ÉLIE le THISHBITE

par C. H. Mackintosh

ME 1902 p. 70 jusqu’à 432


Table des matières :

1 - Introduction

2 - Premier message du prophète

3 - Le prophète dans la retraite

4 - La maison d’Achab

5 - Le prophète sur le mont Carmel

6 - Le prophète sur le mont Horeb

7 - L’enlèvement du prophète

8 - Conclusion — Considérations sur la doctrine de l’Église, spécialement la doctrine du caractère céleste de l’Église

8.1 - Ministère d’Élie image de l’Église comme famille céleste

8.2 - État de la doctrine du caractère céleste de l’Église

8.2.1 - avant les 12 apôtres

8.2.2 - avec les 12 apôtres

8.2.3 - au concile de Jérusalem

8.2.4 - avec le ministère de Paul

8.3 - La nature de l’Évangile de Paul

8.4 - Forme du gouvernement de l’Église la plus conforme aux Écritures


1 - Introduction

L’exercice du ministère prophétique en Israël était toujours la preuve de la déchéance du peuple. Tant que les grandes institutions nationales étaient maintenues en vigueur, et que l’économie mosaïque cheminait selon l’intention qui avait présidé à son origine, il n’était nullement besoin de quoi que ce soit d’extraordinaire, et c’est pourquoi on n’entendait point alors la voix d’un prophète ; mais quand la chute arrivait : quand les lois et les institutions émanant de Dieu Lui-même, cessaient d’être comprises et observées dans leur ancien esprit, dans leur puissance originelle, alors le besoin se faisait sentir de quelque chose de plus que ce qui existait, et ce quelque chose était communiqué par l’énergie de l’Esprit dans les prophètes. Dans tous les détails relatifs au culte et aux cérémonies lévitiques, il n’y avait pas un mot qui eût trait au moyen de former ou de conserver un ministère tel que celui d’Élie le Thishbite ; l’élément charnel y était trop prédominant pour cela. Le message d’un prophète ne pouvait être proclamé que dans la puissance du Saint Esprit ; en conséquence, aussi longtemps que les ordonnances lévitiques atteignaient leur but, l’Esprit n’avait pas besoin de susciter une autre énergie. Un ministère comme celui d’Élie n’était pas nécessaire aux jours de gloire et de grandeur de Salomon ; alors tout était en ordre ; la machine tout entière était en bon état, chaque rouage, chaque vis fonctionnait à sa place : le roi, sur le trône, portait le sceptre pour sauvegarder les intérêts civils d’Israël ; le sacrificateur, dans le temple, s’acquittait exactement de ses fonctions religieuses ; les lévites et les chantres étaient à leur poste : en un mot, tout marchait avec un ordre qui rendait superflue la voix d’un prophète. Mais bientôt la scène devint tout autre ; le flux du mal s’éleva avec une force qui balaya les fondements mêmes du système politique et religieux d’Israël. Le royaume fut divisé ; avec le temps, des hommes impies montèrent sur le trône de David ; et surtout sur celui que l’apostat Jéroboam avait élevé, on vit des hommes qui sacrifièrent les intérêts du peuple de Dieu sur l’autel de leurs honteuses convoitises. Au lieu du trône du haut duquel Salomon avait administré le jugement de Dieu, on vit, la méchanceté étant arrivée à son comble, on vit à la fin le méchant Achab, avec sa compagne Jésabel, occuper le trône de Samarie. Jéhovah ne pouvait pas supporter plus longtemps un tel état de choses ; il ne pouvait pas laisser monter encore plus cette marée d’iniquité : c’est pourquoi il sort de son carquois une flèche polie pour en percer la conscience d’Israël, et pour contribuer à ramener son peuple à sa position d’heureuse dépendance de son Dieu. Cette flèche, c’était Élie le Thishbite, l’intrépide et incorruptible témoin de Dieu, qui se tint à la brèche dans un moment où chacun semblait s’être éloigné du champ de bataille, se sentant incapable de résister au torrent débordé.

Avant d’en venir à l’étude de la vie et du ministère de cet homme remarquable, il peut être à propos de faire une observation sur les deux faces du ministère prophétique. En considérant le service des prophètes, nous verrons que, non seulement chacun d’eux avait un ministère spécial qui lui était commis, mais aussi que, dans un seul et même prophète, un double objet devait être accompli : le Seigneur avait en vue d’agir sur les consciences pour les rendre sensibles au mal qui régnait, tout en dirigeant les yeux des fidèles sur la gloire future. Le prophète, par le Saint Esprit, présentait la lumière et la vérité de Dieu au coeur et à la conscience du peuple ; il dévoilait pleinement et fidèlement les secrets replis du péché intérieur ; il signalait ouvertement la déplorable chute d’Israël et son éloignement de Dieu ; il renversait les fondements de ce faux système religieux que les fils d’Abraham élevaient autour d’eux. Mais l’office du prophète ne s’arrêtait pas là ; il eût été bien triste de le voir limité à l’humiliante histoire de la chute d’Israël, et à la privation de son ancienne gloire. À cette grave et sérieuse déclaration : « Tu t’es perdu toi-même, ô Israël ! » le prophète pouvait, par grâce, ajouter cette consolante assurance de la part de Dieu : « Mais EN MOI est ton secours » ; cela nous offre le développement des deux éléments qui constituaient le ministère des prophètes, savoir : la chute totale d’Israël, et la grâce triomphante de Dieu ; l’éloignement de la gloire, en tant que liée à l’obéissance d’Israël et basée sur cette obéissance, et le retour final, l’établissement permanent de cette gloire, en tant que liés à l’obéissance et à la mort du Fils de Dieu, et basés sur cette obéissance et cette mort. Nous pouvons bien dire que c’était là un ministère des plus élevés et des plus saints ; c’était une commission glorieuse que d’être chargé de se tenir au milieu des décombres d’un système ruiné et brisé, et là, de montrer du doigt le temps, l’heureux temps, où Dieu se manifesterait Lui-même dans les immortels résultats de sa grâce salutaire, à la joie de ses rachetés dans le ciel et sur la terre. Et après tout, qu’est-ce que cela, sinon l’Évangile ? En quoi le témoignage du prophète diffère-t-il de celui de l’évangéliste ? En rien. Car l’évangéliste n’a-t-il pas, lui aussi, mission de rendre témoignage à la conscience de ses semblables, qu’ils se sont perdus eux-mêmes, tout en leur annonçant, en même temps, la valeur infinie de l’oeuvre parfaite de Jésus ? Tel est le témoignage de l’évangéliste. D’une main, il montre la chute totale de l’homme, la ruine et le néant de toute prétention humaine ; de l’autre, il indique la pleine manifestation des gloires divines dans le plan de la Rédemption. Glorieux, béni, divin ministère ! Honorable commission ! Puissent beaucoup de coeurs être enseignés à le considérer de cette manière !

2 - Premier message du prophète

C’était un temps bien aride et bien sombre pour la maison d’Israël, que le règne d’Achab, fils d’Omri ; l’iniquité s’était élevée à une hauteur effrayante ; les péchés de Jéroboam n’étaient rien en comparaison de la liste effrayante des transgressions d’Achab : la méchante Jésabel, fille du roi incirconcis des Sidoniens, avait été choisie par lui pour être la compagne de son sort et de son trône ; cette seule circonstance suffisait pour amener l’oppression des Israélites et l’entière subversion de leur ancien culte ; le Saint Esprit résume tout cela en ces mots : « Achab fit plus que tous les rois d’Israël qui avaient été avant lui, pour provoquer à colère l’Éternel, le Dieu d’Israël » (1 Rois 16:33). C’est plus qu’il n’en faut pour le dépeindre. Toute la série des rois depuis Jéroboam jusqu’à lui, avaient fait ce qui déplaît à l’Éternel, en suivant le train de Jéroboam et son péché, par lequel il avait fait pécher Israël : or, faire pis qu’eux tous, cela indiquait un caractère aussi coupable et corrompu que possible. Eh bien ! Tel était Achab — tel était l’homme qui régnait sur l’ancien peuple de Dieu, lorsqu’Élie, le Thishbite, entra dans la carrière du témoignage prophétique.

C’est un spectacle singulièrement affligeant pour le coeur, que celui que présente le règne d’Achab. Toute lumière était éteinte ; toute voix de témoignage était étouffée ; le firmament moral où, de temps en temps, avait resplendi tant de brillants luminaires, était maintenant tout couvert de sombres nuages ; la mort semblait répandue sur toute la scène, le diable semblait avoir la haute main en tout et partout, lorsqu’enfin Dieu, dans sa miséricorde envers son malheureux peuple opprimé et égaré, fit surgir un éclatant et puissant témoin dans la personne de notre prophète. Or, c’est précisément dans un pareil temps qu’un vrai témoin de Dieu est à même de produire l’effet le plus énergique, et d’exercer l’influence la plus étendue. C’est après une longue sécheresse que la pluie fait surtout éprouver ses propriétés rafraîchissantes. Le théâtre était, pour ainsi dire, tout préparé, pour qu’un homme fort et vaillant pût y faire son entrée et agir avec une énergie divine contre le torrent grossissant de l’iniquité.

Il est bon pourtant, d’observer qu’Élie, de même que tous ses compagnons d’oeuvre, nous est présenté dans des circonstances de discipline secrète avant son apparition en public. C’est un trait qui se retrouve dans l’histoire de tous les serviteurs de Dieu, sans en excepter Celui qui fut le Serviteur par excellence ; tous ont été secrètement instruits de la part de Dieu avant d’agir en public parmi les hommes : de plus, ceux qui ont été le plus profondément initiés dans l’intelligence et l’importance de ces enseignements intimes, sont aussi ceux dont le service et le témoignage publics ont eu le plus d’efficacité et de durée. Malheur à celui qui est arrivé à une position publique qui dépasse beaucoup la mesure des exercices secrets de son âme devant Dieu ; il ne peut qu’y faillir. Si la superstructure dépasse trop la mesure des fondements, l’édifice chancellera ou s’écroulera. Si un arbre pousse ses branches dans l’air à un degré par trop supérieur à la profondeur de ses racines, il sera incapable de résister à la violence de la tempête et sera tôt ou tard renversé ; il en est de même de l’homme qui accomplit un ministère public : il faut que, préalablement, il ait été seul avec Dieu, que son esprit ait été exercé en particulier ; que, dans sa propre expérience, il ait passé par les profondes eaux ; sans cela il ne sera qu’un théoricien, et non pas un témoin : il faut que son oreille ait été ouverte pour entendre, avant que sa langue puisse être à même de parler le langage des bien instruits. Que sont devenus tous ceux qui, en apparence, et de temps en temps, ont resplendi un moment sur le sentier de l’Église de Dieu, comme de brillants luminaires et qui ont aussi soudainement disparu derrière la nuée ? D’où venaient-ils et où sont-ils allés ? Et pourquoi ont-ils laissé si peu de traces ? Hélas ! c’est qu’ils n’étaient que des étincelles à lueurs humaines : et il n’y avait en eux ni profondeur ni puissance durable, ni réalité ; aussi, s’ils ont brillé pour un temps, ils se sont promptement évanouis, ne produisant d’autres résultats que d’augmenter les ténèbres environnantes, ou au moins la conscience de ces profondes ténèbres. Tout vrai ministre de Dieu doit pouvoir, en quelque mesure, dire avec l’apôtre : « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, qui nous console à l’égard de toute notre affliction, afin que nous soyons capables de consoler ceux qui sont dans quelque affliction que ce soit, par la consolation dont nous sommes nous-mêmes consolés de Dieu » (2 Cor. 1:3-4)

Le dix-septième chapitre du premier livre des Rois nous rapporte la première apparition d’Élie en public ; mais l’Esprit, dans l’épître de Jacques, a bien voulu nous faire entrevoir un stage plus ancien de l’histoire du prophète ; et cette révélation est pleine d’instructions pour nous, quelle que soit d’ailleurs notre sphère de service. L’historien sacré introduit notre prophète d’une façon qui peut paraître un peu brusque. Il nous le présente tout d’un coup, entrant hardiment sur la scène de ses travaux, avec ces sérieuses et solennelles paroles : « L’Éternel est vivant » ; mais il ne nous dit rien ici des précédentes expériences du prophète ; il ne nous apprend pas comment Élie en était venu à connaître ce que le Seigneur voulait qu’il annonçât de sa part : tout cela, quoique fort important, est ici complètement passé sous silence par le Saint Esprit, qui se borne à nous présenter cet homme de Dieu dans le saint exercice d’une puissance qu’il avait obtenue par une secrète communion avec Dieu. L’historien nous fait voir Élie agissant en public, sans nous rien apprendre de plus ; mais l’apôtre nous découvre, dans l’intimité, Élie priant Dieu, avant d’entrer dans son service actif devant les hommes. « Élie était un homme ayant les mêmes passions que nous, et il pria avec instance qu’il ne plût pas, et il ne tomba pas de pluie sur la terre durant trois ans et six mois » (Jacques 5 :17)

Si le Saint Esprit ne nous avait pas révélé ce fait important par la plume de Jacques, nous aurions été privés d’un des plus puissants motifs à la prière ; mais l’Écriture est parfaite — divinement parfaite ; il n’y manque rien de ce qui devrait s’y trouver, et il ne s’y trouve rien de ce qui devrait n’y pas être : c’est pourquoi Jacques nous dévoile les secrets moments de lutte et de prière d’Élie ; il nous le fait entrevoir dans la retraite des montagnes de Galaad, où il avait sans doute gémi sur le lamentable état des choses en Israël, et où il s’était fortifié en esprit pour le rôle qu’il allait jouer. Eh bien ! Cette circonstance dans la vie de notre prophète, nous offre un enseignement bien utile. Nous vivons dans un temps de grande pauvreté morale et de disette spirituelle — l’état de l’Église ne ressemble que trop à la plaine couverte d’ossements desséchés de la vision d’Ézéchiel ; nous avons à nous défendre non pas seulement des misères qui ont signalé les siècles passés, mais encore de cette corruption, arrivée à maturité, d’une époque où les diverses souillures du monde gentil se trouvent unies à la profession chrétienne et couvertes de son manteau. Et si, du milieu de cette confusion, nous portons nos regards sur ceux dont la connaissance de la vérité et la haute profession qu’ils en font, donnent naturellement droit d’attendre une activité chrétienne plus saine et plus vigoureuse, nous trouvons, hélas ! chez plusieurs — même dans la plupart des cas — que la connaissance n’est qu’une froide théorie sans influence sur la marche, et que la profession est toute superficielle, sans action sur les sentiments et les affections de l’homme intérieur. Parmi les personnes de cette classe, on verra aussi que la vérité de Dieu n’a pour elles que peu d’intérêt et peu d’attrait, si tant est même qu’elle en ait ; ces gens-là en savent assez pour qu’on ne puisse, en quelque sorte, leur présenter aucune vérité dont ils n’aient déjà la connaissance ; de là vient qu’ils prêtent une oreille tout à fait indifférente à l’exposition des doctrines chrétiennes : cette exposition ne leur offre plus le piquant de la nouveauté, aussi ils n’y font guère attention. Dans un tel état de choses, quelle est la ressource du fidèle ? — La prière — la prière patiente, persévérante, — une secrète communion avec Dieu, — un profond et réel exercice de l’âme en sa présence, seule place où nous puissions parvenir à une vraie connaissance de nous-mêmes et des choses qui nous entourent ; et non seulement cela, mais encore où nous puissions obtenir une force spirituelle suffisante pour agir pour Dieu parmi nos frères, ou vis-à-vis du monde au dehors. « Élie était un homme ayant les mêmes passions que nous » ; il se trouvait au milieu d’une sombre apostasie, d’un éloignement général des coeurs de Dieu ; il voyait les fidèles disparaître du milieu des enfants des hommes ; le mal s’élevant comme une haute marée autour de lui, et la lumière de la vérité s’affaiblissant de plus en plus : l’autel de Baal avait remplacé l’autel de Jéhovah, et les cris des prêtres de cette abomination des Sidoniens avaient étouffé les chants sacrés des lévites : en un mot, tout ce qu’il contemplait n’était à ses yeux qu’une masse de décombres et de ruines ; il le sentait, il pleurait sur ces ruines, il faisait plus : « il priait avec instance ». Voilà quelle était la ressource — la ressource sûre et infaillible du prophète abattu : il cherchait un refuge dans la présence de Dieu — là, il répandait son coeur et ses larmes en pensant à l’horrible chute et aux malheurs de son bien-aimé peuple ; il était sincèrement préoccupé de la triste condition de tout ce qui l’environnait : c’est là ce qui le faisait prier, — et prier comme il devait le faire, non pas froidement et par forme ou de temps en temps, mais « avec instance » et persévérance. C’est là un bel exemple pour nous. Il n’y eut peut-être jamais un temps où de ferventes prières fussent plus nécessaires dans l’Église de Dieu, que le temps où nous vivons. Le diable semble exercer toute sa puissance malfaisante pour accabler les esprits et entraver l’activité du peuple de Dieu : auprès des uns, par le moyen de leurs emplois publics ou de leurs occupations ; auprès des autres, par le moyen de leurs épreuves domestiques ou de leurs combats individuels : en un mot, « il y a beaucoup d’adversaires », et rien, si ce n’est la force puissante de Dieu, ne peut nous rendre capables de lutter avec eux et d’en triompher.

Mais Élie n’était pas appelé seulement à passer sans dommage pour lui individuellement, à travers le mal ; il devait encore exercer une influence sur d’autres ; il était appelé à agir pour Dieu dans un temps de dégénération ; il devait faire des efforts pour ramener sa nation au Dieu de leurs pères : combien encore, sous ce rapport, n’avait-il donc pas besoin de chercher le Seigneur en particulier ; de recueillir sa force morale en présence de Dieu, seule place où il pût, non seulement échapper à lui-même, mais de plus devenir un instrument de bénédiction pour d’autres ! Élie sentait tout cela ; c’est pourquoi « il pria avec instance qu’il ne plût point ! » C’est ainsi qu’il amène Dieu Lui-même sur la scène, et il ne manque pas d’atteindre son but : « Il ne plut pas ». Dieu ne refusera jamais d’agir quand la foi s’adresse à Lui en se fondant sur sa propre gloire à Lui, et nous savons que c’était bien et uniquement sur ce fondement que le prophète s’adressait à Dieu. Quant à lui-même, il ne pouvait certes éprouver aucun plaisir à voir le pays converti en un désert aride et stérile, ou ses frères consumés par la famine et toutes les horreurs qui l’accompagnent. Non ; c’était uniquement pour faire retourner les coeurs des pères vers les enfants — pour ramener le peuple à son ancienne foi — pour extirper les principes d’erreur qui s’étaient emparés de tous les esprits ; c’était pour de tels buts que notre prophète prie instamment qu’il ne pleuve pas, et Dieu entendit et exauça cette requête parce qu’elle était produite par son Esprit dans l’âme de son bien-aimé serviteur. — Ah ! Nous pouvons bien dire qu’il est bon de s’attendre à Dieu ; non seulement cette attente conduit à d’heureux résultats que manifeste la manière dont Dieu y répond ; mais, indépendamment de cela, il y a beaucoup de douceur et de consolation dans cet exercice de l’âme en lui-même. Quel bonheur pour le croyant tenté et éprouvé de se trouver seul avec Dieu ! Quelle bénédiction quand il peut laisser son coeur se répandre devant le Seigneur, et ses affections monter à Celui qui seul est capable de l’élever au-dessus de l’énervante influence des choses du temps, dans le calme et la lumière de sa présence bénie ! Puissions-nous tous être trouvés nous attendant de plus en plus à Dieu — prenant même les difficultés de nos jours comme une occasion de nous approcher du trône de grâce ; ainsi, non seulement nous exercerons une salutaire influence dans nos positions respectives, mais encore nos propres coeurs seront consolés et encouragés par cette recherche confiante de notre Père ; car la promesse n’a jamais jusqu’ici manqué de s’accomplir : « Ceux qui s’attendent à l’Éternel renouvelleront leurs forces ! » Précieuse promesse ! Puissions-nous nous en nourrir toujours davantage !

C’est ainsi qu’Élie le Thishbite entra dans la carrière de son service ; il sortit du sanctuaire de Dieu bien armé de puissance divine pour agir avec efficace sur ses semblables. Il y a beaucoup de force dans ces mots : « L’Éternel, le Dieu d’Israël, devant qui je me tiens, est vivant » ; ils mettent devant nous, d’une façon toute particulière, le fondement sur lequel se reposait l’âme de cet éminent serviteur de Dieu, comme aussi le principe qui le soutenait dans son ministère. Il se tenait en la présence de L’Éternel, le Dieu d’Israël ; de cette position, il pouvait parler avec puissance et autorité. Mais combien Achab était étranger à la connaissance de ces intimes expériences de l’âme d’Élie, avant que celui-ci sortît de sa retraite pour adresser un appel à la conscience de ce méchant roi ! Il ne savait pas qu’Élie avait été longtemps sur ses genoux en secret, avant de se présenter ainsi en public. Il ignorait tout cela ; mais Élie en avait la conscience : aussi put-il hardiment affronter le chef de tout le mal, parler au roi Achab lui-même, et lui annoncer les jugements d’un Dieu justement offensé. En cette occasion, notre prophète peut être envisagé comme un beau modèle de tous ceux qui sont appelés à parler au nom du Seigneur. Ils devraient tous de même, en vertu de leur mission divine, se sentir élevés complètement au-dessus de l’influence de l’opinion des hommes. Combien souvent n’arrive-t-il pas que des hommes qui peuvent parler avec un certain degré de puissance et de liberté en présence de certains auditeurs, sont, devant d’autres, gênés et peut-être tout à fait empêchés de parler ! Assurément il n’en serait pas ainsi, s’ils étaient bien convaincus, non seulement qu’ils ont reçu d’en haut leur commission, mais encore que c’est en la présence du Dieu vivant qu’ils l’accomplissent. Le messager du Seigneur ne serait jamais humainement affecté par ceux auxquels il annonce son message ; il se tiendrait au-dessus d’eux, tout en prenant en même temps, l’humble place de serviteur. Son langage serait : « Il m’importe fort peu à moi que je sois jugé par vous, ou de jugement d’homme ». C’était là, dans la perfection, le cas de notre précieux Maître. Combien peu il se laissait affecter par les pensées ou les jugements de ceux auxquels il s’adressait ! Ils pouvaient contredire ses paroles, s’y opposer et les rejeter ; mais jamais, pour un seul moment, cette opposition ne l’amena à perdre de vue le fait qu’il était envoyé de Dieu. Pendant toute sa carrière terrestre, il ne cessa d’être animé de la sainte et fortifiante assurance qu’il exprimait dans la synagogue de Nazareth : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a oint pour annoncer de bonnes nouvelles aux pauvres » (Luc 4:18) Voilà quel était le fondement de son ministère comme Fils de l’homme : il consistait « dans la puissance de l’Esprit » ; aussi avait-il toujours la conscience d’être le ministre de Dieu, ce qui l’élevait tout à fait au-dessus de l’influence de ceux avec lesquels il avait affaire. « Ma doctrine n’est pas mienne, disait-il, mais de Celui qui m’a envoyé ». C’est bien Lui qui pouvait dire en toute vérité : « L’Éternel, le Dieu d’Israël, devant qui je me tiens ». Il était sans cesse « le messager de l’Éternel parlant au peuple par le message de l’Éternel » (Aggée 1:13). Or, tous ceux qui occupent la place de serviteurs ou de messagers du Seigneur, ne devraient-ils pas chercher à connaître de plus en plus cette sainte élévation de l’esprit au-dessus des hommes et des circonstances ? Ne devraient-ils pas aspirer à s’affranchir davantage de l’influence des pensées et des jugements humains ? Nous n’avons nullement à nous inquiéter de ce que les hommes pensent à notre sujet. Soit qu’ils nous écoutent, soit qu’ils nous fuient — qu’ils acceptent notre message ou qu’ils le rejettent — que nous soyons estimés, ou traités avec mépris à cause de notre oeuvre, que notre but, notre but constant soit toujours de « nous rendre nous-mêmes recommandables comme serviteurs de Dieu ».

Remarquez ensuite avec quelle puissance et quelle autorité notre prophète parle : « Il n’y aura, ces années-ci, ni rosée ni pluie, sinon à ma parole ». Le fait qu’il se tenait en la présence de l’Éternel, qu’il prononçait les paroles de l’Éternel, oui, et qu’il était ainsi entièrement identifié avec l’Éternel, lui donnait cette parfaite assurance, en sorte qu’il pouvait dire : « sinon à ma parole ». Tel était le privilège du messager du Seigneur s’acquittant du message du Seigneur. Tels sont les merveilleux résultats de la prière secrète. « Élie était un homme ayant les mêmes passions que nous, et il pria avec instance qu’il ne plût pas, et il ne tomba pas de pluie sur la terre durant trois ans et six mois ». Puisse cet exemple agir comme un puissant mobile sur tous ceux qui, dans ces jours de faiblesse générale, désirent travailler pour Dieu ! Il faut nous tenir davantage en la présence de Dieu, dans un sentiment réel de nos besoins ; si nous sentions nos misères beaucoup plus que nous ne le faisons, nous manifesterions davantage l’esprit de prière, et c’est l’esprit de prière qui nous manque — cet esprit qui met Dieu dans la place qui Lui convient : celle de donateur, et qui nous met aussi à notre propre place : celle de gens qui reçoivent. Mais combien souvent nous nous laissons aller à de pures et vaines formes de prières — par l’expression formaliste de mots qui n’ont point d’écho réel dans nos coeurs ! Plusieurs aussi se font une espèce de dieu de la prière ; plusieurs laissent leurs prières même se placer entre leurs âmes et le Dieu de la prière. C’est un grand piège. Nous devrions toujours veiller à ce que nos prières soient l’effusion naturelle de l’Esprit au-dedans de nous, et non pas une simple et superstitieuse pratique d’un acte que nous pensons devoir accomplir (*).

(*) Je voudrais ajouter quelques mots sur le sujet de la prière en commun parmi les chrétiens, exercice qui semble si déplorablement négligé par nous dans un temps où il serait si particulièrement nécessaire. On verra qu’en général la vie et l’énergie, le service et le témoignage collectifs, seront proportionnés à la mesure d’une recherche collective de Dieu. Là où il n’y a pas des assemblées publiques de prières, on peut être sûr de trouver bien des manquements quant au service et au témoignage ; les intérêts de l’Église de Dieu ne sont pas réellement appréciés, et, partant, les choses de la terre occupent une place d’illégitime prééminence dans les esprits des chrétiens. Si nous sentions notre faiblesse collective, il y aurait une expression collective de cette faiblesse, et ensuite un renouvellement de notre force collective. Or on peut se convaincre, je crois, que tous les mouvements importants qui ont eu lieu parmi le peuple de Dieu ont été le résultat de prières venant du coeur et en commun. Et nous pouvons bien dire qu’il est tout naturel qu’il en soit ainsi. En effet, nous ne pouvons pas nous attendre à ce que Dieu répande sa grâce vivifiante sur ceux qui se contentent de leur état de tiédeur et de mort. L’Écriture dit : « Ouvre ta bouche, et je la remplirai » (Ps. 81:10). Si nous ne voulons pas ouvrir nos bouches, comment pourraient-elles être remplies ? Si nous sommes contents de ce que nous avons, comment pourrions nous espérer recevoir davantage ? Que tout lecteur chrétien ait donc à coeur d’exciter ses frères autour de lui à chercher le Seigneur dans des prières en commun, et il peut être assuré que d’heureux résultats ne tarderont pas à se manifester.

3 - Le prophète dans la retraite

Notre prophète avait à peine rendu son témoignage qu’il fut de nouveau appelé, loin des regards du peuple, dans la retraite et la solitude. « Et la Parole de l’Éternel vint à Élie disant : Va-t-en d’ici, et tourne-toi vers l’orient, et cache-toi au torrent du Kerith, qui est vers le Jourdain ». Il y a, dans ces paroles, des enseignements sérieux à recueillir. Élie venait de prendre une position fort éminente en présence d’Israël, et quoiqu’il ne l’eût fait qu’après avoir passé, dans la retraite, par de précieux exercices d’âme en la présence de Dieu, cependant ce Dieu fidèle, pour lequel Élie avait agi, jugea nécessaire de le retirer de nouveau loin de la foule, afin qu’il pût encore, non seulement occuper une place élevée devant ses frères, mais une place bien humble devant le Seigneur. Tout cela, je le répète, est rempli d’instruction pour nous. Il faut que nous soyons tenus et gardés dans l’humilité. Il faut que la chair soit brisée. Pour cela, il faut que nous mettions plus de temps à nous laisser enseigner en secret, que nous n’en mettons à agir en public. Élie s’était, pour un moment seulement, présenté en public comme témoin de l’Éternel, et cela encore après avoir été longtemps seul avec Dieu ; et aussitôt après, il doit disparaître de la scène et se cacher de nouveau pendant trois ans et demi. Combien peu l’homme a de droits à la confiance ! Comme il nous est difficile d’occuper impunément une place honorable ! Comme nous sommes vite disposés à nous oublier nous-mêmes et à oublier Dieu ! Nous verrons plus tard que le fidèle prophète lui-même avait grandement besoin d’être tenu dans la retraite. Le Seigneur connaissait son caractère et ses tendances, et Il agit envers lui en conséquence. Ah ! Il est bien humiliant de penser combien peu il est possible de se confier en nous relativement au témoignage public que nous avons à rendre à Christ ; nous sommes si remplis de nous-mêmes, si portés à nous imaginer follement que nous sommes quelque chose, et que Dieu veut faire de grandes choses par nous : de là vient que nous avons grand besoin, comme notre prophète, d’écouter la voix qui nous dit de « nous tenir cachés », de nous dérober aux regards du public, afin d’apprendre, dans le calme de la sainte présence de notre Père, à connaître notre propre néant. C’est ainsi qu’agit notre divin Maître avec ses envoyés, quand ils revinrent à Lui pleins d’eux-mêmes et de leur service en disant : « Seigneur, les démons même nous sont assujettis ». Quelle fut la réponse de Jésus ? « Venez à l’écart vous-mêmes dans un lieu désert ». Un chrétien spirituel comprendra aisément l’importance de ce qui précède. Il ne serait pas bon pour nous d’être constamment en présence des hommes ; aucun être humain ne pourrait le supporter ; le Fils de Dieu Lui-même cherchait fréquemment la solitude où Il pût, loin du mouvement et du bruit de la ville, jouir d’un paisible isolement pour se livrer à la prière dans une intime communion avec son Père. « Jésus s’en alla à la montagne des Oliviers », où Il passait quelquefois la nuit (Jean 8:1 ; Luc 21:37). « Et s’étant levé sur le matin, longtemps avant le jour, Il sortit, et s’en alla dans un lieu désert ; et Il priait là » (Marc 1:35). Ce n’est pas pourtant qu’Il eût besoin de se cacher, car sa vie tout entière sur la terre était une vie de complète abnégation. L’esprit de son ministère est exprimé dans ces paroles : « Ma doctrine n’est pas mienne, mais de Celui qui m’a envoyé » (Jean 7:16). Ah ! Si tous les serviteurs du Seigneur étaient réellement animés du même esprit ! Nous avons tous besoin de beaucoup de renoncement au moi. Le diable agit sur nos pauvres coeurs — nos pensées sont préoccupées de nous-mêmes — hélas ! nous faisons souvent de notre misérable service et même de la vérité de Dieu, comme un piédestal pour servir d’appui à notre propre gloire. Il n’est donc pas étonnant que le Seigneur nous utilise rarement ; comment pourrait-il employer des agents qui ne Lui rapporteraient pas toute la gloire de ce qu’il leur serait donné de faire ? Comment le Seigneur pouvait-il employer Israël à son service, quand Israël était toujours enclin à se glorifier lui-même ? Oh ! Demandons à notre Dieu de nous rendre plus vraiment humbles — plus abaissés dans notre propre estime — plus disposés à être considérés comme un « chien mort », ou comme « une puce », ou comme « les balayures du monde », ou comme rien du tout, pour l’amour de notre bon Maître.

