H. Rossier — Courtes méditations — n°29 [25 bis]
ME 1923 p. 29-31
Il y aurait lieu de s’étendre longuement sur la paresse. C’est une chose méprisable, que Dieu réprouve et qui, partout où elle domine, a les conséquences les plus désastreuses. Les Proverbes ne peuvent assez faire ressortir combien elle est blâmable, car elle n’est pas stigmatisée moins de vingt fois au cours de ce livre. Le Nouveau Testament nous en entretient aussi à plus d’une reprise et je désire citer les quatre passages qui, dans ce livre, nous en parlent au point de vue de la vie chrétienne.
Les Hébreux étaient devenus paresseux à écouter
.
Ce n’était pas qu’ils l’eussent toujours été. Il y avait eu un temps où,
sortis du Judaïsme, par la foi au Seigneur Jésus Christ, ils avaient été
illuminés de sa gloire qui éclipsait toute autre gloire — un temps où la loi,
tout en demeurant inébranlable, avait perdu sa valeur d’autrefois à leurs yeux,
puisqu’ils avaient trouvé en Christ « la fin de la loi, pour justice à tout
croyant » — un temps où ils avaient souffert avec joie pour Son nom. Mais la
fraîcheur des premières impressions s’était perdue, ce qui avait amené un
certain sommeil ; ils étaient devenus, à la longue, paresseux à écouter,
fruit de la distraction et de quelque indifférence à l’égard de la personne du
Seigneur. Les impressions reçues s’étaient émoussées dans le coeur et l’esprit
des auditeurs, car un homme distrait s’intéresse difficilement à l’objet qui
est devant lui. Ils avaient ainsi perdu de vue un Christ céleste, glorifié à la
droite de Dieu, proclamé, par Lui, « sacrificateur pour toujours, selon l’ordre
de Melchisédec ». Peu à peu la personne même du Sauveur ressuscité leur devenait
étrangère ; ils n’étaient plus à cette hauteur et il était dès lors
difficile de leur expliquer les choses qui concernent un Christ céleste. Ce qui
les réjouissait au commencement était maintenant rabaissé à des principes,
vrais peut-être, mais qui ne les élevaient pas au-dessus de l’atmosphère
terrestre. Tout l’effort de l’apôtre consistait donc à les ramener à la
nourriture des hommes faits, à la contemplation d’un Christ ressuscité.
Cette paresse à écouter ne caractérise-t-elle pas aujourd’hui un grand nombre d’entre nous ? Qu’est devenue la soif de le connaître, l’ardeur, le zèle d’autrefois à entendre parler de Christ ? Qu’est devenu le premier amour ? L’apôtre ne nous dirait-il pas aujourd’hui, avec plus de raison que jadis aux Hébreux : « Lorsque vous devriez être des docteurs, vu le temps, vous avez de nouveau besoin qu’on vous enseigne quels sont les premiers rudiments des oracles de Dieu ? »
Il
est un autre genre de paresse tout
aussi pernicieux que celui dont nous venons de parler. C’est la paresse au sujet de l’espérance
chrétienne
: « Nous désirons »,
dit l’apôtre, « que chacun de vous montre la même diligence pour la pleine
assurance de l’espérance jusqu’au bout : afin que vous ne deveniez pas paresseux ».
Demandons-nous si cette
espérance est aussi vivante dans nos coeurs que lorsque nous avons cru ?
La paresse à espérer reporte nos pensées aux intérêts d’en bas ; nous
prive de la réalisation des choses qui sont « au dedans du voile » où l’espérance
pénètre comme une ancre de l’âme ; nous empêche de voir Jésus notre
précurseur céleste, « devenu souverain sacrificateur pour l’éternité selon
l’ordre de Melchisédec ».
La paresse à écouter et la paresse à espérer conduisent donc au même résultat : à perdre la jouissance présente de la personne de Christ.
Ici
la paresse consiste à ne pas faire
valoir le don
que le Seigneur nous a
confié. C’est proprement le caractère du monde, car, sous ce rapport, tout
homme a reçu un don ; mais combien il est sérieux d’enfouir ce don et de
ne pas s’en servir pour plaire au Maître ! Celui qui, placé dans le cep,
est un sarment sans fruit sera bientôt jeté dehors et brûlé au feu. Il en sera
ainsi du professant
; mais combien cet exemple est fait
pour atteindre notre conscience à nous, chrétiens, afin que nous
n’entendions pas ces paroles : « Méchant et paresseux
esclave ! »
« Quant à
l’activité, pas paresseux
; fervents en esprit ; servant le Seigneur ». Il s’agit ici de la paresse, du manque
d’activité dans le service
. Marie était « fervente en esprit ».
Marthe avait dû apprendre d’abord à ne pas être distraite de Lui par son
activité même ; mais elles servaient le Seigneur l’une et l’autre. La
ferveur d’esprit rendait le service de Marie supérieur à celui de sa soeur,
mais chacune était active à sa manière et, selon ses dons. Marthe servait
Christ à table dans la personne de ses disciples ; Marie le servait dans
le culte, la plus haute fonction qui soit confiée au chrétien ici-bas. Les
services peuvent être très divers, mais doivent tous se résumer dans cette
parole : « servant le Seigneur
».
Que ces exemples nous apprennent à haïr la paresse, et à travailler chacun, selon la mesure de foi que Dieu lui a départie !