Paraboles de Matthieu ch. 9 à 12

Christian Briem

Traduit de l’allemand : « Er lehrte sie vieles in Gleichnissen » = « Il les enseignait beaucoup en paraboles ».


Table des matières abrégée :

1 - La présence de l’Époux — Matthieu 9:9-15 ; Marc 2:14-20 ; Luc 5:27-35

2 - Le morceau de drap neuf et le vin nouveau — Matthieu 9:16-17 et Luc 5:36-39

3 - La brebis tombée dans la fosse — Matthieu 12:11-12

4 - La maison de l’homme fort — Matthieu 12:22-29 ; Marc 3:22-30 ; Luc 11:14-23

5 - L’esprit immonde — Matthieu 12:43-45

6 - Les enfants têtus — Matthieu 11:16-19 et Luc 7:31-35


Table des matières détaillée :

1 - La présence de l’Époux — Matthieu 9:9-15 ; Marc 2:14-20 ; Luc 5:27-35

1.1 - Les disciples de Jean

1.2 - La joie au lieu des lamentations

1.3 - Jeûner

2 - Le morceau de drap neuf et le vin nouveau — Matthieu 9:16-17 et Luc 5:36-39

2.1 - Changement de dispensation

2.2 - Incompatibilité de la loi et de la grâce

2.2.1 - Le morceau neuf au vieil habit

2.2.2 - Du vin nouveau dans de veilles outres

2.2.3 - Préférer le ‘vin vieux’

3 - La brebis tombée dans la fosse — Matthieu 12:11-12

3.1 - Aperçu général du chapitre 12

3.2 - Le sabbat

3.3 - L’homme à la main sèche — Matthieu 12:9-13

4 - La maison de l’homme fort — Matthieu 12:22-29 ; Marc 3:22-30 ; Luc 11:14-23

4.1 - Le blasphème contre le Saint Esprit

4.2 - Satan chasse-t-il Satan ?

4.3 - En quoi consiste le blasphème contre le Saint Esprit

4.4 - Un péché dispensationnel

4.5 - La prière de David

4.6 - L’homme plus fort

5 - L’esprit immonde — Matthieu 12:43-45

5.1 - Deux signes solennels : convaincus ou jugés ?

5.2 - L’idolâtrie

5.3 - Conclusions pratiques

6 - Les enfants têtus — Matthieu 11:16-19 et Luc 7:31-35

6.1 - L’image

6.2 - L’application

6.3 - Les enfants de la sagesse


1 - La présence de l’Époux — Matthieu 9:9-15 ; Marc 2:14-20 ; Luc 5:27-35

Er lehrte sie vieles in Gleichnissen, Vol. 1 p. 99

Dans la vie du Seigneur Jésus sur la terre, il y a eu bien des choses qui ont heurté les hommes, et dont les Juifs, tout spécialement, se sont scandalisés. La racine de ces sentiments se trouvait dans leur méchant cœur d’incrédulité. Ils ne savaient tout simplement pas QUI était devant eux, ni ne le croyaient. La gloire de Sa personne leur était cachée.

Il fut invité une fois par un publicain qu’Il venait d’appeler à Le suivre. Lévi (Matthieu) Lui fit un grand repas dans sa maison, et beaucoup de publicains et de pécheurs étaient à table avec Lui (Matthieu 9:9-15 ; Marc 2:14-20 ; Luc 5:27-35).

Les scribes et les pharisiens en furent fâchés, toutefois ils ne s’attaquèrent pas directement au Seigneur, mais seulement à Ses disciples : « Pourquoi mangez-vous et buvez-vous avec les publicains et les pécheurs ? » (Luc 5:30). Le Seigneur répondit à leur place, et prit leur défense : « Ceux qui sont en santé n’ont pas besoin de médecin, mais ceux qui se portent mal ».


1.1 - Les disciples de Jean

Il n’est pas exclu que cette circonstance ait eu lieu en un jour où les disciples de Jean et les pharisiens jeûnaient. Car dans chacun des trois évangiles, c’est toujours à la suite de ce repas dans la maison de Lévi qu’on trouve les critiques à propos du jeûne. En Matthieu ce sont les disciples de Jean le Baptiseur qui viennent interroger le Seigneur Jésus de la manière suivante :


« Pourquoi, nous et les pharisiens, jeûnons-nous souvent, et tes disciples ne jeûnent pas ? » (Matthieu 9:14).


Jésus et ses disciples venaient juste d’avoir un festin (Luc 5:29), tandis qu’eux, les disciples de Jean et les pharisiens et leurs disciples, jeûnaient. Eux, ils jeûnaient, et les disciples du Seigneur Jésus faisaient la fête, selon ce qu’ils s’imaginaient ! Comment concilier tout cela ? Il semble que ce n’était pas tant de l’inimitié qui les animait, mais plutôt une perplexité sincère.

Les pharisiens se vantaient de ce qu’ils jeûnaient volontairement deux fois par semaine (Luc 18:12), mais l’attitude fondamentale des disciples de Jean semblent avoir été quand même plus sérieuse. Leur maître avait lancé l’appel à la repentance en Israël en vue de la venue prochaine du Messie. N’était-il pas plus que convenable d’accompagner la repentance par un jeûne ? Lui-même n’avait ni mangé ni bu (Matthieu 11:18). Devaient-ils, en tant que ses disciples, délaisser cette habitude maintenant que leur maître était en prison ? Jean avait appelé à la repentance et avait jeûné. Eux, ses disciples, s’étaient repentis et avaient jeûné. Le jeûne n’était-il pas un fruit digne de la repentance ?

Moïse et Élie n’avaient-ils pas non plus été privés de nourriture assez longtemps ? Le prophète Joël n’avait-il pas proclamé : « Sanctifiez un jeûne, convoquez une assemblée solennelle » (Joël 1:14). Ce jeûne n’était-il pas la lamentation à Jérusalem dont Zacharie avait parlé (Zacharie 12:10) ? Pouvait-on ouvrir autrement à la maison de David la source pour le péché et pour l’iniquité (Zacharie 13:1) ? Tout cela était de nature à remuer le cœur de ces hommes — et voilà que les disciples de Jésus ne jeûnaient pas ! Comment le comprendre ? N’était-ce pas en contradiction évidente avec la parole de Dieu ?

Avant de considérer la belle réponse du Seigneur, il convient de dire quelques mots sur la position des disciples de Jean. Les livres historiques du Nouveau Testament nous montrent justement que ces disciples de Jean formaient un groupe à part pendant le service du Seigneur, et plus tard encore (Matthieu 11:2 ; 14:12 ; Jean 3:25 ; Actes 19:1-4). Même si Jean le Baptiseur était entièrement dépourvu de toute jalousie vis-à-vis de Celui qui venait après lui, et même s’il acceptait volontiers Sa prééminence (Jean 3:26-31), ses disciples ne semblent pas avoir tout à fait partagé cette noble attitude de leur maître. On doit même se rendre compte qu’ils n’avaient pas reconnu en vérité la personne de Jésus. Ils pensaient au royaume à venir, sans voir que le roi de ce royaume était devant eux. Ils étaient à juste titre remplis de la conscience de leur péché, mais restaient ignorants à l’égard de la personne du Sauveur des pécheurs. Du fait qu’ils se tenaient séparés des disciples du Seigneur, ils perdaient beaucoup de bénédiction, comme le montre bien l’exemple d’Actes 19.

Pourtant, lors de la circonstance qui nous occupe, ils firent la seule chose à faire : Ils vinrent directement au Seigneur avec leurs questions. N’est-ce pas pour nous un exemple à imiter ? Ne préférons-nous pas souvent aller d’abord vers les hommes pour la résolution de nos questions et de nos problèmes ? Bien sûr le Seigneur peut nous éclairer par le conseil de frères ou sœurs ayant du discernement. Qui voudrait négliger cela ? Pourtant notre cœur devrait encore et toujours chercher la proximité du Seigneur, capable comme nul autre de répondre aux questions de l’âme et de l’apaiser. Nous sommes déjà rempli de paix du seul fait d’avoir conscience de nous tenir directement avec notre problème devant notre bon Seigneur. Et si nous voulons poser des questions particulières au Seigneur Jésus sans toutefois être assurés de pouvoir le faire, accrochons-nous à ceci : Le plus important n’est pas tant notre question mais bien plutôt Sa réponse !


1.2 - La joie au lieu des lamentations

À ceux qui L’interrogent, le Seigneur répond à la manière qui est la Sienne, riche de grâce, et Il le fait par une petite parabole suivie de deux images :


« Les fils de la chambre nuptiale peuvent-ils mener deuil tant que l’Époux est avec eux ? » (Matthieu 9:15).


C’est l’une des paraboles dans lesquelles le Seigneur dit quelque chose de la dignité et de la position de Sa propre Personne — elles méritent donc spécialement notre attention. La personne du Seigneur et Ses relations avec Son Père et avec les hommes sont d’une importance et d’une signification qu’on ne peut surestimer. Elles constituent la partie centrale des révélations de Dieu dans Sa parole, et elles sont également la mesure d’après laquelle nous pouvons mesurer nos propres bénédictions issues de notre relation avec Lui.

Le Seigneur se désigne ici par le terme d’« époux ». De qui est-Il l’époux ? de l’église, de l’assemblée ? L’assemblée de Dieu est certes aussi Son épouse, Son épouse céleste (Apocalypse 21:2, 9 ; 22:17), mais elle n’existait pas au moment où le Seigneur parlait. Non, Lui, le Christ, présent au milieu d’Israël, se présente à la fille de Sion comme son époux. Jean lui-même n’avait-il pas parlé de Lui sous ce caractère, disant : « Ce n’est pas moi qui suis le Christ … Celui qui a l’épouse est l’époux ; mais l’ami de l’époux, qui assiste et l’entend, est tout réjoui à cause de la voix de l’époux ; cette joie donc, qui est la mienne, est accomplie » (Jean 3:28, 29) ?

Par le terme d’« époux » le Seigneur fait allusion à des expressions de l’Ancien Testament, dans lesquelles l’Éternel, dans Sa grâce, se penche vers son peuple terrestre coupable, et se présente à lui comme son « mari » ou son « époux ». Écoutons deux de ces expressions qui touchent le cœur : « Car celui qui t’a faite est ton mari ; son nom est l’Éternel des armées, et ton rédempteur, le Saint d’Israël : il sera appelé Dieu de toute la terre. Car l’Éternel t’a appelée comme une femme délaissée et affligée d’esprit, et une épouse de la jeunesse [et] qu’on a méprisée, dit ton Dieu. Pour un petit moment je t’ai abandonnée, mais avec de grandes compassions je te rassemblerai » (Ésaïe 54:5-7). La citation suivante du même prophète n’est pas moins touchante : « On ne te dira plus ‘la délaissée’, et on n’appellera plus ta terre ‘la désolée’. Car on t’appellera : ‘Mon plaisir en elle’, et ta terre : ‘La mariée’ ; car le plaisir de l’Éternel est en toi, et ton pays sera marié. Car, [comme] un jeune homme épouse une vierge, tes fils t’épouseront, et de la joie que le fiancé [‘époux’ dans le texte allemand] a de sa fiancée, ton Dieu se réjouira de toi » (Ésaïe 62:4, 5 ; comparez également Osée 2:16-20).