Élie devait demeurer plusieurs jours dans sa retraite solitaire auprès du torrent du Kerith ; mais il y était avec une précieuse promesse de l’Éternel, le Dieu d’Israël, relativement à la nourriture dont il avait besoin ; il s’y rendit, en effet, accompagné de cette miséricordieuse assurance : « J’ai commandé aux corbeaux de te nourrir là ». Le Seigneur voulait prendre soin de son bien-aimé serviteur, pendant qu’il serait caché à la vue du peuple, et subvenir à ses besoins, fût-ce même par le moyen des corbeaux. Quelle étrange ressource ! Quel continuel exercice de foi était impliqué dans cette position, d’être appelé à attendre les visites journalières d’oiseaux, poussés par leur instinct à dévorer la nourriture du prophète ! Mais était-ce des corbeaux que Élie attendait le soutien de sa vie ? Assurément non ! Son âme se reposait sur ces précieuses paroles : « J’ai commandé ». C’était Dieu qui était pour lui, et non pas les corbeaux. Il avait le Dieu d’Israël avec lui dans sa retraite, il vivait de foi. Quelle inappréciable bénédiction pour le coeur de s’attacher ainsi, avec une sincère simplicité, à la promesse de Dieu ! Qu’on est heureux d’être élevé au-dessus de l’influence des circonstances, dans le sentiment de la présence et des soins de Dieu ! Élie se cachait de l’homme, tandis que Dieu se manifestait à Élie. Il en est toujours de même. Sachons seulement mettre le moi de côté, et nous pouvons être assurés que Dieu se révélera en puissance à nos âmes. Si Élie avait continué d’occuper une position publique éminente, il aurait été laissé sans ressource. Il devait se cacher, car le courant des rafraîchissements divins ne coulait pour lui que dans la place de la retraite et du renoncement. « J’ai commandé aux corbeaux de te nourrir  ». Si le prophète eût été ailleurs que , il n’aurait rien du tout obtenu de Dieu. Quel enseignement pour nous ! Pourquoi nos âmes sont-elles si chétives et si stériles ! Pourquoi nous abreuvons-nous si rarement au torrent des rafraîchissements préparé par le Seigneur ? C’est que nous ne nous cachons pas assez nous-mêmes. Nous n’avons nullement le droit d’espérer que Dieu nous fortifie et nous restaure uniquement pour nous élever ici-bas. Il veut nous fortifier pour Lui-même. Si nous pouvions donc réaliser davantage que nous ne sommes « point à nous-mêmes » (1 Cor. 6:19), nous jouirions d’une plus grande puissance spirituelle.

Mais il y a quelque chose de plus dans la portée de ce petit mot «  ». Élie devait être , et nulle part ailleurs, pour se trouver sous la bénédiction des ressources de Dieu ; il en est précisément ainsi du croyant de nos jours ; il faut qu’il connaisse où Dieu veut qu’il soit et qu’il y demeure. Nous n’avons pas le droit de choisir notre place, car le Seigneur « détermine les bornes de notre habitation » ; il est heureux pour nous de le savoir et de nous soumettre à sa sage et miséricordieuse ordonnance. C’était au bord du torrent du Kerith, et là seulement, que les corbeaux avaient reçu l’ordre d’apporter du pain et de la chair au prophète ; il pouvait désirer une autre résidence, mais s’il avait quitté le torrent pour aller se fixer ailleurs, il aurait dû pourvoir par lui-même à sa subsistance : combien n’était-il pas plus heureux de laisser Dieu y pourvoir à sa place ! C’est ce qu’Élie sentait ; aussi il n’hésita pas à se rendre près du Kerith, car l’Éternel avait « commandé aux corbeaux de le nourrir là ». La provision divinement ordonnée ne peut être reçue que dans la place divinement déterminée. Ainsi Élie dut passer d’une solitude à une autre solitude. Il était venu des montagnes de Galaad, avec un message pour le roi d’Israël, de la part de l’Éternel, le Dieu d’Israël, et dès qu’il se fut acquitté de ce message, il fut conduit de nouveau, par la main de Dieu, dans un isolement absolu, pour que son esprit y fût exercé et sa force renouvelée en la présence de Dieu. Et quel est le fidèle qui voudrait se passer de ces douces et saintes leçons enseignées dans le secret ? Qui voudrait être exempt de cette discipline donnée par la main d’un Père ? Qui ne désirerait pas souvent être emmené loin des yeux des hommes, et placé au-dessus de l’influence des choses terrestres et naturelles, dans la pure lumière de la divine présence, où le moi et tout ce qui l’entoure sont considérés et appréciés selon la mesure du sanctuaire ? En un mot, qui ne désirerait pas être seul avec Dieu — seul, non pas dans un sens purement sentimental de ce mot, mais seul en réalité, en pratique, en expérience : seul comme Moïse sur la montagne de Dieu ; seul, comme Aaron dans le saint des saints ; seul, comme notre prophète au torrent du Kerith ; seul, comme Jean dans l’île de Patmos ; et surtout, seul, comme Jésus sur la montagne.

Il vaut la peine de rechercher ici ce que c’est que d’être seul avec Dieu. C’est avoir le moi et le monde mis de côté — avoir notre esprit animé des pensées de Dieu, de ses excellences et de ses perfections — laisser toute sa bonté passer devant nous — le considérer comme Celui qui agit en nous et pour nous — nous sentir au-dessus de la chair et de ses raisonnements, du monde et de son train, de Satan et de ses accusations — et, par-dessus tout, sentir que nous avons été introduits dans cette sainte solitude, simplement et uniquement grâce au précieux sang de notre Seigneur Jésus Christ. Voilà quelques-uns des résultats de la solitude avec Dieu. Mais, en vérité, ce sont des choses que l’on peut à peine expliquer à d’autres, car tout saint vraiment spirituel doit avoir conscience et sentiment du sujet, et il comprendra bien mieux ce qu’il signifie dans sa propre expérience. Nous pouvons, tout au moins, bien demander d’être de plus en plus initiés à la secrète présence de notre Père — d’en finir une bonne fois avec nos pénibles et misérables efforts pour maintenir notre caractère ou notre position ici-bas — et de connaître la joie, la liberté, la paix, la parfaite simplicité du sanctuaire, où Dieu, dans la variété de ses attributs et de ses perfections, se présente à nos âmes et nous remplit d’inexprimables bénédictions.


Occuper ma place au saint lieu,

Connaître Dieu comme mon Dieu :

C’est une source intarissable

De transports de joie ineffable.


Mais quoique Élie fût ainsi dans une heureuse solitude près du torrent du Kerith, il n’était pas exempté des profonds exercices d’âme qui accompagnent une vie de foi. Les corbeaux, il est vrai, obéissant au commandement, lui faisaient chaque jour leur visite, et le torrent du Kerith continuait sans interruption son cours tranquille, en sorte que le pain du prophète lui était donné, et que ses eaux ne lui manquaient pas ; et ainsi, au moins pour ce qui le concernait personnellement, il pouvait oublier que la verge du jugement était étendue sur le pays. Mais la foi doit être mise à l’épreuve ; il ne peut être permis à l’homme de foi de reposer sur sa lie, il faut qu’il soit vidé de vaisseau en vaisseau (Ésaïe 33:16 ; Jér. 48:11). ; l’enfant de Dieu doit passer d’une classe à une autre dans l’école de Christ, et après avoir, par grâce, surmonté les difficultés de l’une, il est nécessairement appelé à lutter avec celles de l’autre. Il était donc indispensable que l’âme du prophète fût éprouvée, afin que l’on pût voir si c’était au torrent qu’il se confiait, ou à l’Éternel, le Dieu d’Israël ; c’est pourquoi « il arriva, au bout de quelque temps, que le torrent sécha ». L’infirmité de la chair nous expose au danger de voir notre foi s’appuyer sur les circonstances et en dépendre, en sorte que, lorsque ces circonstances sont favorables, nous croyons avoir une grande foi, et vice versa.

Mais la foi ne regarde jamais aux circonstances, elle regarde directement à Dieu, elle a exclusivement affaire avec Lui et avec ses promesses. Il en était ainsi d’Élie ; peu lui importait que le Kerith continuât à couler ou non ; il pouvait dire avec un poète chrétien : « Si les ruisseaux des créatures sont desséchés, il me reste toujours une fontaine ». Dieu était pour lui une fontaine, une source qui ne pouvait ni manquer, ni tarir. Le torrent pouvait se dessécher sous l’influence de la sécheresse générale, mais aucune sécheresse ne pouvait atteindre Dieu ; le prophète le savait — il savait que la parole de Jéhovah était aussi certaine, aussi assurée, soit comme sa part, soit comme fondement de ses espérances, dans le dessèchement du Kerith, qu’elle l’avait été pendant son séjour sur ses bords ; il en fut, en effet, ainsi, car « la parole de l’Éternel vint à lui, disant : Lève-toi, va-t’en à Sarepta, qui appartient à Sidon, et tu habiteras là ; voici, j’ai commandé là à une femme veuve de te nourrir ». La foi d’Élie doit toujours reposer sur la même base immuable : « J’ai commandé ». Quelle bénédiction ! Les circonstances changent, les choses humaines défaillent, les torrents des créatures se dessèchent, mais Dieu et sa Parole sont toujours les mêmes, hier, aujourd’hui, et éternellement. Le prophète ne paraît pas avoir été le moins du monde troublé par ce nouvel ordre qu’il reçoit d’en haut. Non, car, comme Israël jadis, il avait appris à fixer et dresser sa tente conformément aux mouvements de la nuée de Jéhovah. Le camp d’autrefois était appelé à suivre attentivement les pas de ce chariot céleste qui marchait en avant vers le pays de la promesse, et qui, ici et là, faisait halte dans le désert, pour procurer au peuple des moments de repos ; il en était précisément de même d’Élie : il restera dans son poste solitaire sur les bords du Kerith, ou bien il se mettra en chemin pour Sarepta de Sidon, sans jamais s’écarter de l’obéissance à « la parole du Seigneur ». Il n’était pas permis aux anciens Israélites de se tracer à eux-mêmes leurs plans ; Jéhovah ordonnait et arrangeait tout pour eux ; — Il leur faisait savoir quand et où ils devaient marcher en avant, où et quand ils devaient s’arrêter, — de temps en temps Il leur manifestait son bon plaisir souverain par les mouvements de la nuée au-dessus de leurs têtes. « Si la nuée prolongeait sa demeure pendant deux jours, ou un mois, ou beaucoup de jours sur le tabernacle, pour y demeurer, les fils d’Israël campaient et ne partaient pas ; mais quand elle se levait, ils partaient. Au commandement de l’Éternel ils campaient, et au commandement de l’Éternel ils partaient » (Nombres 9:22-23) Telle était l’heureuse condition des rachetés de l’Éternel dans leur voyage d’Égypte en Canaan. Quant à leurs mouvements, ils ne pouvaient jamais suivre leur propre voie. Si un Israélite eût refusé de partir quand la nuée se levait, ou de s’arrêter quand elle s’arrêtait, il eût été laissé à lui-même pour périr dans le désert. Le rocher et la manne suivaient les enfants d’Israël tant qu’eux-mêmes suivaient Jéhovah ; en d’autres termes, la nourriture et le rafraîchissement ne se trouvaient que dans le chemin de la simple obéissance.

Ici encore, il en était précisément de même d’Élie ; il ne lui était pas permis d’avoir une volonté propre : il ne pouvait pas fixer le temps de son séjour près du Kerith, ni celui de son départ pour Sarepta ; « la Parole de l’Éternel » réglait tout pour lui, et en lui obéissant, il trouvait la nourriture qui lui était nécessaire. Quelle leçon pour le chrétien ! Le sentier de l’obéissance est le seul sentier du bonheur. Si nous savions mieux combattre et subjuguer le moi, notre état spirituel serait beaucoup plus vigoureux et plus sain. Rien ne contribue plus à la santé et à la vigueur de l’âme qu’une invariable obéissance ; on gagne des forces par les efforts même que l’on fait pour obéir. Cela est vrai pour tous, mais spécialement relativement à ceux qui sont dans la position de ministres du Seigneur. Il faut qu’ils marchent dans l’obéissance s’ils veulent être utilisés dans le ministère. Comment Élie aurait-il pu dire, comme il le fit plus tard, sur le mont Carmel « Si l’Éternel est Dieu, suivez-le », dans le cas où sa propre marche eût été signalée par un esprit volontaire et rebelle ? Cela eût été impossible. Un ministre est un serviteur ; or le chemin d’un serviteur doit être le chemin de l’obéissance, autrement il cesse d’être un serviteur. Le mot serviteur est aussi inséparablement lié à l’obéissance, que le mot de travailleur au travail. « Un serviteur, comme on l’a dit, doit bouger quand la cloche sonne ». Ah ! puissions-nous aussi être plus attentifs et plus alertes au son de la cloche de notre Maître, et plus prompts à courir dans la direction où Il nous appelle ! « Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute ». Que ce soit là notre langage. Soit que la Parole du Seigneur nous ordonne de sortir de notre retraite pour nous porter au milieu de nos frères, soit que de là, elle nous appelle à retourner dans notre retraite, que notre langage soit toujours : « Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute ». La Parole du Seigneur, et l’oreille attentive d’un serviteur, c’est là tout ce dont nous avons besoin pour marcher en avant d’une manière sûre et heureuse.

Or ce sentier de l’obéissance n’est nullement un chemin facile ; il implique le continuel renoncement au moi, et il ne peut être poursuivi qu’autant que l’oeil est tenu fixement sur Dieu, et la conscience sous l’action de sa vérité. Tout acte d’obéissance porte, il est vrai, avec lui une riche récompense ; cependant la chair et le sang doivent être mis de côté, et ce n’est certes pas facile. Preuve en soit la marche de notre prophète. Il fut d’abord appelé à se rendre près du torrent du Kerith pour y être nourri par les corbeaux. Comment la chair et le sang pouvaient-ils comprendre une telle chose ? Puis, quand le torrent vient à manquer, Élie doit partir de nouveau pour une ville éloignée de la contrée de Sidon, afin d’être nourri là par une veuve dénuée de tout, et qui paraissait à la veille de mourir de faim. Voici quel était le commandement : « Lève-toi, va-t’en à Sarepta, qui appartient à Sidon, et tu habiteras là ; voici, j’ai commandé là, à une femme veuve de t’y nourrir ». En arrivant dans cet endroit, les apparences qui s’offrirent aux yeux du prophète n’étaient guère propres à confirmer les paroles du Seigneur. Au contraire, elles n’auraient pu que le remplir de doutes et de craintes, s’il eût regardé aux circonstances dans cette affaire. « Et il se leva, et s’en alla à Sarepta ; et il vint à l’entrée de la ville ; et voici il y avait là une femme veuve qui ramassait du bois ; et il lui cria et dit : Prends-moi, je te prie, un peu d’eau dans un vase, afin que je boive. Et elle s’en alla pour en prendre. Et il lui cria et dit : Prends-moi dans ta main, je te prie, un morceau de pain. Et elle dit : L’Éternel ton Dieu est vivant, que je n’ai pas un morceau de pain cuit, rien qu’une poignée de farine dans un pot, et un peu d’huile dans une cruche ; et voici, je ramasse deux bûchettes, afin que j’entre, et que je prépare cela pour moi et pour mon fils ; puis nous le mangerons et nous mourrons ». Telle était la scène qui se présenta aux yeux du prophète quand il arriva à la destination que Dieu lui avait fixée. C’était tout ce qu’il y avait de plus triste et de plus décourageant pour la chair et le sang. Mais Élie ne prenait pas conseil de la chair et du sang ; son courage était soutenu par l’infaillible parole de Jéhovah ; sa confiance était basée sur l’infaillible fidélité de Dieu, et il n’avait nullement besoin pour cela du concours des circonstances extérieures. L’horizon pouvait paraître sombre et menaçant à la vue de la chair, mais l’oeil de la foi pouvait percer les nuages et voir, au-delà, le fondement ferme qui est posé pour la foi dans l’excellente Parole de Dieu. Quelle est donc précieuse, la Parole de Dieu ! Nous pouvons bien dire avec le psalmiste : « Tes témoignages me sont un héritage à toujours ». Précieux héritage ! Pure, incorruptible, immortelle vérité ! Comme nous devrions bénir notre Dieu d’en avoir fait notre inaltérable partage — un partage qui, lorsque toutes les choses sublunaires se seront évanouies — lorsque le monde aura passé avec sa convoitise — lorsque toute chair aura été consumée comme du foin — sera pour le fidèle une réalité éternelle. « Grâces à Dieu, pour son don inexprimable ! »

Oui, voici les circonstances qui s’offrirent aux regards du prophète à son arrivée à Sarepta : Une veuve et son fils près de mourir de disette — deux bûchettes, un peu d’huile, et une poignée de farine ! Et cependant la parole de Dieu était : « j’ai commandé là, à une veuve de t’y nourrir ! » Quelle épreuve profondément mystérieuse pour la foi ! Néanmoins Élie ne forma point de doute sur la promesse de Dieu par incrédulité, mais il fut fortifié dans la foi, donnant gloire à Dieu. Il savait que c’était le Dieu Très-haut et le Tout-Puissant, le possesseur des cieux et de la terre qui devait pourvoir à ses besoins ; aussi quand même il n’y aurait point eu d’huile ni de farine du tout, cela lui eût fort peu importé, car il regardait, au-delà des circonstances, au Dieu qui dirige les circonstances — ce n’était pas la veuve qu’il voyait, mais c’était Dieu — il ne se confiait pas à la poignée de farine, mais au commandement divin ; aussi son esprit était-il parfaitement tranquille et calme au milieu des circonstances qui auraient complètement accablé celui qui aurait marché par la vue ; et sans l’ombre d’un doute, il pouvait dire : « Ainsi dit l’Éternel, le Dieu d’Israël : Le pot de farine ne s’épuisera pas, et la cruche d’huile ne manquera pas, jusqu’au jour où l’Éternel donnera de la pluie sur la face de la terre ». Nous avons là la réponse de la foi au langage de l’incrédulité. « Ainsi dit l’Éternel », voilà qui décide tout. Du moment que l’esprit saisit la promesse de Dieu, on en a fini avec les raisonnements de l’incrédulité. L’incrédulité place les circonstances entre l’âme et Dieu ; la foi place Dieu entre l’âme et les circonstances. C’est là une bien essentielle différence. Puissions-nous marcher dans la puissance et l’énergie de la foi, à la louange de Celui que la foi honore toujours !

Mais dans cette scène intéressante, il est un autre point à signaler, savoir la manière dont la mort est toujours suspendue autour de celui qui ne marche pas par la foi. « Puis nous le mangerons et nous mourrons » ; ainsi parle la veuve. La mort et l’incrédulité sont inséparablement liées ensemble. L’esprit ne peut être conduit dans le chemin de la vie que par l’énergie de la foi ; si donc la foi n’est pas active, il n’y a ni vie, ni puissance, ni élévation. Tel était l’état de cette pauvre veuve ; son espérance pour la vie reposait sur le pot de farine et sur la cruche d’huile ; en dehors de cela, elle ne voyait aucune source de vie, aucun espoir de prolongation de jours. Son âme ne connaissait pas encore le vrai bonheur de la communion avec le Dieu vivant, auquel seul appartiennent les issues de la vie. Elle n’était pas encore en état de croire et d’espérer contre espérance. Hélas ! quelle pauvre et fragile chose, qu’une espérance qui repose uniquement sur une cruche d’huile et un pot de farine ! Qu’elle est misérable l’attente qui dépend uniquement de la créature ! Et ne sommes-nous pas tous que trop enclins à nous appuyer sur quelque chose de tout aussi chétif et pitoyable aux yeux de Dieu qu’une poignée de farine ? Sans aucun doute ; et il doit toujours en être ainsi lorsque Dieu n’est pas compris, saisi, en quelque sorte, par l’âme. Pour la foi, il y a Dieu ou rien. Une poignée de farine, dans la main de Dieu et aux yeux de la foi, fournira des ressources aussi réelles que le troupeau qui paît sur mille montagnes. « Nous n’avons que cinq pains d’orge et deux petits poissons, mais qu’est-ce que cela pour tant de monde ? » Voilà le langage du coeur humain ; mais la foi ne dit jamais : Qu’est ce que cela pour tant de monde ? Mais qu’est-ce qu’est Dieu pour tant de personnes ? L’incrédulité dit : Nous ne pouvons pas ; la foi dit : mais Dieu peut.

Ne serait-il pas à propos, avant de quitter cet important sujet, d’appliquer ces principes au pauvre pécheur dont la conscience est réveillée ? Combien n’arrive-t-il pas souvent à celui qui est dans cet état, de s’accrocher à quelque vaine ressource pour le pardon de ses péchés, plutôt que de s’en tenir fermement à l’oeuvre de Christ accomplie sur la croix, qui a pour toujours satisfait aux exigences de la justice divine, et qui devrait, par conséquent, suffire pour satisfaire à tout ce que peut demander une conscience chargée du sentiment de sa culpabilité. « Je n’ai personne qui, lorsque l’eau a été agitée, me jette dans le réservoir ; et, pendant que moi je viens, un autre descend avant moi ». Tel est le langage de celui qui n’avait pas encore appris à regarder, au-dessus de tous les secours humains, directement à Jésus. « Je n’ai personne », dit le pauvre pécheur qui se sent coupable et qui ne croit pas ; mais j’ai Jésus, dit le croyant, et il peut ajouter : « Ainsi a dit le Seigneur : La purifiante efficacité du sang ne défaudra pas, sa valeur ne diminuera pas, jusqu’à ce que le Seigneur ait recueilli en sûreté et pour toujours tous ses rachetés dans sa propre maison céleste ».

C’est pourquoi, si ces pages devaient tomber entre les mains de quelque pauvre pécheur hésitant, tremblant, craintif, je l’inviterais à prendre courage en méditant sur cette précieuse vérité que Dieu, dans sa grâce infinie, a mis la croix de Jésus entre lui, pécheur, et ses péchés, pourvu seulement qu’il croie au témoignage divin. La grande différence entre un croyant et un incrédule consiste, au fond, en ceci : c’est que le premier a Christ entre lui et ses péchés, et que le dernier a ses péchés entre lui et Christ. Or, pour le croyant, Christ est l’objet qui absorbe tous les autres ; il ne regarde plus à l’énormité de ses péchés, mais à la valeur du sang et de la personne de Christ ; il sait que Dieu n’est plus pour lui sur son trône de jugement, mais sur le trône de grâce ; si Dieu était sur le premier, ses pensées ne seraient occupées que de la question du péché ; mais comme il siège maintenant sur le dernier, ses pensées, béni soit son Nom, sont uniquement occupées de la valeur du sang de son Fils. Oh ! Puissions-nous jouir d’une communion plus simple et plus habituelle avec les pensées du ciel, et faire plus complètement abstraction des choses et des pensées de la terre ! Que le Seigneur veuille le donner à tous ses saints !

Le courant d’idées qui précède ne sera pas regardé comme une vaine digression : revenons-en à notre sujet.

Nous avons déjà montré que l’homme de foi doit être vidé de vaisseau en vaisseau ; chaque scène, chaque stage successif de la vie du croyant n’est pour lui que comme une entrée dans une classe nouvelle de l’école de Christ, où il a quelque leçon nouvelle et, naturellement, plus difficile à apprendre. Mais l’on peut demander si Élie avait affaire à des circonstances plus éprouvantes à Sarepta qu’au Kerith. Ne valait-il pas mieux pour lui d’être remis à des sympathies humaines, que d’avoir des corbeaux comme instruments de sa nourriture ? En outre, n’était-il pas plus agréable de se trouver en famille avec des êtres humains, que de demeurer dans l’isolement du torrent du Kerith ? Tout cela pouvait être, sans doute ; cependant la solitude a ses douceurs, et la société a ses épreuves. Il y a des intérêts égoïstes qui agissent parmi les hommes, et qui mettent obstacle à cette jouissance réelle et pure que leur société devrait procurer, et qu’elle procurera un jour, alors que l’humanité sera rétablie dans l’état de perfection qu’elle recevra de Dieu.

Notre prophète n’entendit pas des mots tels que ceux-ci : « Moi et mon fils », quand il fixa sa demeure près du torrent. Là, il n’y avait point d’intérêt égoïste mettant des entraves à son entretien et à ses jouissances. Mais dès l’instant qu’il passa de sa retraite dans la société de ses semblables, il dut sentir que le coeur humain n’aime pas à voir qui et quoi que ce soit faire concurrence aux objets qu’il affectionne ; il vit se dérouler toute la signification des mots : « moi et mon fils », manifestant les sources intimes de l’égoïsme qui dirige l’humanité dans son état de chute. Mais l’on fera sans doute observer qu’il était bien naturel pour le coeur de la veuve de penser à elle et à son fils préférablement à tout autre ; assurément, c’était naturel : c’est ce que la nature fait toujours. Écoutez ces paroles d’un véritable enfant de la nature : « Et je prendrai mon pain et mon eau, et ma viande que j’ai tuée pour mes tondeurs, et je les donnerais à des hommes dont je ne sais d’où ils sont ? » (1 Sam. 25 :11). la nature cherchera toujours, premièrement, son propre intérêt, et ce n’est pas à la sphère de ce monde périssable qu’il est donné de remplir l’âme humaine au point de la faire déborder en faveur d’autrui. C’est dans la nature de Dieu seul d’agir ainsi. Il est totalement vain d’essayer de dilater le coeur de l’homme par un moyen quelconque, si ce n’est par la riche grâce de Dieu. C’est la seule chose qui parviendra à ouvrir la porte des affections de l’homme à tous les malheureux. La bienveillance humaine peut faire beaucoup, quand d’abondantes ressources éloignent la possibilité de privations personnelles, mais la grâce seule rendra un homme capable de fouler aux pieds son intérêt personnel pour répondre aux besoins des autres. « On te louera si tu te fais du bien » (Ps. 49:18). C’est là le principe du monde, et rien ne peut nous le faire désapprendre si ce n’est la connaissance du fait que Dieu nous a fait du bien et, en outre, que c’est notre meilleur intérêt de le laisser continuer à nous en faire jusqu’à la fin. Or c’était la connaissance de ce principe divin qui mettait notre prophète en état de dire : « Fais-moi premièrement de cela un petit gâteau, et apporte-le moi ; et après, tu en feras pour toi et pour ton fils ». Dans ces paroles, Élie ne faisait que rappeler le droit de Dieu sur les ressources de la veuve et, nous le savons, le résultat d’une fidèle et prompte réponse à ce droit de Dieu, sera toujours une riche moisson de bénédiction pour l’âme. Cela exigeait pourtant de la foi chez la veuve : son rôle était à la fois éprouvant et difficile, et demandait une énergie de foi en la promesse divine : « Ainsi dit l’Éternel, le Dieu d’Israël : Le pot de farine ne s’épuisera pas, et la cruche d’huile ne manquera pas, jusqu’au jour où l’Éternel donnera de la pluie sur la face de la terre ».

N’en est-il pas toujours de même de chaque fidèle ? Certainement nous devons agir avec foi. La promesse de Dieu doit toujours constituer le grand principe directeur dans l’âme du chrétien. Il n’y aurait pas eu lieu à l’exercice de la foi de la part de la veuve si le pot avait été plein ; mais quand il était épuisé, quand il était réduit à une dernière poignée de farine, recevoir l’ordre de donner de cette poignée à un étranger premièrement, c’était là assurément une grande exigence ; et il ne fallait rien moins que la foi pour rendre cette femme capable d’y répondre. Mais le Seigneur agit souvent avec son peuple comme il le fit avec ses disciples, quand il s’agissait de nourrir une multitude de gens : « Il disait cela pour les éprouver, car lui savait ce qu’il allait faire ». Il nous montre parfois un acte à faire, impliquant une grande épreuve pour nous et, dès que nous nous mettons en devoir d’obéir, non seulement nous en découvrons le motif, mais encore nous recevons des forces pour continuer. De fait, tous les droits de Dieu à notre obéissance sont basés sur le principe contenu dans ce commandement adressé jadis aux enfants d’Israël : « Parle aux fils d’Israël, et qu’ils marchent » (Exode 14:15). Où devaient-ils aller ? Au travers de la mer. Quel chemin ! Cependant, avec ce commandement si difficile, nous voyons la grâce pourvoyant à la capacité de l’accomplir dans la parole adressée à Moïse immédiatement après (v. 16) : « Et toi, lève ta verge, et étends ta main sur la mer, et fends-la ; et que les fils d’Israël entrent au milieu de la mer, à sec ». La foi rend un homme capable, lorsqu’il est appelé, de sortir sans savoir où il va.

Mais cette intéressante scène entre Élie et la veuve de Sarepta nous donne d’autres leçons encore ; il y a plus que ce simple principe de l’obéissance : nous y apprenons aussi que rien, si ce n’est la puissance supérieure de la grâce divine, ne peut élever l’esprit humain au-dessus de l’atmosphère glaciale de l’égoïsme dans laquelle l’homme tombé vit, se meut, et a son être. Le rayonnement de la bonté de Dieu, resplendissant sur l’âme, dissipe ces brouillards dont le monde est enveloppé, et rend un homme capable de penser et d’agir d’après des principes plus élevés et plus nobles que ceux qui dirigent la masse qui se meut autour de lui. Cette pauvre veuve était sortie de sa maison, animée des seuls motifs de l’intérêt propre et de sa propre conservation, et elle n’avait d’autre perspective que la mort. En est-il différemment des multitudes qui nous entourent ? En est-il tant soit peu mieux d’un homme irrégénéré quelconque sur la terre ? Hélas ! non. Le plus illustre, le plus intelligent, le plus savant, — en un mot, tout homme sur l’esprit duquel la lumière de la grâce divine n’a pas resplendi, se trouvera, au jugement de Dieu, semblable à cette pauvre veuve, animé, comme elle, de motifs d’intérêt propre et de propre conservation, et n’ayant point de plus brillante perspective que la mort. Cependant la vérité de Dieu change promptement l’aspect des choses. Dans le cas de la veuve, elle agit avec une grande puissance ; cette vérité la renvoie chez elle pour s’y occuper d’un autre, son âme étant remplie des réjouissantes pensées de la vie. Et il en sera toujours ainsi. Que l’âme soit mise seulement en communion avec la vérité et la grâce de Dieu, et elle est soudain retirée de ce présent siècle mauvais, et arrachée au funèbre courant qui entraîne avec lui des millions d’êtres humains. Elle est dirigée par des motifs célestes, et poussée en avant par un céleste but. La grâce apprend à un homme à vivre et à agir pour les autres. Plus notre âme goûtera la douceur de l’amour divin, plus notre désir de servir les autres deviendra sincère. Oh ! Puissions-nous tous sentir plus profondément et d’une manière plus permanente la puissance de l’amour de Christ, dans ces temps de si lamentable froideur et indifférence ! Plût à Dieu que nous puissions tous vivre et agir en nous souvenant que nous ne sommes plus à nous-mêmes, mais que nous avons été achetés à grand prix.

Cette vérité fut enseignée à la veuve de Sarepta. Non seulement le Seigneur fit valoir ses droits à la poignée de farine et à la cruche d’huile, mais encore il mit la main sur son fils, le plus tendre objet de ses affections. La mort visite sa maison dans laquelle le prophète de l’Éternel, la veuve et son fils, jouissaient ensemble des fruits précieux de la bonté divine. « Il arriva, après ces choses, que le fils de la femme, maîtresse de la maison, tomba malade ; et sa maladie devint très forte, de sorte qu’il ne resta plus de souffle en lui ». Or, nous le savons, ce fils, ainsi qu’elle-même, avait été un obstacle pour l’empêcher de reconnaître immédiatement les droits divins exposés par Élie ; il y a par conséquent une instruction solennelle pour les saints dans la mort de cet enfant. Nous pouvons être assurés que si nous laissons un objet quelconque, parent ou enfant, mari ou femme, frère ou soeur, barrer pour nous le sentier de la simple obéissance et du dévouement à Christ, cet objet nous sera enlevé. Cette veuve avait donné à son fils une plus haute place dans ses pensées qu’au prophète de l’Éternel, et le fils lui est ôté afin qu’elle pût apprendre que ce n’était pas seulement « la poignée de farine » qui devait être à la disposition de l’Éternel, mais aussi le plus cher de ses biens terrestres. Il ne faut pas avoir une faible mesure de l’Esprit de Christ pour user de tout ce que nous possédons comme de simples administrateurs de ce qui est à Dieu. Nous sommes si portés à considérer toutes choses comme nous appartenant, au lieu de nous souvenir que tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes appartient au Seigneur et devrait toujours être cédé à sa voix. Et ce n’est pas ici une simple question d’obéissance ; il s’agit aussi de notre bien permanent et de notre bonheur. La veuve reconnut les droits de Dieu sur sa poignée de farine, et qu’en résulta-t-il ? Elle et sa maison sont nourris pendant des années ! Ensuite l’Éternel étend sa main sur son fils, et que s’ensuivit-il ? Son fils est ressuscité des morts par la grande puissance de Dieu, qui lui enseignait ainsi que l’Éternel pouvait non seulement conserver la vie, mais encore la donner. La puissance de résurrection est appliquée aux circonstances de sa vie, et elle reçoit maintenant son fils comme auparavant elle avait reçu ses provisions, directement de la main de l’Éternel, Dieu d’Israël. Que nous sommes heureux d’être dépendants d’une telle bonté ! Que nous sommes heureux d’aller à notre pot de farine, ou à notre cruche d’huile, et de les trouver chaque jour remplis par la main libérale de notre Père ! Que nous sommes heureux de tenir les objets les plus chers de nos affections dans les puissants liens de la résurrection ! Tels sont les privilèges des plus faibles des croyants en Jésus.

