2: 21. Effectivement à ce moment-là on est imitateur : « Soyez tous ensemble mes imitateurs, frères, et portez vos regards sur ceux qui marchent ainsi suivant le modèle que vous avez en nous » (3: 17). Imiter quelqu'un qui est en prison… ! Eh bien oui ! On l’imite parce qu'on voit que dans sa prison, rien ne le laissait dans le découragement, rien qui le laissait abattu, mais il pouvait parler de « marcher ainsi suivant le modèle que vous avez en nous ».

Alors Paul avait le contentement du ch. 4: 11 : « J’ai appris à être content en moi-même ». Je crois que cela a été évoqué dans une prière, ce contentement est l’opposé des murmures. Murmures… le livre des Nombres en parle en surabondance, pratiquement à chaque chapitre ; et l’épître de Jude se termine par le Seigneur venant au milieu de ses saintes myriades contre les murmurateurs (v. 16).

Que nous puissions ainsi retenir ce qu’implique « Je puis toutes choses en celui qui me fortifie », il dirige nos pensées, nos cœurs, nos affections, non pas tant à résoudre les difficultés mais à les traverser avec un œil qui n’est pas celui de l’homme naturel mais qui est l’œil de celui qui veut gagner Christ, qui cherche à Le saisir, qui court droit au but, et qui sait qu’il lui a été donné gratuitement de souffrir. En sorte que les circonstances extérieures deviennent… je ne dirai pas qu’elles sont secondaires dans le sens qu’elles sont des privations et des afflictions (et avoir faim c’est quand même quelque chose…) mais elles prennent un caractère secondaire par rapport à toute la puissance et la force de la vraie vie chrétienne dont Paul nous donne le modèle.


Lecture : Ephésiens 4: 20 à 24

On vient de voir dans l’exemple de Paul qu’il peut tout en Celui qui le fortifie ; on voit par ce passage d’Éphésiens que ce qu’il fait en traversant ces circonstances, c’est de revêtir le nouvel homme, de manifester les caractères qui sont ceux du Seigneur Jésus. On peut les voir aussi en Col. 3: 1 : « Si donc vous avez été ressuscités avec le Christ, cherchez les choses qui sont en haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu ». On peut donc faire le parallèle avec ce que disait l’apôtre Paul, qu’il voulait gagner Christ, v. 2 à 4. Un peu plus loin, v. 9 à 15.

Simplement ces quelques pensées, que les caractères qu’on voit dans ce chapitre de Col. 3 c’est de marcher selon le nouvel homme, selon cette nouvelle vie que Dieu nous a donnée, qu’Il a créée (on voit au v. 10 : « selon l’image de celui qui l’a créé ») ; et ainsi de reproduire la vie du Seigneur ici-bas, en traversant toutes les circonstances.


Lecture : Rom. 8: 26 ; 32 (fin)  ; v. 37 à 39