Avec ces paroles de l’Éternel sous les yeux, nous réalisons toute l’étendue de la grâce de Dieu dans ce que Christ se présente à nouveau au peuple coupable en tant qu’« époux ». « Jésus », le vrai « Emmanuel » (« Dieu avec nous »), était venu pour « sauver son peuple de leurs péchés » (Matthieu 1:21-23) et pour renouer ainsi une relation d’époux-épouse avec lui ! Certainement, la repentance et la confession des péchés étaient nécessaires (Matthieu 3:2, 5, 6). Qui en douterait après tout ce qui s’était passé ? Mais maintenant Lui était là, leur Époux. La source de toute vraie joie était au milieu d’eux, manifestant la merveilleuse grâce de Dieu. Comment donc Ses disciples, liés à Lui en tant que ‘fils de la chambre nuptiale’, pouvaient-ils mener deuil et jeûner ? Celui qui voulait donner « l’huile de joie au lieu du deuil » était là (Ésaïe 61:3). Le cantique de louange de Marie (Luc 1:46-55) ne convenait-il pas beaucoup mieux que les lamentations de Jérémie ? Déjà à la naissance du Sauveur, les armées célestes avaient éclaté en louange envers Dieu, et les bergers aussi avaient glorifié Dieu et L’avaient loué « pour toutes les choses qu’ils avaient entendues et vues » (Luc 2:13-20).

Pourtant certains continuaient à mener deuil et à jeûner, alors qu’ils L’avaient sous les yeux. Comment était-ce possible ? Contrairement aux disciples de Jésus, les disciples de Jean ne réalisaient pas qui Jésus était réellement. Tel était le vrai problème. Jean le baptiseur avait parlé de ‘l’agneau de Dieu’ et de ‘l’époux’. Mais manifestement ils n’avaient pas ajouté foi à ce témoignage et ne L’avaient pas suivi. Au lieu de cela ils priaient et jeûnaient, et se tenaient à l’écart de Celui duquel Jean avait rendu témoignage.

Tout cela donne à réfléchir. Nos multiples défaillances et notre joie si petite n’ont-elles pas pour origine le fait que nous ne réalisons pas à quelle personne glorieuse nous avons affaire ? Nous avons certainement toutes raisons de nous humilier devant Dieu et de confesser notre culpabilité. Mais devons-nous en rester là ? N’avons-nous pas aussi la source de toute joie et de toute bénédiction ‘avec nous’, ‘en nous’, ‘au milieu de nous’ (Matthieu 28:20 ; Éphésiens 3:17 ; Matthieu 18:20) ? « Ta face est un rassasiement de joie, il y a des plaisirs à ta droite pour toujours » (Psaume 16:11).


1.3 - Jeûner

Mais le Seigneur indique alors un changement de relations lourd de conséquences :


« Mais des jours viendront, lorsque l’Époux leur aura été ôté ; et alors ils jeûneront » (Matthieu 9:15).


Des ombres épaisses allaient encore recouvrir le peuple d’Israël et ses espérances, avant que le soleil se lève à nouveau dans le règne millénaire : l’Époux leur serait ôté. Le Seigneur Jésus, « sachant toutes les choses qui devaient lui arriver », parle ici prophétiquement de Son rejet et de Sa mort. « Le Messie serait retranché et n’aurait rien » (Daniel 9:26). Quand Il serait dans le tombeau, alors Ses disciples aussi jeûneraient. Le Seigneur leur annonce ailleurs à l’avance : « En vérité, en vérité, je vous dis, que vous, vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira ; et vous, vous serez dans la tristesse ; mais votre tristesse sera changée en joie » (Jean 16:20).

Nous voyons cette tristesse chez les deux disciples en chemin vers Emmaüs. Le Seigneur ressuscité se joignit à eux car Il savait qu’ils étaient « tristes » (Luc 24:17). Par la révélation de Lui-même Il a vite refait brûler leur cœur découragé.

Ainsi donc, le deuil des disciples du Seigneur n’a duré que peu de temps. Ce qu’Il leur avait prédit est devenu réalité : « Et vous donc, vous avez maintenant de la tristesse ; mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira : et personne ne vous ôte votre joie » (Jean 16:22). Comment auraient-ils pu continuer à mener deuil et à être craintifs en ayant sous les yeux le Seigneur ressuscité ? Et même quand Il « fut séparé d’eux, et fut élevé dans le ciel … ils s’en retournèrent à Jérusalem avec une grande joie. Et ils étaient continuellement dans le temple, louant et bénissant Dieu » (Luc 24:50-53).

Fondamentalement cette joie peut aussi nous caractériser dans le temps présent de la grâce (Philippiens 4:4) ; cependant elle n’exclut pas le jeûne dans des occasions particulières. Mais cela ne nous est pas imposé comme une règle ou une exigence. Le Seigneur n’a jamais condamné la pratique du jeûne (Matthieu 6:16-18 ; Marc 9:29 ; voir également Actes 13:3 ; 14:23 ; 2 Corinthiens 6:5 ; 11:27). Il est remarquable de voir combien souvent le jeûne est mentionné en rapport avec la prière. Dans notre parabole le Seigneur l’assimile au deuil.

Le jeûne, quand il est authentique, accompagne la tristesse du cœur. Quand le cœur est courbé, le jeûne est une expression convenable de ces sentiments. Si quelqu’un est dans une angoisse profonde, s’intéresse-t-il à manger et à boire ? L’esprit est occupé de manière si intensive des choses et des détresses spirituelles, que les besoins du corps passent complètement à l’arrière-plan pour un temps. Connaissons-nous encore aujourd’hui cet esprit de renoncement à soi-même qui caractérisait le nazaréen de l’Ancien Testament ? En tous cas, rien dans les Saintes Écritures ne justifie le fait de parler négativement du jeûne ou d’en rejeter entièrement la pratique.

Ainsi dans cette parabole de ‘la présence de l’Époux’, le Seigneur indique un changement proche et solennel de dispensation. La présence du Messie n’était que transitoire. L’appel de Lévi et Son festin avec les publicains et les pécheurs étaient des signes clairs qu’Israël comme tel était déjà mis de côté. Le fait que l’Époux qui séjournait alors parmi eux allait leur être ôté était un signe clair de la catastrophe toute proche — non pas une catastrophe qui allait fondre sur Lui, comme on aurait pu le penser, mais sur eux.


2 - Le morceau de drap neuf et le vin nouveau — Matthieu 9:16-17 et Luc 5:36-39

Er lehrte sie vieles in Gleichnissen, Vol. 1 p. 109

Dans cette petite parabole double, le Seigneur poursuit le courant de pensée amorcé par la parabole de ‘la présence de l’époux’. Les deux images suivantes se complètent l’une l’autre :


« Et personne ne met un morceau de drap neuf à un vieil habit, car la pièce emporte [une partie] de l’habit, et la déchirure en devient plus mauvaise. On ne met pas non plus du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement les outres se rompent, et le vin se répand, et les outres sont perdues ; mais on met le vin nouveau dans des outres neuves, et tous les deux se conservent » (Matthieu 9:16-17).


Les images en tant que telles sont claires. Lorsqu’on prend un morceau d’un tissu qui n’a pas été porté et lavé, et donc non rétréci, et qu’on le coud solidement au tissu vieux et rétréci d’un habit pour réparer une déchirure, il en résulte une déchirure encore plus grande du tissu vieux. Le morceau de tissu neuf rajouté (littéralement : « morceau de remplissage ») « rétrécira » tôt ou tard, devenant plus petit. Le vieux tissu ne pourra pas supporter alors les tensions en résultant : une nouvelle déchirure naîtra à la couture.

La seconde image, comme la première, est aussi tirée de la vie quotidienne de l’époque. Dans l’antiquité, pour conserver et transporter les liquides, on utilisait des peaux d’animaux cousues ensemble, qu’on appelle des « outres ». Pour éviter autant que possible des changements de goût, on tannait soigneusement les peaux. Avec le temps, ces outres d’allure assez informe, devenaient dures et friables. Si on mettait alors dans de vieilles peaux du vin nouveau dont la fermentation n’était pas encore totalement achevée, les gaz naissant durant la fermentation mettaient sous pression les outres devenues friables, et les faisaient éclater. Du coup tout était perdu, le contenu et le contenant. C’est pour cela qu’on ne pouvait mettre du vin nouveau que dans des outres [récipients] neuves dont les peaux étaient encore assez élastiques pour pouvoir supporter la pression des gaz.


2.1 - Changement de dispensation

Par cette petite parabole double (comp. Luc 5:36 : « Et il leur dit aussi une parabole »), le Seigneur Jésus approfondit la pensée de l’imminence d’un changement de dispensation. Que signifie ‘un changement de dispensation’ ?

Israël était autrefois sous la première alliance — une alliance d’œuvres. Dieu voulait mettre à l’épreuve l’homme sous une loi qui exigeait certaines œuvres. Pour cela Il avait donné à Son peuple terrestre de bons commandements, comme aucun autre peuple n’en possédait. Mais à peine furent-ils donnés que le peuple les rompit. « La loi n’a » donc « rien amené à la perfection » (Hébreux 7:19). La faute n’en était pas à la loi — elle était sainte, juste et bonne (Romains 7:12) — mais à la méchanceté incorrigible de l’homme.

Avec la venue de Christ est intervenue la fin de cette époque, de la dispensation de la loi. La ruine de l’homme ayant été démontrée, Dieu voulut alors agir envers lui en grâce illimitée et inconditionnelle (et également l’éprouver de cette manière). Même si le fondement nécessaire à cela — l’œuvre propitiatoire de Christ à Golgotha — n’avait pas encore été posé pendant Sa vie ici-bas, la bonté de Dieu se tournait néanmoins dès avant la croix vers les publicains et les pécheurs. Ils étaient les objets particuliers de Sa grâce — une grâce qui allait bientôt franchir les frontières d’Israël et se tourner vers toutes les nations. En Christ, « la grâce de Dieu qui apporte le salut est apparue à tous les hommes » (Tite 2:11).

Les ‘publicains et les pécheurs’ étaient donc plus proches du royaume de Dieu que les ‘pharisiens’, irréprochables selon la loi cérémonielle, mais qui méprisaient les autres et se glorifiaient de leur prétendue justice (Luc 18:9 et suiv.). La raison pour laquelle les publicains étaient plus proches est qu’au lieu de se confier dans la chair, ils reconnaissaient leur méchanceté devant Dieu. Ils étaient les ‘malades’ qui avaient besoin d’un médecin, et ils le savaient. Or le Sauveur des pécheurs était venu pour appeler de tels pécheurs à la repentance — non pas ceux qui étaient ‘en bonne santé’, qui, dans leur propre justice, croyaient ne pas avoir besoin de Lui. Ceux qui étaient ‘en bonne santé’ s’appuyaient sur la loi et pensaient pouvoir se tenir devant Dieu par ce moyen. Par contre, ‘les publicains et les pécheurs’ se réfugiaient dans la grâce de Dieu qui leur était offerte.

Déjà au paragraphe précédent (Matthieu 9:9-13), on voit le passage de la loi à la grâce. Pour une âme pieuse, le passage de la dispensation de la loi à la dispensation de la grâce présentait sans aucun doute une énorme difficulté. N’était-ce pas difficile de reconnaître que Dieu changeait d’intention, et que ce qui avait été valable pendant des siècles, et que Dieu Lui-même avait institué, n’était plus désormais Son principe d’action envers l’homme ? La réponse est que Dieu n’avait jamais eu l’intention de se révéler pleinement sous la loi, dans le judaïsme. Certes la loi avait apporté une révélation partielle de Dieu, mais la pleine révélation de ce qu’est Dieu et de qui Il est, n’a pu être apportée que par la venue du Fils de Dieu. Christ est l’image du Dieu invisible ; Lui seul est l’expression parfaite de Son cœur et de Ses pensées.