Mais avant de terminer ce sujet, je voudrais faire observer que l’effet produit sur cette veuve par la divine visitation, fut d’éveiller dans sa conscience un sérieux retour sur son péché. « Es-tu venu chez moi pour mettre en mémoire mon iniquité ? » Quand le Seigneur s’approche de nous, on observera toujours une sensibilité ou délicatesse de conscience que nous devons rechercher sérieusement. On peut souvent suivre jour après jour la routine ordinaire de la vie, en jouissant même du pot et de la cruche qui se remplissent de nouveau, sans avoir la conscience fort exercée devant Dieu. Cet exercice n’a lieu que là où se trouve une marche intime avec Dieu ou quelque visitation spéciale de sa main. Si le Seigneur s’était borné à subvenir chaque jour aux besoins de la pauvre veuve, la question du « péché » ne se serait peut-être jamais élevée dans son esprit ; mais lorsque la mort survient, la conscience commence d’agir, car la mort est le salaire du péché. Il y a une double action dans toutes les dispensations divines envers nous, savoir : une action de vérité et une action de grâce. La première nous découvre le mal, la seconde l’ôte ; celle-là dévoile ce que l’homme est ; celle-ci, ce que Dieu est ; — celle-là manifeste et met en lumière les secrètes opérations du mal dans le coeur de l’homme ; celle-ci expose, en retour, les riches et inépuisables sources de la grâce dans le coeur de Dieu. Toutes deux sont nécessaires, la vérité pour maintenir la gloire de Dieu, la grâce pour établir notre bénédiction ; celle-là pour justifier le caractère divin et ses attributs, celle-ci pour le parfait repos du coeur et de la conscience du pécheur. Qu’il est heureux de savoir que « la grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ ».

Les dispensations divines envers la veuve de Sarepta n’auraient pas été complètes, si elles n’avaient pas produit en elle la confession contenue dans le dernier verset de notre chapitre : « maintenant, à cela je connais que tu es un homme de Dieu, et que la parole de l’Éternel dans ta bouche est la vérité ». Elle avait appris la grâce dans le merveilleux soulagement de ses besoins, elle apprit la vérité dans la mort de son fils. Et si nous étions plus spirituellement sensibles et clairvoyants, nous remarquerions constamment ces deux traits dans la manière d’agir de notre Père envers nous. Nous sommes des gens qui avons toujours besoin de recevoir sa grâce, et nous ne cessons d’avoir des exemples de sa vérité dans les dispensations de sa main, qui ont plus spécialement pour but de manifester le mal caché dans le coeur, afin que nous puissions le juger et le rejeter. Tant que notre pot et notre cruche sont pleins, la conscience est portée à sommeiller, mais quand Dieu frappe à la porte de nos coeurs par quelque châtiment, cela contribue aussitôt à nous réveiller et à nous faire entreprendre énergiquement l’acte si opportun du jugement de nous-mêmes. Or si nous ne pouvons trop fortement nous élever contre cette forme de propre examen, qui fréquemment engendre des doutes au sujet du fait de l’acceptation et du salut de l’âme, cependant nous devons nous souvenir que le moi doit être jugé, autrement nous serons brisés tout à fait. Il n’est nulle part dit au croyant de s’examiner lui-même, dans un sens aussi révoltant que celui-ci, savoir que cet examen pût aboutir à lui faire découvrir qu’il n’est pas dans la foi. Une telle idée est souvent basée sur une fausse interprétation de 2 Cor. 13:5 : « Examinez-vous vous-mêmes, si vous êtes dans la foi, etc ». Or la pensée qui occupait l’esprit de l’apôtre était précisément le contraire de ce que l’on cherche à déduire de ses paroles, comme on peut aisément le reconnaître en faisant attention au contexte. Il paraît que l’assemblée à Corinthe avait reçu dans son sein de faux apôtres, qui osaient mettre en question le ministère de Paul, et qui obligeaient ainsi ce dernier à entreprendre la défense de son apostolat ; ce qu’il fait, d’abord, rappelant d’une manière générale son service et son témoignage et, en second lieu, en adressant un touchant appel aux saints de Corinthe. « Puisque vous cherchez une preuve que Christ parle en moi… examinez-vous vous-mêmes ». La preuve la plus forte et, pour eux du moins, la plus frappante de la divine autorité de cet apostolat était celle qui se déduisait du fait qu’ils étaient dans la foi. On ne peut nullement supposer qu’il eût voulu leur dire de s’examiner eux-mêmes, dans le but de démontrer sa céleste mission, si cet examen eût dû aboutir à la découverte qu’ils n’étaient pas du tout dans la foi ; au contraire, c’est parce qu’il avait une assurance bien fondée qu’ils étaient « dans le Christ Jésus » (1 Cor. 1:2), qu’il pouvait avec confiance en appeler à eux, comme preuve que sa mission était d’en haut.

Il y a pourtant une bien grande différence entre ce qu’on appelle « l’examen de soi-même », et « le jugement de soi-même » ; différence qui ne gît pas tant dans les choses considérées d’une manière abstraite, que dans les idées que nous y attachons. C’est un exercice des plus bénis que de juger notre nature — de juger avec droiture, avec sérieux et avec sévérité cette méchante nature que nous portons avec nous, et qui nous entrave et nous empêche toujours de courir dans la carrière qui nous est proposée. Que le Seigneur nous accorde à tous plus de force spirituelle pour exercer ce jugement sans interruption ; mais alors nous avons à veiller avec le plus grand soin à ce que notre examen de nous-mêmes ne ressemble en rien à la défiance de Dieu. C’est fondé sur la grâce et la fidélité de Dieu, que je me juge moi-même. Si Dieu n’est pas Dieu, tout est perdu.

Mais, dans cette visitation, il y avait aussi un avertissement pour Élie. Il s’était présenté à la veuve comme un homme de Dieu et, par conséquent, il devait justifier le droit qu’il avait de prendre ce caractère. C’est ce que l’Éternel fit miséricordieusement pour lui par la résurrection de l’enfant. « Maintenant, à cela je connais que tu es un homme de Dieu », dit la mère. Ce fut la résurrection qui légitima son droit à la confiance de cette femme. Il faut qu’il y ait, dans la vie de l’homme de Dieu, la manifestation, en quelque mesure, de la puissance de la résurrection, pour que son droit à porter ce nom puisse être pleinement établi. Cette puissance se montrera sous forme de victoire sur le moi dans toutes ses haïssables oeuvres. Le croyant est ressuscité avec Christ — il est fait participant de la nature divine, mais il est encore dans le monde et porte avec lui un corps vil ; et s’il ne se renonce pas lui-même, il s’apercevra bientôt qu’on doutera de la réalité de son caractère d’homme de Dieu. Cependant ce serait une chose bien misérable que de chercher uniquement à se justifier soi-même. Le prophète avait un but plus élevé, savoir, de démontrer la vérité de la parole du Seigneur prononcée par sa bouche. C’est là le vrai but de l’homme de Dieu. Son propre caractère et sa réputation sont des objets de peu d’importance pour lui, à moins qu’ils ne se trouvent en connexion avec la Parole du Seigneur annoncée par lui. C’était uniquement dans le but de maintenir la divine origine de l’Évangile qu’il prêchait, que l’apôtre Paul s’occupait de la défense de son apostolat, dans ses épîtres aux Galates et aux Corinthiens. Peu lui importait ce qu’ils pensaient de Paul, mais ce qui lui importait beaucoup, c’était ce qu’ils pensaient de l’Évangile de Paul. Aussi, c’est surtout par amour pour eux, qu’il désirait si fort leur prouver que la Parole du Seigneur dans sa bouche, était la vérité.

Qu’il était donc important pour le prophète d’avoir un pareil témoignage rendu à l’origine divine de son ministère, avant qu’il figurât dans les scènes imposantes où nous le voyons au chapitre 18 ! Il gagna ainsi beaucoup, tout au moins, dans sa retraite à Sarepta. Son esprit fut affermi d’une manière bénie ; Dieu mit son sceau sur le ministère de son serviteur ; celui-ci se rendit recommandable à la conscience d’une personne avec laquelle il avait demeuré pendant un long temps, et il fut rendu capable de rentrer, bientôt après, dans sa carrière publique avec l’heureuse assurance qu’il était un homme de Dieu, et que la Parole de l’Éternel dans sa bouche était la vérité (*).

(*) Qu’on me permette d’ajouter ici un mot sur la propre défense. Il est fort triste de voir un serviteur de Dieu obligé de se défendre ; cela prouve qu’il doit y avoir du mal, soit en lui-même, soit en ceux qui ont rendu cette défense nécessaire. Mais quand il doit en venir là, il est un important objet qu’il ne doit jamais perdre de vue : c’est la gloire de Christ, et la pureté de la vérité dont le dépôt lui est confié. Il arrive trop fréquemment que, lorsqu’une accusation est portée, soit contre notre ministère, soit contre notre caractère, l’orgueil de nos coeurs se manifeste et nous excite à nous défendre. Or nous ne devrions jamais oublier que, en dehors de notre communion avec Christ et avec ses saints, nous ne sommes que de chétifs atomes de poussière, totalement indignes que l’on s’occupe de nous ; loin de nous donc, bien loin de nos pensées, de jamais chercher à établir notre propre réputation. Nous avons été, jusqu’à un certain point, constitués dépositaires de la réputation de Christ, et pourvu que nous la conservions sans tache, nous n’avons pas besoin de nous soucier de nous-mêmes.

Que le Seigneur nous accorde à tous la grâce de marcher habituellement dans la conscience de nos hauts privilèges et de nos saintes responsabilités, comme étant « la lettre de Christ, connue et lue de tous les hommes ».

Nous sommes maintenant arrivés à la fin d’une période des plus importantes dans l’histoire d’Élie, embrassant un intervalle de trois ans et demi, durant laquelle il fut caché aux yeux d’Israël. Jusqu’ici nous nous sommes livrés seulement à l’examen des principes de vérité qui se trouvent comme à la surface de l’histoire du prophète. Mais ne pouvons-nous pas retirer instruction de sa carrière considérée sous un point de vue typique ? Je le crois. L’allusion que fait Jésus Christ Lui-même à l’envoi du prophète auprès de la veuve d’entre les gentils, peut à bon droit nous amener à voir, en cette mission, un aperçu prophétique du rassemblement des gentils dans l’Église de Dieu. « En vérité je vous dis, qu’il y avait plusieurs veuves en Israël, aux jours d’Élie, lorsque le ciel fut fermé trois ans et six mois, de sorte qu’il y eut une grande famine par tout le pays ; et Élie ne fut envoyé vers aucune d’elles, sinon à Sarepta de la Sidonie, vers une femme veuve » (Luc 4:25-26). Le Seigneur Jésus s’était présenté à Israël comme prophète de Dieu, mais il ne trouvait pas d’accueil ; la fille de Sion refusait d’écouter la voix de son Seigneur. Aux « paroles de grâce qui sortaient de sa bouche », on répondait par cette question charnelle : « Celui-ci n’est-il pas le fils de Joseph ? » C’est pourquoi, en se voyant méprisé et rejeté par Israël, il trouve du soulagement pour son esprit dans la réjouissante pensée que, en dehors des frontières juives, il y avait des êtres sur lesquels la grâce divine, dont il était le canal, se répandrait dans toute sa richesse et sa pureté. La grâce de Dieu est telle que, si elle est entravée par l’orgueil, l’incrédulité ou la dureté de coeur de quelques-uns, elle n’en coulera que d’autant plus abondamment sur d’autres, et ainsi « quoique Israël ne soit pas rassemblé, je serai glorifié aux yeux de l’Éternel, et mon Dieu sera ma force… Et il me dit : C’est peu de chose que tu me sois serviteur pour rétablir les tribus de Jacob et pour ramener les préservés d’Israël ; je te donnerai aussi pour être une lumière des nations, pour être mon salut jusqu’au bout de la terre » (Ésaïe. 49:5-6). La précieuse vérité de l’appel des gentils est abondamment enseignée dans l’Ancien Testament, soit par des types, soit par des déclarations positives, et il pourrait être fort utile de considérer à fond ce sujet ; mais ici, mon but est plutôt de considérer la vie et le ministère de notre prophète, uniquement au point de vue pratique, avec l’espérance que le Seigneur daignera, dans sa grâce, approuver ces simples réflexions, et les faire contribuer à la consolation et à l’édification de ses rachetés de toute dénomination.

4 - La maison d’Achab

Laissons maintenant notre prophète pour un moment, et dirigeons notre attention sur le triste état de choses en Israël pendant le temps où il était caché avec Dieu. Terrible, en effet, doit être l’état de choses sur la terre, quand « les cieux sont fermés ». L’aspect de ce monde doit être aride et stérile quand le ciel retient ses pluies rafraîchissantes ; c’était tout particulièrement le cas de Canaan, qui devait boire « l’eau de la pluie des cieux ». Pour l’Égypte, le ciel fermé pouvait être regardé comme n’étant pas un bien grand mal, vu que l’Égypte n’avait pas été accoutumée à attendre de là sa subsistance. Elle avait ses ressources en elle-même. « Mon fleuve est à moi » (Ézé. 29:3), disait-elle dans son langage indépendant. Mais il n’en était pas ainsi du pays de l’Éternel — de ce « pays de montagnes et de vallées ». Si le ciel ne lui donnait pas ses pluies, tout était stérile et desséché. Les Israélites ne pouvaient pas dire : « Nos fleuves sont à nous ». Non ; ils étaient enseignés à regarder en haut ; leurs yeux devaient être constamment sur le Seigneur, comme les yeux du Seigneur étaient toujours sur eux. Aussi, quand surgissait quelque chose qui interrompait les relations entre le ciel et la terre, le pays de Canaan devait nécessairement s’en ressentir d’une manière extrêmement pénible. Il en fut ainsi « aux jours d’Élie, lorsque le ciel fut fermé trois ans et six mois, de sorte qu’il y eut une grande famine par tout le pays ».

Israël dut éprouver, dans ses affreuses conséquences, son éloignement de la seule source de toute vraie bénédiction. La famine sévissait horriblement dans la Samarie, et Achab dit à Abdias : « Va dans le pays, à toutes les sources d’eaux et à tous les torrents ; peut-être trouverons-nous de l’herbage, et nous conserverons la vie aux chevaux et aux mulets, et nous ne serons pas obligés de détruire de nos bêtes. Et ils se partagèrent le pays pour le parcourir. Achab s’en alla seul par un chemin, et Abdias alla seul par un autre chemin ». Israël avait péché, Israël doit sentir la verge de la juste colère de Dieu. Quel humiliant tableau de l’ancien peuple de Dieu, que de voir son roi sortant pour chercher du fourrage ! Quel contraste entre tout cela et la riche et glorieuse abondance des jours de Salomon ! Mais Dieu avait été grandement déshonoré ; sa vérité avait été rejetée. Jézabel avait propagé la funeste influence de ses principes, par le moyen de ses méchants prophètes ; les autels de Baal avaient remplacé l’autel de Dieu ; c’est pourquoi les cieux en haut étaient de fer, et la terre en bas était d’airain ; l’aspect physique des choses n’était que l’expression du pauvre état moral d’Israël.

Or, dans les directions que donne Achab à son serviteur, il n’y a pas un mot de Dieu, ni du péché qui avait attiré le déplaisir et le jugement de Dieu sur le pays. « Va à toutes les sources d’eau et à tous les torrents » ; telles étaient les pensées d’Achab, ses pensées même les plus élevées ; son coeur ne se tournait point, avec une sincère humiliation, vers Dieu ; il ne criait point à Lui dans le temps de sa détresse. De là vient qu’il dit encore : « peut-être trouverons-nous de l’herbage ? » Dieu est banni de son coeur qui n’est rempli que d’égoïsme et d’intérêt propre. Pourvu qu’il puisse trouver de l’herbage, il ne se soucie nullement de trouver Dieu. Il eût pu se plaire à demeurer au milieu des prophètes idolâtres de Jézabel, si les horreurs de la famine ne l’avaient pas chassé dans les campagnes ; alors, au lieu de sonder les causes de la famine, en se jugeant lui-même, au lieu de chercher le pardon et le relèvement auprès de Dieu, il sort dans un état d’impénitent égoïsme, pour chercher de l’herbe. Hélas ! il s’était vendu pour faire le mal ; il était devenu l’esclave de Jézabel ; son palais était un repaire de tout oiseau impur ; les prophètes de Baal entouraient son trône, et répandaient de là le levain de l’idolâtrie sur tout le pays. C’est une chose vraiment effrayante que de laisser nos coeurs s’éloigner de Dieu. Personne ne peut dire où cela aboutira. Achab était Israélite ; mais il était enlacé par un faux système religieux, à la tête duquel était Jézabel sa femme ; il avait fait naufrage quant à la foi et il était aveuglement entraîné à la plus abominable méchanceté. Il n’est personne de si méchant que l’homme qui se détourne des voies de Dieu. Il peut être sûr de tomber dans de plus profonds abîmes d’iniquité que même les victimes ordinaires du péché et de Satan. Le Diable semble prendre un plaisir tout particulier à se servir d’un tel homme comme d’un instrument pour mettre en oeuvre ses perfides desseins contre la vérité de Dieu.

Lecteur, si jamais vous avez appris à apprécier les voies de vérité et de sainteté, si jamais vous avez pris plaisir en Dieu et dans ses voies, veillez : « Garde ton coeur plus que tout ce que l’on garde » ; gardez-vous de l’influence d’une fausse religion ; vous traversez une scène dans laquelle l’atmosphère même que vous respirez est pernicieuse et funeste à la vie spirituelle ; l’ennemi — avec une sagacité infernale, une sagacité perfectionnée encore par une connaissance de près de six mille ans du coeur humain — a jeté de tous côtés ses pièges, ses filets sur vous, et rien, si ce n’est une communion habituelle avec votre Père céleste, ne pourra préserver votre âme. Souvenez-vous d’Achab, et priez continuellement pour être gardé de la tentation. Le passage suivant de l’Écriture peut bien être cité, après ce que nous venons de dire, comme un avertissement sérieux et opportun : « Maudit l’homme qui se confie en l’homme, et qui fait de la chair son bras, et dont le coeur se retire de l’Éternel. Et il sera comme un dénué dans le désert, et il ne verra pas quand le bien arrivera, mais il demeurera dans des lieux secs au désert, dans un pays de sel et inhabité » (Jér. 17:5-6). Tel était le misérable Achab, — misérable, quoique portant le diadème et le sceptre ; il ne s’inquiétait ni de Dieu ni de son peuple. Ses paroles et ses actes, dans les tristes circonstances dont nous parlons, ne montrent pas plus de sollicitude pour Israël que pour Dieu. Il n’y a pas un mot relativement au peuple commis à ses soins et qui, après Dieu, aurait dû être le grand objet de son intérêt. Ses pensées sont si terrestres, qu’elles paraissent incapables de s’élever au-dessus des chevaux et des mulets. C’étaient là, les objets de l’anxieuse sollicitude d’Achab au temps de l’horrible calamité d’Israël. Ah ! Quel contraste entre ce vil égoïste, et les nobles sentiments de l’homme selon le coeur de Dieu qui, lorsque le pays gémissait sous les coups de la verge de Dieu, pouvait dire : « N’est-ce pas moi qui ai commandé de dénombrer le peuple ? C’est moi qui ai péché et qui ai mal agi ; mais ces brebis, qu’ont-elles fait ? Éternel, mon Dieu, je te prie, que ta main soit sur moi et sur la maison de mon père, mais qu’elle ne soit pas sur ton peuple pour le frapper » (1 Chr. 21:17). Ici nous avons le véritable esprit d’un roi. David, dans l’esprit de son divin Maître, voulait exposer sa propre personne aux coups, afin que les brebis pussent échapper ; il voulait se tenir entre elles et l’adversaire ; il voulait changer le sceptre contre une houlette de berger ; il ne pensait pas, lui, à ses « chevaux et à ses mulets » ; il ne pensait pas davantage à lui-même ni à la maison de son père, mais au peuple de la pâture de Dieu, et aux brebis de sa main. Heureux — ineffablement heureux — sera le sort des tribus dispersées d’Israël, lorsqu’elles se trouveront de nouveau sous les tendres soins et sous la garde du vrai David.

Il pourrait être instructif et utile de suivre jusqu’au bout l’histoire d’Achab — de nous arrêter sur son indigne conduite envers le juste Naboth, sur l’influence séductrice qu’il exerça sur l’esprit du bon roi Josaphat, ainsi que sur d’autres circonstances de ce malheureux règne ; mais cela nous écarterait trop de notre sujet. Nous nous bornerons donc à faire encore quelques observations sur le caractère d’un homme occupant une place importante dans la maison d’Achab, pour en revenir ensuite à Élie.

Abdias, maître d’hôtel d’Achab, craignait l’Éternel dans le secret de son coeur, mais se trouvait placé dans la plus pernicieuse atmosphère. La maison du méchant Achab, et de sa femme, plus méchante encore, devait être une bien pénible école pour l’âme juste d’Abdias. En effet, il y trouvait des obstacles à son service et à son témoignage. Ce qu’il faisait pour le Seigneur, il le faisait en cachette ; il craignait d’agir ouvertement et résolument ; cependant il en avait fait assez pour montrer ce qu’il eût pu faire, s’il eût été planté dans un terrain meilleur et favorisé d’un air plus sain. « Il avait pris cent prophètes et les avait cachés par cinquante hommes dans une caverne, et les avait nourris de pain et d’eau ». C’était là un précieux signe du dévouement de son coeur à l’Éternel — un triomphe béni du principe divin sur les circonstances les plus fâcheuses. Il en avait été de même de Jonathan dans la maison de Saül. Lui aussi était péniblement entravé dans son service envers Dieu et envers Israël. Il aurait dû se tenir dans une plus entière séparation du mal dans lequel son père vivait, se mouvait et existait : sa place à la table de Saül aurait dû être vacante de même que celle de David ; il aurait dû comprendre que la place qui lui convenait était la caverne d’Adullam où, dans une sainte communion avec David rejeté et sa petite troupe méprisée, il aurait trouvé une sphère plus étendue et mieux appropriée pour y manifester son dévouement plein d’affection pour Dieu et son oint.

Les convenances humaines cependant, auraient sans doute recommandé à Jonathan de demeurer dans la maison de Saül, et à Abdias dans la maison d’Achab, comme étant « la position dans laquelle la providence les avait placés » ; mais les convenances ne sont pas la foi, et jamais elle ne sera utile à l’homme dans le chemin de son service, quel qu’il puisse être. La foi conduira toujours l’homme à rompre avec les froides règles des convenances, pour pouvoir s’exprimer d’une manière franche et claire. Jonathan se sentait, parfois, pressé de quitter la table de Saül afin de pouvoir embrasser David ; mais il aurait dû la quitter tout à fait ; il aurait dû s’associer entièrement au sort de David ; il aurait dû, non pas se contenter de parler en faveur de son frère, mais s’identifier avec lui. C’est ce qu’il ne fit pas, c’est pourquoi il tomba sur les montagnes de Guilboa par la main des incirconcis. Ainsi, dans sa vie, il se vit entravé et tourmenté par les iniques principes de gouvernement que Saül avait établis pour embarrasser et asservir les consciences des fidèles, et dans sa mort, il se vit mêlé sans gloire, avec les objets du jugement. Il en était précisément ainsi d’Abdias. La vocation qu’il avait choisie le mettait en intime relation avec l’homme qui occupait le plus bas échelon de l’apostasie, pour laquelle les rois d’Israël avaient abandonné leur position originelle : en conséquence, il était obligé de se cacher pour obéir à Dieu et pour faire quelque chose en faveur de ses serviteurs ; il avait peur d’Achab et de Jézabel ; il n’avait ni la force ni le courage d’opposer un témoignage réel à toutes leurs abominations ; il ne trouvait rien là qui fut propre à développer sa vie intérieure ou ses affections ; son âme était desséchée par les funestes influences qui l’entouraient, et ainsi il ne pouvait avoir qu’une bien pauvre action sur son temps ou sur sa génération. Aussi, tandis qu’Élie affrontait hardiment Achab et servait ouvertement l’Éternel, Abdias servait ouvertement Achab, et ne servait l’Éternel qu’à la dérobée ; tandis qu’Élie respirait la sainte atmosphère de la présence de Dieu, Abdias respirait l’atmosphère impure de la cour profane d’Achab ; tandis qu’Élie recevait son pain quotidien de la main du Dieu d’Israël, Abdias parcourait le pays afin de trouver de l’herbage pour les chevaux et les mulets d’Achab. Quel frappant contraste !

Or n’y a-t-il pas, de nos jours aussi, plus d’un Abdias semblablement occupé ? N’y a-t-il pas plus d’un homme craignant Dieu, participant à la misère et à la mort des enfants de ce monde, et travaillant, de concert avec eux, à détourner son imminente ruine ? Hélas ! il n’y en a que trop. Est-ce là une oeuvre convenable pour de tels hommes ? Est-ce que « les mulets et les chevaux » d’un monde impie devraient occuper les pensées et l’activité d’un chrétien, à l’exclusion des intérêts de l’Église de Dieu ? Ah ! Il ne devrait jamais en être ainsi. Le chrétien devrait avoir un plus noble but en vue ; ses capacités devraient s’exercer dans une sphère plus élevée, plus céleste. Dieu, et non pas Achab, demande et mérite notre dévouement. Combien ne vaut-il pas mieux être occupé à nourrir les prophètes du Seigneur dans une caverne, que de l’être à favoriser l’accomplissement des plans des hommes de ce monde. C’est là une question d’une grande étendue, et il y en a peu parmi nous qui ne puisse en recevoir quelque instruction. Demandons-nous à nous-mêmes loyalement, comme en présence du scrutateur des coeurs : Qu’est-ce qui nous occupe ? Quel but nous proposons-nous ? Semons-nous pour la chair ou pour l’Esprit ? Travaillons-nous uniquement pour la terre ? N’avons-nous point en vue d’objet plus élevé que le moi ou le monde ? Ce sont là des questions pénétrantes quand on se les pose avec droiture. Le coeur et les affections de l’homme tendent toujours en bas — toujours vers la terre et les choses de la terre. Le palais d’Achab avait de bien plus puissants attraits pour notre nature déchue que les bords solitaires du Kerith, ou que la pauvre maison de la veuve affamée de Sarepta. Mais pensons à la fin. La fin est le seul vrai critère par lequel on puisse porter un jugement sur de tels sujets. « Jusqu’à ce que je fusse entré dans les sanctuaires de Dieu… ; j’ai compris leur fin » (Ps. 73:17).

Élie connaissait, parce qu’il était dans le sanctuaire, qu’Achab se trouvait sur une pente glissante ; que sa maison serait bientôt réduite en poussière ; que toute sa pompe et sa gloire allaient se terminer dans la tombe solitaire, et que son âme immortelle allait être sommée de rendre compte. Voilà ce que le saint homme de Dieu comprenait parfaitement, aussi était-il heureux de se trouver à part de tout cela. Sa ceinture de cuir, sa nourriture frugale, son isolement valaient infiniment mieux, il le sentait, que tous les plaisirs de la cour d’Achab. Tel était son jugement, et nous nous convaincrons plus tard qu’il jugeait sainement. « Le monde s’en va, et sa convoitise, mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement ». Plût à Dieu que tous ceux qui aiment le nom de Jésus fussent plus décidés et plus énergiques dans leur témoignage pour Lui ! Il s’approche rapidement le temps où nous donnerions le monde entier pour avoir été plus sincères et plus fidèles dans notre marche ici-bas. Nous sommes trop tièdes, trop portés à faire des compromis avec le monde et la chair, trop disposés à échanger la ceinture de cuir contre la robe dont Achab et Jézabel nous revêtiraient si volontiers. Veuille le Seigneur accorder à tous ses rachetés la grâce de rendre, contre ce monde, le témoignage que ses oeuvres sont mauvaises, et de se tenir à part de ses voies, de ses maximes, de ses principes ; en un mot, de tout ce qui proprement lui appartient. « La nuit est fort avancée, et le jour s’est approché ; rejetons donc les oeuvres des ténèbres, et revêtons les armes de la lumière ». Que, comme ressuscités avec Christ, nos affections soient aux choses qui sont en haut, et non à celles qui sont sur la terre ; notre bourgeoisie étant dans les cieux, attendons constamment et réellement de là « le Seigneur Jésus Christ comme Sauveur, qui transformera le corps de notre abaissement en la conformité du corps de sa gloire, selon l’opération de ce pouvoir qu’il a de s’assujettir même toutes choses ».

5 - Le prophète sur le mont Carmel

Dans le verset qui ouvre le chapitre 18, un nouvel ordre est donné à notre prophète : « Et il arriva, après bien des jours, que la parole de l’Éternel vint à Élie, la troisième année, disant : Va, montre-toi à Achab, et je donnerai de la pluie sur la face de la terre ». Élie est sommé de sortir de sa retraite de Sarepta, pour reparaître en public et se montrer de nouveau devant le roi Achab. Pour quelqu’un qui occupe la position et manifeste l’esprit d’un vrai serviteur, peu lui importe l’appel qu’il reçoit. Que ce soit : « Va, cache-toi », ou : « va, montre-toi », il est prêt, par grâce, à obéir. Pendant trois ans et demi, le Seigneur avait discipliné son serviteur dans le secret. Au Kerith et à Sarepta, il lui avait enseigné plus d’une importante leçon, et lorsque le moment fut venu pour lui de se montrer à Israël, il fut appelé à quitter le désert et à reparaître comme le témoin public de Jéhovah. Et il n’hésita pas. Non, pas même un instant, quoiqu’il préféra probablement de beaucoup la solitude aux scènes orageuses et aux pénibles vicissitudes de la vie publique. Élie était un serviteur, et c’était assez. Il était tout aussi prêt à affronter le furieux Achab et tous les prophètes de Baal, qu’il l’avait été à se cacher pendant trois ans et demi. Nous pouvons bien désirer l’esprit de serviteur, d’un service humble et obéissant. Cet esprit nous fera passer à travers bien des difficultés, nous épargnera bien des disputes, nous poussera sur le sentier du service pendant que d’autres discuteront sur ce qu’est ce sentier. Pourvu seulement que nous soyons disposés à obéir, nous ne serons pas laissés dans le doute quant au chemin que nous devons suivre (*).

(*) En tout temps, le caractère de serviteur est signalé par le Saint Esprit comme fort précieux. C’est, en effet, la seule chose qui reste debout dans des époques de déchéance générale. Nous en avons de nombreux exemples dans l’Écriture. Quand la maison d’Éli allait tomber sous les coups du jugement de Dieu, Samuel occupait la position d’un serviteur dont les oreilles étaient ouvertes pour entendre. Il disait : « Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute ». Quand tout Israël s’enfuyait de devant la face du guerrier philistin, le caractère de serviteur apparaît de nouveau d’une manière fort remarquable. « Ton serviteur ira et combattra », etc. Le Seigneur Jésus Lui-même portait le titre de serviteur que Dieu Lui avait donné dans les paroles du prophète : « Voici mon Serviteur », etc. De plus, quand l’Église fut tombée, — quand elle cessa d’être « la maison de Dieu » pour devenir « une grande maison », — « le serviteur du Seigneur » reçut des directions sur la manière de se conduire. Et maintenant qu’un esprit charnel et mondain menace d’envahir tant de chrétiens, quel est le remède à ce danger ? Je crois que c’est au moins un peu de l’esprit du serviteur. Un peu de cet esprit qui nous amènerait à dire : « Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute ». Oh ! Que Dieu nous en donne une plus grande mesure.

Le lecteur intelligent aura sans doute compris que ces observations n’ont rien à faire avec les privilèges du chrétien et son adoption ; mais qu’elles ont uniquement pour but de réveiller en nous un désir plus vif et plus sincère d’être employés pour Christ et pour son Église.

Nous avons déjà eu l’occasion de remarquer l’obéissance implicite du prophète à la parole du Seigneur. Une semblable obéissance impliquera toujours le renoncement à nous-mêmes. Par exemple, il ne fallait pas peu d’abnégation de soi-même pour obéir, lorsqu’Élie recevait l’ordre de quitter sa paisible retraite pour paraître devant un tyran irrité qui, avec sa méchante épouse, exciterait contre lui une foule de prophètes idolâtres. Mais, par grâce, Élie était prêt. Il sentait qu’il ne s’appartenait pas à lui-même. Il était serviteur et, comme tel, il se tenait toujours avec les reins ceints et les oreilles ouvertes pour entendre les appels de son Maître quels qu’ils pussent être. Bienheureuse attitude ! Puissent beaucoup être trouvés ainsi ! Élie s’avance donc à la rencontre du roi Achab, et nous sommes appelés à le suivre maintenant dans l’une des scènes les plus importantes de sa vie.

