Henri Rossier — Courtes méditations

La Puissance et la Communion — Marc 9:1-8

H. Rossier — Courtes méditations — n°12

ME 1922 p. 77-80

Par un privilège spécial trois disciples furent conviés dans ce passage à « voir le royaume de Dieu venu avec puissance ». Ce n’est certes pas une petite chose que la « puissance ». Cette vision s’était tellement imposée à Pierre qu’il y revient dans sa seconde épître pour la décrire, comme « la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ ». Quand il dit : « sa venue », c’est celle par laquelle il établira le royaume de Dieu en gloire ; et il ajoute que les chrétiens « font bien d’être attentifs » à ces choses, choses dont la prophétie nous entretient, comme étant de son domaine et qu’il ne nous est pas permis de négliger. En effet, la venue en puissance du Seigneur anéantira tout ce qui s’oppose à lui et établira sur la terre son règne millénaire. Mais qu’est-ce que, de fait, la vue anticipée de cette puissance glorieuse a produit sur le coeur des trois disciples ? Ils étaient épouvantés. Il n’en sera point ainsi pour nous, quand nous assisterons à son déploiement, car nous y aurons personnellement part quand le ciel sera ouvert et que nous en sortirons comme formant le cortège du roi. Par la même raison, cette puissance n’épouvantait pas non plus Moïse et Élie qui apparaissaient en gloire avec Lui ; plus tard elle n’épouvantait plus Jean, l’un des trois disciples, quand en esprit, et non plus en chair, il pouvait contempler dans le ciel et sur la terre toute cette puissance glorieuse à laquelle il devait avoir part.

Nous de même, nous aurons part à cette puissance et cela bannit toute crainte de nos coeurs quand nous pensons au jour futur de sa manifestation. En attendant ce moment, une autre puissance que celle du royaume nous a été donnée : la puissance du Saint Esprit, la « puissance d’en haut » dont les disciples devaient être revêtus selon la promesse du Seigneur et qui, dès ce moment, est devenue la part de tous les rachetés. Ce don du Saint Esprit fut introduit avec des signes solennels et impressionnants de puissance, avec un souffle violent et impétueux et des langues de feu divisées. Loin d’être épouvantés devant ces manifestations, les disciples qui y avaient tous part furent remplis de joie pour rendre témoignage à la toute-puissance de la grâce.

Nous possédons aujourd’hui le Saint Esprit, aussi bien que les premiers disciples, mais pourquoi n’avons-nous plus part à sa puissance comme eux ? En réalité, si elle nous fait entièrement défaut, c’est à cause de la ruine complète du témoignage de l’Église, à laquelle dans une si grande mesure nous avons tous participé. Ce manque de puissance est, en effet, pour nous un sujet d’humiliation continuelle, mais il est selon Dieu que nous gardions cette attitude d’humiliation sans essayer de nous y soustraire. C’est la seule attitude d’un Résidu fidèle qui ait aujourd’hui la pleine approbation du Seigneur. Ne dit-il pas à Philadelphie : « Tu as peu de force et tu as gardé ma parole, et tu n’as pas renié mon nom ? »

Devant cet état de choses dont nous sommes responsables, gardons-nous d’oublier qu’il nous reste une chose infiniment supérieure à tout déploiement de puissance : Cette chose est la communion. Moïse et Élie, tout en faisant partie de la scène où la puissance du royaume était révélée, n’étaient pas occupés de cette dernière, ni de leur place dans le règne glorieux de Christ. Leur jouissance était tout autre : « ils parlaient avec Jésus ». Ils s’entretenaient avec lui de sa mort, des résultats du sacrifice que son amour allait accomplir. Les disciples qui venaient d’être les témoins oculaires de sa Majesté furent enseignés à rechercher les mêmes choses dont Moïse et Élie venaient de leur fournir l’exemple. La nuée, demeure de l’Éternel, descend sur eux et les enveloppe comme elle avait jadis enveloppé le tabernacle. Sont-ils appelés maintenant à voir quelque chose ? Toute la vision de la puissance glorieuse de Christ a disparu. Ils ne voient rien, mais ils entendent. Qui donc entendent-ils ? Le Père, qui leur parle de ce qui remplit son propre coeur, afin qu’ils aient communion avec lui au sujet de son Fils. Il ne dit pas : « Voyez » , mais « Écoutez », et il ajoute : « Écoutez-le ». Mais de quoi le Fils va-t-il nous parler ? Du Père ! Tout l’évangile de Jean en rend témoignage. Ainsi, en dehors de tout l’appareil de la puissance, notre communion est avec le Père et avec le Fils. Il n’y a de « joie accomplie » que là : le plus merveilleux déploiement de puissance ne peut donner cette joie. Nous avons part à l’amour du Père que le Fils nous révèle, à l’amour du Fils que le Père nous révèle ; nous avons la communication des pensées les plus intimes de la déité dans le Père et dans le Fils !

Cela nous suffit-il ? Quand aucune puissance n’existe plus, nous contentons-nous de ne voir plus personne, sinon Jésus, seul avec nous ? Immense bénédiction, car aucun autre objet n’est capable désormais de nous distraire. Quel bonheur ! dirons-nous : Si la puissance a disparu par notre faute, Dieu en tire avantage pour que désormais nous n’ayons pas d’autre ressource que Lui !

Marie jouissait de cette communion quand elle était à ses pieds, écoutant sa parole ; elle en jouissait encore quand elle répandait son encens sur les pieds du Sauveur. Jean en jouissait aussi quand il reposait sa tête sur le sein de Jésus. Il n’avait sans doute pas beaucoup de choses à communiquer à son Maître, mais, en vertu de cette proximité, il était capable de recevoir ses confidences intimes, même prononcées à voix basse. Ce n’est pas en présence de la gloire, ni de la puissance que la joie est accomplie, mais en présence de l’amour du Père et du Fils.