2.2 - Incompatibilité de la loi et de la grâce

Le Seigneur montre maintenant, dans les deux images de notre parabole, qu’il est impossible de mélanger le principe de la grâce avec les anciennes formes du judaïsme. Il fallait soit la loi soit la grâce. On ne pouvait pas avoir les deux, on ne pouvait pas mêler les deux. C’est ce que les disciples devaient apprendre autrefois, et que nous devons aussi apprendre aujourd’hui.


2.2.1 - Le morceau neuf au vieil habit

Le ‘vieil habit’, c’est le judaïsme de ce temps-là, sous la forme vers laquelle les pharisiens et les scribes l’avaient fait évolué par leurs doctrines et leurs coutumes, leur formalisme et leur fausse justice (Matthieu 5:20). En dessous de la classe dirigeante, peut-être y en avait-il qui reconnaissaient certaines carences de leur système et qui n’étaient pas hostiles à une certaine amélioration ou réforme. Un ‘morceau neuf’ de ce que Jésus enseignait et faisait, n’aurait pas fait de mal à leur système, à leurs yeux. Mais le Seigneur Jésus en montre l’inutilité absolue : le neuf ne ferait que déchirer d’autant plus le vieux. Il est effectivement impossible d’associer ces deux systèmes. On ne peut pas — même si c’est dans une toute petite mesure (« un morceau ») — se servir de la grâce pour améliorer un système religieux marqué de l’empreinte pharisienne. Il était impossible de mêler les formes extérieures ou les manifestations de ce que Christ apportait, aux formes extérieures ou aux manifestations qui caractérisaient le judaïsme. C’est de ces formes extérieures ou de ces manifestations que semble parler ‘l’habit’. Nous ne devons pas perdre de vue que le christianisme lui aussi — ou l’évangile de la grâce, pouvons-nous dire aussi — suscite des effets visibles extérieurement. Mais cet ‘habit neuf’ qui faisait voir les effets de la grâce, ne pouvait en aucune manière être mis au même rang que les formes légales et en partie hypocrites du judaïsme (Matthieu 6:2, 5, 16 ; 23:13 et suiv.).

Quand Christ était sur cette terre, le système juif était déjà comme un vieux vêtement râpé. Il n’était bon à rien sinon à être jeté. Essayer de le réformer par des valeurs morales apportées par le christianisme, non seulement manifesterait encore plus la corruption de l’ancien système, comme nous l’avons déjà dit, mais le nouveau en serait aussi gâté. Nous allons reparler bientôt plus en détail de cette incompatibilité entre la grâce et la loi.

Signalons, dans ce contexte, une différence intéressante entre ce que le Seigneur dit en Matthieu et ce qu’il dit en Luc à propos de l’inutilité de mettre un morceau neuf à un vieil habit. Tandis qu’en Matthieu il n’est pas du tout fait mention d’un habit neuf :


« Et personne ne met un morceau de drap neuf à un vieil habit » (Matthieu 9:16),


il est dit en Luc :


« Personne ne met un morceau tiré (*) d’un habit neuf à un vieil habit ; autrement il déchirera le neuf, et aussi la pièce [prise] du neuf ne s’accordera pas avec le vieux » (Luc 5:36).


(*) Note Bibliquest : Remarquer que l’auteur utilise le sens littéral du texte biblique en traduisant « tiré d’un habit neuf » et non pas simplement « d’un habit neuf » selon la traduction JN Darby en français.


L’évangile selon Matthieu insiste sur l’inutilité d’améliorer le ‘vieil habit’, la dispensation juive en train de disparaître, à l’aide d’un ‘morceau’ chrétien. Luc, par contre, ajoute la pensée que l’habit neuf serait, lui aussi, déchiré et gâté, si l’on en découpait un morceau pour réparer l’ancien. Si on associait ce que le vrai christianisme manifeste de sa nature, aux formes et aux rites du judaïsme — c’est ce qui s’est passé dans la chrétienté jusqu’à aujourd’hui — les formes d’expressions ou les manifestations qu’apporte le christianisme en seraient détruites. C’est l’avertissement du Seigneur dans Sa première image.


2.2.2 - Du vin nouveau dans de veilles outres

La seconde image élargit la pensée de la première. Il y a à la fois des parallèles et des contrastes entre les deux. Le vieux ne pouvait pas être conservé par un rajout d’un petit morceau du neuf associé au vieux. Le nouveau ne pouvait pas être conservé en l’associant en totalité avec le vieux. C’est là une pensée parallèle. — Le vieil habit ne pouvait pas être conservé par l’ajout d’un morceau neuf. Le vin nouveau ne pouvait pas être conservé en le versant dans de vieilles outres ; c’est la pensée contraire. — Mais les deux images se retrouvent sur leur point culminant respectif : Quand on associe le vieux avec le neuf, les deux sont gâtés, le vieux aussi bien que le neuf.

Le ‘vin nouveau’ nous parle de la vérité, de la force et de la joie intérieures du christianisme. Le ‘vin nouveau’ ne pouvait pas être contenu dans de ‘vieilles outres’, les institutions et les cérémonies du judaïsme. Dieu avait éprouvé Israël par la loi, mais maintenant, Il envoyait l’évangile de Sa grâce. Il ne s’agissait donc plus d’améliorer le vieux, mais d’accepter le nouveau. La nouvelle bénédiction a été trop grande, la défaillance dans l’ancienne dispensation a été trop démontrée. On ne peut pas associer l’évangile de la grâce avec le judaïsme. Ils sont aussi incompatibles que la grâce et la loi.

Or malgré cela, depuis le commencement du christianisme, on n’a pas manqué de tentatives visant à mélanger les éléments du christianisme avec les éléments du judaïsme. On se disait que les deux étaient finalement d’origine divine, la loi comme la grâce. Pourquoi ne pas prendre le meilleur des deux systèmes pour en faire quelque chose d’encore meilleur ? Déjà les Galates essayaient de mélanger la loi et la grâce ; et l’apôtre Paul a dû les reprendre sérieusement sur ce point. La chrétienté recommence cela aujourd’hui.

L’effet est toujours double et pernicieux à tous égards. D’une part on enlève à la sainte loi de Dieu le sérieux et la frayeur qu’elle inspire, en la ravalant à n’être qu’un instrument pour endiguer les défaillances de conduite des gens. D’autre part la grâce de Dieu inconditionnelle perd son vrai et beau caractère justement par le fait qu’on cherche à mériter la faveur de Dieu par un système d’œuvres.

Si les saintes exigences de Dieu consignées dans la loi sont bien comprises, elles doivent forcément être un sujet d’effroi pour l’homme qui n’est pas saint. La loi exige la justice de la part de l’homme sans lui donner la force nécessaire pour la produire. Elle met à nu son péché sans épargner et le condamne sans lui donner le moyen d’en être délivré. C’est là la force et l’utilité de la loi, mais aussi la frayeur qu’elle produit (comp. Romains 7:7-13 ; Galates 3:10 ; 1 Timothée 1:8-10).

En revanche, la grâce est ce qu’il y a de plus heureux et de plus merveilleux qui puisse arriver à un pécheur perdu. Car la grâce n’exige rien, elle donne. La grâce agit avec l’homme non pas selon ce qu’il est, mais selon ce que Dieu est. Or Dieu, qu’est-Il ? Lumière et amour. Dans Son amour Il a livré Son Fils à la mort ; dans Sa sainteté Il L’a puni pour ce que nous avions commis.

Dans le temps présent, Dieu est juste en justifiant celui qui est de la foi de Jésus (Romains 3:26). Combien la grâce de Dieu est magnifique ! Elle donne au racheté une place « en Christ » — une place dans la gloire du ciel. Le chrétien est mort avec Christ, et est aussi mort à la loi (Romains 6:8 ; 7:1-6). Mais ce qu’il vit, il le vit à Dieu (Romains 6:11 ; Galates 2:19). Il possède le Saint Esprit comme sceau de la rédemption, et aussi comme arrhes de son héritage céleste (Éphésiens 1:13-14). Tout cela, et encore bien plus, il le possède par pure grâce. « Car vous êtes sauvés par la grâce, par la foi, et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu ; non pas sur le principe des œuvres, afin que personne ne se glorifie » (Éphésiens 2:8, 9).

Quand on a un peu compris ce qu’est la loi et ce qu’est la grâce, est-il pensable de mélanger ces deux principes, sans par là les détruire tous deux ? Peut-on imaginer qu’un système religieux mort comme le judaïsme de cette époque-là et comme la chrétienté d’aujourd’hui, puisse être associé au ‘vin nouveau’ ? Les ‘vieilles outres’ des formes humaines figées peuvent bien contenir le dépôt du ‘vin vieux’ ; mais la force intérieure au christianisme et les principes qui lui sont propres les ferait éclater. Là où il y a la force de l’Esprit, les formes légales ne font que démontrer leur faiblesse. Une chrétienté imprégnée de rituels et de cérémonies humaines n’est en réalité ni juive ni chrétienne — « ceux qui se disent être Juifs, — et ils ne le sont pas, mais ils mentent » (Apocalypse 3:9).


2.2.3 - Préférer le ‘vin vieux’

Quel immense danger il y a à se contenter d’une forme extérieure de piété sans avoir la force intérieure correspondante (2 Timothée 3:5) ! L’homme aime les formes religieuses. Il est fou au point de croire que, s’il les a, il a aussi la chose elle-même. Mais si la réalité manque, si la foi manque, l’observation de formes extérieures ne fait que détourner toujours plus loin de Christ. C’est cela qui est vraiment tragique. Et au lieu de la grâce qui conduit à la repentance, l’esprit de légalisme et d’autosatisfaction se développera.

Dans ce contexte, il est extrêmement remarquable que Luc ajoute encore une phrase du Seigneur à la fin de la parabole, ce qu’aucun autre évangéliste ne mentionne :


« Et il n’y a personne qui ait bu du vieux, qui veuille aussitôt du nouveau ; car il dit : Le vieux est meilleur » (Luc 5:39).


Le Seigneur Jésus ne dit pas que le vin vieux est effectivement meilleur que le nouveau, mais Il dit que c’est ce que pensent les gens — les Juifs qui repoussaient le ‘vin nouveau’ qu’Il apportait. La manifestation de la grâce, oui, la manifestation de Lui-même dépassent la capacité de compréhension de l’homme à un tel point, et d’une manière tellement contraire à son intelligence, qu’elles n’engendrent que défiance et résistance de sa part. C’est la raison pour laquelle la nature pécheresse de l’homme se sent beaucoup plus proche des prescriptions légales que de ce que Christ apportait. Elle préfère faire quelque chose par elle-même, plutôt que d’accepter la grâce en confessant son impuissance. Qu’il est immense le cortège de ceux de la chrétienté qui, après que la grâce en Christ leur ait été proposée, veulent en rester au ‘vin vieux’ et disent : « Le vieux est meilleur » ! Que ceci soit un chemin menant avec certitude à la perdition n’est pas le sujet de notre parabole. D’autres passages de l’Écriture le montrent.

Avant de terminer, faisons encore la comparaison avec les noces de Cana. C’est là que le Seigneur accomplit Son premier miracle, en changeant l’eau en vin. « Mais lorsque le maître d’hôtel eut goûté l’eau qui était devenue du vin, et qu’il ne savait point d’où celui-ci venait (mais les serviteurs qui avaient puisé l’eau le savaient), le maître d’hôtel appelle l’époux, et lui dit : Tout homme sert le bon vin le premier, et puis le moindre, après qu’on a bien bu ; toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant » (Jean 2:9, 10).