Mais avant de venir en contact avec Achab, il traverse le sentier d’Abdias, et sa rencontre avec lui est tout à fait caractéristique. Il est certain qu’Abdias n’aborde pas le prophète avec cette cordialité affectueuse qui devrait se montrer dans la conduite d’un frère envers un autre frère, mais plutôt avec la froide formalité d’un homme qui a beaucoup vécu dans la société du monde. « Est-ce bien toi, mon seigneur Élie ? » Quoique cette conduite ait pu avoir pour cause l’imposante solennité des manières d’Élie, cependant on est obligé de reconnaître qu’il aurait dû y avoir plus de sainte familiarité entre deux serviteurs du Seigneur. Élie aussi, garde la même distance : « C’est moi », dit-il ; « va, dis à ton seigneur : voici Élie ». Élie se sentait le dépositaire du secret de l’Éternel, secret dont son frère ne savait rien. Et comment aurait-il pu en être autrement ? La maison d’Achab n’était pas le lieu où l’on pouvait entrer dans la confidence des conseils divins. La mission pour laquelle Abdias était en route était parfaitement en harmonie avec le lieu d’où il venait et avec la personne qui l’avait envoyé ; et il en était de même d’Élie. Le but principal du premier était du fourrage — si peut-être il pouvait en trouver — et, en dernier ressort, c’était la préservation des chevaux et des mulets d’Achab ; le but principal d’Élie était d’annoncer le dessein arrêté de Dieu concernant la pluie, et en dernier ressort, de ramener la nation à sa première foi et à son dévouement pour l’Éternel. Ils étaient tous deux des hommes de Dieu et, en outre, quelques-uns pourraient dire qu’Abdias était tout aussi bien à sa place qu’Élie, puisqu’il servait son maître. Sans doute il servait son maître, mais Achab aurait-il dû être son maître ? Je ne le crois pas. Je crois que son service auprès d’Achab n’était pas le résultat de la communion avec Dieu. Il est vrai que cela ne le dépouillait pas de son nom et de son caractère d’homme qui craignait beaucoup l’Éternel, car le Saint Esprit rappelle miséricordieusement ce fait, en parlant de lui ; mais c’était certes une chose bien triste de voir un homme qui craignait fort l’Éternel, reconnaître comme son maître le plus impie des rois apostats d’Israël. Élie n’aurait pas agi de la sorte. Nous ne pouvons pas nous le représenter partant pour une mission comme celle qui mettait en oeuvre l’activité de son frère trop mondain. Élie n’aurait pas voulu reconnaître Achab pour son maître, quoiqu’il dût le reconnaître pour son roi. Il y a une grande différence entre être le sujet ou le serviteur d’un monarque.

Les hommes raisonnent ainsi : « Les autorités établies sont ordonnées de Dieu », c’est pourquoi il est convenable de remplir des emplois sous leur gouvernement ; mais ceux qui raisonnent ainsi semblent perdre de vue la distinction manifeste qu’il y a entre être sujet des autorités et travailler avec les autorités établies ; le premier est un service permis et conforme aux Écritures, un acte d’obéissance positive à Dieu ; le second est une position fausse et non scripturaire, où le chrétien s’arroge une autorité mondaine pour l’exercice de laquelle nous n’avons aucune direction et qui, en outre, deviendra une déplorable entrave dans le sentier du serviteur de Dieu. Nous ne voudrions pas juger ceux qui se sentent libres de se mettre volontairement au service de ce monde ; mais nous voudrions du moins leur dire qu’ils se trouveront dans une fort difficile position à l’égard du service de leur céleste Maître. Les principes de ce monde sont diamétralement opposés à ceux de Dieu, c’est pourquoi il est difficile de comprendre comment un homme peut concilier les uns et les autres. Abdias en est un exemple remarquable. S’il avait été plus ouvertement du côté du Seigneur, il n’aurait pas eu besoin de dire : « N’a-t-on pas rapporté à mon seigneur ce que j’ai fait ? » Il croit avoir fait une chose si remarquable en cachant les prophètes, qu’il s’étonne que tous ne l’aient pas appris. Élie n’avait pas besoin de faire une pareille question, « ce qu’il faisait » était bien connu. Ses actes de service envers Dieu n’étaient pas des phénomènes dans son histoire ; Et pourquoi ? Parce qu’il n’était pas embarrassé dans les arrangements de la maison d’Achab. Il était libre, et pouvait par conséquent agir pour Dieu, sans s’inquiéter de ce que penseraient Achab et Jézabel. En agissant de la sorte cependant, il devait être accusé de troubler Israël. « Est-ce bien toi, — celui qui trouble Israël ? » Plus on est fidèle envers Dieu et envers sa vérité, plus on est exposé à cette accusation. Si tous dorment du sommeil de la mort, le dieu de ce monde en sera satisfait et son domaine ne sera pas troublé ; mais qu’un homme fidèle se montre, il peut compter d’être considéré comme un trouble paix et comme un ennemi du bon ordre. Mais il faut bien que cette paix et cet ordre soient troublés, s’ils sont liés au reniement de la vérité et du nom du Seigneur. Le coeur des mondains peut n’être occupé que de la question : « Y a-t-il paix ? » sans s’inquiéter que cette paix soit procurée aux dépens de la vérité et de la sainteté. Notre nature aime ses aises, et même chez les chrétiens, on la voit souvent plaidant pour la paix et la tranquillité, quand la fidélité à Christ et aux principes chrétiens exigerait la lutte contre de fausses doctrines ou de mauvaises pratiques. La tendance du siècle est de mettre de côté toutes les questions religieuses. Les choses du monde et de la chair sont beaucoup trop importantes aux yeux de cette génération, pour qu’elles puissent, même pour un instant, être compromises par des questions d’un intérêt éternel.

Mais Élie ne pensait pas ainsi. On dirait qu’il sentait que le paisible sommeil du péché dût être interrompu à tout prix. Il voyait la nation plongée dans le profond sommeil de l’idolâtrie, et il était tout disposé à être l’instrument qui devait amener l’orage. Il en est encore de même. L’orage de la controverse est toujours préférable au calme du péché et de la mondanité. Il est vrai qu’on est heureux quand il n’y a pas besoin d’un tel orage ; mais quand il est nécessaire, quand l’ennemi cherche à étendre sur le peuple de Dieu le sceptre de plomb d’un profane repos, on a lieu d’être reconnaissant qu’il se trouve assez de vie pour rompre un tel repos. S’il n’y avait point eu Élie en Israël aux jours d’Achab et de Jézabel, si tous avaient été comme Abdias ou les sept mille, Baal et ses prophètes auraient exercé une autorité entière et non contestée sur le peuple. Mais Dieu suscita un homme peu soucieux de ses aises, ni des aises de la nation, si ces aises devaient être achetées aux dépens de l’honneur de Dieu et des premiers principes d’Israël. Il ne craignait pas de faire face, dans la crainte de l’Éternel, à la terrible troupe de huit cent cinquante prophètes dont l’existence dépendait de l’aveuglement de la nation ; ayant à leur tête une femme emportée qui pouvait tourner son faible mari comme elle voulait. Tout cela, assurément, exigeait beaucoup de vigueur et d’énergie spirituelle ; et il fallait de profondes et puissantes convictions de la réalité de la vérité divine, une intelligence claire de l’état abaissé et dégradé d’Israël, pour rendre un homme capable de laisser sa paisible retraite à Sarepta et de se jeter au milieu des sectateurs de Baal, en attirant sur lui de tous côtés une terrible tempête d’opposition. Élie aurait pu, pour parler selon l’homme, demeurer en parfaite paix dans sa solitude, s’il se fut contenté de laisser Baal régner seul, et s’il eût consenti à voir demeurer intactes les forteresses de l’idolâtrie. Mais c’est là ce qu’il ne pouvait faire, c’est pourquoi il sort à la rencontre du furieux Achab, avec ces solennelles et pénétrantes paroles : « Je ne trouble pas Israël, mais c’est toi et la maison de ton père, parce que vous avez abandonné les commandements de l’Éternel et que tu as marché après les Baals ». C’était là remonter à la vraie source du mal. C’était l’éloignement de Dieu et de ses saints commandements qui avait amené tout ce trouble sur eux. Les hommes sont toujours portés à oublier le péché qui a occasionné le trouble, pour ne penser qu’au trouble lui-même ; mais la vraie sagesse nous conduira toujours à remonter du trouble aux causes qui l’ont provoqué.

Ainsi aussi, quand de mauvaises doctrines se sont insidieusement introduites et ont exercé de l’influence sur beaucoup d’esprits, si quelque homme fidèle se sentait appelé à s’y opposer avec fermeté et décision, il peut compter d’avance d’être regardé comme un auteur de désordre, et comme étant la cause de toute l’agitation qui suivra une telle manière d’agir, tandis que les esprits intelligents et réfléchis comprendront bientôt que cela provient, non pas de celui qui s’est fidèlement mis à la brèche pour la vérité et contre l’erreur, mais bien de celui qui a introduit l’erreur et de ceux qui l’ont reçue et soutenue. Sans doute, le défenseur de la vérité aura besoin de veiller sur son esprit et sur son tempérament afin que, tout en attaquant les erreurs de doctrine, il ne tombe pas dans le mal en pratique. Plusieurs de ceux qui se sont mis en avant, en toute sincérité de coeur, pour prendre la défense de quelque vérité négligée ou attaquée, ont failli à ce dernier égard, et ont ainsi, en grande mesure, paralysé leur précieux témoignage ; car leur habile ennemi est toujours prêt à agir sur l’étroitesse d’esprit et le faux jugement des hommes, en les portant à s’arrêter sur de pauvres infirmités de caractère, en perdant de vue les importants principes qui sont en question.

Mais notre prophète entrait dans l’arène bien armé ; il était sorti de la demeure secrète du Très-Haut ; il avait appris dans la solitude à se juger et à se vaincre lui-même ; ce qui seul pouvait le qualifier pour les scènes solennelles dans lesquelles il allait entrer. Élie n’était point un controversiste querelleur et fougueux ; il avait été trop longtemps dans le secret de la présence divine pour cela ; son esprit avait été béni et rendu sérieux pour qu’il pût ensuite affronter l’armée des prophètes de Baal. Aussi se tient-il devant eux dans la sainte élévation, dans la dignité calme, qui caractérisent en général les démarches d’Élie. Nous ne voyons en lui ni précipitation, ni trouble, ni hésitation. Il avait été en la présence de Dieu, c’est pourquoi il se possédait lui-même, il était fort tranquille. Or c’est dans de telles circonstances que l’on peut vraiment juger l’esprit d’un homme. Rien, si ce n’est la force puissante de Dieu, n’eût pu maintenir Élie debout dans son extraordinaire position sur le mont Carmel. « Élie était un homme ayant les mêmes passions que nous » ; or, étant le seul de son temps qui eût assez de force morale pour prendre publiquement la défense de Dieu contre la puissance dominante de l’idolâtrie, l’ennemi aurait bien pu suggérer à son pauvre coeur des pensées comme celle-ci : « Quel grand homme tu es, toi qui oses te mettre seul en avant comme le champion de l’ancienne foi d’Israël ! » Mais Dieu gardait son bien-aimé serviteur ; il le soutint à travers toute cette scène si éprouvante, précisément parce que Élie était son serviteur et son témoin. Et il en sera toujours ainsi. Le Seigneur se tiendra toujours près de ceux qui se tiennent près de Lui. Si seulement Abdias s’était prononcé contre les voies d’Achab et de Jézabel, le Seigneur l’aurait approuvé et soutenu dans son opposition, en sorte que, au lieu d’être le serviteur d’Achab, il eût été le compagnon d’oeuvre d’Élie dans la grande réformation. Mais ce n’était pas le cas ; aussi, comme autrefois Lot, « il tourmentait tous les jours son âme juste », à cause des abominations de tout genre qu’il voyait dans une maison idolâtre. Oh ! Cher lecteur chrétien, aspirons à une position meilleure que celle-là. Ne nous laissons pas enchaîner à la terre par une volontaire association avec les systèmes et les plans de ce monde. Notre patrie, c’est le ciel ; là aussi est notre espérance ; nous ne sommes pas du monde : Jésus nous en a achetés et nous en a délivrés afin que nous brillions comme des luminaires et que nous marchions comme des êtres célestes, en traversant ce monde pour nous rendre à notre repos du ciel.

Toutefois ce n’était pas seulement dans sa tenue et dans ses moeurs qu’Élie marchait comme un serviteur de Dieu, il faisait voir qu’il était enseigné de Dieu relativement aux principes qui devaient servir de base à la réformation devenue indispensable. La marche et l’attitude individuelles serviraient de peu si elles n’étaient pas accompagnées d’une vraie foi. Il serait facile de porter une ceinture de cuir et de prendre une apparence solennelle et digne ; mais rien, sauf l’intelligence spirituelle des principes divins, ne rendra capable qui que ce soit d’exercer une influence réformatrice sur ses contemporains. Or Élie possédait, à la fois, toutes les qualifications exigées par l’oeuvre qu’il devait accomplir. Et sa marche extérieure et sa foi étaient, à un degré éminent, celles qui convenaient à un grand réformateur. Ayant donc la conscience qu’il possédait un secret qui pourrait affranchir les âmes de ses frères de l’impure tyrannie de Baal, il dit à Achab : « Et maintenant envoie, rassemble vers moi tout Israël, à la montagne du Carmel, et les quatre cent cinquante prophètes de Baal et les quatre cents prophètes des ashères, qui mangent à la table de Jézabel ». Il est résolu de mettre Baal et le Dieu d’Israël face à face, en présence l’un de l’autre, à la vue de la nation. Il est convaincu qu’il faut en finir par une épreuve décisive. Il est temps que ses frères ne « clochent plus des deux côtés ». Quelle énergie puissante il y a dans cette parole du prophète, s’écriant devant les milliers assemblés d’Israël : « Combien de temps hésiterez-vous entre les deux côtés ? Si l’Éternel est Dieu, suivez-le ; et si c’est Baal, suivez-le ! » Rien de plus simple. Les prophètes de Baal ne peuvent ni contredire, ni s’opposer à cet appel. Tout ce que le prophète demandait, c’était la décision du caractère. D’un côté comme de l’autre, on n’avait rien à gagner par une marche irrésolue et vacillante. « Je voudrais que tu fusses ou froid, ou bouillant ».

Nous savons, par les paroles mêmes du Seigneur adressées à Élie dans le chapitre suivant, qu’il y avait sept mille hommes en Israël qui n’avaient pas fléchi le genou devant Baal et qui, nous pouvons le supposer, n’attendaient que le moment où quelque main courageuse arborerait l’étendard de la vérité, pour se rallier autour de lui. Aucun d’entre eux, ce semble, n’aurait eu la force de faire un tel acte, mais ils devaient sans doute se réjouir de voir en Élie la hardiesse et la capacité de le faire. Tel a souvent été le cas dans l’histoire du peuple de Dieu. Dans des temps de profondes ténèbres il y a toujours eu, plus ou moins nombreux, des saints menant deuil en secret sur le mal et sur l’apostasie qui les entouraient, et soupirant après l’apparition d’une lumière spirituelle dont ils étaient prêts à saluer avec joie les premières clartés. Dieu ne s’est jamais laissé sans témoignage ; et quoique ce soit seulement ici et là que nous pouvons apercevoir une étoile d’une grandeur et d’un éclat suffisants pour percer les sombres brouillards et éclairer quelque peu l’Église au milieu des ténèbres dans lesquelles elle était plongée ici-bas, cependant nous savons, béni soit Dieu, que quelque obscurs et épais qu’aient été les nuages, dans tous les âges il y eut des étoiles, bien que souvent leur lumière ait été peu remarquée. Il en était ainsi aux jours d’Élie ; il y avait sept mille de ces étoiles dont la lumière était obscurcie par les brouillards de l’idolâtrie, — lesquelles ne voulaient pas céder elles-mêmes aux ténèbres, quoiqu’elles manquassent de puissance pour éclairer autour d’elles ; mais il y avait une seule lumière qui eût assez de puissance et d’éclat pour dissiper l’obscurité et créer une sphère dans laquelle les autres pussent resplendir. C’était Élie le Thishbite, que nous contemplons maintenant, assaillant avec une puissance et une splendeur célestes, la forteresse même de Baal, renversant la table de Jézabel (*), gravant le mot de FOLIE sur tout le système de culte idolâtre, et accomplissant de fait, par la grâce de Dieu, un important changement moral dans la nation, amenant les nombreux milliers d’Israël à se prosterner en terre dans un sentiment de vraie humiliation, et mêlant le sang des prophètes de Baal aux eaux du Kison. Quelle grâce du Seigneur que de susciter un tel libérateur pour son peuple séduit et abusé ! Quel coup de mort pour les prophètes de Baal. Nous pouvons sans crainte affirmer que jamais sacrifice ne fut offert par eux plus à contre-coeur à leur idole, que celui que notre prophète les engagea à faire. C’était l’infaillible précurseur de la ruine de Baal et de la leur aussi par conséquent. Quel triste spectacle que celui qu’ils nous offrent, « criant à haute voix, et se faisant des incisions avec des épées et des piques, jusqu’à faire couler le sang sur eux », et disant toujours plus fort, avec une ferveur complètement inutile : « Ô Baal, réponds-nous ! » Hélas ! Baal ne pouvait ni entendre, ni répondre. Le vrai prophète, dans le sentiment intime qu’il a du péché et de la folie de toute cette scène, se moque d’eux ; ils crient avec plus d’ardeur, ils sautent avec un zèle frénétique par-dessus l’autel qu’ils avaient fait, mais tout est inutile : il n’y eut ni voix ni réponse. Le moment était venu de les démasquer à la vue de tout le peuple ; leurs artifices ont attiré sur eux un imminent danger ; ces mains qui, grâce à leur influence, s’étaient si souvent élevées dans le culte diabolique d’une absurdité coupable, furent soudain toutes prêtes à les saisir et à leur faire subir le châtiment qu’ils n’avaient que trop mérité. Ah ! C’est bien alors qu’ils auraient pu crier : « Ô Baal, réponds-nous ! »

(*) La fausse religion a toujours recherché le soleil de la faveur de ce monde ; tandis que le vrai christianisme a toujours été d’autant plus pur et plus vivant que le monde lui a été plus contraire. Les prophètes des ashères mangeaient à la table de Jézabel. Si Jézabel n’avait point eu de table, elle n’aurait point eu de prophètes non plus ; c’était sa table, et non pas le bien de son âme, qu’ils cherchaient.

Qu’elles sont solennelles, qu’elles sont constamment vraies ces paroles de Jérémie : « Maudit l’homme dont le coeur se retire de l’Éternel ! » Peu importe en qui ou en quoi nous mettons notre confiance, que ce soit en un système ecclésiastique, en des ordonnances religieuses, ou en quoi que ce soit d’autre, c’est toujours le coeur qui se retire de Dieu, ce qui attire une malédiction ; quand le dernier combat arrivera, c’est en vain que ce Baal sera invoqué : « il n’y aura pas de voix, ni personne qui réponde, ni personne qui fasse attention ». Qu’elle est terrible la pensée de cet éloignement du Dieu vivant ! Qu’il est affreux de découvrir à la fin de notre carrière, que nous nous sommes appuyés sur un roseau cassé ! Ô lecteur ! Si vous n’avez pas encore trouvé, pour votre conscience coupable, une paix durable et solide dans le sang expiatoire de Jésus — si vous éprouvez dans votre coeur une sensation de crainte à la pensée de votre rencontre avec Dieu, permettez-moi de vous adresser la question du prophète : « Combien de temps encore hésiterez-vous entre les deux côtés ? » Pourquoi vous tenez-vous loin, quand Jésus vous invite à venir à Lui et à prendre son joug sur vous ? Croyez-moi, l’heure vient où, si vous n’avez pas cherché un refuge auprès de Jésus, un plus grand qu’Élie se moquera de votre calamité. Prêtez l’oreille à ces sérieuses paroles : « Parce que j’ai crié et que vous avez refusé d’écouter, parce que j’ai étendu ma main et que personne n’a pris garde, et que vous avez rejeté tout mon conseil et que vous n’avez pas voulu de ma répréhension, moi aussi je rirai lors de votre calamité, je me moquerai quand viendra votre frayeur, quand votre frayeur viendra comme une subite destruction et que votre calamité arrivera comme un tourbillon, quand la détresse et l’angoisse viendront sur vous » (Prov. 1:24-27). Redoutables paroles ! Redoutables au-delà de toute idée ! Combien plus redoutable encore sera la réalité ! Lecteur, allez à Jésus, rendez vous à la source ouverte pour le péché et la souillure, afin d’y trouver un refuge et la paix, avant que l’orage de la colère divine et du jugement éternel ne fonde sur votre tête. Quand une fois « le maître de la maison se sera levé, et aura fermé la porte », si vous êtes dehors, vous serez perdu, pour toujours perdu. Pensez à cela, je vous en conjure, de peur que Satan n’entraîne votre âme immortelle dans l’éternelle perdition.

Nous en venons maintenant à un autre trait du tableau. Les prophètes de Baal avaient subi une défaite signalée ; en vain ils avaient sauté, ils s’étaient mutilés à coups de couteau, ils avaient poussé des cris : tout avait été inutile ; — leur système avait été manifesté comme une grossière déception, le temple de l’erreur s’était entièrement écroulé ; il ne restait plus maintenant qu’à élever le magnifique édifice de la vérité à la vue de ceux qui avaient été si longtemps asservis à la vanité et au mensonge. « Alors Élie dit à tout le peuple : Approchez-vous de moi. Et tout le peuple s’approcha de lui. Et il répara l’autel de l’Éternel qui avait été renversé. Et Élie prit douze pierres selon le nombre des tribus des fils de Jacob, auquel vint la parole de l’Éternel, disant : Israël sera ton nom ; et il bâtit avec les pierres un autel au nom de l’Éternel ». C’est toujours une bonne chose que d’attendre patiemment, même jusqu’à ce que le mal et l’erreur trouvent leur niveau. Le temps ne manquera pas de mettre la vérité en lumière ; et lors même que l’erreur se revêtirait soigneusement des vénérables robes de l’antiquité, le temps ne parviendra pas moins à la dépouiller de ses vêtements mensongers, et à la montrer telle qu’elle est dans sa hideuse nudité. Élie le sentait, c’est pourquoi il pouvait demeurer calme et laisser couler tous les grains de sable de l’horloge de Baal, avant de se mettre à présenter à Israël le modèle d’une voie plus excellente. Or il faut une intelligence bien profonde et réelle des principes divins, pour rendre quelqu’un capable de suivre cette course de patience. Si notre prophète avait été un homme à l’esprit léger ou peu éclairé, il eût mis beaucoup plus de hâte à développer son système, et il eût soulevé une tempête d’opposition contre ses antagonistes. Mais un esprit doué d’une vraie élévation n’agit jamais par précipitation, n’est jamais troublé. Il a trouvé un centre autour duquel il peut se mouvoir, et en le faisant, il se sent lui-même élevé au-dessus de la portée de toute autre influence. Tel était Élie — cet homme au caractère vraiment saint, élevé, indépendant — qui, dans presque toutes les scènes de son extraordinaire carrière, sut conserver une céleste dignité, laquelle devrait être ardemment recherchée par tous les serviteurs du Seigneur. Quand il était sur le mont Carmel, contemplant les exercices corporels fatigants et sans fruit des prophètes de Baal, il se tenait là comme ayant pleinement conscience de sa mission céleste, et non seulement son attitude, mais aussi les principes qui le faisaient agir le signalaient comme un prophète de l’Éternel.

Quels étaient donc ces principes d’après lesquels agissait Élie ? Pour le dire en un mot, c’était ceux sur lesquels était basée l’unité de la nation. La première chose qu’il fait, c’est de « réparer l’autel de l’Éternel qui avait été renversé ». C’était là le centre d’Israël, et c’était à cela que tout réformateur devait, avant tout, avoir égard. Ceux qui cherchent à accomplir une réformation partielle, une demi-réformation, peuvent se contenter de renverser ce qui est faux, sans aller plus loin, sans rien faire pour poser un fondement solide sur lequel on puisse élever l’édifice nouveau ; mais une telle réformation ne tiendra pas : elle renferme en elle beaucoup trop de vieux levain pour pouvoir jamais s’élever à la position de témoignage. Non seulement l’autel de Baal doit être renversé, mais encore l’autel du Seigneur doit être élevé. Il y a des personnes qui consentiraient à offrir des sacrifices au Seigneur sur l’autel de Baal ; en d’autres termes, elles voudraient conserver un système mauvais, en se contentant de lui donner un beau nom. Mais ces accommodements humains ne sont qu’un piège ; le seul centre d’unité que Dieu puisse reconnaître, c’est le nom de Jésus. On ne peut pas considérer les enfants de Dieu comme membres d’un système, mais seulement comme membres de Christ. Dieu les voit comme tels ; et c’est leur affaire de s’estimer eux-mêmes être ce que Dieu leur dit qu’ils sont, et de prendre ouvertement cette position bénie.

Nous pouvons encore remarquer que, dans ses actes sur le mont Carmel, Élie ne néglige pas de reconnaître l’unité intacte d’Israël. Il prend douze pierres, selon le nombre des tribus des fils de Jacob, auquel la parole de l’Éternel avait été adressée, en disant : « Israël sera ton nom ». C’était là un fondement élevé — oui, le plus élevé possible. Salomon n’eût pas pu en prendre un plus élevé. Reconnaître les douze tribus d’Israël dans un temps où elles étaient divisées, affaiblies, dégradées, était la preuve d’une haute communion avec la pensée de Dieu relativement à son peuple. Et pourtant, c’est là ce que l’Esprit mettra toujours dans le coeur. « Nos douze tribus » ne doivent jamais être laissées de côté. Elles peuvent, il n’est que trop vrai, par leur faiblesse et leur folie, être dispersées et divisées ; néanmoins le Dieu d’Israël ne peut les envisager que dans cette parfaite unité qu’elles réalisaient jadis, et que, de plus, elles réaliseront de nouveau, alors que, ayant été réunies par le vrai David, elles fouleront, dans une sainte communion, les parvis de l’Éternel à perpétuité. Eh bien ! c’est là ce que, par le Saint Esprit, voyait le prophète Élie. Avec l’oeil de la foi, il pénétrait au-delà de la longue période de l’humiliant asservissement d’Israël, et il le contemplait dans son unité visible : non plus Juda et Éphraïm, mais Israël, car voici la parole : « Israël sera ton nom ». Son esprit n’était pas occupé de ce qu’était Israël, mais de ce que Dieu avait dit. C’était de la foi. L’incrédulité pouvait dire : « Vous vous placez trop haut ; c’est de la présomption de parler des douze tribus quand il n’y en a que dix ; c’est de la folie que de parler d’une unité intacte, quand il n’y a que division ». Tel sera toujours le langage de l’incrédulité qui ne peut jamais s’attacher fermement aux pensées de Dieu, ni voir les choses comme Il les voit. Mais c’est l’heureux privilège de l’homme de foi de se reposer en paix sur l’immuable témoignage de Dieu qui ne peut être annulé par la coupable folie de l’homme. « Israël sera ton nom ». Précieuse, bien précieuse et permanente promesse ! Rien absolument ne pouvait la détruire ; ni la puérilité de Roboam, ni la politique rusée de Jéroboam ; non, ni même la bassesse d’Achab ne pouvait empêcher Élie de prendre la position la plus élevée qu’un Israélite pût prendre : la position d’adorateur à un autel bâti de douze pierres, selon les noms des douze tribus d’Israël.

Nous retrouvons la même largeur de coeur et la même étendue d’intelligence en Ézéchias, roi de Juda, quand il ordonna « que l’holocauste et le sacrifice pour le péché fussent offerts pour tout Israël » (2 Chr. 29:24). La foi ne doit pas se laisser borner par les circonstances humaines ; elle place son point de départ, dans une sainte indépendance, sur la Parole de Dieu, et ne se contente d’aucune base moins haute que ce que garantit la Parole. Il devrait en être précisément ainsi avec les chrétiens de nos jours. Si nous prêtons l’oreille aux suggestions d’une nature incrédule, nos pensées sur l’Église seront ravalées au niveau de son misérable état actuel ici-bas ; mais si nous nous laissons conduire par la foi, elle nous élèvera et nous montrera l’Église dans sa parfaite unité et sa divine perfection, comme le corps de Christ, dans le ciel. C’est ainsi que nos pensées devraient être réglées à l’endroit de l’Église. Ce n’est pas à l’Église que nous pensons, quand nous considérons ces systèmes grossiers, charnels, mondains qui, de siècle en siècle, se sont élevés parmi les hommes, et dont on peut certes bien dire que « l’Éternel ne les a point choisis » ; nous ne pensons pas non plus à l’Église, quand nous envisageons les nombreuses sectes qui, avec une incroyable fécondité, se sont propagées dans le monde soi-disant religieux, et qui même, en rejetant maints grossiers éléments des systèmes dont elles étaient sorties, ont fait des efforts louables, quoique imparfaits et inutiles, pour tendre à la pureté spirituelle. Ah ! Non ; il faut que nous nous élevions au-dessus des brouillards de la terre, si nous voulons acquérir une vue correcte de l’Église, de laquelle, comme de son divin Chef, nous pouvons dire en effet : « Elle n’est pas ici, mais elle est ressuscitée ». Dieu soit béni de ce qu’il en est ainsi. Nous ne voudrions pas que l’Église fût d’ici-bas ; et à supposer que nous le voulions, nous ne le pourrions pas. Tout effort, tenté depuis les jours apostoliques pour former une Église sur la terre, a toujours échoué de la manière la plus signalée ; et aujourd’hui, l’on est forcé d’en venir à cette conclusion qui a été formulée : qu’il n’existe aucun terrain neutre, entre l’Église dans le ciel et l’Église de Rome, sur lequel on pût former une union durable. S’il nous faut une corporation qui corresponde à cet ensemble souillé que nous avons sous les yeux — s’il nous faut une Église constituée de manière à rassembler dans son sein le terrestre et le charnel — s’il nous faut un arbre suffisamment vaste pour abriter tous les oiseaux impurs de l’air, assurément Rome est le terrain qui répond le mieux à nos besoins. Mais si, au contraire, nous connaissons assez Christ et son précieux Évangile, pour que nos esprits reculent d’horreur à la vue d’un système aussi bas, aussi grossier, aussi satanique, aussi subversif de tout principe et de tout sentiment de sainteté, alors nous sommes dans le cas de laisser la terre, ne trouvant, comme la colombe de Noé, aucun lieu pour y reposer la plante de nos pieds.

L’Église n’est pas d’ici-bas. Ce qui s’appelle religion, il y en a en abondance. Des sectes, elles sont presque innombrables — la profession religieuse, on la trouve partout, ainsi que la controverse sur des points de doctrine ; mais au milieu de tout cela, où pouvons-nous contempler l’Église dans son saint caractère de vierge chaste ? Hélas ! nous la cherchons en vain au milieu de cet amas de sectes et de partis, de mondanité, d’hypocrisie et de froid formalisme. Le tout forme une monstruosité dont les horribles défauts font blasphémer le nom de Dieu, et exposent à la raillerie le nom de christianisme. En effet, en pensant au christianisme de nos jours, on ne peut guère se le représenter que comme une masse de maux de tous genres, sous la forme de l’avarice, de la mondanité et d’actes de mauvaise foi, le tout recouvert d’un manteau de sainte profession et de saintes paroles, ce qui est d’autant plus choquant pour celui qui a vraiment à coeur la gloire de Christ. Il y a, il est vrai, quelques exceptions bénies. Il y a, même dans la chrétienté, un petit nombre de noms qui, par la grâce de Dieu, n’ont pas souillé leurs vêtements ; ici et là, au milieu des cendres fumantes, on peut apercevoir une étincelle : il y en a, Dieu soit béni, quelques-uns qui désirent invoquer le Seigneur d’un coeur pur. Que Dieu veuille augmenter leur nombre, et non seulement cela, mais aussi les amener à marcher ensemble dans une sainte et charitable harmonie, afin que l’ennemi ne puisse pas attirer ce résidu sur son propre terrain, mais qu’il y ait encore un témoignage pour notre glorieux Maître, même au milieu de ses ennemis ouverts et secrets. Ah ! Si ce n’était chez plusieurs le désir d’occuper une position au milieu de leurs frères, la plupart chercheraient plutôt à se retirer complètement de toute cette scène. Mais c’est un commandement d’obligation générale et continuelle de nous assembler nous-mêmes ; et aucun chrétien ne peut impunément refuser de s’y soumettre ; de là vient la nécessité de maintenir un centre autour duquel les chrétiens puissent, comme tels, se réunir, car si tous vivaient dans l’isolement, il ne pourrait point y avoir de « rassemblement de nous-mêmes », et ainsi l’un des commandements les plus essentiels serait négligé. (*)

(*) Le motif de cette recherche de l’isolement, de nos jours, se trouve, je n’en doute pas, dans cet égoïsme raffiné, contre lequel nous avons tous tant à veiller. Nous n’aimons pas à nous identifier avec la faiblesse et l’imperfection qui doivent nécessairement exister au milieu d’une réunion de chrétiens, et qui pourraient compromettre notre nom et notre réputation. Cela ne s’accorde que trop avec quelques-uns de nos sentiments et de nos tendances prédominantes, de pouvoir dire : « Je n’appartiens à aucun parti ». Mais tous les chrétiens devraient être réunis, et ainsi ils formeraient un parti bien distinct, et en même temps fort méprisé. C’est en cela que la foi de Moïse se signala d’une façon si bénie. Il « choisit plutôt d’être dans l’affliction avec le peuple de Dieu ». Il aurait pu demeurer à la cour de Pharaon et éviter tout opprobre qui s’attachait à l’identification avec un tel peuple ; mais l’Esprit de Christ le conduisit à choisir l’opprobre de Christ, qui provenait en effet de l’union avec son peuple. De plus, tous ceux qui examineront ce sujet d’une manière attentive et impartiale, comprendront qu’il y a des actes et des dispositions chrétiennes, dont le développement tient aux efforts que nous faisons pour marcher en union avec des chrétiens, et qui n’apparaîtraient jamais si nous nous ensevelissions dans un système, ou si nous nous retirions complètement de la scène. Sans doute, c’est difficile, mais à la fin la rémunération sera grande, et elle compensera amplement toutes nos peines, nos épreuves et nos difficultés. Que les chrétiens ne se laissent donc point détourner de marcher ensemble, par la froideur ou la mondanité d’un côté, ou la division d’un autre ; car la fin manifestera toutes choses, « et alors chacun recevra sa louange de la part de Dieu ». Que le Seigneur nous préserve d’un esprit d’inquiétude ou d’impatience.