Il est aussi parlé dans cette circonstance de deux vins différents, le ‘moindre’ et le ‘bon’. Le ‘bon vin’ était la manifestation de Sa merveilleuse Personne ; car le récit s’achève par ces paroles : « Jésus fit ce commencement de [ses] miracles à Cana de Galilée, et il manifesta sa gloire ». Combien c’est heureux, bien-aimés : Quel que soit le moment où le Seigneur Jésus se manifeste, que ce soit autrefois, aujourd’hui, pendant le millénium, ou dans l’éternité — le résultat est toujours une joie débordante et une gloire parfaite !

Oui, nous Le connaissons déjà maintenant. Mais un jour, peut-être proche, Il se manifestera à nous en gloire. Nous Le verrons comme Il est (1 Jean 3:2). Ne nous exclamerons-nous pas, bouleversés : « Tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant ! » ?


3 - La brebis tombée dans la fosse — Matthieu 12:11-12

Er lehrte sie vieles in Gleichnissen, Vol. 1 p. 121

3.1 - Aperçu général du chapitre 12

Au chapitre 12 de l’évangile de Matthieu, nous trouvons plusieurs petites paraboles qui se rapportent toutes à l’état de la nation juive.

Ce chapitre constitue un tournant dans l’évangile selon Matthieu. Le Seigneur Jésus s’était fait connaître au milieu de Son peuple terrestre comme le Messie promis. La multitude du peuple avait entendu les paroles de grâce sortant de Sa bouche et avait vu Ses actes de puissance magnifiques. Les aveugles recouvraient la vue, les lépreux étaient rendus nets, les démons étaient chassés et les morts ressuscitaient. N’était-il pas manifeste qu’« Emmanuel » (= Dieu avec nous) avait visité ce peuple pour « le sauver de leurs péchés » (Matthieu1:21-23) ? Mais le peuple, vu dans son ensemble, n’avait de cœur ni pour Jésus ni pour la grâce qu’Il offrait. La haine des conducteurs du peuple allait toujours croissant, jusqu’à prétendre qu’Il chassait les démons par Béelzébul, le chef des démons (Matthieu 12:24). Le Seigneur accepte le rejet de la part de Son peuple, et là-dessus, Il rompt les relations extérieures qui L’avaient lié à ce peuple (Matthieu 12:46-50). Désormais Il ne se présentait plus à la nation juive en tant que Messie. Il allait plutôt opérer quelque chose de nouveau avec le « royaume des cieux ». Pour marquer ce changement prochain dans les voies de Dieu, « Jésus, étant sorti de la maison, s’assit près de la mer » (Matthieu 13:1).

Au cours du chapitre 12 dans Ses derniers discours au peuple, le Seigneur Jésus introduit trois petites paraboles, celle de « la brebis dans la fosse » (Matthieu 12:11), celle de « la maison de l’homme fort » (Matthieu 12:29) et celle de « l’esprit immonde » (Matthieu 12:43-45). La première parabole est en rapport avec la question du sabbat, la deuxième avec le blasphème du Saint Esprit et la troisième avec le désir de cette « génération méchante et adultère » (les juifs) de voir un signe opéré par le Seigneur.


3.2 - Le sabbat

La circonstance des huit premiers versets du chapitre manifeste déjà l’inimitié des pharisiens. Les disciples du Seigneur avaient arraché des épis le jour du sabbat, et les froissaient dans leurs mains pour les manger. Cela suscita l’opposition de ces conducteurs : « Voilà, tes disciples font ce qu’il n’est pas permis de faire en un jour de sabbat » (Matthieu 12:2). Ils se trompaient. Ce n’était pas la loi qui l’interdisait (comp. Deutéronome 23:25), mais seulement les prescriptions qu’ils y avaient ajoutées eux-mêmes, et qui, pour une partie d’entre elles, étaient exagérées jusqu’au ridicule, — cette « tradition des hommes » comme Il la nommait (Marc 7:8). Il aurait pu le leur montrer, et leur faire sentir combien il était répréhensible d’avoir ajouté leurs propres ordonnances à la loi de Dieu. Mais dans Sa sagesse infinie, Il agit tout autrement : Il leur montre en actes et en doctrine que maintenant tout lien entre la nation et Dieu était rompu.

Que valaient les formes extérieures de leur culte juif quand le Fils de Dieu était rejeté ? Dans l’histoire du peuple, il y avait eu des jours très semblables aux jours actuels. David, le vrai roi, avait été rejeté de son peuple et s’était enfui pour sa vie. Saül, le roi selon le cœur du peuple, était assis sur le trône d’Israël pendant que le roi de Dieu était en fuite. En un jour de sabbat, David et ses hommes mangèrent des pains de proposition, ce qui n’était permis qu’aux sacrificateurs, et n’en furent pourtant pas coupables (comp. Lévitique 24 avec 1 Samuel 21). Comment l’expliquer ? Si l’Oint de l’Éternel était rejeté, même les choses sanctifiées données par Dieu à Son peuple cessaient d’être saintes.

Il en était de même maintenant. N’était-il pas tout à fait caractéristique que les disciples de Jésus en soient réduits à arracher des épis pour calmer leur faim ? Le Messie séjournait au milieu de Son peuple, et pourtant ceux qui Le suivaient étaient affamés — un signe certain de ce qu’Il était déjà le rejeté. Quel sens y avait-il à veiller à l’observation rigoureuse du sabbat quand le Seigneur du sabbat était rejeté ? Dieu peut-Il recevoir quelque chose de saint de la part de gens qui rejettent Son Fils ? Quand le cœur n’appartient pas à Christ, combien les cérémonies extérieures sont dénuées de valeur !

Ensuite vient la guérison de l’homme à la main sèche, qui est mise en relation avec notre petite parabole. Cela se passait aussi un jour du sabbat. La question hypocrite des pharisiens était de savoir s’il était permis de guérir le jour du sabbat. Ils cherchaient une nouvelle raison pour L’accuser. Mais avant d’aborder l’image de « la brebis dans la fosse » dont le Seigneur se sert pour répondre, nous aimerions nous arrêter un moment sur la signification fondamentale du sabbat — sur laquelle même de vrais chrétiens ne sont pas toujours au clair, et cela a amené beaucoup de doctrines et de pratiques malsaines.

Deux questions se posent : Les chrétiens doivent-ils aussi garder le sabbat ? Et, si oui, a-t-il été reporté au dimanche ? C’est non qu’il faut répondre clairement à ces deux questions. Il n’y a, dans le Nouveau Testament, pas le moindre indice tendant à supporter un quelconque report du sabbat au dimanche. Quand on parle du sabbat, il est toujours question du septième jour de la semaine, et non pas du premier. Le sabbat était un jour de repos accordé au peuple d’Israël. Dieu Lui-même s’était reposé au septième jour de toute Son œuvre qu’Il avait faite (Genèse 2:2, 3), et Il avait « sanctifié » le septième jour, c’est-à-dire qu’Il l’avait distingué et séparé des autres jours de la semaine. Plus tard le sabbat devint un élément essentiel de la loi mosaïque. Il parle du travail et de la peine de l’homme sous la loi en ayant en vue le repos quand l’homme répondrait aux exigences de la loi. Nous savons que ce repos n’a jamais pu être réalisé à cause du péché. Ainsi le septième jour fait partie du système juif. C’est pour cela qu’il est significatif que, dans les évangiles, quand on voit le Seigneur Jésus en rapport avec le sabbat, Il est toujours en train de le violer, en tout cas selon l’avis des Juifs. Effectivement Il faisait beaucoup de Ses miracles justement le jour du sabbat, et Il rompait ainsi le lien entre Lui et Israël, dont le sabbat était un signe tout particulier (comp. Luc 13:16 ; Jean 5:9 ; 7:23 ; 9:14).

Mais ce ne fut pas tout ; Il apporta sa caution à un jour autre que celui du sabbat, le premier de la semaine. C’est en ce jour là qu’Il apparut aux disciples rassemblés comme le Ressuscité victorieux (Jean 20:19). C’est le jour de Sa résurrection, le jour de Son triomphe sur la mort et sur le diable. Ce jour que l’ancien Testament caractérisait déjà comme le « lendemain du sabbat » (Lévitique 23:11, 16) porte dans le Nouveau Testament le titre significatif de « journée dominicale » (= jour du Seigneur ; Apocalypse 1:10) : Il Lui appartient.

La résurrection de Christ est le commencement d’une nouvelle création, le fondement de la nouvelle alliance. Dieu a été pleinement glorifié par Christ et par Son œuvre rédemptrice accomplie, et Il L’a ressuscité d’entre les morts en réponse à cela. C’est en Lui, le Christ ressuscité, que le vrai chrétien trouve maintenant son repos et sa joie. C’est le premier jour de la semaine, notre dimanche, qui convient donc au christianisme. Tant que nous pouvons le vivre, il nous parle toujours à nouveau de Sa résurrection. Il représente un don précieux de Dieu pour nous. C’est en ce jour là que les premiers chrétiens se réunissaient pour rompre le pain (Actes 20:7). L’apôtre Paul insistait aussi pour que, chaque premier jour de la semaine, les croyants mettent de côté de l’argent pour l’œuvre du Seigneur et pour les pauvres d’entre leurs frères (1 Corinthiens 16:2). N’avons-nous pas toutes les raisons de nous réjouir de tout cœur de ce don, et de consacrer ce jour de manière toute particulière à l’adoration du Père et du Fils ? Ne devrions-nous pas profiter tout particulièrement de ce jour-là pour jouir de la communion avec le Seigneur et pour Le servir ?

Il y a encore autre chose à ne pas oublier : Dieu ne nous a pas donné de loi à l’égard du premier jour de la semaine, le jour du Seigneur. Le Juif au contraire, était sous la loi, et était donc sous l’obligation de garder le sabbat. Le croyant du temps de la grâce est mort à la loi (Rom 7:1-6), il n’est sous aucun joug, pas même celui de la loi. « Christ nous a placés dans la liberté en nous affranchissant » dit l’apôtre, et il ajoute un peu plus loin : « Car vous, frères, vous avez été appelés à la liberté ; seulement n’usez pas de la liberté comme d’une occasion pour la chair, mais, par amour, servez-vous l’un l’autre » (Galates 5:1, 13). Ainsi les Israélites avaient l’obligation d’observer le sabbat ; mais le chrétien a le privilège de passer le premier jour de la semaine en communion avec Dieu.

Pour finir, notons encore que le repos sabbatique éternel est toujours réservé au peuple de Dieu (Hébreux 4:9). En un certain sens, le repos même de Dieu a été interrompu par le péché, et maintenant Dieu travaille, et Christ travaille, et le Saint Esprit travaille. Le but de l’activité de Dieu est de sauver encore beaucoup de gens (ce à quoi Il veut aussi nous utiliser), et à la fin de réconcilier toutes choses (Colossiens 1:20). Quand Son conseil sera accompli, et que tout, dans l’univers de Dieu, sera comme Il l’a toujours voulu, alors Il se reposera enfin de toutes Ses œuvres. Et là, nous aussi, nous auront part à ce repos magnifique, éternel, dont le sabbat était déjà le type depuis des millénaires.


3.3 - L’homme à la main sèche — Matthieu 12:9-13

Tandis que le Seigneur était à la synagogue un jour de sabbat pour enseigner, il y avait là un homme ayant une main sèche (Matthieu 12:9-13 ; Marc 3:1-6 ; Luc 6:6-11). Les pharisiens et les scribes L’observaient pour voir s’Il guérirait le jour du sabbat. Seul Matthieu nous rapporte qu’ils Lui posèrent aussi la question : « est-il permis de guérir le jour du sabbat ? ». Cette question montre qu’ils étaient intérieurement convaincus que Christ avait la capacité de guérir, et pourtant ils ne croyaient pas en Lui. Quelle dureté de cœur cela manifeste !

Même si notre Sauveur vivait dans l’abaissement parmi les hommes, Il était néanmoins le Maître de la situation. C’est toujours réjouissant de voir cela. Voilà donc l’homme à la main sèche. Sur ordre du Seigneur, il s’avance au milieu de la synagogue. Ceux qui guettent le Seigneur se réjouissent déjà d’une joie méchante, Le voyant bientôt pris au piège. La voix du Maître rompt ce silence tendu, elle est rayonnante de calme et de tranquillité :


« Quel sera l’homme d’entre vous, qui aura une brebis, et qui, si elle vient à tomber dans une fosse un jour de sabbat, ne la prendra et ne la relèvera pas ? Combien donc un homme vaut-il mieux qu’une brebis ! De sorte qu’il est permis de faire du bien le jour de sabbat » (Matthieu 12:12).


Quelle logique impérieuse, parce que c’est de la logique divine ! Qui pouvait y opposer ne serait-ce qu’un seul mot ? C’est ainsi que le Seigneur a convaincu d’hypocrisie Ses adversaires, en se servant d’une petite parabole, si simple.

En outre, elle tire sa beauté de ce qu’elle nous présente le Seigneur Jésus comme le bon berger qui va chercher une de Ses brebis pour la retirer de la fosse. C’est la suite de l’évènement qui nous le montre — qui plus est, un exemple du Seigneur mettant en relation une parabole avec un miracle, et l’« illustrant » ainsi. Ici Il retire la brebis de la fosse, tandis que dans les paraboles parallèles de Matthieu 18:12-14 et Luc 15:4-7 Il va à la suite d’une seule brebis qu’Il a perdue, et la cherche. La parabole de Luc 15 commence en des termes très similaires à ceux de Matthieu 12 : « Quel est l’homme d’entre vous, qui, ayant cent brebis et en ayant perdu une, ne laisse les quatre-vingt-dix-neuf au désert, et ne s’en aille après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée ? » La question du Seigneur : « Combien donc un homme vaut-il mieux qu’une brebis ? » peut s’appliquer aux deux paraboles, et les deux paraboles sont une réponse du Seigneur à l’indignation des pharisiens. Dans le premier cas, cette indignation provenait de ce que Jésus guérissait le jour du sabbat, et dans le deuxième de ce qu’Il recevait des pécheurs et mangeait avec eux.

Un exemple de parabole suivant un miracle — et non pas de miracle suivant une parabole, comme ici — se trouve en Jean 9 et 10. Au chapitre 9 le Seigneur ouvre les yeux de l’aveugle-né par un miracle, et cela donne la clé de la parabole de la « porte des brebis » et des leçons du chapitre suivant. Nous avons également cette même séquence (miracle - parabole) avec la parabole de la « maison de l’homme fort », qui suit celle dont nous nous occupons (Matthieu 12:22-29).

Mais ici c’est le miracle qui suit la parabole : « Alors il dit à l’homme : Étends ta main. Et il l’étendit, et elle fut rendue saine comme l’autre » (Matthieu 12:13). Combien c’est magnifique ! Cet homme avait de la foi, assez de foi pour étendre sa main sèche à la demande du Seigneur. Ne pourrions-nous pas tous apprendre quelque chose de lui ? Réagirons-nous également avec foi aux paroles de notre Seigneur, s’Il nous invite à étendre notre main vers Lui, — cette main qui par nature est totalement « sèche » et inapte à aucune bonne œuvre ? Il répondra toujours par une riche bénédiction à l’obéissance de la foi.

Il n’est pas difficile de reconnaître une image du peuple d’Israël dans cet « homme à la main sèche ». Ce peuple a été autrefois, et est encore aujourd’hui, dans un état d’assèchement spirituel — sans foi pour étendre la main vers Lui. À l’inverse de cet « homme », ce peuple n’a pas tiré profit de la présence du Seigneur et de Sa volonté de guérir. Mais le jour viendra, où il sera amené par de graves épreuves à montrer de la foi au Seigneur Jésus, tandis qu’aujourd’hui continue à s’accomplir pour ce peuple cette parole prophétique bouleversante : « Sion étend ses mains, il n’y a personne qui la console » (Lament. de Jérémie 1:17).


4 - La maison de l’homme fort — Matthieu 12:22-29 ; Marc 3:22-30 ; Luc 11:14-23

Er lehrte sie vieles in Gleichnissen, Vol. 1 p. 131

La petite parabole de Matthieu 12 de ‘l’homme fort’ suit un miracle du Seigneur, celui de la guérison du possédé aveugle et muet (12:22-29). Nous avions vu l’ordre opposé dans la parabole de la ‘brebis tombée dans une fosse’. Ici, comme en Jean 9 et 10, le Seigneur Jésus ajoute une parabole pour faire comprendre la signification propre et la portée du miracle qu’Il avait accompli.


4.1 - Le blasphème contre le Saint Esprit

Les pharisiens s’étaient rendus coupables du blasphème contre le Saint Esprit — un péché qui ne serait pas pardonné, dit le Seigneur. Parce qu’il y a toujours de nouveau des personnes qui pensent avoir commis ce péché et en conséquence, ne pas pouvoir être pardonnées, je voudrais m’arrêter quelques instants sur ce point important. Le diable cherche à ôter la paix même à de vrais enfants de Dieu, en leur suggérant qu’ils ont péché volontairement, et qu’en cela ils ont commis le péché contre le Saint Esprit qui ne peut être pardonné, même si l’on se courbe profondément devant ce qui a été commis. On argumente aussi que David lui-même a finalement prié en disant : « ne m’enlève pas l’Esprit de ta sainteté ! » (Psaume 51:11). Qui pourrait dès lors soutenir l’irréversibilité de la possession du Saint Esprit, et du salut du croyant qui l’accompagne ? Beaucoup de gens sont jetés dans une profonde détresse par de telles questions qui suscitent le doute ! C’est spécialement à elles que s’adressent les lignes suivantes.


4.2 - Satan chasse-t-il Satan ?

Que s’était-il passé aux jours du Seigneur ? Le Seigneur Jésus avait encore une fois prouvé Son autorité et Sa puissance divines en guérissant un possédé aveugle et muet. Ce possédé était en outre une figure parlante, bien que fort triste, de la nation juive : aveugle vis-à-vis de la personne de Jésus, leur roi, et muette quant à la louange qu’ils avaient à rendre à Dieu. Certes la masse du peuple était dans l’étonnement, et disait « celui-ci serait-Il le Fils de David ? ». Mais cette question elle-même laissait planer le doute sur ce qu’Il était réellement. Les pharisiens, toujours pleins d’envie et de jalousie vis-à-vis du Seigneur, franchirent alors un pas de plus, un pas décisif : ne pouvant nier le miracle, ils l’attribuèrent sans hésiter à Satan, et prétendirent : « Celui-ci ne chasse les démons que par Béelzébul, le chef des démons » (Matthieu 12:24).

Ce n’était pas la première fois qu’on faisait cette méchante imputation, mais jusque-là, le Seigneur ne s’y était pas arrêté. Mais cette fois-ci le Seigneur prit position de manière infiniment sérieuse contre ce blasphème effrayant et méchant. Il fit d’abord ressortir le contresens complet de leur argument. Comment un système peut-il exister quand il combat contre lui-même ? Et si Satan chasse Satan, c’est qu’il est divisé contre lui-même. Était-ce pensable ? C’était une folie absolue de le croire ! En outre parmi leurs propres fils, il y avait des soi-disant exorcistes, comme le montre d’ailleurs l’exemple d’Actes 19 (v. 13 et suiv.). Par quelle puissance exerçaient-ils alors leur œuvre malencontreuse, si Lui, le Christ, chassait les démons par Béelzébul ? « Je connais Jésus et je sais qui est Paul » leur dit l’esprit malin, « mais vous, qui êtes-vous ? » (Actes 19:15).


4.3 - En quoi consiste le blasphème contre le Saint Esprit

Le Seigneur Jésus prononce alors une phrase décisive pour notre sujet : « Mais si moi je chasse les démons par l’Esprit de Dieu, alors le royaume de Dieu est parvenu jusqu’à vous » (Matthieu 12:28). Remarquons ceci : Jésus ne chassait pas les démons simplement par Sa propre puissance — la puissance de l’Éternel, car Il était effectivement l’Éternel (Yahweh). Mais comme homme, Il était assujetti en tout à Son Père, et le Père faisait les œuvres (Jean 14:10, 11). Ici, nous apprenons qu’Il accomplissait aussi Ses miracles dans la puissance de l’Esprit de Dieu. Ils étaient l’expression visible de ce que le Saint Esprit habitait et agissait en Lui : Il chassait les démons par le doigt de Dieu (Luc 11:20).

Il est bien vrai que l’Esprit de Dieu habite et agit aussi en nous les rachetés, mais combien nous pouvons facilement L’attrister (ou Le « contrister ») (Éphésiens 4:30), voire même « L’éteindre » dans Son activité (1 Thessaloniciens 5:19) ! C’est pourquoi une accusation de la sorte à l’encontre du Saint Esprit ne peut pas nous toucher de la même manière, car Il ne peut se manifester en nous qu’imparfaitement. Bien des choses à cause desquelles on nous outrage correspondent même à la vérité. Mais dans le Seigneur Jésus, notre Rédempteur, tout était parfait, et le Saint Esprit pouvait agir en Lui sans entrave. Et si Christ chassait les démons, alors Il le faisait sans restriction par l’Esprit de Dieu. Dès lors, prétendre qu’Il le faisait par le chef des démons, c’était directement le « blasphème contre l’Esprit », c’était « parler contre le Saint Esprit ». Le Seigneur dit que ce péché ne serait pardonné ni dans « ce siècle » (c’est-à-dire le temps où le Seigneur Jésus séjournait sur la terre), « ni dans celui qui est à venir » (c’est-à-dire le règne de mille ans) (Matthieu 12:31, 32).

Or il est fondamentalement vrai que des gens animés dans leur cœur d’une telle méchanceté contre le Seigneur Jésus sont exclus de tout pardon, tant qu’ils restent dans cet état sans se repentir. Mais ceci est plus une application de cette position, que directement le blasphème lui-même contre le Saint Esprit. Reconnaître une puissance de Dieu agissant dans le Seigneur Jésus et l’attribuer malgré tout à Satan, voilà ce péché effrayant et impardonnable. Il ne pouvait effectivement être commis que quand le Seigneur Jésus séjournait sur cette terre. Les pharisiens s’en étaient rendus coupables.

Ceci est confirmé par une indication qui ressort du passage parallèle de l’évangile de Marc. « En vérité, je vous dis que tous les péchés seront pardonnés aux fils des hommes, et les paroles injurieuses, quelles qu’elles soient, par lesquelles ils blasphèment ; mais quiconque proférera des paroles injurieuses [ou : blasphèmes] contre l’Esprit Saint n’aura jamais de pardon ; mais il est passible du jugement éternel ». Il y a ensuite une justification qui clarifie parfaitement la circonstance : « C’était parce qu’ils disaient : Il a un esprit immonde » (Marc 3:28-30). C’est cela qui constitue donc ce terrible péché : être en présence du Seigneur et d’un tel miracle de Sa grâce devant les yeux, et prétendre qu’Il avait un esprit impur et qu’Il avait accompli Son miracle dans la puissance de cet esprit impur. Ils qualifiaient de démon le Saint Esprit par lequel Il avait accompli ce miracle. Il n’y avait pas de pardon pour cela.


4.4 - Un péché dispensationnel

Il s’agissait d’un péché dispensationnel, et redisons-le expressément : il ne peut pas être commis aujourd’hui, et en tout cas pas de la même manière. Ceux qui l’avaient commis fournissaient la preuve qu’ils avaient péché au point que leurs consciences étaient endurcies. Ils étaient arrivés au point où il ne peut plus y avoir de délivrance.