Mais c’est une chose ineffablement bénie, malgré le tableau humiliant que présente l’Église professante, que le croyant puisse toujours trouver du repos en se souvenant de ce que l’Église est en haut. La pensée de son état céleste console, réjouit et soutient l’âme au milieu des circonstances les plus décourageantes. Nous avons manqué, en ne retenant pas en pratique notre position céleste. Mais Dieu n’a pas manqué en nous la réservant et en la gardant pour nous.

Nous ne devons jamais, même pour un moment, cesser de réaliser ce qu’est l’Église comme corps de Christ dans le ciel. Si nous perdons cela de vue, nous sommes laissés à la pauvre alternative de faire un choix entre de nombreuses sectes dont pullule la chrétienté. Hélas ! quelle alternative ! Choisir parmi elles ce qui ressemblera le plus à l’original, quand c’est à peine s’il y reste un trait de l’original. La draperie de l’Église pourrait encore se retrouver en pièces ici et là ; mais la substance s’en est allée, la vivante réalité s’est évanouie, et ceux qui font de vains efforts pour chercher l’Église sur la terre pourraient, s’ils voulaient prêter l’oreille, entendre, non pas, il est vrai, des anges, mais les saints oracles leur adresser ces paroles : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? » On peut voir les linges mortuaires, mais le corps n’y est plus. L’Église n’est pas ici, elle est ressuscitée (voir Colossiens 3 et divers versets en Éphésiens).

Or, dans Élie le Thishbite, nous avons un exemple de la puissance de la foi en la promesse de Dieu, dans un temps où tout, autour de lui, semblait contraire. C’est ce qui le mit à même de s’élever au-dessus de tout le mal qui l’entourait et de construire un autel de douze pierres, avec une aussi ferme confiance, une assurance aussi parfaite que Josué lorsque, au milieu des armées triomphantes d’Israël, il érigeait son trophée sur les rives du Jourdain.

Mais je dois terminer ce chapitre, qui s’est déjà beaucoup plus étendu que je ne l’aurais voulu. Nous avons vu le principe sur lequel notre prophète désirait accomplir sa réformation ; c’était là un vraiment bon principe ; aussi Dieu l’honora-t-il. Le feu du ciel confondit soudain les prophètes de Baal, confirma la foi du prophète, et délivra les enfants d’Israël de la triste position dans laquelle ils boitaient des deux côtés. La foi d’Élie avait donné lieu à l’action de Dieu ; il avait creusé un conduit et l’avait rempli d’eau ; en un mot, il avait rendu la difficulté aussi grande que possible, afin que le triomphe de Dieu en fût plus complet, et il en fut réellement ainsi. Dieu répondra toujours à l’appel de la simple foi : « Réponds-moi, Éternel », dit le prophète, « réponds-moi, et que ce peuple sache que toi, Éternel, tu es Dieu, et que tu as ramené leur coeur ». C’est là une prière intelligente. Le prophète n’est occupé que de Dieu et de son peuple. Il ne dit pas : « Réponds-moi, afin que ce peuple connaisse que je suis un vrai prophète ». Non, son seul objet est de ramener le peuple au Dieu de leurs pères, de voir les droits de Dieu établis dans leurs consciences, en opposition aux prétentions de Baal. Et Dieu écouta et entendit, car Élie n’eut pas plus tôt achevé sa prière, que « le feu de l’Éternel tomba, et consuma l’holocauste, et le bois, et les pierres, et la poussière, et lécha l’eau qui était dans le fossé. Et tout le peuple le vit ; et ils tombèrent sur leurs faces, et dirent : l’Éternel, c’est lui qui est Dieu ! » La vérité triomphe ! Les prophètes de Baal sont confondus ! Le prophète de Dieu, dans une sainte indignation, mêle leur sang aux ondes du Kison, et ainsi, le mal étant jugé, il ne reste plus d’obstacle à la communication de la bénédiction divine, qu’Élie annonce à Achab en ces mots : « Monte, mange et bois, car il y a un bruit d’une abondance de pluie ». Comme ces paroles nous manifestent le vrai caractère d’Achab : « Mange et bois ». C’était là tout ce qu’il savait, ou tout ce qu’il se souciait de savoir. Il était sorti pour chercher du fourrage, et rien de plus ; et le prophète lui apportait cette nouvelle qui répondait si bien à ses désirs. Il ne pouvait pas lui demander de venir se joindre à lui pour rendre grâces à Dieu de ce glorieux triomphe sur le mal, car il savait bien qu’une telle demande n’eût point rencontré d’écho. Et cependant ils étaient tous deux Israélites ; mais l’un était en communion avec Dieu, et l’autre était l’esclave du péché ; en sorte que, tandis qu’Achab mettait sa jouissance « à manger et à boire », Élie cherchait la sienne dans la solitude avec Dieu. Jouissance céleste sainte et bénie ! Qui ne préférerait être le saint en communion avec le Seigneur, que le sensualiste à la poursuite de ses plaisirs grossiers et dégradants ?

Mais remarquez la différence de la conduite d’Élie en présence de l’homme et en présence de Dieu. Il avait rencontré Abdias — un saint dans une fausse position — avec un air de dignité et de hauteur ; il avait rencontré Achab avec une juste sévérité ; il avait paru au milieu des milliers de ses malheureux frères égarés, avec la fermeté et la grâce d’un vrai réformateur, et enfin, il avait rencontré les méchants prophètes de Baal, d’abord avec des railleries, puis avec l’épée de la vengeance. C’est ainsi qu’il s’était comporté en présence de l’homme. Mais comment rencontra-t-il Dieu ? « Il se courba jusqu’à terre, et mit sa face entre ses genoux ». C’est ainsi qu’il se comporta devant Dieu. Tout cela est admirable. Notre prophète connaissait sa place devant Dieu et devant l’homme. En présence de l’homme, il agissait, selon les cas, dans la sagesse de l’Esprit ; en présence de Dieu, il se prosternait avec une sincère et respectueuse humilité. Puissent tous les serviteurs du Seigneur savoir marcher de même ici-bas dans toutes leurs circonstances diverses.

Nous devons maintenant suivre notre prophète dans des scènes bien différentes.

6 - Le prophète sur le mont Horeb

Parmi ceux qui ont pris une place éminente dans l’histoire de l’Église de Christ, il y en a peu dont la carrière n’ait pas été signalée d’une manière spéciale, par de grandes variations ; on peut dire d’eux, comme de « ceux qui descendent sur la mer dans des navires, qui font leur travail sur les grandes eaux : ils montent aux cieux, ils descendent aux abîmes ; leur âme se fond de détresse ». On les voit quelquefois sur la montagne, d’autres fois dans la vallée ; tantôt se réjouissant au soleil, tantôt battus de l’orage. Et ce n’est pas le cas seulement des hommes vraiment remarquables ; presque chaque chrétien, quelque tranquille et retiré que soit son sentier, connaît quelque chose de ces vicissitudes. Il semble en effet que personne ne peut parcourir la carrière qui est assignée à l’homme de foi, sans rencontrer des inégalités dans sa route. Le chemin qui traverse le désert doit être rude et raboteux ; et il est bon qu’il en soit ainsi ; car il n’est aucun chrétien, jugeant sainement des choses, qui ne préfère être mis sur un chemin raboteux plutôt que dans des lieux glissants. Le Seigneur voit que nous avons besoin d’être exercés par la difficulté, non seulement afin que nous trouvions, à la fin, le repos d’autant plus doux, mais aussi afin que nous soyons d’autant plus efficacement disciplinés, instruits et rendus propres à la place que nous devons occuper. Dans le royaume, il est vrai, nous n’aurons pas besoin d’épreuves, mais nous aurons besoin de ces dons de la grâce et de ces dispositions de l’âme qui auront été formées au milieu des tribulations et des souffrances du désert. Nous serons alors forcés de reconnaître que notre route ici-bas n’a point du tout été trop rude ; mais, au contraire, qu’il n’est pas un seul des pénibles exercices qui ont été notre lot, dont nous eussions pu nous passer. Maintenant nous voyons les choses obscurément, et nous sommes souvent incapables de découvrir la nécessité ou le motif de beaucoup de nos épreuves et de nos peines ; de plus, notre nature impatiente n’est que trop souvent disposée à regimber et à murmurer ; mais s’il nous est donné d’être patients, nous pourrons dire sans hésitation et de tout notre coeur : « Il nous a conduit dans un chemin droit, pour aller dans une ville habitable » (Ps. 107:7).

Ce courant de pensées nous a été suggéré par les circonstances dans lesquelles se trouve notre prophète au chapitre 19. Il ne prévoyait guère, me semble-t-il, l’épouvantable orage qui était sur le point de fondre sur lui ; il était descendu du sommet du Carmel et, dans l’énergie de l’Esprit, il avait devancé Achab dans son chariot, à l’entrée de Jizreël : mais là il allait recevoir un choc, et cela de la part d’une personne, qui jusqu’ici s’était tenue à l’arrière plan. C’était la méchante Jézabel. Je dis qu’elle s’était tenue à l’arrière plan, mais elle n’y avait pas été oisive. Elle avait sans doute influencé son faible mari, et usé de la puissance de celui-ci pour venir à bout de ses impies desseins. Elle avait ouvert sa maison aux prophètes de Baal qu’elle y recevait à sa table. Tout cela, elle l’avait fait au profit des intérêts de son maître. Il ne faut pas considérer Jézabel simplement comme un individu : l’entendement spirituel sait voir en elle une personne qui représente une classe entière — bien plus, la personnification d’un principe, qui de siècle en siècle a déployé son efficace en hostilité à la vérité de Dieu, et qui apparaît en pleine maturité dans la personne de la grande prostituée dont il est parlé dans l’Apocalypse. L’esprit de Jézabel est un esprit persécuteur — un esprit qui poussera toujours sa pointe en opposition à tout — un esprit actif, énergique, persévérant, dans lequel il est facile de reconnaître une vigueur satanique. L’esprit d’Achab est bien différent. En Achab nous voyons un homme qui, pourvu qu’il puisse satisfaire ses désirs charnels et mondains, ne se souciait guère de religion. Il ne voulait pas se donner la peine de décider entre les droits de Dieu et les prétentions de Baal. Les uns et les autres étaient égaux à ses yeux. Eh bien ! c’était un tel homme que Jézabel pouvait manier comme elle le voulait. Elle avait soin de lui procurer tout ce qui pouvait satisfaire ses désirs, tandis qu’elle employait avec une active sagacité le pouvoir du roi en opposition à la vérité de Dieu. On trouvera toujours des Achab pour être des instruments des Jézabel ; aussi, dans l’Apocalypse, où tous les principes qui ont été, qui sont, ou qui seront à l’oeuvre, sont vus dans leur pleine maturité, nous voyons la prostituée assise sur la bête ; c’est-à-dire la religion corrompue dominant la puissance séculière, ou, en d’autres termes, l’esprit de Jézabel pleinement développé, disposant de l’esprit d’Achab, pleinement développé aussi. Il y a dans tout cela une voix bien solennelle, s’adressant à la génération présente : que ceux qui ont des oreilles pour l’entendre, l’entendent. Les hommes deviennent de plus en plus indifférents aux intérêts et aux destinées de la vérité de Dieu sur la terre. Peu leur importe Christ ou Bélial, pourvu que les rouages de l’énorme machine de l’utilitarisme ne soient pas entravés dans leurs mouvements. Vous pouvez adopter les principes qui vous plaisent, pourvu que vous les gardiez par-devers vous ; et ainsi des hommes, avec les principes les plus opposés, peuvent s’unir en dissimulant ces principes, tandis qu’ils mettent toute leur ardeur et leur énergie à la poursuite du fantôme terrestre. Tel est l’esprit, telles sont les tendances du siècle ; aussi, dès que l’esprit de Jézabel s’élèvera, il précipitera les hommes dans une voie où ils ne sont déjà que trop entrés — une voie qui aboutit infailliblement à la mort et aux ténèbres éternelles. Sérieuse, bien sérieuse pensée ! Je le dis encore : « Que celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ».

Nous l’avons vu, c’est de Jézabel que le prophète Élie reçut le choc qui semble avoir totalement accablé son esprit. « Et Achab raconta à Jézabel tout ce qu’Élie avait fait, et, en détail, comment il avait tué par l’épée tous les prophètes ». Remarquez ces mots : « Achab raconta à Jézabel » ; cette affaire ne l’intéressait pas lui-même au point de l’amener à y prendre une part active ; ou, dans le cas même où elle eût excité son intérêt, il n’avait pas assez d’énergie pour y participer directement. À ses yeux, peut-être, l’abondance de la pluie paraissait en connexion avec la mort des prophètes ; c’est pourquoi il avait pu demeurer tranquillement à part en contemplant ce massacre. Qu’était Baal pour lui, ou qu’était Jéhovah ? Rien. Lorsqu’un Achab, et tous ceux qui lui ressemblent, ont de quoi manger et boire, ils ne se soucient pas le moins du monde des questions de piété et de vérité. C’est là une grossière et inconcevable abomination, un sensualisme déplorable et insensé. Enfants de ce siècle, vous dont les sentiments sont exprimés par ces paroles : « Mangeons et buvons, car demain nous mourrons », pensez à Achab, — rappelez-vous son épouvantable fin — la fin de cette vie de manger et de boire : « Les chiens léchèrent son sang ». Et quant à son âme — ah ! l’éternité en dévoilera les destinées.

Mais en Jézabel, nous voyons une femme à laquelle ne manquait ni l’intérêt, ni l’énergie. Pour elle, la controverse entre l’Éternel et Baal était de la plus haute importance, et elle était bien résolue à agir avec décision : « Et Jézabel envoya un messager à Élie, disant : Ainsi me fassent les dieux, et ainsi ils y ajoutent, si demain, à cette heure, je ne mets ton âme comme l’âme de l’un d’eux ». Voici donc le prophète appelé à endurer l’orage de la persécution. On l’avait vu, au mont Carmel, tenir tête à tous les prophètes de Baal ; jusqu’ici sa carrière n’avait été qu’un triomphe, résultant de sa communion avec Dieu ; mais maintenant il lui semblait que son soleil allait se coucher et que son horizon devenait sombre et lugubre. « Et voyant cela, Élie se leva et s’en alla pour sa vie, et vint à Beër-Shéba, qui appartient à Juda, et il y laissa son jeune homme. Et il s’en alla, lui, dans le désert, le chemin d’un jour, et vint et s’assit sous un genêt ; et il demanda la mort pour son âme, et dit : C’est assez, maintenant, Éternel, prends mon âme, car je ne suis pas meilleur que mes pères ». L’esprit d’Élie est tout abattu ; il ne voit plus les choses qu’à travers le sombre nuage dont il est enveloppé ; tout son travail lui apparaît comme ayant été pour néant et sans fruit ; il n’a plus qu’à se coucher et à mourir. Son coeur, harassé par ce qu’il envisageait comme d’infructueux efforts pour ramener la nation à son ancienne foi, désirait ardemment entrer dans le repos. Or dans tout cela, nous apercevons les effets de l’impatience et de l’incrédulité. Élie ne parlait pas de son désir de déloger quand il était sur le mont Carmel. Non, là tout était triomphe ; là il croyait accomplir une oeuvre — il croyait être de quelque utilité, et par conséquent la pensée du délogement ne se présentait pas à son esprit.

Mais le Seigneur voulait montrer à son serviteur non seulement ce qu’il devait faire, mais aussi ce qu’il devait souffrir. « Faire », nous l’aimons assez ; « souffrir », nous n’y sommes pas aussi bien disposés. Et pourtant le Seigneur est tout autant glorifié par celui qui souffre patiemment, que par le serviteur le plus actif. Les fruits de la grâce, développés chez un saint qui est rendu capable d’endurer des souffrances prolongées, sont un parfum d’aussi bonne odeur que tous les fruits d’un service fidèle. C’est là ce que notre prophète aurait dû se rappeler. Mais hélas, nos coeurs peuvent bien le comprendre et sympathiser avec lui dans son état de tristesse et de découragement. Ils sont bien rares les serviteurs du Seigneur qui n’ont pas, une fois au moins, ardemment désiré de dépouiller le harnais et d’abandonner les fatigues du combat, surtout dans des temps où leurs travaux et leur témoignage semblaient être vains, et où ils étaient portés à se considérer eux-mêmes comme occupant inutilement la terre. Cependant il faut attendre le temps de Dieu, et jusqu’alors chercher à poursuivre notre course dans un service fidèle, patient et sans murmures. Il y a une immense différence entre le désir d’être délivré de l’épreuve et de la souffrance, et le désir d’être chez nous dans la maison de notre Père. Sans doute, la pensée du repos est douce — ineffablement douce pour l’homme qui a beaucoup travaillé. Il est doux de penser aux « plusieurs demeures » qui nous ont été acquises par le sang de notre Seigneur Jésus Christ — doux de penser au temps où notre Dieu de miséricorde essuiera toutes larmes de nos yeux — doux de penser à ces verts pâturages et à ces sources d’eau vive, auxquels l’Agneau conduira son troupeau pendant les âges de gloire à venir. En un mot, toute la perspective offerte aux regards de la foi est belle et réjouissante ; néanmoins nous n’avons pas le droit de dire : « Ô Seigneur, prends ma vie ». Ce n’est qu’un esprit d’impatience qui peut jamais dicter un tel langage. Combien est différent l’esprit qui respire dans ces paroles de l’apôtre Paul : « Je suis pressé des deux côtés, ayant le désir de déloger et d’être avec Christ, car cela est de beaucoup meilleur ; mais il est plus nécessaire à cause de vous que je demeure dans la chair. Et ayant cette confiance, je sais que je demeurerai et que je resterai avec vous tous pour l’avancement et la joie de votre foi » (Phil. 1:23-25). Il y a, dans ces paroles, un esprit vraiment chrétien. Le serviteur de l’Église doit rechercher le bien de l’Église et non son propre avantage. Si Paul n’eût eu égard qu’à lui-même, il ne serait pas resté un moment de plus sur la terre ; mais quand il considérait l’état et les besoins de l’Église, il désirait demeurer et continuer à demeurer, dans le but de contribuer à sa joie et aux progrès de sa foi. Cela aurait dû être aussi le désir d’Élie ; il devait souhaiter de demeurer sur la terre pour le bien du peuple. Mais il faillit en cela. Il s’était enfui dans le désert sous l’influence de l’incrédulité, comme son coeur lui disait, et pour sauver sa vie ; et là, il exprime le désir que sa vie lui soit ôtée, uniquement pour échapper aux épreuves que lui attirait la position de fidélité qu’il avait prise.

Tout cela peut nous offrir une utile leçon. L’incrédulité nous éloigne toujours de la place du témoignage et du service. Tant qu’Élie marcha par la foi, il fut à son poste de serviteur et de témoin ; mais dès l’instant que la foi disparut, il abandonna ce poste et s’enfuit au désert. L’incrédulité nous rend toujours impropres au service ou fait de nous des serviteurs inutiles. Nous ne pouvons jamais agir pour Dieu si ce n’est dans l’énergie de la foi. C’est ce que nous devrions nous rappeler, dans un temps comme le nôtre, où tant de gens quittent la position de la fidélité ou s’en écartent. Nous pourrions, je pense, admettre comme un principe constant et vrai, que toutes les fois qu’un homme abandonne une position bien évidente de témoignage, il y est poussé par une incrédulité positive. Ainsi, par exemple, de nos jours, nous voyons plusieurs chrétiens qui, dans un temps, avaient pris cette position d’une manière bien tranchée, parce qu’ils avaient appris, disaient-ils cette grande vérité : la présence du Saint Esprit dans l’Assemblée. Or, quand cette vérité est réellement comprise et réalisée, elle affranchit les chrétiens de l’autorité de l’homme en matière de foi, et les conduit hors des systèmes qui reconnaissent et soutiennent cette autorité. Si c’est le Saint Esprit qui gouverne dans l’Assemblée, l’homme n’a pas le droit d’intervenir dans ce gouvernement ; il n’a pas le droit de décréter et d’instituer des cérémonies : car en le faisant, il usurpe de la manière la plus présomptueuse les prérogatives divines. Si donc un homme croit de coeur à cette importante vérité, cette croyance ne restera certainement pas sans influence sur sa conduite ; au contraire, il se sentira par là appelé à protester contre tout système dans lequel cette vérité est niée de fait en s’en séparant. Ce n’est pas ici une question de personnes ou de choses, auxquelles il peut ou doit s’attacher ; non, celle-ci est tout autrement importante. Le premier devoir de l’homme, c’est de « cesser de mal faire », et après cela, « d’apprendre à bien faire ». Et pourtant, plusieurs de ceux qui faisaient profession autrefois de comprendre cette vérité et de marcher en conséquence, ont dès lors perdu la confiance qu’elle leur inspirait, ce qui les a conduits à quitter leur position distincte et à retourner aux systèmes dont ils étaient sortis. Comme Élie, ils n’ont pas réalisé tout ce qu’ils espéraient trouver, les résultats qu’ils attendaient n’ont pas tous apparu ; c’est ce qui les a éloignés, eux aussi s’en sont allés comme leur coeur leur disait, et plusieurs peut-être se sentaient tout disposés à dire : « C’est assez ». Hélas ! oui, plus d’un coeur qui jadis nourrissait des espérances élevées et douces relativement à l’Église, est aujourd’hui courbé vers la terre sous le poids de la tristesse et du découragement. Ceux qui déclaraient connaître la vérité de la présence du Saint Esprit dans l’Assemblée, et d’autres vérités qui s’y rattachent, et marcher d’après elles, ont, pour ne rien dire de plus, failli à les mettre en pratique, et non seulement cela, mais, en beaucoup de cas, leur moi s’est manifesté de la façon la plus humiliante, et l’ennemi s’est empressé de faire son profit de toutes ces misères. Il en a profité, en particulier, pour décourager ceux qui, sans doute, désiraient demeurer debout en témoignage pour Christ, mais qui, voyant les manquements de tout ce qui pouvait ressembler à un témoignage collectif sur la terre, ont quitté la place en désespoir de cause. Toutefois, que les chrétiens y fassent attention : c’est l’incrédulité qui poussa Élie à fuir au désert, et c’est aussi par incrédulité qu’un chrétien abandonne la position de témoignage à laquelle la vérité de la présence du Saint Esprit dans l’Assemblée l’amènerait nécessairement

Ceux qui se retirent ainsi font voir que ce n’était pas avec Dieu et avec son éternelle vérité qu’ils avaient affaire, mais seulement avec l’homme et avec ses circonstances. Si notre marche est fondée sur la vérité de Dieu, elle ne sera en rien affectée par les variations et les fautes de l’homme. L’homme peut manquer, et il ne manque que trop, même dans ses meilleurs et ses plus purs efforts pour mettre en pratique la vérité de Dieu ; mais est-ce que les fautes de l’homme peuvent annuler la vérité de Dieu ? « Qu’ainsi n’advienne ! mais que Dieu soit vrai et tout homme menteur ». Si ceux qui font profession d’attachement à la doctrine bénie de l’unité de l’Église se divisent en partis divers, — si ceux qui maintiennent la doctrine de la présence de l’Esprit dans l’Assemblée pour tout ce qui en concerne le gouvernement et le ministère, s’appuient néanmoins, en pratique, sur l’autorité de l’homme, — si ceux qui disent attendre l’apparition personnelle et le règne du Seigneur Jésus, recherchent avec avidité les choses de ce monde, — est-ce que de pareilles inconséquences peuvent annuler ces principes célestes ? Assurément non. Grâces à Dieu, la vérité sera la vérité jusqu’à la fin. Dieu sera toujours Dieu, alors même que l’homme se montrera mille fois plus imparfait qu’il ne l’est. Aussi, au lieu de nous abandonner au découragement, parce que les hommes ont failli dans l’usage qu’ils devaient faire de la vérité de Dieu, notre affaire est plutôt de tenir ferme cette vérité, comme le seul appui de nos âmes au milieu de la ruine et du naufrage universels. Si Élie eût tenu ferme la vérité qui remplissait son âme quand il était sur le mont Carmel, on ne l’aurait jamais vu sous le genêt, on ne l’aurait jamais entendu prononcer des paroles telles que celles-ci : « Prends maintenant mon âme ; car je ne suis pas meilleur que mes pères ».

Cependant le Seigneur peut rencontrer en grâce son pauvre serviteur, lors même qu’il dort sous un genêt. « Il sait de quoi nous sommes formés, il se souvient que nous sommes poussière ». Aussi, au lieu d’adhérer à la requête irréfléchie de son serviteur fatigué et abattu, il cherche plutôt à le soutenir et à le fortifier pour de nouvelles luttes. Ce n’est pas là la manière d’agir des hommes (2 Sam. 7:19) ; mais c’est, béni soit à jamais son Nom, la manière d’agir de Dieu, dont les voies ne sont pas nos voies, et dont les pensées ne sont pas nos pensées. L’homme agit souvent avec rigueur et sévérité envers son semblable, sans aucune indulgence pour lui. Il n’en est pas ainsi de Dieu. Il agit toujours avec la plus tendre compassion envers ses enfants. Il comprenait Élie ; il se souvenait de la fidélité avec laquelle il venait de combattre pour son Nom et pour sa vérité ; c’est pourquoi il vient à son aide dans le temps de son abattement. « Et Élie se coucha, et dormit sous le genêt. Et voici, un ange le toucha et lui dit : Lève-toi, mange. Et il regarda, et voici à son chevet, un gâteau cuit sur les pierres chaudes, et une cruche d’eau ; et il mangea et but, et se recoucha. Et l’ange de l’Éternel revint une seconde fois, et le toucha, et dit : Lève-toi, mange, car le chemin est trop long pour toi. Et il se leva, et mangea et but ; et il alla, avec la force de ces aliments, quarante jours et quarante nuits, jusqu’à Horeb, la montagne de Dieu » ; (Chap. 19:5-8). Le Seigneur connaît mieux que nous-mêmes ce que nous avons à faire et, dans sa grâce, il nous fortifie selon ce qu’il sait être nécessaire pour l’oeuvre que nous devons accomplir. Le prophète affligé désirait dormir, mais le Seigneur voulait le fortifier pour un service ultérieur. De même les disciples, dans le jardin, accablés d’une profonde tristesse à la vue de l’apparent naufrage de toutes les espérances qu’ils avaient si ardemment nourries, se laissent tomber dans un profond sommeil, tandis que leur maître voulait qu’ils eussent les reins ceints et les bras affermis pour les scènes éprouvantes dans lesquelles ils allaient entrer. Mais Élie mangea et but, et ainsi fortifié, il marcha jusqu’à Horeb, la montagne de Dieu, la montagne de la loi. Là encore nous avons à signaler les tristes effets d’un esprit impatient. Élie semble tout décidé à quitter entièrement son poste de service et de témoignage. S’il ne peut plus dormir sous un genêt, il se cachera dans une caverne. « Et là il entra dans la caverne, et y passa la nuit ».

Lorsqu’un chrétien se permet de s’éloigner de la position dans laquelle il serait gardé par la foi, il est impossible de prévoir jusqu’à quel point il peut tomber. La foi seule, la foi constante en la Parole de Dieu, peut nous garder dans le sentier du service, parce que la foi fait que l’homme se contente d’attendre la fin, tandis que l’incrédulité, qui ne regarde qu’aux circonstances du moment, le plonge dans un complet découragement. Le chrétien doit faire son compte de ne rencontrer ici-bas que des épreuves et des déceptions. Nous pouvons souvent songer au repos et au bonheur que nous trouverions ici-bas dans telles et telles conditions, mais ce n’est qu’un songe. Élie avait, sans doute, espéré voir un immense changement moral opéré par son moyen, et, au lieu de cela, sa vie est menacée. Mais il aurait dû y être préparé. L’homme qui avait sans crainte tenu tête à Achab et à tous les prophètes de Baal, devait certes être en état de soutenir le message d’une femme. Eh bien ! Non ; sa foi s’était éclipsée. Quand la foi abandonne quelqu’un, il a peur même de son ombre. En contemplant le prophète sur le mont Horeb, on est porté à se demander : Est-ce bien le même homme que nous venons de voir sur le mont Carmel, élevant un autel de douze pierres, et plaidant là, d’une manière si triomphante, la cause du Dieu d’Israël en présence de ses frères ? Hélas ! quelle misérable créature que l’homme, quand il n’est pas soutenu par une foi simple au témoignage de Dieu ! De même David pouvait, dans un temps, braver Goliath dans la puissance de la foi, et plus tard dire en son coeur : « maintenant, je périrai un jour par la main de Saül » (1 Sam. 27:1). La foi se place au-dessus des circonstances, et regarde à Dieu ; l’incrédulité perd de vue Dieu et ne voit que les circonstances. L’incrédulité dit : « Nous étions à nos yeux comme des sauterelles » ; la foi dit : « Nous sommes bien capables de le faire » (Nomb. 13:31:34).

Toutefois le Seigneur ne laisse pas son serviteur dans la caverne ; il ne cesse de le suivre et de chercher à le ramener au poste que l’impatience et l’incrédulité lui ont fait quitter. « Et voici, la parole de l’Éternel vint à lui et lui dit : Que fais-tu ici, Élie ? » Quel reproche ! Pourquoi Élie se cachait-il ainsi dans une caverne ? — pourquoi avait-il abandonné l’honorable poste du témoignage ? À cause du message de Jézabel, et parce que son ministère n’avait pas été reconnu aussi pleinement qu’il s’y attendait. Il s’imaginait avoir mérité une plus réjouissante moisson pour tout son travail, qu’un message menaçant, et une apparente désertion générale ; c’est pourquoi il s’était retiré dans une caverne de montagne, place tout à fait convenable pour y nourrir son mécontentement. — Il faut bien admettre qu’il y avait en effet, dans ce qui s’était passé, de quoi blesser le coeur du prophète : il était venu de sa paisible retraite de Sarepta pour affronter tout le peuple endoctriné par Jézabel et par une armée de prêtres méchants et de faux prophètes — il avait confondu ces derniers par la grâce de Dieu — Dieu avait fait descendre le feu du ciel, en réponse à sa prière — tout Israël avait semblé reconnaître la vérité, telle qu’il l’avait proclamée — toutes ces choses devaient avoir élevé ses espérances à un degré peu ordinaire ; cependant, après tout cela, sa vie est menacée — il ne voit personne prendre son parti — il est enveloppé d’un sombre nuage — il abandonne le champ de bataille et se cache dans une caverne. Il est beaucoup plus aisé de critiquer autrui que d’agir droitement, et nous devons y regarder à deux fois quand il s’agit de prononcer un jugement sur les actes d’un serviteur aussi honoré qu’Élie le Thishbite. Mais bien que tout disposés à ménager les censures, nous pouvons, au moins, tirer instruction et avertissement de cette partie de l’histoire de notre prophète. Nous pouvons y apprendre une leçon dont nous avons tous grandement besoin. « Que fais-tu ici ? » est une question qui pourrait, à bon droit, être adressée à plus d’un d’entre nous, alors que, cédant à l’impatience ou à l’incrédulité, nous quittons notre propre place de service au milieu de nos frères, pour aller dormir sous un genêt ou nous cacher dans une caverne. N’y en a-t-il pas plusieurs, à cette heure, qui ci-devant étaient d’énergiques avocats des principes en rapport avec l’unité et le culte du peuple de Dieu, qui sont ou endormis ou cachés ? C’est-à-dire qui ne font plus rien pour propager ces vérités dont ils étaient jadis les défenseurs. C’est là une pensée bien affligeante. C’est à de tels hommes que la question : « Que fais-tu ici ? » devrait être adressée avec une force toute particulière. Oui, qu’est-ce que cette manière d’agir ? ou plutôt, n’agissent-ils pas de manière à faire un mal réel aux brebis de Jésus ? Un homme qui se retire ainsi n’est pas inoffensif, il est nuisible, il fait un vrai tort à ses frères. Mieux vaudrait ne s’être jamais mis en avant comme fauteur de vérités essentielles, que de se retirer après l’avoir fait ; on est fort coupable si, après avoir attiré l’attention sur quelques grands principes de la vérité divine, on finit par les abandonner. « Si quelqu’un est ignorant, qu’il soit ignorant ». Nous pouvons avoir pitié de l’ignorance, ou nous efforcer de l’instruire ; mais celui qui, ayant professé de connaître la vérité, la déserte plus tard, ne peut être envisagé ni comme un objet de pitié ni comme quelqu’un à instruire.