Si je parle ainsi de « péché dispensationnel », c’est pour montrer que le Seigneur Jésus a manifestement attribué le blasphème contre le Saint Esprit à des dispensations particulières. L’expression « ni dans ce siècle ni dans celui qui est à venir » ne signifie pas du tout qu’il y ait encore pour certaines personnes, un pardon dans un autre monde, comme on le prétend et l’enseigne dans plusieurs milieux chrétiens. Nous avons déjà brièvement indiqué que le Seigneur parlait de deux ères [ou : siècles] bien précises, celle qui était alors en train de se terminer, et l’autre à venir, le règne de mille ans. Nous chrétiens, notre position est en dehors de ces ères [ou : « siècles »]. L’ère chrétienne actuelle n’était alors pas encore révélée, en conséquence de quoi ce n’est pas d’elle que le Seigneur parlait. Pourtant ces paroles du Seigneur peuvent s’appliquer également à ceux qui, dans le temps présent, refusent intentionnellement le témoignage du Saint Esprit au sujet de Christ. De tels gens ne peuvent connaître le pardon ni dans l’ère juive, ni dans l’ère actuelle, ni dans n’importe quelle autre ère [ou : siècle]. Combien cela est extrêmement sérieux !

C’est justement des enfants de Dieu angoissés et faibles qu’on entend parfois parler de leur inquiétude profonde, de ce qu’ils auraient commis le péché contre le Saint Esprit et seraient ainsi perdus quoi qu’il arrive. Mais leur manière vague de s’exprimer montre déjà à elle seule combien, d’un point de vue général, leur souci est sans fondement. Ils parlent presque toujours — certainement inconsciemment — de péché contre le Saint Esprit, alors que le Seigneur utilise une autre expression : « le blasphème contre le Saint Esprit » ; « celui qui aura proféré des paroles injurieuses [ou : blasphémé] contre le Saint Esprit ». Tout péché est finalement contre Dieu, et par là également contre le Saint Esprit (Psaume 51:4). Mais pécher contre Dieu est une chose, et blasphémer le Saint Esprit en est une autre. Les mettre sur le même niveau conduit à des conclusions fatales et fausses.


4.5 - La prière de David

Quand David pria après son grave péché en disant : « ne m’ôte pas l’esprit de ta sainteté », une telle prière était tout à fait appropriée en ce temps-là. À cette époque l’œuvre de la rédemption n’était pas encore accomplie. Néanmoins, il a plu à l’Esprit de Dieu de venir sur, ou de saisir quelqu’un à de certaines occasions, même des incrédules, pour se révéler sous une forme ou sous une autre. Pensons simplement à l’exemple de Saül, qui fut saisi par l’Esprit de Dieu en sorte qu’il se mit à prophétiser et que ceci passa en proverbe : « Qu’est-il donc arrivé au fils de Kis ? Saül aussi est-il parmi les prophètes ? » (1 Samuel 10:10, 11).

Cependant, aujourd’hui, l’Esprit de Dieu habite dans le croyant sur la base de la rédemption accomplie, et son corps est le temple du Saint Esprit (1 Corinthiens 6:19). Le Seigneur Jésus avait également dit à ses disciples à Son sujet, que cet autre Consolateur ne les laisserait pas — comme Lui-même — mais qu’Il serait avec eux éternellement. Il demeurerait avec eux et serait en eux (Jean 14:16, 17). C’est pour cela que la requête de David serait tout à fait inappropriée pour nous, et nulle part dans le Nouveau Testament on ne trouve mention de ce genre de prière. Dieu se plait certainement à nous entendre Lui demander que le Saint Esprit nous remplisse davantage ou que nous ne L’attristions pas. Mais prier qu’Il ne nous soit pas ôté, cela reviendrait à rabaisser l’œuvre de notre Seigneur ; car le Saint Esprit est bien le sceau de la rédemption et les arrhes de notre héritage futur (2 Corinthiens 1:21, 22 ; Éphésiens 1:13, 14).

L’exemple de notre Seigneur nous fait également comprendre clairement que nous posséderons l’Esprit Saint aussi dans la résurrection. Quoiqu’il eût traversé la mort, c’est « par l’Esprit Saint » que le Seigneur « a donné », en tant que ressuscité, des ordres aux apôtres » (Actes 1:2) : Il ne L’avait pas perdu. Et nous non plus, nous ne Le perdrons jamais.


4.6 - L’homme plus fort

Revenons maintenant aux paroles de notre Seigneur en Matthieu 12. Il avait chassé le démon qui avait asservi le possédé aveugle et sourd. Le diable avait habité dans cette personne, dans cette « maison ». Combien cela est terrible, et entièrement opposé à la « maison » du croyant chrétien ! Nous avons vu précédemment que le corps du croyant est le temple du Saint Esprit. Mais ici c’est le diable, sous la forme d’un de ses démons, qui avait pris possession de cette personne et habitait en elle. Il a fallu la force de quelqu’un de plus fort pour libérer cet homme de la puissance de Satan ; et c’est ce que le Seigneur présente dans la petite parabole suivante :


« Ou comment quelqu’un pourra-t-il entrer dans la maison de l’homme fort et piller ses biens, si premièrement il n’a lié l’homme fort ? et alors il pillera sa maison » (Matthieu 12:29).


Avant de nous occuper de la signification de cette parabole, signalons une relation intéressante avec la troisième parabole en Matthieu 12, celle de ‘l’esprit immonde’. Dans les deux paraboles on voit un homme devenu domicile de Satan. Dans l’une l’adversaire est vaincu par l’homme plus fort et ses biens sont pillés. Dans l’autre l’esprit immonde n’est chassé que temporairement, puis il revient avec sept autres esprits plus méchants que lui-même. Quel contraste : plus fort — plus méchant ! De plus, la première parabole offre un aspect individuel de l’habitation de Satan, tandis que la seconde offre un aspect collectif de cette habitation. La première parabole se termine par la victoire de l’homme plus fort, la fin de la deuxième parabole est le jugement de la génération méchante.

La guérison du démoniaque montre déjà que le Seigneur Jésus est l’homme plus fort, qui est entré dans la maison de l’homme fort (le diable), et a remporté la victoire sur lui. Néanmoins, dans Sa parabole, le Seigneur dépasse le fait historique actuel, et y décrit quelque chose d’une importance fondamentale.

Quand le Sauveur est venu dans ce monde, il est entré en quelque sorte dans la ‘maison’, c’est-à-dire dans la sphère de puissance de Satan. Mais quand l’a-t-Il « lié » ? Beaucoup croient que ceci a eu lieu à Golgotha. Or il ne semble pas que ce soit ici la signification des paroles du Seigneur. Elles semblent beaucoup plus viser Ses tentations par le diable au désert. Après son baptême au Jourdain, Jésus a été reconnu par le Père comme Son Fils Bien aimé, après que l’Esprit de Dieu soit descendu sur lui comme une colombe (Matthieu 3:16, 17). Ensuite Il a été tenté par le diable dans le désert pendant plus de 40 jours.

En rapport avec notre sujet, il est remarquable que la période de tentation du Seigneur se soit située avant le commencement de Son service public. L’intention de l’ennemi était de faire sortir le ‘Fils’, si c’était bien Lui, de la position de serviteur qu’Il avait prise volontairement. Mais tous les efforts du diable de Le faire sortir de la position d’obéissance et de dépendance de son Père ont été vains. C’est justement par cela, que Christ a lié Satan, pour pouvoir ensuite piller ses ‘biens’ pendant Son service sur cette terre. Oui, « Lui a passé de lieu en lieu, faisant du bien, et guérissant tous ceux que le diable avait asservis à sa puissance, car Dieu était avec Lui » (Actes 10:38).

Sur la croix de Golgotha, le Seigneur n’a pas simplement lié l’homme fort, mais Il l’a vaincu — lui qui avait le pouvoir de la mort, pour délivrer « tous ceux qui, par la crainte de la mort, étaient, pendant toute leur vie, assujettis à la servitude » (Hébreux 2:14, 15). C’est dans cette mesure, c’est-à-dire dans une mesure encore beaucoup plus importante, qu’Il pille encore aujourd’hui la maison de l’homme fort. Et Il le fera encore plus tard au temps du royaume de paix, quand Satan aura été jeté dans l’abîme.

Quel bonheur, bien-aimés, de ne plus faire parti des ‘biens’ de Satan, mais d’appartenir à Celui qui, en tant qu’homme plus fort a lié ‘l’homme fort’ et l’a vaincu ! Même si dans ce passage il n’est pas parlé de l’œuvre nécessaire pour cela, nous connaissons et louons Celui qui l’a accomplie pour nous.


5 - L’esprit immonde — Matthieu 12:43-45

Er lehrte sie vieles in Gleichnissen, Vol. 1 p. 141

La parabole de ‘l’esprit immonde’ semble se rapporter à la guérison d’un démoniaque tout comme la parabole précédente (‘la maison de l’homme fort’, Matthieu 12:22 et suiv.). En tout cas, c’est ce que suggèrent les paroles introductives :


« Or quand l’esprit immonde est sorti d’un homme, il va par des lieux secs, cherchant du repos, et il n’en trouve point. Alors il dit : Je retournerai dans ma maison d’où je suis sorti. Et y étant venu, il la trouve vide, balayée et ornée. Alors il va, et prend avec lui sept autres esprits plus méchants que lui-même ; et étant entrés, ils habitent là ; et la dernière condition de cet homme-là est pire que la première. Ainsi en sera-t-il aussi de cette génération méchante » (12:43-45).


Toutefois, le Seigneur n’a pas prononcé cette parabole directement à la suite d’un miracle opéré par Lui, comme dans le cas des deux autres paraboles de ce chapitre (‘la brebis dans la fosse’ et ‘la maison de l’homme fort’). Ces deux dernières servaient à expliquer la signification de Ses miracles. Ici il s’agit au contraire de la demande d’une méchante génération de voir un signe. Le Seigneur n’avait-il pas fait le miracle remarquable de la guérison du démoniaque, et les pharisiens ne l’avaient-ils pas attribué au diable ? Au lieu de croire, ils demandaient encore un autre signe. On s’étonne comment, après tous les miracles puissants opérés par le Seigneur, ils pouvaient encore avoir l’audace de dire : « Maître, nous désirons voir un signe de ta part » (12:38).


5.1 - Deux signes solennels : convaincus ou jugés ?

N’avaient-ils pas assez vu de signes et de miracles ? À cet égard, il est peut-être instructif de remarquer que non moins de 33 miracles du Seigneur sur les 46 qui sont rapportés ont eu lieu en Galilée. Non, aucun signe supplémentaire ne les convaincrait. C’est pour cela que le Seigneur leur donne un ou deux signes appropriés pour les juger.


« Mais lui, répondant, leur dit : Une génération méchante et adultère recherche un signe ; et il ne lui sera pas donné de signe, si ce n’est le signe de Jonas le prophète. Car, comme Jonas fut dans le ventre du cétacé trois jours et trois nuits, ainsi le fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre. Des hommes de Ninive se lèveront au jugement avec cette génération et la condamneront, car ils se sont repentis à la prédication de Jonas, et voici, il y a ici plus que Jonas » (12:39-41).


C’était le premier signe. Jonas fut le premier et le seul prophète à être envoyé aux nations avec un message de la part de Dieu. Mais avant de remplir correctement sa mission, il dut symboliquement passer par la mort et la résurrection. De la même manière le Fils de l’homme passerait Lui aussi par la mort, et en tant que ressuscité d’entre les morts, Il apporterait aux nations la bonne nouvelle de la grâce de Dieu. Mais si le Messie était retranché, quelle espérance resterait-il pour cette génération méchante et adultère ? Le fait que les hommes de Ninive aient prêté l’oreille au message du prophète et se soient inclinés devant lui, renforcerait d’autant plus le jugement solennel des hommes d’Israël, puisque ceux-ci rejetaient le message d’un plus grand que Jonas.

En outre, il y avait encore un deuxième signe, pour ainsi dire : la force d’attraction de la sagesse de Salomon sur la reine de Sheba. « Une reine du midi se lèvera au jugement avec cette génération et la condamnera, car elle vint des bouts de la terre pour entendre la sagesse de Salomon, et voici, il y a ici plus que Salomon » (12:42). La gloire de cette sagesse (voir 1 Rois 10) avait suscité dans son cœur quelque chose d’encore plus précieux que la repentance des Ninivites : elle l’avait amenée en présence du grand roi. Et quel en avait été le résultat ? Tous les désirs de son cœur furent plus que satisfaits. Et qu’en était-il maintenant ? Quelqu’un d’incomparablement plus grand que Salomon était au milieu de Son peuple, et ils avaient le privilège d’être en Sa présence. Ce n’était rien moins que Celui qui avait donné à Salomon toute sa sagesse, toute sa richesse et toute sa gloire. Mais eux ne voyaient « pas d’apparence en Lui pour le faire désirer » (Ésaïe 53:2).

Combien le cœur de notre Seigneur a du être remué par tout cela. Une tristesse profonde semble accompagner ces paroles graves du Seigneur, quand Il se met à parler du sort futur de cette « génération », la nation juive.


5.2 - L’idolâtrie

Sur ces entrefaites, Il décrit d’abord leur état actuel dans la parabole de « l’esprit immonde ». L’esprit immonde (une image de l’idolâtrie) avait effectivement quitté « l’homme », Israël, pour un temps.

Il semble que, parmi tous les efforts de Satan pour éloigner les hommes de Dieu, l’idolâtrie ait été la forme de mal ayant le mieux réussi. L’Écriture sainte ne mentionne pas l’idolâtrie avant le déluge. À cette époque, le diable se servait des passions sans frein de l’homme, comme les premières pages de la bible en donnent un aperçu. Une fois l’épée de la justice mise entre les mains de Noé et de ses fils, la violence physique fut certes enrayée, mais le mal moral continua son cours sans retenue. Et comme les hommes n’avaient pas de sens moral pour garder la connaissance du vrai Dieu (Romains 1:28), et qu’il avaient quand même besoin d’un dieu quel qu’il soit, ils se firent leurs propres dieux sous la direction de Satan. Ils les firent comme leurs cœurs méchants les désiraient. Ils leur prêtèrent tous les méchants caractères qui remplissaient leurs propres cœurs. L’idolâtrie sous toutes ses formes eut tôt fait de pénétrer tout le monde connu alors.

Dans Sa grâce Dieu choisit Abraham, et le fit sortir de l’idolâtrie. Il allait devenir le père des croyants. Mais « l’esprit immonde » dans toute son efficacité pernicieuse, n’épargna pas la race élue. L’Écriture nous montre que la maison même de Jacob avait toléré l’idolâtrie. Et pendant la traversée du désert, le peuple s’y livra, et même sous le règne du roi le plus sage, elle fut maintenue. Enfin Manassé, roi de Juda et fils du pieux Ézéchias, fit pis que tous ceux qui avaient été avant lui. Il suffit de lire l’histoire de ses actes abominables en 2 Rois 21 ! Dieu prononça alors finalement le jugement sur Jérusalem, et la ville ne tarda pas à être « écurée comme on écure un plat » (2 Rois 21:13) : les fils de Juda furent chassés en tant qu’héritage de l’Éternel, et furent livrés en la main de leurs ennemis et emmenés en captivité à Babylone.

Depuis ce temps jusqu’à maintenant, on n’a plus trouvé d’idolâtrie parmi les Juifs. C’est ce que le Seigneur veut exprimer en disant que l’esprit immonde est sorti de cet homme. Ils avaient « balayé et orné » leur maison. Cela ne veut pas dire que d’autres formes de mal ne se trouvaient pas parmi eux ; mais quant à l’idolâtrie d’autrefois, ils en avaient purifié leur maison. Ils l’avaient même richement dotée des formes religieuses d’une piété extérieure — ils l’avaient « ornée », comme dit le Seigneur. Bien sûr les Juifs étaient très contents d’eux-mêmes et de leur piété, comme le sont toujours les hommes religieux avec leurs formes vides. Seulement ils ne remarquaient pas que Dieu n’y était plus. Et quand Il revint encore une fois vers eux dans la personne de Son Fils Jésus Christ, ils Le rejetèrent. La conséquence en était désormais l’imminence de la rupture avec eux. Se doutaient-ils un peu de ce que cela signifiait, pour le présent et pour le futur proche et lointain ?

Le Seigneur lève ici un peu le voile, et laisse voir à eux et à nous, des choses qui font frissonner. L’esprit immonde traverserait des lieux secs, chercherait du repos, mais n’en trouverait pas. Il avait besoin d’un lieu pour s’installer ; oui, il avait besoin d’une « maison » telle que le peuple juif : balayée et ornée, avec une profession de Dieu, avec beaucoup de piété extérieure, mais en réalité sans Dieu. Tel était le « terrain fertile », la « maison » appropriée pour qu’il s’y déploie. Le Seigneur Jésus prédit qu’il retournerait ainsi dans sa maison, et montre qu’en réalité cet esprit méchant n’avait jamais abandonné « sa maison », et qu’il amènerait avec lui sept autres esprits plus méchants que lui-même. Ensemble, ils prendraient possession de la maison et y habiteraient, « et la dernière condition de cet homme-là est pire que la première ».

Le Seigneur fait allusion par là au temps de la fin et au sort de cette « génération méchante et adultère ». Non seulement l’idolâtrie prendra de nouveau possession du peuple juif coupable, mais des formes de mal encore plus graves y trouveront également domicile. Ne recevant pas Celui qui était venu au nom de Son Père, ils recevraient un autre, venu en son propre nom, l’antichrist, l’homme de péché (Jean 5:43). Par le moyen de ce personnage, l’homme s’assiéra dans le temple de Dieu et se fera apporter l’adoration divine ; il « se présentera lui-même comme étant Dieu » (2 Thessaloniciens 2:3, 4). On rendra hommage à l’antichrist aussi bien qu’à l’image de « la première bête », le chef de l’empire romain (Apocalypse 13:11-18), et ceux qui le feront seront les hommes, la nation ayant la plus grande intelligence de la terre ! Ce sont donc justement les Juifs qui redeviendront idolâtres, et c’est du milieu d’eux que s’élèvera l’antichrist par lequel Satan exercera sa puissance d’une manière effroyable, jusqu’alors inconnue.


5.3 - Conclusions pratiques

Quand l’homme est sous le contrôle de Satan et est abandonné aux convoitises de son méchant cœur, il n’y a alors effectivement aucune forme de mal à laquelle peut échapper même l’homme le plus intelligent, ni le monde entier si hautement civilisé. Combien sommes-nous heureux aujourd’hui d’être encore au temps de la grâce, où Dieu agit encore aujourd’hui par Son Esprit et par Sa parole, et fait briller la lumière de l’évangile ! Pourtant l’avertissement du Seigneur s’adresse à nous tous : « L’esprit immonde » viendra, et avec lui le temps où plus personne ne pourra travailler (Jean 9:4). De profondes ténèbres morales régneront alors sur ce monde, et tout sera livré à la puissance directe de Satan. Combien il est meilleur, chers amis, d’avoir Dieu et Sa parole pour guide, et non pas Satan ni les convoitises de notre cœur !


Nous apprenons donc une nouvelle fois que, même des paraboles qui visent clairement et prophétiquement Israël, sont quand même remplies d’avertissements et d’instructions pour les croyants comme pour les non croyants d’aujourd'hui, pour l’individu comme pour la collectivité. Par exemple, avons-nous appris l’inutilité absolue de vouloir maîtriser extérieurement un mal quelconque, et combien l’apport de simples réformes extérieures est peine perdue ? Si on ne le fait pas avec Dieu, si on ne le surmonte pas avec Dieu, rien n’est vraiment gagné. Le peuple juif avait certes réformé et balayé sa maison, et pourtant ce n’était que le premier pas vers quelque chose de pire.

Ceci peut également être l’image de quelqu’un qui rompt avec une mauvaise habitude pour un temps, sans toutefois recevoir Christ dans son cœur. En agissant ainsi, il s’est borné à faire de la place pour l’esprit méchant qui reviendra avec du renfort. Au lieu d’aller vers une amélioration, les choses empireront pour cette personne. Sans une œuvre de Dieu véritable dans le cœur, il y aura tôt au tard endurcissement, et Satan gagnera d’autant plus de puissance sur l’homme.

La maison d’Israël ornée n’est-elle pas aussi une image frappante de la maison de la chrétienté professante ? Ne se contente-t-on pas aussi ici de beaucoup de formes et réformes extérieures, sans qu’on se rende compte que le Seigneur Jésus est dehors, hors du système créé par l’homme ? On se vante d’être riche — riche en biens spirituels et terrestres, riche en influence et en intelligence, riche en dignité et en fonctions dont on est investi, riche en efforts sociaux, culturels et humanitaires, riche en efforts pour l’amélioration du monde. Cela ne veut pas dire que tout ce qui est fait est sans valeur. Bien des activités et attitudes généreuses conviendraient aussi aux enfants de Dieu. Mais tout cela est fait sans Dieu, et c’est la raison pour laquelle le Seigneur doit dire à Laodicée : « Parce que tu dis : Je suis riche, et je me suis enrichi, et je n’ai besoin de rien, et que tu ne connais pas que, toi, tu es le malheureux et le misérable, et pauvre, et aveugle, et nu ». Ce système sans vie sera finalement vomi de Sa bouche (Apocalypse 3:16,17).

Le chemin de la chrétienté sans Christ ressemble à celui du judaïsme sans Christ. Ils se rencontreront sous le règne impitoyable de l’antichrist. Tous les privilèges de la foi judaïque seront alors abandonnés, et aussi ceux de la foi chrétienne (1 Jean 2:22). Et comme les esprits méchants habiteront la maison juive, de même aussi « Babylone », l’église mondaine du temps de la fin deviendra « la demeure de démons » et le « repaire de tout esprit immonde » (Apocalypse 18:2).

Quelle signification profonde et vaste se trouve contenue dans les simples paroles du Seigneur Jésus ! Puissions-nous les prendre à cœur, ainsi que les avertissements qui y sont contenus ! Lui nous familiarise avec la fin de ce mouvement que nous ne pouvons pas saisir dans son ensemble. Son point de vue est toujours le bon. C’est là qu’il faut mettre notre confiance, et non pas dans ce que disent les hommes !


6 - Les enfants têtus — Matthieu 11:16-19 et Luc 7:31-35

Er lehrte sie vieles in Gleichnissen, Vol. 2 p.91-99

La parabole des « enfants têtus » jouant sur la place du marché se trouve à peu près mot pour mot en Matthieu 11:16-19 et Luc 7:31-35. Le contexte est aussi le même dans les deux évangiles. Le Seigneur avait parlé de Jean le baptiseur, et avait montré que, sous l’ancienne dispensation de la loi, parmi ceux qui sont nés de femme, aucun n’était plus grand que Jean le baptiseur. Il avait été estimé digne d’être le précurseur direct du Seigneur Jésus, pour préparer Sa voie comme Messie. Et non seulement ce service exceptionnel lui avait été confié, mais Jean le baptiseur était lui-même l’objet de la prophétie (Malachie 3:1).