Mais ce n’est pas seulement l’incrédulité et les déceptions relativement à certaines vérités qui poussent certains hommes à un malheureux isolement ; des mécomptes, réels ou apparents dans le ministère peuvent avoir le même effet. Ce fut peut-être là ce qui affecta tout particulièrement Élie. Le triomphe qu’il avait remporté sur le mont Carmel lui avait, sans doute, inspiré des espérances fort élevées quant aux résultats de son ministère, et il n’était pas préparé à voir le contraire même de ses espérances. Or le souverain remède à ces deux maladies morales, savoir l’incrédulité à l’égard d’une vérité importante, et le désappointement relativement à notre ministère, c’est de tenir nos regards simplement et constamment fixés sur Jésus. Si, par exemple, nous voyons des hommes professant ces deux vérités de toute importance : l’unité de l’Église et la présence permanente du Saint Esprit dans l’Assemblée — professant, dis-je, de connaître ces vérités, et cependant bronchant de la manière la plus triste quant à leur réalisation, devrons-nous pour cela nous retirer, et dire qu’il n’y a ni unité ni présence permanente du Saint Esprit ? À Dieu ne plaise. Ce serait faire dépendre la vérité de Dieu de la fidélité de l’homme, principe qui ne saurait être admis un seul instant par un chrétien spirituel. Non, mais plutôt regardons en haut, et voyons l’Église, comme corps de Christ, dont chaque membre a son nom écrit dans le livre de Dieu de toute éternité. De même, quand nous voyons Jésus à la droite de Dieu dans les cieux, c’est pour nous la garantie infaillible de la présence du Saint Esprit dans l’Assemblée. Béni soit Dieu pour la sûreté qu’il a donnée à toutes ces vérités. « Les dons de grâce et l’appel de Dieu sont sans repentir ». Enfin, si des chrétiens sont éprouvés eu égard à leur ministère, si l’ennemi s’efforce de les détourner par le chagrin et le découragement, qu’ils essaient de tenir leurs yeux plus simplement sur Jésus, en se souvenant que, quelque misérable que puisse être l’aspect des choses ici-bas, il s’approche rapidement le temps où ceux qui auront servi le Seigneur en simplicité, par amour pour Lui, moissonneront une pleine récompense. Nous devons prendre garde pourtant, de ne pas nous laisser aller à placer notre ministère ou ses fruits entre nos âmes et Christ. Il y a un grand danger en cela. Un homme peut se mettre à l’oeuvre avec un sincère dévouement pour son Maître, et cependant, par la ruse de l’ennemi et par la faiblesse de son propre coeur, il peut bientôt donner à son oeuvre, dans ses pensées, une place plus éminente qu’à Christ Lui-même. Si Élie avait eu davantage le Dieu d’Israël devant lui, il n’aurait pas succombé au désespoir.

Mais nous apprenons quel était le véritable état de l’âme du prophète, par sa réponse au reproche de Dieu : « j’ai été très jaloux pour l’Éternel, le Dieu des armées ; car les fils d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont renversé tes autels et ils ont tué tes prophètes par l’épée, et je suis resté, moi seul, et ils cherchent ma vie pour me l’ôter ». Quelle différence entre ce langage et celui qu’il faisait entendre au mont Carmel ! Là, il plaidait la cause de Dieu, ici, il plaide pour lui-même — là, il s’efforçait de convertir ses frères en leur présentant la vérité de Dieu, ici, il accuse ses frères, et il expose leur péché devant Dieu (*).

(*) Il est instructif d’observer l’ordre dans lequel Élie expose les péchés d’Israël : — 1° « ils ont abandonné ton alliance » ; — 2° « ils ont renversé tes autels » ; — 3° « ils ont tué tes prophètes par l’épée ». Le fondement de tout ce mal était celui-ci : ils avaient abandonné l’alliance de Dieu ; la conséquence naturelle en était la démolition des autels de Dieu et l’abandon de son culte, et il s’en était suivi le meurtre des prophètes. Cet ordre est facile à comprendre.

« J’ai été très jaloux » ; mais « ils ont abandonné ton alliance, etc ». Telle était la manière dont le prophète, dans la caverne sur le mont Horeb, exprimait son mécontentement. Il se considérait lui-même, me semble-t-il, comme le seul homme qui eût fait ou qui fît quelque chose pour Dieu. « Je suis resté, moi seul, et ils cherchent ma vie pour me l’ôter ». Or tout cela n’était que la conséquence naturelle de la position qu’il avait prise, en s’en allant comme son coeur lui disait. Dès l’instant qu’un serviteur de Dieu abandonne son poste de témoignage et de service au milieu de ses frères, il commence à s’élever lui-même et à les accuser ; oui, sa retraite seule est déjà comme une assertion de sa fidélité et de leur chute. Mais à tous ceux qui se séparent ainsi de leurs frères, en les accusant, s’adresse cette question sérieuse : « Que fais-tu ici ? » « Que celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ».

Cependant notre prophète est appelé à sortir de son lieu de réclusion. « Sors », lui dit Jéhovah, « et tiens-toi sur la montagne devant l’Éternel. Et voici l’Éternel passa, et devant l’Éternel, un grand vent impétueux déchirait les montagnes et brisait les rochers : l’Éternel n’était pas dans le vent. Et après le vent, un tremblement de terre : l’Éternel n’était pas dans le tremblement de terre. Et après le tremblement de terre, du feu : l’Éternel n’était pas dans le feu. Et après le feu, une voix douce, subtile ». Par ces manifestations, variées et solennelles, de Lui-même et de ses actes merveilleux, le Seigneur voulait apprendre à son serviteur d’une manière fort expressive, qu’il n’était pas limité à un seul agent pour exécuter ses desseins. Le vent était un de ces agents, et un puissant agent ; néanmoins ce n’était pas par le moyen du vent que le but de Dieu devait être atteint ; on en pouvait dire autant du tremblement de terre et du feu, dont les terribles effets ne servaient qu’à frayer le chemin au dernier agent, au plus faible en apparence, savoir, à la voix douce et subtile. Ainsi le prophète devait apprendre à être content d’être un agent, entre un grand nombre d’autres. Il s’était peut-être figuré que toute l’oeuvre devait être faite par lui ; arrivant, comme il l’avait fait, avec l’impétuosité effrayante d’un vent violent, il se serait attendu à renverser tous les obstacles, et à ramener la nation à sa place d’heureuse fidélité envers Dieu. Mais hélas ! combien il est difficile même à l’instrument le plus distingué de comprendre sa propre insignifiance. Les hommes les plus dévoués — les mieux doués — les plus élevés — ne sont que des pierres dans la structure, des clous dans le vaste mécanisme, et celui qui en vient à se regarder comme l’instrument, se trouvera bientôt singulièrement déçu. Paul peut planter, Apollos peut arroser, mais c’est Dieu qui donne l’accroissement. Ainsi le prophète avait à apprendre que le Seigneur pouvait employer d’autres instruments que lui ; qu’il avait dans son carquois d’autres flèches qu’il décocherait en leur temps. Le vent, le tremblement de terre et le feu, doivent faire chacun son oeuvre ; après quoi la voix douce, subtile, pourrait être entendue distinctement et avec efficace. Il n’appartient qu’à Dieu de se faire entendre, alors même qu’Il parle en « une voix douce et subtile ». Élie reste dans la caverne, jusqu’à ce que cette voix arrive à ses oreilles, alors « il enveloppa son visage dans son manteau, et sortit, et se tint à l’entrée de la caverne ».

C’est uniquement « devant le Seigneur » que nous pouvons avoir une idée juste de notre position. Il nous est aisé de nous former une haute opinion de nous-mêmes et de notre ministère, jusqu’à ce que nous soyons amenés en la présence de Dieu, alors nous apprenons à nous couvrir le visage d’un manteau ; en d’autres termes, nous apprenons à nous effacer nous-mêmes en réalité. Quand Moïse se trouva en la présence de Dieu, « il cacha son visage, car il craignait de regarder vers Dieu » (Exo. 3:6). Quand Job se vit en cette présence, il eut horreur de lui-même, et se repentit dans la poussière et dans la cendre (42:6) ; et il en a été ainsi de tous ceux qui, en quelque temps que ce soit, ont appris à se bien connaître à la lumière de la présence de Dieu ; là, ils ont appris leur propre et total néant ; là, ils ont compris que Dieu pouvait se passer d’eux. Le Seigneur est toujours prêt à reconnaître le plus petit acte de service envers Lui, mais dès l’instant qu’un serviteur est préoccupé de son service, le Seigneur lui montre qu’il n’a plus besoin de lui. Tel fut le cas relativement à Élie. Il s’était retiré du champ de l’activité et du combat, et il avait exprimé un ardent désir de déloger de son corps ; il se croyait un témoin isolé et unique, un serviteur abandonné et déçu ; Jéhovah lui ordonne de se tenir devant Lui, et c’est là, en quelque sorte, qu’il lui retire sa mission, et qu’il lui annonce les noms de ses successeurs dans la carrière. « Et l’Éternel lui dit : Va, retourne par ton chemin, vers le désert de Damas, et quand tu seras arrivé, tu oindras Hazaël pour qu’il soit roi sur la Syrie ; et Jéhu, fils de Nimshi, tu l’oindras pour qu’il soit roi sur Israël, et tu oindras Élisée, fils de Shaphath, d’Abel-Mehola, pour qu’il soit prophète à ta place. Et il arrivera que celui qui échappera à l’épée de Hazaël, Jéhu le fera mourir ; et celui qui échappera à l’épée de Jéhu, Élisée le fera mourir. Mais je me suis réservé en Israël sept mille hommes, tous les genoux qui n’ont pas fléchi devant Baal, et toutes les bouches qui ne l’ont pas baisé ». Ces paroles étaient propres à jeter une grande lumière dans l’esprit du prophète. Sept mille ! Et il s’imaginait avoir été laissé seul. Jamais les instruments ne feront défaut à Dieu. Si le vent ne suffit pas, il a le tremblement de terre ; si le tremblement de terre ne suffit pas, il a le feu ; et après tous les autres, il a « la voix douce et subtile ». Ainsi Élie apprit que d’autres ministères que le sien pouvaient agir sur Israël : Hazaël, Jéhu et Élisée allaient paraître sur la scène, et comme la voix douce et subtile s’était montrée puissante pour faire sortir le Thishbite de sa caverne, de même le ministère de grâce d’Élisée se montrerait puissant pour faire sortir de leurs cachettes les milliers de fidèles qu’Élie n’avait pas su découvrir. Ce dernier ne devait pas tout faire ; il n’était qu’un des agents de Dieu. « L’oeil ne peut dire à la main : Je n’ai pas besoin de toi ; ou bien encore la tête aux pieds : Je n’ai pas besoin de vous ».

Telle était, je le crois, l’importante instruction donnée à notre prophète par les scènes solennelles du mont Horeb. Il y était monté plein de lui-même et de lui seul — il s’était tenu sur la montagne, rempli de l’idée qu’il était le témoin, le seul témoin ; il en descendit avec la connaissance humiliante mais salutaire qu’il n’était qu’un des sept mille. Quelle différence dans sa manière de voir et de juger. Personne ne peut enseigner comme Dieu. Quand il veut donner une leçon, il peut la donner d’une manière efficace, que son Nom en soit béni ! Il avait donc fait connaître à Élie son incapacité, à tel point qu’il fut heureux de rebrousser chemin, de sortir de sa caverne, et de descendre de la montagne — de bannir toutes ses plaintes et ses accusations, et de jeter humblement, en silence, avec soumission volontaire, son manteau prophétique sur les épaules d’un autre. Tout cela est fort instructif. Le silence d’Élie, après avoir entendu parler des sept mille, est des plus remarquables. Il avait appris là ce que le mont Carmel n’avait pu lui apprendre — ce que ni Sarepta, ni le Kerith ne lui avait enseigné. Dans ces lieux, il avait appris beaucoup de choses concernant Dieu et sa vérité, mais sur Horeb, il avait appris sa propre petitesse, et la conséquence de cette instruction qu’il a reçue est qu’il descend de la montagne, qu’il transmet son office à un autre, et non seulement cela, mais qu’en le faisant il dit : « Que t’ai-je fait ? » En un mot, nous voyons, en ce bien-aimé serviteur, le plus complet renoncement à soi-même, depuis l’instant où il a appris qu’il n’était qu’un agent entre plusieurs. Il est encore chargé d’un message de jugement pour Achab, dans la vigne de Naboth, et d’un message analogue pour Achazia sur son lit de maladie, et puis il quitte la terre, laissant l’oeuvre qu’il a commencée à d’autres mains qui doivent la poursuivre. Comme Jean le Baptiseur qui, nous le savons, est venu dans l’esprit et la puissance d’Élie, il était heureux d’introduire son successeur et de se retirer. Oh ! si tous les saints connaissaient mieux cet esprit d’humilité et de renoncement — l’esprit qui pousse un homme à faire l’oeuvre et à ne pas penser à cette oeuvre, ou même, si cela doit être, à voir l’oeuvre faite par d’autres et à s’en réjouir. Le Baptiseur dût apprendre cela aussi bien que le Thishbite. Il dut apprendre à terminer volontiers sa brillante carrière dans l’obscurité d’un cachot, pendant qu’un autre faisait l’oeuvre. Jean aussi, trouvait étrange qu’il en fût ainsi, et il envoya des messagers à Jésus pour lui demander : « Es-tu celui qui vient, ou devons-nous en attendre un autre ? » Comme s’il avait dit : « Est-il bien possible que Celui auquel j’ai rendu témoignage soit réellement le Christ, et que néanmoins il me laisse périr, sans s’inquiéter de moi, dans la prison d’Hérode ? » Il en était ainsi, et Jean devait apprendre à en être content. Il avait dit en entrant dans son ministère : « Il faut que Lui croisse, et que je diminue » ; mais il se peut qu’il n’eût pas précisément compté sur une telle manière de diminuer ; cependant, telle était la volonté de Dieu relativement à cet honoré serviteur. Oh ! que les pensées de Dieu sont différentes de celles de l’homme ! Jean, après avoir accompli une mission des plus importantes, savoir celle d’introduire le Fils de Dieu, était destiné à avoir la tête coupée à la demande d’une méchante femme, et pour qu’un impie tyran ne violât pas son serment.

Il en était de même d’Élie le Thishbite. Sans aucun doute, sa carrière avait été des plus brillantes ; il avait passé devant les yeux d’Israël dans toute la dignité et la majesté d’un homme céleste — d’un messager céleste — la vérité divine était sortie de ses lèvres, et Dieu l’avait hautement honoré dans son oeuvre ; cependant, dès l’instant qu’il commença à penser à lui-même comme étant quelque chose — dès l’instant qu’il se mit à dire : « J’ai été très jaloux pour l’Éternel… et je suis resté, moi seul », le Seigneur lui enseigna qu’il se trompait, et lui ordonna d’établir son successeur.

Puissions-nous par là apprendre à être réellement humbles et pleins de renoncement à nous-mêmes dans notre service, quel qu’il soit. N’ayons pas la présomption de nous considérer nous-mêmes comme si nous étions quelque chose, ou d’envisager notre service comme s’il était l’accomplissement de quelque grande chose. Et alors même que notre ministère serait sans fruit, et que nous serions méprisés et repoussés, puissions-nous être capables de regarder en avant, à la fin où toute chose sera manifestée. C’est ce que faisait notre adorable Maître. Il tenait son regard fixé sur « la joie qui était devant Lui » et, en avançant vers cette joie, il ne se souciait pas des pensées des hommes. Il ne se plaignait pas de ceux qui le rejetaient, le méprisaient et le crucifiaient, et il ne les accusait pas. Non, une de ses dernières paroles sur la croix fut : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ». Maître béni ! accorde-nous une plus grande mesure de cet esprit de douceur, d’amour, de grâce et de pardon. Puissions-nous te ressembler, et marcher sur tes traces au travers de ce pauvre monde !

7 - L’enlèvement du prophète

Du moment où Élie avait jeté son manteau sur les épaules d’Élisée, nous pouvons considérer sa carrière prophétique comme presque achevée. Il est encore chargé d’un ou deux messages, comme nous l’avons déjà rappelé, mais quant à ce qui concerne son ministère relativement à Israël, on peut le regarder comme terminé, à dater de l’heure où Élisée, fils de Shaphath, d’Abel-Mehola, fut oint pour être prophète à sa place. C’est qu’en effet il avait lui-même abandonné l’oeuvre : « Il s’était levé et s’en était allé pour sa vie » ; en sorte que, pour parler à la manière des hommes, il était bien temps qu’il pensât à se désigner un successeur.

Mais en réfléchissant sur la vie et les temps d’Élie, nos pensées ne doivent pas s’arrêter seulement sur son caractère de prophète. Nous avons non seulement à le considérer comme un prophète, mais aussi comme un homme ; non seulement comme un serviteur, mais aussi comme un fils ; non seulement dans son office, mais aussi dans sa personne. Comme prophète, sa persévérance et l’heureuse issue de sa carrière devaient dépendre, en grande mesure, de sa fidélité. Aussi, quand il se laissa entraîner par un esprit incompatible avec le caractère d’un vrai serviteur, il dut résigner son office entre les mains d’un autre. (*)

(*) Il est peut-être à propos de signaler une objection que l’on pourrait faire à la déduction que j’ai tirée des actes du prophète. On peut dire qu’il avait été suscité à une époque spéciale de l’histoire d’Israël, et dans un but spécial, et que quand ce but eut été atteint, un instrument d’un autre genre était nécessaire. Tout cela est très vrai. Néanmoins il serait difficile de ne pas apercevoir l’impatience et la précipitation d’Élie dans le désir de résigner son poste, parce que les choses n’ont pas tourné comme il s’y attendait. Les conseils de Dieu et les actions de l’homme sont deux choses bien distinctes. Le ministère d’Élie le Thishbite avait occupé sa place dans l’histoire de la nation, sans doute, et, de plus, un autre genre d’instrument pouvait être exigé ; avec tout cela, la question de l’esprit qu’il montre et des actes qu’il fait demeure intacte. Josué pouvait être le successeur obligé de Moïse, néanmoins ce fut à cause de la précipitation de Moïse, qu’il lui fut interdit de traverser le Jourdain.

Il y avait pourtant de meilleures choses en réserve pour Élie. Il s’était laissé aller à la violence — il s’était caché dans une caverne, d’où il avait fait requête contre Israël — il avait impatiemment désiré être retiré de la carrière d’épreuves à laquelle il avait été appelé — il avait pu faire tout cela et, en conséquence, il avait pu aussi se voir appelé à résigner sa place ; mais cependant, le Dieu d’amour avait à son endroit des pensées de grâce qui jamais n’auraient pu monter dans son coeur. Qu’il est précieux et béni, de laisser à Dieu le soin d’adopter ses propres procédés dans ses dispensations envers nous ! Nous sommes sûrs de perdre quelque chose, quand nous voulons nous mêler dans la manière d’agir de Dieu, et cependant, cela a toujours été la tendance de l’homme. L’homme ne veut pas permettre à Dieu d’adopter sa propre méthode pour le justifier, mais il veut toujours intervenir dans le plan merveilleux de la rédemption ; et même lorsque, par l’efficace du Saint Esprit, il s’est soumis à la justice de Dieu, il prétend toujours de nouveau, malgré les expériences répétées qu’il fait de la sagesse supérieure de Dieu, chercher à intervenir dans la méthode de discipline et de conduite, comme s’il pouvait, mieux que Dieu, disposer des choses d’une manière favorable pour lui-même. Présomptueuse folie ! Pour quelques-uns, les résultats en seront la perdition éternelle ; pour d’autres, la privation actuelle de la bénédiction attachée à une plus grande connaissance et expérience du caractère et des voies de Dieu.

Si Élie avait vu sa requête exaucée, combien n’y aurait-il pas perdu ! Comme il valait mieux être enlevé au ciel dans un chariot de feu plutôt que d’être retiré de ce monde dans un accès d’impatience ! C’est cette dernière chose qu’Élie avait demandée, mais c’est la première que Dieu lui accorde. « Et il arriva que lorsque l’Éternel fit monter Élie aux cieux dans un tourbillon, Élie et Élisée partirent de Guilgal » (2 Rois 2:1). Je sortirais du cadre de cet écrit, si je m’arrêtais sur les circonstances de l’introduction d’Élisée dans l’office prophétique, sur sa lenteur d’abord, à suivre Élie et, plus tard, sur son refus positif de le quitter. Nous le voyons, dans ce chapitre, accompagnant Élie de Guilgal à Béthel, de Béthel à Jéricho, et de Jéricho au Jourdain. Tous ces endroits étaient célèbres dans l’histoire d’Israël.

Béthel, ou la maison de Dieu, était le lieu où Jacob avait vu jadis l’échelle mystique s’élevant de la terre au ciel, belle et juste expression des desseins futurs de Dieu relativement à la famille céleste et à la terrestre. Dans ce même lieu Jacob dut revenir, par le commandement exprès de Dieu, après qu’il se fut purifié des souillures de Sichem (Gen. 35 :1). Béthel était donc un endroit profondément intéressant pour le coeur d’un Israélite. Mais, hélas ! il avait été souillé. Le veau de Jéroboam n’avait que trop réellement fait oublier les principes sacrés de vérité enseignés par l’échelle de Jacob ; celle-ci élevait l’esprit de la terre au ciel — elle portait les coeurs en haut et en avant : en haut, au conseil éternel de la grâce de Dieu ; en avant, à la manifestation de ce conseil en gloire. Le veau, au contraire, ravalait le coeur et l’attachait à un système dégradant de religion politique, à un système dans lequel on employait le nom des choses célestes pour sauvegarder les réalités des choses terrestres. Jéroboam se servait de la maison de Dieu pour se garantir la possession du royaume d’Israël. Il était content de rester au bas de l’échelle, et ne se souciait nullement de regarder en haut. Son coeur terrestre ne désirait pas d’escalader les sublimes hauteurs auxquelles conduisait l’échelle de Jacob ; la terre et sa gloire était tout ce qu’il ambitionnait, et pourvu qu’il les obtint, peu lui importait un culte devant le veau de Baal à Béthel, ou devant l’autel de Jéhovah, à Jérusalem. Cela n’était rien pour lui. Jérusalem, Béthel ou Dan n’étaient que des noms pour cet homme politico-religieux, comme au reste pour tout homme semblable. La religion n’est qu’un instrument dans les mains des enfants de ce monde — un instrument pour creuser dans les entrailles de la terre, et non pas une échelle pour monter de la terre au ciel. L’homme souille tout ce qui est sacré ; mettez entre ses mains la vérité la plus pure, la plus céleste, et bientôt il l’aura profanée ; confiez à sa garde l’ordonnance la plus précieuse, la plus émouvante, bientôt il l’aura convertie en une forme sans vie, et il aura complètement perdu les principes qu’elle devait faire ressortir. Il en était ainsi de Béthel. Il en est ainsi de toutes les choses saintes avec lesquelles l’homme a à faire.

Quant à Guilgal, d’où les deux prophètes étaient partis, c’était aussi un endroit digne d’intérêt. C’était là que l’Éternel avait roulé l’opprobre d’Égypte de dessus son peuple ; là que les enfants d’Israël avaient célébré leur première Pâque dans le pays de Canaan, et qu’ils s’étaient restaurés en mangeant le blé du pays. Guilgal était un point de ralliement pour Josué et pour ses hommes de guerre ; c’est de là qu’ils sortaient, dans la force de l’Éternel, pour remporter de glorieux triomphes sur les incirconcis, et c’est là qu’ils retournaient pour partager le butin. Ainsi Guilgal était un lieu sur lequel les affections d’un Israélite pouvaient bien se porter ; un lieu qui rappelait bien des saints souvenirs. Cependant il en avait ainsi perdu toute la réalité. L’opprobre d’Égypte avait de nouveau roulé sur Israël. Les principes autrefois en relation avec Guilgal avaient perdu leur empire sur les coeurs du peuple de Dieu professant. Bokim (le lieu des larmes) avait depuis longtemps remplacé Guilgal relativement à Israël, et Guilgal était devenu une forme vide — forme ancienne, sans doute, mais sans vertu, car Israël avait cessé de marcher dans la vérité enseignée à Guilgal.

Puis, quant à Jéricho, c’était là que les armées de l’Éternel, sous leur vaillant capitaine, avaient remporté leur première victoire dans le pays de la promesse, et manifesté la puissance de la foi. Enfin, quant au Jourdain, c’était là qu’Israël avait eu une manifestation si frappante de la puissance de l’Éternel, en relation avec l’arche de sa présence. Le Jourdain était l’endroit où, en type, la mort avait été vaincue par le pouvoir de la vie ; le fleuve, dont le milieu et les bords, présentaient les trophées de la victoire sur l’ennemi.

Ainsi ces diverses places, Béthel, Guilgal, Jéricho et le Jourdain étaient profondément intéressantes pour le coeur d’un vrai fils d’Abraham ; mais leur efficace et leur signification étaient perdues : Béthel n’était plus que de nom la maison de Dieu ; Guilgal n’était plus apprécié comme la place où l’opprobre d’Égypte avait été roulé de dessus le peuple. Les murailles de Jéricho, qui avaient été détruites par la foi, étaient rebâties. Le Jourdain n’était plus considéré comme la scène de la puissance de L’Éternel. En un mot, tous ces lieux étaient devenus de pures formes sans influence et, même au temps d’Élie, le Seigneur aurait pu, relativement à ces choses, adresser à son peuple ces énergiques paroles : « Cherchez-moi, et vous vivrez ; et ne cherchez pas Béthel, et n’allez pas à Guilgal, et ne passez pas à Beër-Shéba ; car Guilgal ira certainement en captivité, et Béthel sera réduite à rien. Cherchez l’Éternel, et vous vivrez » (Amos 5 :4-6). Il y a ici une importante vérité pour tous ceux dont les coeurs sont enclins à s’attacher à d’anciennes formes. Ce frappant passage nous apprend, que rien ne subsistera si ce n’est la divine réalité d’une communion personnelle avec Dieu. Les hommes peuvent plaider en faveur des formes, de leur grande antiquité ; mais où trouverions-nous une plus grande antiquité que celle dont Béthel et Guilgal pouvaient se glorifier ? Cependant ces places tombèrent et furent détruites, et les fidèles furent exhortés à les abandonner et à regarder, avec une foi simple, au Dieu vivant.

Notre prophète traversa donc tous ces lieux dans l’énergie et la dignité d’un homme céleste. Sa destination était au-delà et au-dessus de tous ces endroits. Élie cherche, à plusieurs reprises, à laisser Élisée en arrière, tandis qu’il se hâtait sur le chemin qui devait aboutir au ciel ; mais ce dernier s’attache à lui et l’accompagne, pour ainsi dire, jusqu’à la porte des cieux, et il réprime l’inquiète curiosité de ses frères moins intelligents, par ces mots : « taisez-vous ». Mais Élie marche en avant dans l’énergie de sa mission céleste : « L’Éternel m’envoie », dit-il, et en obéissance au commandement divin, il passe par Guilgal, Béthel, Jéricho et le Jourdain, laissant derrière lui toutes ces anciennes formes et ces localités sacrées, qui auraient pu attirer les affections de tous ceux qui n’étaient pas, comme Élie le Thishbite, portés en avant dans une céleste espérance. Les fils des prophètes pouvaient s’arrêter à ces choses, qui réveillaient peut-être en eux maint souvenir sacré ; mais pour celui dont l’esprit était rempli de la pensée de son enlèvement au ciel, les choses de la terre, quelque sacrées ou vénérables qu’elles puissent être, ne sauraient lui présenter aucun attrait. Son objet, c’était le ciel, et non pas Béthel ou Guilgal. Il allait quitter la terre et toutes ses fatigantes scènes ; il allait laisser derrière lui Achab et Jézabel s’avançant vers leur terrible jugement, pour arriver au-dessus de la région des alliances abandonnées, des autels démolis, et des prophètes tués par l’épée ; en un mot, pour passer au-delà des obscurités et des douleurs, des épreuves et des déceptions de ce monde orageux, — et cela non pas par la voie de la mort, mais par un chariot céleste. La mort ne devait point avoir de puissance contre cet homme céleste. Sans doute, son corps fut changé en un clin d’oeil, car « la chair et le sang ne peuvent pas hériter du royaume de Dieu, et la corruption n’hérite pas de l’incorruptibilité » ; mais la mort n’a point de pouvoir sur lui ; c’est plutôt comme un vainqueur qu’il monte dans son char de triomphe, et qu’il entre ainsi dans son repos. Heureux homme ! Pour lui, le combat était fini ; la course était achevée, la victoire sûre. Il avait été étranger ici-bas, en contraste avec les hommes du monde, et même en contraste avec plusieurs des enfants du royaume. Il était sorti des montagnes de Galaad, les reins ceints, comme un témoin fidèle de Dieu, pour rendre un sévère témoignage contre le train de vie d’un monde professant. Il n’avait ni demeure, ni lieu de repos ici-bas, mais, comme étranger et voyageur, il courait en avant vers son repos céleste.

D’un bout à l’autre, la carrière d’Élie fut une carrière unique. Comme Jean le Baptiseur, il était « une voix criant dans le désert », loin des rassemblements des hommes, et partout où il faisait son apparition, il était comme un météore céleste, dont l’origine et la destinée étaient également au-dessus de la portée des idées humaines. L’homme à la ceinture de cuir n’était connu que comme le témoin contre le mal — le messager de la vérité de Dieu. Il n’avait point de communion avec l’homme, en tant qu’homme ; mais, dans toutes ses voies, il conservait une dignité qui, à la fois, repoussait toute influence charnelle d’autrui et lui assurait la vénération et le respect. Il était comme entouré de la sainte solennité du sanctuaire, en sorte que la vanité et la folie ne pouvaient tenir en sa présence. Il n’était pas, comme son successeur Élisée, un homme sociable ; son chemin fut solitaire : « il vint, ne mangeant ni ne buvant ». En un mot, il fut singulier en toutes choses : singulier à son entrée dans la carrière prophétique — singulier à la manière dont il en sortit. Il fut une exception, et une exception remarquable. Le fait même qu’il ne fut pas appelé à passer par les portes du sépulcre, suffirait amplement pour attirer sur lui une attention toute spéciale.

Mais observons la route que suivit notre prophète, en s’acheminant vers la scène de son enlèvement. Il refaisait le même chemin qu’avait fait jadis, mais en sens contraire, le camp d’Israël. Israël avait marché du Jourdain à Jéricho, mais Élie marchait de Jéricho au Jourdain. En d’autres termes, comme le Jourdain était ce qui séparait le désert du pays, le prophète le traversa, laissant ainsi Canaan derrière lui. Son chariot le rencontra, non pas dans le pays, mais dans le désert. Le pays était souillé, il devait bientôt être purifié de ceux qui y avaient introduit la souillure — la gloire devait bientôt s’éloigner même de la place la plus privilégiée — I-Cabod allait être écrit sur tout cela ; c’est pourquoi le prophète le quitte et passe dans le désert, en indiquant ainsi aux entendements spirituels qu’il ne restait rien pour des hommes célestes, si ce n’est le désert et le repos en haut. La terre ne devait plus être le lieu du repos ou la portion de l’homme de Dieu ; elle était souillée. Les eaux du Jourdain avaient été divisées pour permettre à Israël de passer du désert en Canaan ; elles vont maintenant être divisées pour permettre à un homme céleste de passer de Canaan au désert, où l’attendait son chariot, prêt à le transporter de la terre au ciel. Les choses terrestres et les espérances terrestres étaient bannies de l’esprit d’Élie ; il avait appris la totale vanité de tout ce qui est ici-bas — et il ne lui restait plus rien qu’à regarder au-delà de ces choses. Il s’était fatigué au milieu des autels démolis d’Israël — il avait travaillé et rendu témoignage pendant des années au milieu d’un peuple rebelle et contredisant — il avait ardemment désiré de déloger et d’entrer dans le repos, et c’est ce qui allait lui arriver, mais d’une manière digne de Dieu — Dieu Lui-même allait placer ses bras éternels autour de son serviteur, pour le garantir du pouvoir de la mort. — Ici la mort n’avait point d’aiguillon, le sépulcre point de victoire. Élie, sur le sable du désert, eut le privilège de regarder directement en haut et, sans être entravé par les circonstances humiliantes de la maladie et de la mort, de voir le ciel ouvert pour le recevoir. Au sujet de son départ de la terre, notre prophète fut exempté de toutes les circonstances pénibles qui sont le lot de l’humanité déchue. Il échangea son manteau de prophète contre un chariot de feu. Il était joyeux de laisser son manteau tomber à terre pendant qu’il montait au ciel. Pour lui, la terre n’était qu’une place souillée et périssable dans la création de Dieu, et il était fort heureux de se dépouiller de tout ce qui lui rappelait ses relations avec elle. Il laissait derrière lui, il est vrai, un homme qui savait l’apprécier et qui sentirait sa perte — un homme qui, en contemplant son miraculeux enlèvement, s’écriait : « Mon père ! Mon père ! Char d’Israël et sa cavalerie ! » mais qu’était-ce que tout cela ? Il s’élevait maintenant au-dessus de la région des sentiments purement humains et des affections humaines. Élisée pouvait dire : « Que je baise, je te prie, mon père et ma mère » ; mais notre prophète était déjà au-dessus de ces affections naturelles. Les choses humaines n’étaient plus rien pour lui : il avait la terre derrière lui, le ciel devant lui, les choses humaines au-dessous de lui. Quelle position ! Et pourtant c’est la seule position que tout homme céleste devrait occuper. Le monde et la terre n’ont plus aucun droit sur l’homme qui croit en Jésus. La croix a brisé toutes les chaînes qui l’attachaient précédemment à la terre. De même que le Jourdain sépara Élie de Canaan et l’amena, dans le désert, à la rencontre du chariot de Dieu, ainsi la croix a introduit le croyant sur un tout nouveau terrain — elle l’a mis dans les réelles circonstances du désert — elle l’a placé, lui aussi, de l’autre côté de la mort, n’ayant d’autre objet devant lui que son enlèvement à la rencontre du Seigneur, en l’air.

Telle est la part réelle, incontestable de chaque saint, quelque faible et ignorant qu’il soit ; mais s’il s’agit d’en faire l’heureuse expérience, c’est tout autre chose. Pour y parvenir, il nous faut être beaucoup seuls avec Dieu ; il faut que nous connaissions l’exercice fréquent du propre jugement. La chair et le sang ne peuvent jamais être amenés à comprendre l’enlèvement d’un homme céleste. En effet, nous voyons que même les fils des prophètes ne le comprenaient pas, car ils disaient à Élisée : « Voici, il y a avec tes serviteurs cinquante hommes, des hommes vaillants ; qu’ils aillent, nous te prions, et qu’ils cherchent ton maître : l’Esprit de l’Éternel l’aura peut-être emporté et l’aura jeté sur quelque montagne ou dans quelque vallée ». Ils n’avaient pas de pensées plus élevées au sujet de l’enlèvement du prophète : « l’Esprit de l’Éternel l’a jeté sur quelque montagne ou dans quelque vallée ». Ils ne pouvaient pas concevoir qu’il eût été transporté au ciel sur un chariot de feu. Ils s’arrêtaient encore aux choses de la terre, et n’avaient pas le sens spirituel suffisamment exercé pour comprendre et apprécier une aussi glorieuse vérité. Élisée cède à leur importunité, et ils apprennent quelle est la folie de leurs pensées par la peine inutile que se donnent leurs messagers. Cinquante hommes vaillants ne purent trouver nulle part le prophète enlevé. Il s’en était allé, et il fallait une tout autre force que celle de la nature pour suivre la même route que lui. « l’homme animal ne reçoit pas les choses qui sont de l’Esprit de Dieu,… et il ne peut les connaître, parce qu’elles se discernent spirituellement ». Ceux qui marchent par l’Esprit comprendront mieux le privilège du prophète d’être délivré de tout tribu à la mortalité, et d’être introduit d’une manière aussi glorieuse dans son céleste repos.

Telle fut donc la fin de la carrière de notre prophète. Glorieuse fin ! Qui ne dirait pas : « Que ma fin soit semblable à la sienne ». ? Béni soit l’amour qui a voulu qu’un homme soit ainsi honoré. Bénie soit la grâce qui a conduit le Fils de Dieu — le Prince de la vie — à descendre du sein de sa gloire dans les cieux, et à se soumettre à la mort ignominieuse de la croix, en vertu de laquelle, même en perspective, le prophète Élie fut exempté du salaire du péché, et autorisé à passer dans les régions de la lumière et de l’immortalité sans avoir ressenti même l’odeur de la mort. Comme nous devrions adorer cet amour, cher lecteur chrétien ! Oui, tout en étudiant les traces de l’homme remarquable, dont l’histoire nous a occupés — tout en le suivant de Galaad au Kerith, du Kerith à Sarepta, de Sarepta au Carmel, du Carmel à Horeb, et de Horeb au ciel, nous devons nous sentir comme forcés de nous écrier : « Oh ! Quel amour parfait que l’amour de Dieu ! » Qui pourrait concevoir que l’homme mortel pût fournir une telle carrière ? Qui, si ce n’est Dieu, pouvait opérer de telles choses ? La vie d’Élie le Thishbite magnifie extrêmement la grâce de Dieu, et confond la sagesse de l’ennemi. L’enlèvement d’un saint au ciel est un des fruits les plus précieux et des plus magnifiques résultats de la rédemption. Sauver une âme de l’enfer est, en soi, une oeuvre glorieuse, un superbe triomphe — ressusciter le corps d’un saint endormi est une manifestation plus éclatante encore de la grâce et de la puissance divines ; mais prendre un homme vivant, dans toute la vigueur et l’énergie de son existence naturelle et le transporter de la terre au ciel, est un des plus admirable déploiement de la puissance de Dieu et de la valeur de la rédemption qu’aucune chose que nous puissions concevoir. Ce fut là le sort d’Élie. Ce n’était pas seulement le salut de son âme, ni la résurrection de son corps, mais c’était l’enlèvement de sa personne, « corps, âme et esprit ». Il fut retiré du milieu du tumulte et de la confusion de ce monde. La marée du mal pouvait de plus en plus s’avancer — les hommes et les principes pouvaient continuer à agir et à se montrer ; la mesure des iniquités d’Israël pouvait bientôt être comble — et l’orgueilleux Assyrien pouvait bientôt entrer sur la scène, comme la verge du courroux de Dieu, pour châtier son peuple ; mais qu’était tout cela pour le prophète enlevé ? Rien. Le ciel s’était ouvert sur lui, lorsqu’il se tenait, inoffensif pèlerin dans le désert. Il en avait maintenant fini avec la terre de Canaan, avec ses souillures et sa dégradation, et il allait prendre sa place là-haut, pour y attendre les scènes solennelles auxquelles il devait et doit encore prendre part.

Ayant ainsi vu notre prophète monter au ciel, nos réflexions sur sa vie et sur son époque pourraient naturellement se terminer ici. Cependant il est une scène particulière dans laquelle il apparaît dans le Nouveau Testament, et si nous ne nous y arrêtions pas un instant, notre esquisse de cet homme de Dieu serait incomplète. Je veux parler de la montagne de la transfiguration, où Moïse et Élie apparurent en gloire, s’entretenant avec le Seigneur Jésus Christ, du départ qu’il allait accomplir à Jérusalem. Le Seigneur Jésus avait pris avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les avait menés seuls, à l’écart, sur une haute montagne, afin de leur manifester l’aspect de sa gloire future, et cela dans le but de fortifier leurs coeurs pour les circonstances critiques par lesquelles, soit lui, soit eux, devaient encore passer. Quelle compagnie ! Le Fils de Dieu dont le vêtement était d’une blancheur étincelante — Moïse, type de ceux qui se sont endormis en Jésus — Élie, type des saints transmués, et Pierre, Jacques et Jean, qui sont appelés les colonnes de l’Église ! Il est évident que l’intention du Seigneur était de préparer ses apôtres à la vue de ses souffrances, en leur montrant comme un spécimen des gloires qui devaient les suivre. Il voyait la croix, avec tout son cortège d’horreurs, au-devant de Lui ; peu avant sa transfiguration il avait dit aux douze : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, et qu’il soit rejeté des anciens et des principaux sacrificateurs et des scribes, et qu’il soit mis à mort, et qu’il ressuscite après trois jours » ; mais avant d’entrer dans ces terribles souffrances, il voulut montrer à trois d’entre eux quelque chose de sa gloire. La croix est, en réalité, la base de tout. La gloire future de Christ et de ses saints — la joie d’Israël rétabli dans le pays de Canaan, et l’affranchissement des créatures de la servitude de la corruption, tout se rattache à la croix du Seigneur Jésus Christ. Ses douleurs et ses souffrances ont assuré la gloire de l’Église, la restauration d’Israël et la bénédiction de la création tout entière. Il n’est donc pas étonnant que la croix soit le sujet de l’entretien entre Christ et ses compagnons dans la gloire. « Ils parlaient de sa mort qu’il allait accomplir à Jérusalem ». Tout dépendait de ce grand fait. Le passé, le présent et l’avenir, tout reposait sur la croix, comme sur une base immortelle. Moïse pouvait voir et reconnaître, dans la croix, ce qui mettait de côté la loi avec ses rites et ses cérémonies, qui n’étaient que des ombres ; Élie pouvait voir et reconnaître en elle, ce qui pouvait donner efficace à tout le témoignage prophétique. La loi et les prophètes montraient en avant la croix, comme le fondement de la gloire à venir. Qu’il était donc profondément intéressant le sujet de cette conversation sur la montagne de la transfiguration, au milieu de la gloire magnifique ! Il était intéressant pour la terre — intéressant pour le ciel — intéressant pour l’immense création de Dieu. Il forme le centre de tous les conseils, de tous les décrets divins — il concilie, dans une sainte harmonie, tous les attributs de Dieu — il fonde et sauvegarde, sur des principes immuables, la gloire de Dieu et la paix du pécheur — là dessus on peut avoir gravé en caractères ineffaçables : « Gloire à Dieu dans les lieux très hauts ; et sur la terre paix, et bon plaisir dans les hommes ». Il n’est donc pas étonnant, je le répète, que Moïse et Élie apparaissant en gloire, pussent parler d’un pareil sujet. Ils allaient retourner à leur repos, tandis que leur adorable Maître devait redescendre dans la lice du combat, pour rencontrer la croix dans toute son épouvantable réalité ; mais ils savaient très bien que Lui et eux se rencontreraient encore au milieu d’une gloire qui ne sera jamais couverte d’un nuage — une gloire dont Lui, l’Agneau, doit être la source et le centre à jamais — une gloire qui brillera d’un éclat éternel, quand toutes les gloires humaines et terrestres seront obscurcies par les ombres d’une éternelle nuit.

Mais que devenaient les disciples pendant cette merveilleuse conversation ? À quoi s’occupaient-ils ? Ils dormaient ! Ils dormaient alors que Moïse et Élie s’entretenaient avec le Fils de Dieu de sa croix et de sa passion ! Étonnante insensibilité ! La nature peut dormir même en présence de la gloire magnifique. (*)

(*) Il est assez remarquable que nous retrouvions ces mêmes disciples dormant pendant les sombres heures de l’agonie de notre Seigneur dans le jardin. Ils dormaient à la vue de la gloire, ils dormaient de même à la vue de la croix. Il est tout aussi impossible à la nature d’entrer dans l’une que dans l’autre. Et pourtant notre bien-aimé Maître ne leur fait pas de reproches dans les deux cas, si ce n’est qu’il dit à celui qui se mettait le plus en avant, au plus confiant en lui-même d’entre eux : « Ainsi, vous n’avez pas pu veiller une heure avec moi ! » Il connaissait ceux avec qui il avait affaire ; il savait que « l’esprit est prompt, mais que la chair est faible ». Maître débonnaire, tu étais toujours disposé à user d’indulgence envers tes pauvres disciples, et tu disais : « Vous êtes ceux qui avez persévéré avec moi dans mes tentations », à ceux qui avaient dormi sur la montagne, dormi dans le jardin, et qui allaient te renier et t’abandonner au moment de ta plus grande détresse !

« Et quand ils furent réveillés, ils virent sa gloire, et les deux hommes qui étaient avec lui. Et il arriva, comme ils se séparaient de lui, que Pierre dit à Jésus : Maître, il est bon que nous soyons ici ; et faisons trois tentes : une pour toi, et une pour Moïse et une pour Élie, ne sachant ce qu’il disait ». Sans doute, il était bon d’être là ; beaucoup meilleur que de descendre de cette élévation et de cette gloire pour rencontrer de nouveau toutes les contradictions et la duplicité des hommes. Quand Pierre vit la gloire, et Moïse et Élie, l’idée se présente aussitôt à son esprit juif que rien ne pouvait empêcher la célébration de la fête des Tabernacles. Il avait dormi, pendant qu’ils parlaient de « la mort », il avait cédé à la nature, pendant que les souffrances de son Maître faisaient le sujet de leurs discours, et quand il se réveille, il ne voit rien de mieux, que de planter sa tente au milieu de cette scène de paix et de gloire, sous les cieux ouverts. Mais, hélas ! il ne savait ce qu’il disait. Cet aspect de gloire n’était qu’un instant passager. Les étrangers célestes allaient s’éloigner ; le Seigneur Jésus devait être livré entre les mains des hommes. Il devait passer de la montagne de gloire à celle des souffrances ; Pierre lui-même devait encore être criblé par Satan — pour être profondément humilié et brisé sous le sentiment de sa chute honteuse — puis pour être ceint par un autre et conduit où il ne voudrait pas ; une longue et aride période — une sombre nuit de souffrance et de tribulation attendait l’Église ; les armées de Rome fouleraient aux pieds la sainte cité et dévasteraient ses remparts ; les foudres de la guerre et des révolutions politiques gronderaient encore, avec une terrible violence, sur tout le monde civilisé : toutes ces choses, et bien d’autres encore, devaient se passer, avant que la pensée que caressait follement le pauvre coeur de Pierre pût se réaliser sur la terre.

Le prophète Élie doit visiter de nouveau ce monde « avant que vienne le grand et terrible jour de l’Éternel » (Mal. 4:5). « En effet », dit Jésus, « Élie vient premièrement, et il rétablira toutes choses » (Matt. 17:11). Jusques à quand, ô Seigneur ? Que cela puisse être le cri continuel de nos coeurs, pendant notre passage ici-bas, pour nous rendre à ce repos et à cette gloire qui sont devant nous. « Le temps est court », et l’éternité, avec ses divines et glorieuses réalités est à la porte. Puissions-nous vivre et marcher comme à la lumière de cette éternité. Puissions-nous être toujours capables de contempler, par les yeux de la foi, les brillants rayons du matin du millenium — de ce matin sans nuages, illuminant au loin les collines. Tout aboutit là ; chaque événement qui arrive, chaque voix qui frappe l’oreille, nous parle de la rapide approche du royaume ; — on peut entendre mugir la mer et ses vagues, on peut voir les nations en convulsion, les trônes renversés ; — toutes ces choses ont une voix pour l’oreille circoncise, et cette voix dit : « Regardez en haut ». Ceux qui ont reçu le Saint Esprit ont reçu les arrhes de leur futur héritage ; et les arrhes, nous le savons, sont une partie de la chose que l’on doit obtenir. Ils ont été sur la montagne, et quoique la nuée les ait couverts eux aussi — quoique eux aussi aient dû descendre de la montagne pour rencontrer l’épreuve et l’affliction ici-bas, cependant ils ont un avant-goût de la joie et des bénédictions qui seront à eux à jamais ; et ils peuvent sincèrement, chaque jour, à mesure qu’ils avancent, rendre grâces à Dieu de ce que leurs espérances ne sont pas limitées au triste horizon de ce monde, mais d’avoir une demeure au-delà et au-dessus de toute cette scène.


8 - Conclusion — Considérations sur la doctrine de l’Église, spécialement la doctrine du caractère céleste de l’Église

8.1 - Ministère d’Élie image de l’Église comme famille céleste

Quoique, quant au caractère de son ministère, Élie le Thishbite ait eu beaucoup de rapport avec Jean le Baptiseur, comme nous l’avons déjà fait remarquer, cependant si l’on envisage son individualité, si l’on considère sa carrière qui n’eut presque rien de terrestre et fut celle d’un pèlerin, et surtout son enlèvement au ciel, il se présente à nous comme un remarquable emblème de l’Église ou de la famille céleste. Arrivé ici, je pense que quelques considérations sur l’importante doctrine de l’Église ne seront pas de trop comme conclusion de cette esquisse de la vie et du temps d’Élie.

Il importe extrêmement au chrétien de bien comprendre la doctrine du caractère céleste de l’Église. C’est là, on le verra de plus en plus, le seul préservatif contre les formes variées du mal et la mauvaise doctrine qui prévaut autour de nous. Être sainement instruit de l’origine céleste, de la position céleste et de la céleste destinée de l’Église est la plus efficace sauvegarde contre la mondanité dans la marche chrétienne actuelle, comme aussi contre le faux enseignement relativement aux espérances futures des saints. Tout système de doctrine ou de discipline qui voudrait rattacher l’Église à la terre, soit dans sa condition actuelle, soit dans ses perspectives pour l’avenir, doit être mauvais et doit avoir une pernicieuse influence. L’Église n’appartient pas à la terre. Sa vie, sa position, ses espérances, tout en elle est céleste, dans le sens le plus élevé de ce mot. La vocation et l’existence de l’Église sont, humainement parlant, une conséquence de la malédiction de la terre actuelle. Le jardin d’Éden et le pays de Canaan furent successivement le théâtre de l’action de Dieu ; mais le péché, comme nous le savons, les a gâtés l’un et l’autre ; et maintenant tous ceux qui croient l’Évangile de la grâce de Dieu, à eux annoncé au nom d’un Sauveur crucifié, ressuscité et monté au ciel, sont constitués membres vivants du corps de Christ, et appelés par là même à abandonner toute espérance terrestre. Étant vivifiés par la voix de celui qui a traversé les cieux, et non seulement cela, mais ayant leur vie unie à la sienne, ils doivent marcher sur la terre comme des étrangers et des voyageurs. La position d’Élie le Thishbite, se tenant sur le bord du Jourdain du côté du désert, et attendant d’être enlevé au ciel, présente fort bien la position de l’Église en corps ou du croyant individuellement. L’Église proprement dite sait que les deux termes de son existence sont, d’un côté la croix ; de l’autre, la venue de son Seigneur : et nous pouvons certes dire qu’il n’y a point de place pour la terre entre ces deux saintes limites. Envisager l’Église comme une corporation terrestre, quelque sainte et conforme aux Écritures qu’elle puisse être d’ailleurs, c’est la ravaler infiniment au-dessous des pensées de Dieu à son égard.

8.2 - État de la doctrine du caractère céleste de l’Église

8.2.1 - avant les 12 apôtres

La doctrine du caractère céleste de l’Église fut développée dans toute sa puissance et sa beauté, par le Saint Esprit sous la plume de l’apôtre Paul. Jusqu’à lui, et même pendant les premiers temps de son ministère, le conseil de Dieu était d’agir sur Israël. Il y avait eu une série non interrompue de témoins, dont la mission avait eu exclusivement pour objet la maison d’Israël. Les prophètes, comme nous l’avons déjà fait observer au commencement de cet écrit, rendaient témoignage aux israélites, non seulement de leur chute totale, mais aussi de l’établissement futur du royaume, conformément à l’alliance traitée avec Abraham, Isaac, Jacob et David. Ils ne parlaient pas de l’Église, corps de Christ. Comment l’auraient-ils pu, puisque c’était là un profond mystère, « lequel, en d’autres générations, n’a pas été donné à connaître aux fils des hommes » ? (Éph. 3:5) La pensée de l’Église composée de juifs et de gentils, « assis ensemble dans les lieux célestes », était tout à fait au-dessus de la portée du témoignage prophétique. Sans doute, Ésaïe parle, dans un style des plus élevés, de la gloire de Jérusalem aux derniers jours ; il parle des nations marchant à sa lumière, et des rois, à la splendeur qui se lèvera sur elle ; mais il ne s’élève jamais plus haut que le royaume et, conséquemment, aucune de ses pensées à ce sujet ne dépasse l’alliance faite avec Abraham, qui assure une éternelle bénédiction à sa postérité et, par elle, aux gentils. Nous pouvons parcourir toutes les pages inspirées de l’Ancien Testament, d’un bout à l’autre, sans y trouver ni l’exposition, ni la solution du grand mystère de l’Église.

Puis encore dans le ministère de Jean le Baptiseur, nous faisons la même observation. Nous avons la somme et la substance de son témoignage dans ces paroles : « Repentez-vous, car le royaume s’est approché ». Il vint, comme le grand précurseur du Messie, cherchant à ramener l’ordre moral dans tous les rangs du peuple. Il disait aux juifs ce qu’ils avaient à faire dans cet état de transition où son ministère aurait dû les introduire, et il leur montrait Celui qui allait venir. Trouvons-nous, en tout cela, quelque chose du mystère ? Pas un mot. Encore ici, le Royaume est la plus haute pensée. Jean amenait ses disciples aux eaux du Jourdain — la place de la confession, mais il ne pouvait pas les faire monter de là ; c’est ce qui était réservé à « un plus puissant que lui ».

Le Seigneur Lui-même reprend la chaîne du témoignage. Les prophètes avaient été lapidés — Jean avait été décapité — et maintenant « le Fidèle Témoin » entrait sur la scène, et non seulement il déclarait que le royaume était près, mais il se présentait lui-même à la fille de Sion comme son roi. Lui aussi fut rejeté et, comme la plupart des témoins précédents, il scella son témoignage de son sang. Israël ne voulut rien du roi que Dieu lui envoyait, et Dieu ne voulut pas donner le royaume à Israël.

8.2.2 - avec les 12 apôtres

Ensuite, vinrent les douze apôtres qui, eux aussi, relevèrent la chaîne du témoignage. Immédiatement après la résurrection, ils demandent au Seigneur : « Est-ce en ce temps-ci que tu rétablis le royaume pour Israël ? » Leurs esprits étaient préoccupés de la pensée du royaume. « Nous espérions », disent les deux disciples allant à Emmaüs, « qu’il était celui qui doit délivrer Israël ». Et il en était bien ainsi. La question était quand la chose arriverait. Le Seigneur ne blâme nullement ses disciples d’avoir l’esprit occupé du royaume ; il se borne à leur dire : « Ce n’est pas à vous de connaître les temps ou les saisons que le Père a réservés à sa propre autorité. Mais vous recevrez de la puissance, le Saint Esprit venant sur vous ; et vous serez mes témoins à Jérusalem et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’au bout de la terre » (Actes 1:6-8) En conséquence, l’apôtre Pierre, dans son premier discours aux israélites, leur offre le royaume : « Repentez-vous donc et vous convertissez, pour que vos péchés soient effacés : en sorte que viennent des temps de rafraîchissement de devant la présence du Seigneur, et qu’il envoie Jésus Christ, qui vous a été préordonné, lequel il faut que le ciel reçoive, jusqu’aux temps du rétablissement de toutes choses dont Dieu a parlé par la bouche de ses saints prophètes de tout temps » (Actes 3:19-21) Avons-nous là le développement du mystère ? Non. Le résultat de ce témoignage fut simplement le rassemblement d’un certain nombre de croyants formant une corporation à Jérusalem. Les individus ainsi rassemblés ne reçurent aucun enseignement concernant la position distincte de l’Église dans le ciel. Le temps n’était pas venu pour cela. La doctrine de l’Église devait être, plus tard, imposée, pour ainsi dire, comme quelque chose de tout à fait extraordinaire — quelque chose de complètement en dehors du cours régulier des choses. L’Église, telle qu’elle nous est montrée au commencement des Actes, nous présente un modèle exquis de grâce et de bon ordre dans sa marche, mais rien n’y dépasse ce que l’homme pourrait connaître et apprécier. En un mot, c’était encore plutôt le royaume que le grand mystère de l’Église. Ceux qui se figurent que les premiers chapitres des Actes nous font voir l’Église dans son aspect le plus élevé, n’ont nullement compris la pensée divine sur ce sujet. La vision de Pierre, en Actes 10, est évidemment un progrès dans sa prédication du chapitre 3. La grande toile descendait du ciel et y remontait ; en outre elle contenait des animaux purs et impurs, et si elle pouvait paraître un emblème de l’Église, la grande idée du mystère céleste n’était pas encore pleinement manifestée.

8.2.3 - au concile de Jérusalem

Dans le concile assemblé à Jérusalem, pour élucider la question qui s’était élevée relativement aux gentils, nous voyons les apôtres adhérant tous à cette position de Jacques : « Siméon a raconté comment Dieu a premièrement visité les nations pour en tirer un peuple pour son nom. Et avec cela s’accordent les paroles des prophètes, selon qu’il est écrit : Après ces choses, je retournerai et je réédifierai le tabernacle de David, qui est tombé, et je réédifierai ses ruines, et je le relèverai, en sorte que le résidu des hommes recherche le Seigneur, et toutes les nations sur lesquelles mon nom est réclamé, dit le Seigneur, qui fait ces choses » (Actes 15:14-17) De ce passage ressort cet enseignement, c’est qu’il n’y avait rien dans l’appel des gentils qui ne fut en harmonie avec les paroles des prophètes. On pourrait, dans un sens, en dire de même du mystère de l’Église ; car, quoiqu’il n’y ait absolument rien là-dessus dans les prophètes, cela ne ferait pourtant pas une dissonance avec leurs prédictions, mais plutôt, étant rapproché de ces prédictions, il n’en résulterait que de l’harmonie. Il y a une bien grande différence entre les prophètes exposant eux-mêmes une vérité, et les prophètes se trouvant d’accord avec une vérité mise en avant par un autre.

Mais voici la question : Est-ce que le concile de Jérusalem a compris la vérité de l’Église — Juifs et gentils en un seul corps — assise dans les lieux célestes ? Je ne le pense pas. Quelques-uns de ceux qui y assistaient pouvaient l’avoir entendu annoncer par Paul (Voyez Galates 2:1, 2), mais, envisagés collectivement, ils ne paraissent pas l’avoir comprise alors. La question qu’ils avaient à discuter n’était pas la place de l’Église dans le ciel, mais plutôt comment elle devait être conduite et dirigée dans sa condition terrestre. Nous concluons donc, que la prédication de l’Évangile par la bouche de Pierre n’était pas le développement du grand mystère de l’Église, mais seulement l’ouverture au royaume, conformément aux paroles des prophètes, et aussi à la commission de Pierre en Matt. 16 : « Et moi aussi je te dis que tu es Pierre ; et sur ce roc je bâtirai mon assemblée, et les portes du hadès ne prévaudront pas contre elle. Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre, sera lié dans les cieux ; et tout ce que tu délieras sur la terre, sera délié dans les cieux ». Remarquez qu’il s’agit ici du royaume, et non pas de l’Église dans son aspect céleste : il n’y a rien là sur l’Église dans le ciel ; au contraire, l’Église est considérée, dans la personne de Pierre, sur la terre, comme liant et déliant là seulement ; elle n’est nullement assise dans les cieux. Pierre reçut les clefs du royaume, et il s’en servit, d’abord pour ouvrir le royaume aux Juifs, puis aux gentils. Mais Pierre ne reçut jamais la commission de conduire l’Église dans les lieux célestes. Non, il contemple l’Église sur la terre et non dans le ciel. Même dans ses épîtres, nous ne trouvons rien sur le « mystère ». Il voit l’Église ici-bas, comme étrangère sans doute, mais sur la terre ; ayant son espérance dans le ciel, mais n’y étant pas encore.

8.2.4 - avec le ministère de Paul

Il était réservé au grand apôtre des gentils d’exposer, dans l’énergie et la puissance du Saint Esprit, le mystère dont nous parlons. Il fut cependant suscité avant le temps, comme lui-même nous le dit : « Et après tous, comme d’un avorton, il a été vu aussi de moi ». Les choses n’étaient pas suffisamment mûres pour le développement du mystère dont Paul devait être le ministre spécial ; de là vient qu’il parle de lui-même comme d’un homme né avant terme ; car telle est la force du mot original. Et comment était-il venu avant le temps ? Parce que Israël n’avait pas encore été définitivement mis de côté. Le Seigneur s’arrêtait encore sur sa cité bien-aimée, répugnant à entrer en jugement car, comme on l’a dit : Toutes les fois que le Seigneur quitte une place de miséricorde ou qu’il entre dans une place de jugement, il le fait d’un pas lent et mesuré. Cela est parfaitement vrai ; aussi, quoique l’apôtre des gentils eût été suscité et constitué dépositaire d’une vérité qui devait porter tous ceux qui la recevraient bien au-delà des limites des choses juives, cependant la maison d’Israël était encore l’objet premier de sa sollicitude et, par là même, il travaillait en accord avec les douze, bien qu’il ne fût leur débiteur à aucun égard. « C’était à vous premièrement », dit-il aux juifs, « qu’il fallait annoncer la Parole de Dieu ; mais puisque vous la rejetez et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, voici, nous nous tournons vers les nations » (Actes 13:46). Pourquoi était-ce à eux premièrement qu’il fallait annoncer la Parole ? À cause du long support et de la grâce de Dieu. Paul n’était pas seulement le dépositaire des conseils divins, il l’était aussi des affections divines. Sous le premier rapport, il devait agir d’après sa commission spéciale ; sous le dernier, il devait user de délai avec « ses frères, ses parents selon la chair ». Sous le premier rapport, il était appelé à amener l’Église à la connaissance d’un « mystère qui, en d’autres générations n’avait pas été donné à connaître aux fils des hommes » ; sous le dernier, il voulait, comme son Maître, d’un pas lent et mesuré, tourner le dos à la cité vouée au jugement et à la nation obstinément endurcie. En un mot, comme l’Évangile qui lui avait été confié devait nécessairement être proclamé sur le principe de l’abandon total de la terre, de la cité terrestre et du peuple terrestre, et que, d’un autre côté, le coeur de Paul était ému de compassion pour ce peuple et cette cité, cela explique pourquoi il mit tant de lenteur à faire connaître publiquement l’Évangile qu’il prêchait. Comme lui-même nous en informe, il n’attendit pas moins de quatorze ans pour le faire : « Ensuite, au bout de quatorze ans, je montai de nouveau à Jérusalem avec Barnabas, prenant aussi Tite avec moi. Or j’y montai selon une révélation ; et je leur exposai l’évangile que je prêche parmi les nations ; mais, dans le particulier, à ceux qui étaient considérés, de peur qu’en quelque manière je ne courusse ou n’eusse couru en vain » (Galates 2:1-2) C’est là un passage fort important au sujet de la question qui nous occupe. Paul avait été suscité complètement en dehors du cours régulier des choses ; son ministère était entièrement dépouillé de tout élément terrestre, humain et juif, au point même de donner lieu fréquemment à des doutes sur sa divine origine. (*)

(*) Il n’a pas manqué de docteurs modernes qui se sont efforcés de priver le ministère de Paul de son caractère céleste spécial, en le plaçant dans le collège régulier des apôtres dont l’aspect et la signification étaient manifestement juifs. Ils le font en mettant en question l’élection de Matthias. Mais à tous ceux auxquels il faut quelque chose de plus que l’exercice du jugement spirituel pour les guider sur ce sujet, il est sans doute suffisant de dire que le Saint Esprit n’a point mis en doute la validité de l’élection de Matthias, car cet Esprit descendit sur lui, aussi bien que sur ses confrères dans l’apostolat. Il est toutefois aisé de comprendre pourquoi ceux qui se croient appelés à soutenir des systèmes humains, s’efforcent de rabaisser le ministère de notre apôtre à un niveau humain ou terrestre.