Les conducteurs religieux du peuple avaient-ils accepté cette personnalité extraordinaire, ce messager de Dieu ? Non. Les publicains se faisaient bien baptiser par lui, et ainsi ils justifiaient Dieu ; c’est-à-dire ils avouaient et témoignaient que les revendications de Dieu à leur égard étaient fondées. Mais les pharisiens et les scribes le refusaient délibérément. De cette manière, ils annulaient le propos de Dieu à leur égard.

Alors le Seigneur Jésus montre à l’aide d’une petite image à quel point les « hommes de cette génération » (juive) étaient insensés, et non seulement ils étaient insensés, mais il y avait derrière tout cela une profonde méchanceté.


6.1 - L’image

« À qui donc comparerai-je les hommes de cette génération, et à qui ressemblent-ils ? Ils sont semblables à des petits enfants qui sont assis au marché et qui crient les uns aux autres et disent : Nous vous avons joué de la flûte et vous n’avez pas dansé ; nous vous avons chanté des complaintes et vous n’avez pas pleuré » (Luc 7:31-32).


Représentons-nous d’abord la scène que le Seigneur décrit. En soi, elle est toute simple — si nous laissons tout à la place où le Seigneur l’a mis. Il y a là des enfants sur la place du marché, et ils jouent. La grande place du marché était naturellement parfaitement appropriée aux jeux d’enfants, les jours où il n’y avait pas marché. Le Seigneur voit devant Lui deux groupes d’enfants. Cela ressort encore plus clairement du texte de Matthieu : « Elle est semblable à de petits enfants assis dans les marchés, et criant à leurs compagnons… » (Matthieu 11:16).

L’un des groupes cherche à conduire et à influencer le jeu des autres à leur idée. Ils voudraient d’abord jouer à tel jeu, et ensuite à tel autre ; et si cela ne marche pas, ils s’en plaignent aux autres.

Ils veulent d’abord jouer à la noce. Pour cela ils imitent ce que font les adultes dans une telle occasion, et spécialement ce qu’ils aiment faire dans le cortège. Ainsi ils sifflent ou jouent de la flûte sur des pipeaux qu’ils se sont fait eux-mêmes, ou bien ils reproduisent le son seulement avec leurs lèvres. Ils attendent alors que les autres enfants se mettent à danser et sauter. Mais ceux-ci refusent car ils n’ont pas envie de ce jeu. Il leur faut alors entendre la plainte : « nous vous avons joué de la flûte et vous n’avez pas dansé ».

Alors les premiers enfants disent en quelque sorte : « si vous ne voulez pas jouer à ce jeu drôle, jouons à un jeu triste, à l’enterrement ! » Et ils se mettent à imiter de nouveau les adultes, et commencent à faire tout haut des lamentations et des complaintes. Matthieu 9:23 montre que c’était effectivement l’usage en Israël. On faisait même venir des personnes spécialisées qui s’y connaissaient en lamentations et en chants de douleur (Amos 5:16). De telles pleureuses faisaient le tour des rues (Ecclésiaste 12:5). Mais les autres enfants ne veulent pas non plus jouer à ce jeu-là. Ils refusent de pleurer et de se frapper la poitrine en signe de deuil, car tel est le sens du terme « complaintes » utilisé par Matthieu (11:17). Et de nouveau on leur fait le reproche : « nous vous avons chanté des complaintes et vous ne vous êtes pas lamentés ».

Manifestement l’un des groupes d’enfants prend un rôle de meneur dans les jeux, et lance l’idée de ce qu’on doit jouer. Devant le refus des autres, ils passent au jeu correspondant, mais complètement inverse. Et quand les autres ne se plient par à leur volonté, et ne veulent ni d’un jeu ni de l’autre, ils s’en plaignent tout fort auprès d’eux. Voilà, dit à peu près le Seigneur, cette génération est justement semblable à ces enfants (voir Matthieu 11:16).

Le Seigneur commence par une double question : « À qui comparerai-je les hommes de cette génération et à qui ressemblent-ils ? » ; cette double question souligne la gravité avec laquelle Il établit la comparaison. C’est comme si, après avoir posé Sa question, Il avait observé un petit temps d’arrêt pour donner l’occasion à Ses auditeurs de se faire une idée de la réponse à donner. Mais alors, Il dit Lui-même à qui Il les compare : aux enfants entêtés du premier groupe.


6.2 - L’application

« Car Jean le baptiseur est venu, ne mangeant pas de pain et ne buvant pas de vin, et vous dites : Il a un démon. Le fils de l’homme est venu, mangeant et buvant, et vous dites : Voici un mangeur et un buveur, un ami des publicains et des pécheurs. Et la sagesse a été justifiée par tous ses enfants » (Luc 7:33-35).


Par ces paroles, le Seigneur applique cette parabole aux Juifs d’un côté, et à Jean le baptiseur et à Lui-même de l’autre côté. Le « Car » au début du v. 33 a conduit bien des commentateurs à expliquer que les enfants jouant de la flûte ou chantant des complaintes symbolisent Jésus et Jean (l’un mangeait et buvait, et l’autre pas), et que les autres enfants qui ne les suivaient pas étaient une image du peuple désobéissant.

Mais cette interprétation n’est pas en harmonie avec les paroles du Seigneur introduisant la parabole : « À qui comparerai-je les hommes de cette génération, et à qui ressemblent-ils ? » Il ne dit pas : « À qui me comparerai-je, Moi et Jean ? » Il poursuit en disant « Ils sont semblables à des enfants… ». Il ne se représente pas non plus, Lui et Jean, comme ceux qui passent d’un extrême à l’autre, et se plaignent ensuite de ce que le peuple n’accompagne pas ces revirements. Il est aussi frappant de ce que dans l’image, le son de la flûte est nommé en premier, et les complaintes ensuite, tandis que dans l’application qu’en fait le Seigneur, Il commence par parler de Jean le baptiseur prêchant la repentance, et ensuite de Lui-même. Non, ces enfants têtus ne sont une image ni du Seigneur et de Jean, ni de leur service, mais du peuple Juif.

Ils se comportaient comme des enfants insensés et têtus. Quand Dieu leur envoya Jean le baptiseur, il était décidément trop sérieux pour eux. Ils voulaient qu’on « joue de la flûte », ils voulaient que tous se réjouissent avec eux et « dansent ». Quand Jean refusa, et ne mangea ni ne but avec eux, mais plutôt prêcha la repentance, ils lui collèrent sans hésiter l’étiquette de « possédé par un démon » (Luc 7:33), et se détournèrent de lui. Ils voulaient de la « noce », avoir de la joie, — sans repentance ni conversion.

Alors le Seigneur Jésus vint à eux, et avec Lui des jours de joie et de bénédiction — s’ils s’étaient repentis à la prédication de Jean. Mais ils allèrent à sa rencontre avec un esprit d’« enterrement ». Ils jeûnaient pendant que l’époux était présent (comparer la parabole de la présence de l’époux, en Matthieu 9), ils insistaient sur une observance stricte de la loi, mais rejetaient la grâce apparue en Christ. Ce qu’ils exigeaient de la part de Jean, ils le condamnaient chez Jésus. Car si Jean « ne mangeait ni ne buvait », le Fils de l’homme s’abaissa à manger et à boire avec les publicains et les pécheurs. Quand le Seigneur Jésus ne voulut pas « chanter des complaintes », pour reprendre le langage de la parabole, il rencontra Lui aussi l’indignation des « enfants têtus ». Ils allèrent même jusqu’au point de Le traiter avec mépris de mangeur et de buveur, et d’ami des publicains et des pécheurs.

Ainsi « cette génération » avait sous les yeux à la fois Jean le baptiseur et le Fils de l’homme Lui-même, et elle les condamnait tous les deux. Effectivement aux yeux des gens de l’époque comme à ceux d’aujourd’hui, ce que Dieu fait est pratiquement tout faux. On ne veut ni Sa justice ni sa grâce. Si Dieu appelle à la repentance, pour beaucoup de gens c’est trop sérieux et ils n’écoutent pas. Et s’Il leur présente Sa grâce en Christ, pour la plupart des gens c’est trop facile et trop simple, et ils refusent. Derrière tout cela il n’y a rien d’autre que le méchant cœur de l’homme qui est inimitié contre Dieu (Romains 8:7).

Finalement dans ce que les Juifs disaient sur Jean et sur le Seigneur, ils ne se condamnaient qu’eux-mêmes, et comme nous le verrons de nouveau, le jugement de l’homme naturel dans les choses de Dieu ne vaut rien du tout. Il interprète de travers aussi bien la gravité de Jean que la grâce du Seigneur, parce qu’en réalité il ne veut pas les comprendre. Nous avons déjà trouvé ce principe dans la parabole du semeur.


6.3 - Les enfants de la sagesse

Si calomnieux que fût le jugement des Juifs sur le Seigneur et son précurseur, le Seigneur ne s’avise pas de se défendre devant eux. Il ajoute seulement ces paroles remarquables : « et la sagesse a été justifiée par tous ses enfants ». Que veut-Il dire par-là ?

Il avait montré où cela mène de suivre la folie et l’entêtement du cœur de l’homme. Les « hommes de cette génération » ne faisaient que montrer clairement par leur comportement vis-à-vis du Seigneur et de Son précurseur qu’ils étaient des enfants de folie. Il ne le dit pas expressément, mais c’est juste à quoi revient l’enseignement qu’Il veut donner avec cette parabole des « enfants têtus ».

Mais de son côté, la sagesse, aussi, a des enfants. En Proverbes 8 la « sagesse » est présentée comme une personne, et nous pouvons déjà reconnaître en elle le Seigneur Jésus. Dans le Nouveau Testament il est parlé nommément de Christ comme étant la puissance et la sagesse de Dieu (1 Corinthiens 1:24). Voilà donc maintenant les enfants de la sagesse, ceux qui suivent la vraie sagesse et qui croient en Christ. Tandis que la grande masse du peuple juif refusait aussi bien Jean le baptiseur que le Seigneur Jésus, il y avait quand même des individus qui accordaient foi au message du premier, comme à la Personne et aux paroles du second. Par-là, la sagesse était justifiée, ou, autrement dit : ils répondaient positivement aux voies de Dieu qu’Il a adoptées en Christ pour leur salut.

C’était justement les « publicains et les pécheurs » qui le faisaient, comme le montre aussi l’exemple de la « femme pécheresse » de Luc 7. Ils manifestaient tous leur sagesse en ce qu’ils ne critiquaient rien, ni chez Jean ni chez le Fils de l’homme. Bien au contraire. Ils trouvaient tout parfaitement en ordre, et ils acceptaient leur message. Combien cela est beau ! Ceux qui voyaient les choses correctement étaient justement ceux qui étaient méprisés des grands de ce monde. Ils comprenaient correctement aussi bien l’appel de Jean à la repentance que la grâce que Jésus apportait. Et quand le Sauveur s’asseyait à côté d’eux, et s’abaissait avec eux, ils savaient l’apprécier, et ne l’interprétaient pas de travers. Ils reconnaissaient plutôt l’amour en action chez Lui, et leur cœur s’enflammait pour Lui.

La signification de tout cela n’a pas changé aujourd’hui. Il s’agissait, à l’époque, des Juifs et de leurs conducteurs religieux, qui refusaient autant l’appel de Dieu à revenir que Sa grâce en Christ. Aujourd’hui il s’agit de la chrétienté, et il y a en elle d’innombrables gens qui, en principe, font la même chose. Ah ! si seulement beaucoup d’entre eux devenaient des « enfants de la sagesse » !