À Paul était commis ce qu’il appelle emphatiquement Son Évangile. Mais comme nous l’avons dit, il s’agissait de savoir si les choses étaient mûres relativement aux conseils divins concernant Israël, pour le développement public de cet Évangile. L’apôtre sentait que c’était là une question de grande importance. De là vient la circonspection avec laquelle il le communique, dans le particulier, à un petit nombre de frères. Il ne pouvait pas, même au milieu de l’Église à Jérusalem, parler ouvertement de ce grand sujet, parce qu’il craignait que le temps n’en fût pas encore pleinement venu et que, s’il l’exposait prématurément, il n’y eut que peu de saints, ayant assez d’intelligence spirituelle ou de largeur d’esprit pour comprendre cet évangile ou pour le recevoir. Ses craintes, nous le savons, n’étaient que trop fondées. Il n’y avait que bien peu de fidèles à Jérusalem qui fussent réellement préparés pour l’évangile de Paul. Même quelques années plus tard, nous voyons Jacques qui avait pris, il semble, une position fort proéminente dans l’Église à Jérusalem, engageant Paul à se purifier et à se raser la tête ! Et dans quel but ? Précisément pour ne pas rompre avec la chose terrestre. « Tu vois, frère », dit Jacques, « combien il y a de milliers de juifs qui ont cru ; et ils sont tous zélés pour la loi. Or ils ont ouï dire de toi, que tu enseignes à tous les juifs qui sont parmi les nations, de renoncer à Moïse, disant qu’ils ne doivent pas circoncire leurs enfants, ni vivre selon les coutumes. Qu’est-ce donc ? Il faut absolument que la multitude s’assemble, car ils entendront dire que tu es arrivé. Fais donc ce que nous te disons : Nous avons quatre hommes qui ont fait un voeu ; prends-les, et purifies-toi avec eux, et paye leur dépense, afin qu’ils se rasent la tête, et tous sauront que rien n’est vrai des choses qu’ils ont ouï dire de toi, mais que toi aussi tu marches, gardant la loi » (Actes 21:20-24) Voilà une preuve plus que suffisante du fait que le grand mystère n’était pas compris, et n’aurait pas été reçu par l’Église à Jérusalem. (*)

(*) La circonstance à laquelle il est fait allusion dans la citation ci-dessus, arriva quelques années plus tard que la visite dont Paul parle en Galates 2. Cette dernière semblerait avoir été occasionnée par la controverse relative aux gentils. Ce fait ajoute beaucoup de force à l’expression : « dans le particulier, à ceux qui étaient considérés ». Paul ne pouvait pas communiquer son évangile aux croyants en masse.

Or on peut bien concevoir que l’esprit de Jacques ait pu reculer d’effroi à la pensée de la terrible explosion qui eût été le résultat inévitable de la proclamation publique de l’évangile de Paul au milieu de ceux dont les coeurs étaient encore si fort attachés à la chose terrestre. C’était, il est vrai, le privilège du juif croyant, de respirer une atmosphère plus pure que celle d’un sanctuaire terrestre, cependant ils n’étaient pas en état de supporter la viande solide de l’évangile de Paul ; et, de plus, leur coeur entretenait, avec une complaisance toute particulière, l’idée que Jérusalem devait être le foyer de la lumière et du témoignage chrétien, d’où la clarté de la vérité évangélique rayonnerait tout à l’entour. Mais si le mystère que Paul avait communiqué à quelques-uns d’entre eux, en particulier, eût été révélé à la multitude, les nombreux « milliers de juifs » ne l’auraient pas reçu, et ainsi le grand centre de lumière serait devenu le centre de la division. De plus, le même motif qui avait dirigé Paul lors de sa précédente visite à Jérusalem, quand il se borna à faire part de son évangile à un petit nombre de croyants, savoir : « de peur qu’il n’eût couru en vain », si les esprits n’étaient pas mûrs pour cette révélation, ce même motif a pu l’engager plus tard à ajourner encore l’exposition de son évangile, et à s’accommoder aux pensées et aux sentiments de ceux qui ne s’étaient pas encore élevés au-dessus de l’ordre de choses terrestre.

Toutes les affections du coeur de Paul, considéré comme homme et comme juif, l’auraient conduit, s’il les eût écoutées, à s’attacher à Jérusalem et à hésiter dans le développement d’une doctrine qui rejetterait dans l’ombre Jérusalem et toutes les choses terrestres, tout en élevant les pensées et les sentiments dans une région beaucoup plus haute et plus pure que tout ce qui avait été réalisé jusqu’alors. Paul connaissait parfaitement la vanité et l’inutilité des voeux et des purifications légales. Dans le temple et dans ses pompeuses cérémonies, il ne voyait qu’un grand système d’ombres, dont la substance était au ciel. Néanmoins son coeur affectionné était ému de compassion pour ses frères qui étaient encore captivés par tout cela ; c’est pourquoi il hésitait à faire resplendir pleinement à leurs regards, l’éclatante lumière qui lui avait été communiquée ; il craignait de les éblouir, habitués comme ils l’étaient, aux ombres des anciens jours. Si c’est là une vue saine de la conduite de notre apôtre en matière de voeux, elle nous le présente sous un aspect des plus intéressants, tout en manifestant d’une manière bien distincte deux traits de son caractère : savoir, en tant qu’il participait aux affections divines envers Israël, et que, d’un autre côté, il était dépositaire des conseils divins concernant l’Église. L’une et l’autre de ces faces du caractère de Paul sont attrayantes, chacune à sa manière. Son ardent attachement à Israël, et sa fidélité dans l’accomplissement de son service spécial, sont, l’un et l’autre, admirables. Il peut sembler qu’il laissait parfois le premier empiéter sur la seconde, comme dans l’affaire du voeu ; mais c’était là un empiétement que nous comprenons et dont nous nous rendons compte aisément. Cependant son coeur le poussait à s’arrêter à Jérusalem ; oui même à y rester jusqu’à ce que le Seigneur le contraignît à la quitter. Sa mission était pour les gentils et pourtant, plusieurs fois, il se rend à Jérusalem, et sa répugnance à en sortir nous rappelle les « pas lents et mesurés » avec lesquels la gloire, telle qu’Ézéchiel la vit, s’était retirée du temple. Mais le Seigneur insiste auprès de son serviteur pour qu’il parte de Jérusalem. « Hâte-toi », lui dit-il, « et sors au plus tôt de Jérusalem ; parce qu’ils ne recevront pas ton témoignage à mon égard ». Le coeur juif de Paul tarde encore. Il répond : « Seigneur, ils savent que je mettais en prison, et que je battais dans les synagogues ceux qui croient en toi ; et lorsque le sang d’Étienne, ton témoin, fut répandu, moi-même aussi j’étais présent et consentant, et je gardais les vêtements de ceux qui le tuaient ».

Quel plaidoyer ! Il revient à ceci : « C’est par ma faute qu’ils sont incrédules ; c’est l’indignité de ma conduite précédente qui est, pour eux, le grand obstacle à la réception du témoignage — laisse-moi donc demeurer ici ». Impossible ! « Va » répond le Seigneur, « car je t’enverrai au loin vers les nations » (Actes 22:18-21) La vérité doit être publiée ; les conseils divins doivent s’accomplir ; le temps en était venu, et c’était en vain que Jacques cherchait à arrêter le puissant courant des événements, ou que Paul tardait ou hésitait encore ; la crise était arrivée et si, après cela, Paul veut retourner à Jérusalem, il devra en sortir dans les liens. Il y retournera en effet. Le passage que nous venons de citer est le récit, fait par Paul, de ce que le Seigneur lui avait dit dans une précédente occasion dont il n’avait pas été fait mention jusqu’alors. Ainsi, quoiqu’il eût été expressément averti de sortir de Jérusalem, parce qu’on n’y recevait pas son témoignage, il y va de nouveau, et nous connaissons le résultat de cette visite, la dernière qu’il y fait. Cela même que Jacques craignait et cherchait à éviter leur arriva : un soulèvement eut lieu, et Paul fut livré entre les mains des gentils. Le Seigneur voulait qu’il allât vers les gentils. S’il ne voulait pas s’y rendre comme un homme libre, eh bien ! il y irait comme un « ambassadeur lié de chaînes ». Toutefois il pouvait dire que c’était pour « l’espérance d’Israël qu’il était chargé de cette chaîne ». Si son coeur n’eut pas tant soupiré après le bonheur d’Israël, il eut pu éviter ces liens. Il laissait Israël sans excuse, mais lui-même devint un prisonnier et ensuite un martyr.

Ainsi donc, à la fin, Paul prit congé de Jérusalem. Il l’avait visitée plusieurs fois et il y serait volontiers demeuré ; mais ce n’était pas là sa place. Jérusalem avait été, pendant des siècles, l’objet des soins de Dieu et le centre des opérations divines ; mais elle allait bientôt être « foulée aux pieds par les gentils » ; son peuple allait être entièrement ruiné, et le troupeau de Christ qui y avait été rassemblé, allait être dispersé de divers côtés : encore quelques années et cette ville, en rapport depuis si longtemps avec les pensées de Dieu au sujet de la terre, serait réduite en poussière sous les rudes pieds des Romains.

Or le départ de Paul peut être considéré comme le précurseur de tous ces jugements. La vérité spéciale, dont il était dépositaire, ne pouvait être proclamée dans toute sa plénitude et sa force, qu’en la rattachant à l’abandon de la terre, en tant que la scène manifeste des opérations divines. Aussi le voyage de Paul de Jérusalem à Rome doit être envisagé avec un profond intérêt par tout chrétien intelligent. (*)

(*) Le voyage de Paul à Rome nous présente une image fort intéressante de l’histoire de l’Église, quant à ses destinées terrestres. Le vaisseau met à la voile en bon ordre, c’est un bâtiment bien assemblé, uni et réglé, construit de manière à pouvoir soutenir la violence des tempêtes sur la mer qu’il doit traverser. Au bout de quelque temps, l’apôtre donne quelques avertissements qui sont rejetés, et le navire est mis en pièces par les vagues. Il y eut pourtant une grande différence entre le vaisseau lui-même et les individus à bord ; le premier fut perdu, les derniers furent tous sauvés. Appliquons ces détails à l’histoire de l’Église dans sa carrière ici-bas. Le témoignage, nous le savons, procédait de Jérusalem d’où Paul était parti pour se rendre à Rome. Le témoignage apostolique était destiné à guider l’Église dans sa course terrestre, et à la préserver du naufrage ; mais ce témoignage ayant été rejeté, il en résulta la déchéance et la ruine. Néanmoins, dans les progrès de la chute, nous pouvons remarquer aussi la distinction à faire entre la conservation du témoignage collectif de l’Église, et la fidélité et le salut des individus. Celui « qui a des oreilles pour entendre » trouvera toujours une parole d’enseignement et de direction pour lui, même au milieu des plus profondes ténèbres alentour. Les flots peuvent réduire en pièces la chose collective — tout ce qui se rattache à la terre peut s’évanouir — « mais celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement ».

Mais est-ce que notre apôtre, en tournant le dos à Jérusalem, prit aussi congé d’Israël ? Non ; il ne désespérait pas encore de ce peuple. Il est vrai qu’ils n’avaient pas reçu son témoignage à Jérusalem, mais peut-être le recevraient-ils à Rome ; ils l’avaient repoussé en Orient, peut-être l’accueilleraient-ils en Occident. En tout cas, il voulut en faire l’essai. Il ne voulut pas abandonner Israël, quand même Israël l’avait rejeté. Aussi lisons-nous que « il arriva trois jours après (son arrivée à Rome), que Paul convoqua les principaux des juifs ; et quand ils furent assemblés, il leur dit : Hommes frères, quoique je n’aie rien fait contre le peuple, ou contre les coutumes des pères, fait prisonnier à Jérusalem, j’ai été livré entre les mains des Romains… C’est donc là le sujet pour lequel je vous ai appelés, afin de vous parler, car c’est pour l’espérance d’Israël que je suis lié de cette chaîne… Et lui ayant assigné un jour, plusieurs vinrent auprès de lui dans son logis ; et il leur exposait la vérité, en rendant témoignage du royaume de Dieu depuis le matin jusqu’au soir, cherchant à les persuader des choses concernant Jésus, et par la loi de Moïse et par les prophètes » (Actes 28:17, 20, 23). Ici donc, nous voyons ce fidèle ambassadeur dans les chaînes, cherchant toujours les brebis perdues de la maison d’Israël, et leur offrant premièrement « le salut de Dieu ». Mais « ils n’étaient pas d’accord entre eux », et, à la fin, Paul se voit forcé de leur dire : « L’Esprit Saint a bien parlé à nos pères par Ésaïe le prophète, disant : Va vers ce peuple et dis : En entendant vous entendrez et vous ne comprendrez point, et en voyant vous verrez et vous n’apercevrez point ; car le coeur de ce peuple s’est épaissi, et ils ont ouï dur de leurs oreilles, et ils ont fermé leurs yeux, de peur qu’ils ne voient des yeux, et qu’ils n’entendent des oreilles, et qu’ils ne comprennent du coeur, et qu’ils ne se convertissent, et que je ne les guérisse. Sachez donc que ce salut de Dieu a été envoyé aux nations ; et eux écouteront » (Actes 28:25-28) Il n’y avait désormais plus d’espérance. Tout ce que l’amour pouvait faire avait été fait, mais en vain, et notre apôtre, bien à contrecoeur, les abandonne sous la puissance de cet aveuglement judiciaire, résultat naturel de leur rejet du salut de Dieu. Ainsi fut enlevé tout ce qui pouvait mettre obstacle au développement explicite et complet de l’évangile de Paul. Il se trouvait au milieu du vaste monde des gentils, lui, prisonnier à Rome et rejeté par Israël. Il avait fait tout son possible pour demeurer encore en rapport avec les juifs ; son coeur, plein d’affection pour eux, le poussait à attendre aussi longtemps qu’il le pourrait, avant de répéter le verdict du prophète ; mais maintenant c’en était fait — tout espoir était flétri — toutes les institutions et associations humaines ne présentent à sa vue que ruine et déception ; en conséquence il faut bien qu’il se mette à exposer ce saint et céleste mystère, par lequel l’Église était élevée de la terre au ciel. Ainsi se terminent les Actes des apôtres, ce livre qui, de même que les évangiles, est plus ou moins en relation avec le témoignage pour Israël. Aussi longtemps qu’Israël put être considéré comme l’objet du témoignage, ce témoignage continua ; mais quand les juifs furent judiciairement livrés à l’aveuglement, ils cessèrent de se trouver dans la sphère du témoignage ; c’est pourquoi ce témoignage cessa.

8.3 - La nature de l’Évangile de Paul

Voyons maintenant ce qu’était au fond ce « mystère », cet « évangile », ce « salut », et ce qu’il avait de particulier. Il est d’une très grande importance de comprendre cela. Quel était donc l’Évangile de Paul ? Était-ce une méthode de justification du pécheur, différente que celle que prêchaient les autres apôtres ? Non, nullement. Paul prêchait soit aux juifs, soit aux grecs, « la repentance envers Dieu et la foi en notre Seigneur Jésus Christ » (Actes 20:21). C’était la substance de sa prédication. Ce qu’il y avait de particulier dans l’Évangile de Paul ne concernait pas la manière dont Dieu agit envers le pécheur, mais plutôt les voies de Dieu envers le saint : ce n’était pas tant comment Dieu justifiait un pécheur, que ce qu’il faisait à son égard quand celui-ci était justifié. En un mot, c’était la position dans laquelle l’Évangile de Paul conduisait l’Église, qui en signalait la particularité. Relativement à la justification d’un pécheur, il ne pouvait y avoir qu’un moyen, savoir la foi dans le seul sacrifice du Seigneur Jésus Christ. Mais relativement à la condition du saint, il pouvait y avoir de nombreux degrés d’élévation. Par exemple, un saint du commencement des Actes avait des privilèges plus élevés qu’un saint sous la loi. Moïse, les prophètes, Jean-Baptiste, notre Seigneur dans son ministère particulier, et les douze, tous présentent des aspects divers de la position du fidèle devant Dieu. Mais l’Évangile de Paul allait plus loin qu’eux tous. Ce n’était pas le royaume offert à Israël sur la base de la repentance, comme il l’avait été par Jean le Baptiseur et par notre Seigneur ; ce n’était pas non plus le royaume ouvert aux juifs et aux gentils par l’apôtre Pierre en Actes 3 et 10 ; mais c’était l’appel céleste de l’Église de Christ, composée de juifs et de gentils, en un seul corps, et unie, par la présence du Saint Esprit, à un Christ glorifié.

L’Épître aux Éphésiens développe pleinement le mystère de la volonté de Dieu concernant l’Église. Là, nous trouvons une ample instruction sur notre position céleste, nos espérances célestes, nos luttes dans les lieux célestes. L’apôtre ne contemple pas l’Église comme en voyage sur la terre (ce qui, cela va sans dire, est très vrai aussi), mais comme assise dans le ciel ; non pas comme se fatiguant ici-bas, mais comme se reposant là-haut. « Il nous a ressuscités ensemble, et nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes, dans le Christ Jésus ». Ce n’est pas quelque chose qu’il veut faire, mais qu’il a fait. Quand Christ fut ressuscité d’entre les morts, tous les membres de son corps furent ressuscités aussi ; quand il monta au ciel, ils y montèrent aussi ; quand il s’assit, ils s’assirent aussi, c’est-à-dire dans le conseil de Dieu ; et cela devait, avec le temps, être rendu effectif par le Saint Esprit envoyé du ciel ; Telle était la pensée, tel était le décret du propos divin concernant les membres du corps de Christ. C’est ce que les croyants ne connurent pas d’abord ; cela ne fut pas développé par le ministère des douze, tel que nous le voyons dans les Actes des apôtres, parce que le témoignage envers Israël continuait encore, et tant que la terre était la scène des opérations divines, tant qu’il y avait encore quelques motifs d’espérance relativement à Israël, le mystère céleste était tenu en arrière ; mais quand la terre eut été abandonnée et Israël mis de côté, l’apôtre des gentils, de sa prison de Rome, écrit à l’Église, et lui dévoile tous les glorieux privilèges en rapport avec la place qu’elle a dans les cieux avec Jésus. Quand Paul arriva à Rome, comme un prisonnier, il était, pour ainsi dire, parvenu au terme de toutes les choses humaines. Il n’avait plus la pensée que l’Église pût manifester quelque chose qui ressemblât à un parfait témoignage sur la terre. Il voyait l’Église dans le ciel, et là seulement, du moins dans toute la beauté et la perfection de Christ. Il savait comment il en irait de la carrière terrestre de l’Église ; il savait qu’il en serait d’elle comme il en avait été du vaisseau à bord duquel il s’était embarqué pour venir à Rome ; mais son esprit était soutenu par la bienheureuse assurance que rien ne pouvait atteindre l’unité du corps de Christ ; parce que cette unité, bien qu’elle pût être gâtée sur la terre, était infailliblement maintenue dans le ciel. (*)

(*) Je crois qu’il est de la plus grande importance pour le croyant de ne pas se laisser aller à des pensées relâchées ou indifférentes, relativement à la présence du Saint Esprit dans l’Église, et à l’unité du corps de Christ. L’homme qui retient ferme la première recherchera assurément la seconde.

On vient de me remettre une lettre d’un cher et précieux serviteur de Christ, dont j’extrais les paroles qui suivent, comme bien dignes d’attention. « Le Saint Esprit est descendu du ciel pour former un corps sur la terre, car nous avons tous été baptisés d’un seul Esprit pour être un seul corps. C’est là l’unité, du maintien de laquelle nous sommes responsables ; quant à l’autre, à l’unité finale, Dieu la garantit infailliblement. Si Dieu a mis dans l’Église « des dons de guérison », ce n’est assurément pas dans le ciel. On n’a qu’à lire 1 Cor. 10:17, pour voir que l’unité de l’Église sur la terre est une institution fondamentale, essentielle, divine — la vérité cardinale qui distinguera, je le crois, ceux qui ont de la foi pour marcher avec dévouement dans ces derniers jours, et sans laquelle l’attente de Christ ne sera qu’une délivrance personnelle, et non pas le cri de l’Esprit et de l’Épouse disant : « Viens ». Toute l’épître aux Éphésiens traite ce sujet, et est fondée sur ce sujet, dont d’autres passages parlent aussi. Le fait que le Saint Esprit ait été envoyé d’en haut pour former l’Église, et que sa présence sur la terre est ce qui caractérise l’oeuvre de Dieu pendant que Christ est en haut, est une irréfragable preuve que cette unité est sur la terre. De là vient que ceux qui ont quitté la terre pour le ciel, quoique étant sans doute, de cette unité, n’en sont plus comptés maintenant, parce que leur âme étant séparée du corps, et eux étant absents du lieu, du seul lieu ou maintenant le Seigneur se glorifie par les actes de sa puissance en grâce, ils ne font plus partie de ce en quoi l’unité, comme rendant témoignage de Dieu, consiste manifestement ».

Je voudrais engager le lecteur chrétien à peser avec une attention particulière l’extrait qu’il vient de lire, et à se rappeler que toutes les fois que, dans les pages précédentes, il est dit que « l’Église n’est pas ici-bas », cela signifie simplement qu’elle n’est pas ici quant à ce qui regarde la source et la puissance de son unité, quoique, cela va sans dire, c’est bien ici-bas que l’unité aurait dû être manifestée.

C’était là une source de joie pour Paul lorsqu’il était enfermé, comme un prisonnier méprisé, dans le cachot de Néron. Il n’était point confus, car il savait que l’Église, quoique brisée en pièces ici-bas, n’en était pas moins fermement tenue dans les bras éternels du Fils de Dieu, et qu’il était puissant pour la garder jusqu’à l’heureux moment de son enlèvement à la rencontre du Seigneur en l’air.

Mais, demandera-t-on, comment peut-on dire que les croyants sont assis dans les lieux célestes, quand ils sont encore dans le monde, luttant contre ses difficultés, ses tribulations et ses tentations ? La même question pourrait être faite relativement à l’importante doctrine de Romains 6. Comment les croyants peuvent-ils être représentés comme morts au péché, quand ils sentent le péché agissant continuellement en eux ? Il n’y a qu’une seule et même réponse à faire à ces deux questions. Dieu voit le croyant comme mort avec Christ, et il voit aussi l’Église comme ressuscitée et assise au ciel avec Christ ; mais il appartient à la foi de donner à l’âme de réaliser l’une et l’autre de ces grâces. Faites votre compte que vous êtes ce que Dieu vous dit que vous êtes. La force du croyant pour surmonter et soumettre la corruption inhérente en lui consiste en ce qu’il se considère lui-même comme étant mort à cette corruption, et sa force pour se séparer du monde consiste en ce qu’il se considère lui-même comme étant ressuscité et assis dans les lieux célestes avec Christ. L’Église, selon le jugement de Dieu, a aussi peu à faire que Christ avec le péché et le monde ; mais autre chose sont les pensées de Dieu, autre chose nos conceptions de ces pensées.

On peut dire encore : Est-ce que l’apôtre, dans le chapitre 11 de l’épître aux Romains, ne considère pas l’Église des gentils comme prenant la place d’Israël sur la terre ? À cela nous répondons que, dans ce chapitre, il n’est pas du tout question de la vocation céleste ni du « grand mystère », et par conséquent, si « l’olivier » nous est là présenté, il est bien évident que ce n’est pas le corps de Christ dans le ciel. Dans le premier chapitre de cette épître, Paul parle, il est vrai, de son Évangile et de la disposition où il est de le prêcher à Rome. Dans le dernier chapitre, il fait aussi allusion à la « révélation du mystère » ; cependant, dans les onze premiers chapitres, nous n’avons point d’exposition de la vérité de l’Église comme étant le corps de Christ (juifs et gentils en un seul corps) assis dans le ciel. Telle n’était pas l’intention de l’Esprit dans cette portion de l’Écriture, quelque précieuse et importante qu’elle soit à d’autres égards. On ne pourrait jamais dire de l’Église, comme corps de Christ : « autrement toi aussi tu seras coupé ». La seule pensée en est révoltante. Qu’est-ce que c’est donc que l’olivier ? Je pense que c’est la chrétienté professante dans sa place de témoignage sur la terre, laquelle, sous ce rapport, a failli de la manière la plus signalée, comme tout ce qui est en connexion avec la terre doit faillir. Elle n’a pas persévéré dans la bonté de Dieu et est devenue une « grande maison », où le saint doit se séparer des vases à déshonneur, s’il veut être un vase sanctifié et bien utile au Maître. L’olivier, comme le royaume, est en rapport avec la terre. L’Église, au contraire, n’a rien à faire avec la terre, au moins quant à ce qui concerne son origine et ses espérances. La période de l’Église, dans l’histoire des économies divines, forme une parenthèse sans aucune connexion avec ce qui a précédé et avec ce qui viendra après. La présence ou l’absence de l’Église n’affecte en rien les événements de la terre. Si l’enlèvement des saints avait lieu ce soir, le monde, avec tous ses systèmes politiques et religieux, n’en irait pas moins son train comme à l’ordinaire. L’Église de Dieu ne fait pas partie du mécanisme de ce monde, et tous ceux qui voudraient l’y introduire, ne comprennent pas son vrai caractère. Que nos esprits soient seulement remplis du mystère céleste de l’Église de Christ, et nous pourrons juger sainement de la chrétienté, et de toutes ses faces et ses sectes diverses.

Mais que le lecteur chrétien se rappelle bien que toutes les tendances de l’esprit humain, non seulement ne peuvent concevoir cette vérité divine sur l’Église, mais encore y sont, de fait, opposées. Nous avons vu combien il s’écoula de temps avant que l’homme pût la saisir ; comment elle lui fut, en quelque sorte, imposée ; et il suffit de jeter un coup d’oeil sur l’histoire de l’Église pendant ces derniers dix-huit siècles, pour voir comme cette vérité était faiblement comprise et maintenue, et comme elle fut promptement négligée et laissée. Le coeur naturel s’attache à la terre, et la pensée d’une corporation terrestre est attrayante pour lui. Aussi pouvons-nous nous attendre à ce que la vérité du caractère céleste de l’Église ne soit admise et réalisée que par une petite et bien faible minorité. Il n’est pas à supposer que les réformateurs aient fait de cet important sujet l’objet de leurs pensées et de leurs recherches. Ils furent des instruments puissants et bénis pour remettre au jour la précieuse doctrine de la justification par la foi, au milieu des décombres de la superstition romaine, ainsi que pour proposer à la conscience humaine la lumière de l’inspiration, en opposition aux dogmes faux et séduisants de la tradition des hommes. C’était là, certes, une grande oeuvre ; cependant, il faut l’avouer, la position et les espérances de l’Église n’attirèrent pas leur attention. Il y avait, me semble-t-il, trop de chemin à faire entre l’église de Rome et l’Église dans le ciel, et cependant on reconnaîtra, à la fin, qu’il n’existe pas réellement un terrain neutre entre les deux ; car toute église, ou, pour parler plus correctement, toute corporation religieuse élevée, soutenue et dirigée par la sagesse et les ressources de l’homme, quelque purs que soient ses principes et quelque hostiles qu’ils puissent être au catholicisme, se trouvera, si elle est jugée par l’Esprit et à la lumière du ciel, plus ou moins infestée des éléments du système romain. L’idée de l’Église dans le ciel — d’hommes marchant ici-bas, et pourtant ayant leur place propre et leur centre d’union en haut — cette idée est trop pure, trop sublime, trop céleste, pour pouvoir être généralement admise parmi les hommes. Les coeurs sont attachés à la terre et sont difficilement amenés à croire que le temps où Dieu cesse d’être manifestement occupé de la terre, cet intervalle qui seul n’est pas mentionné dans l’histoire prophétique des temps, est précisément la période durant laquelle Dieu, par le Saint Esprit, rassemble l’Église pour former le corps de Christ dans le ciel ; de plus que, lorsque Dieu agissait publiquement dans ses dispensations envers la terre, l’Église proprement dite ne s’y voyait pas ; puis, que lorsqu’il reprendra ses dispensations publiques envers la terre et ses rapports avec Israël, l’Église ne sera plus sur cette scène. Pour comprendre tout cela, il faut une plus grande mesure de spiritualité qu’on ne la trouve chez la plupart des chrétiens. (*)

(*) Le lecteur comprendra, je pense, la différence qu’il y a entre les actes publics de Dieu, et les secrètes opérations de la Providence. Ceux là cessèrent quand Israël fut mis de côté et recommenceront quand Israël apparaîtra de nouveau ; celles-ci ont lieu maintenant. Dieu contrôle les rouages des gouvernements et les conseils des rois, pour amener l’accomplissement de ses grands desseins.

8.4 - Forme du gouvernement de l’Église la plus conforme aux Écritures

Une question assez naturelle surgit dans l’esprit de l’investigateur de la vérité : « Quelle est la forme du gouvernement de l’Église la plus conforme aux Écritures ? » La seule réponse à faire à une telle question est : « Appliquez-vous à garder l’unité de l’Esprit par le lien de la paix ». Les sectes ne sont pas l’Église, les partis religieux ne sont pas le corps de Christ. Aussi, si nous sommes ou demeurons attachés à des sectes, nous nous trouvons dans quelqu’un de ces nombreux ruisseaux tributaires, qui coulent rapidement en avant dans le terrible gouffre dont il est parlé dans les chapitres 17 et 18 de l’Apocalypse. Ne nous abusons pas, les principes porteront des fruits, et les systèmes trouveront leur propre niveau. Les préjugés agiront pour empêcher la réalisation de ces principes célestes dont nous parlons. Ceux qui veulent maintenir l’Évangile de Paul se verront comme lui, abandonnés et méprisés au milieu des pompes et de tout l’éclat de ce monde. Le désaccord des systèmes ecclésiastiques, les disputes des sectes, et le cliquetis des controverses religieuses étoufferont sans doute les faibles voix de ceux qui voudraient parler de la vocation céleste et de l’enlèvement de l’Église. Mais que l’homme spirituel, qui se trouve au milieu de cette triste et déplorable confusion, ne perde pas de vue ce principe bien simple : Tout système de discipline ecclésiastique, et tout système d’interprétation prophétique qui rattachent, de quelque manière que ce soit, l’Église à la terre, doit être contraire à l’esprit et aux principes du grand mystère, développé par le Saint Esprit dans les écrits de l’apôtre des gentils. L’Église n’a nullement besoin du secours du monde en matière d’ordre ou de discipline. Le Saint Esprit habite dans l’Église, quelque brisée et dispersée qu’elle soit, malgré toute l’incrédulité de l’homme à ce sujet ; et si l’on y introduit quelque élément terrestre ou humain, cela ne peut avoir que le fâcheux effet d’attrister Celui dont la présence est la vraie lumière des croyants, ainsi que la source et la puissance du ministère et de la discipline. Puis, quant à l’espérance de l’Église, « nous attendons le Sauveur », et non pas l’accomplissement d’un événement terrestre quelconque. Grâces à Dieu, il n’est nulle part dit aux saints d’attendre la révélation de l’Antichrist, mais bien l’apparition du Fils de Dieu, qui les a aimés et s’est donné lui-même pour eux. Tous les chrétiens devraient comprendre que la seule chose qu’ils aient à attendre, c’est leur enlèvement en l’air à la rencontre du Seigneur. Le monde peut tourner cette idée en ridicule, de faux docteurs peuvent établir des systèmes opposés à cette vérité dans le but d’ébranler la foi des simples ; mais, par grâce, nous continueront à nous consoler les uns les autres par l’assurance que « les jours se sont approchés et l’accomplissement de chaque vision » (Ézéchiel 12:23)

Mais il faut terminer cet écrit. Je sens profondément avec quelle faiblesse et quelle incohérence j’ai développé ce que j’avais dans l’esprit touchant la doctrine de l’Église, mais je ne doute pas de sa réelle importance, et je suis assuré que, plus le temps approche, plus aussi il y aura de lumière répandue sur ce sujet pour les croyants. Aujourd’hui il est à craindre qu’il n’y en ait que bien peu qui l’admettent. S’il était compris, on ferait moins d’efforts, on se donnerait moins de peine pour acquérir un nom et une position sur la terre. Paul, le grand témoin de la céleste vocation de l’Église, devait faire une bien pauvre figure aux yeux des enfants de ce monde ; et il en sera de même de tous ceux qui adoptent ses principes et marchent sur ses traces ; mais il se consolait par la pensée que « le solide fondement de Dieu demeure, ayant ce sceau : Le Seigneur connaît ceux qui sont siens » ; il savait aussi que, même dans les époques les plus sombres, il y en aurait encore quelques-uns qui « invoqueraient le Seigneur d’un coeur pur ». Puisse le lot nous échoir parmi de tels saints, au milieu de cette lamentable scène, jusqu’à ce que nous voyions Jésus tel qu’il est, et que nous soyons faits semblables à lui pour l’éternité !