par Henri Rossier
Table des matières :
1 - Chapitres 1 et 2 — Premier exode
2 - Chapitre 3 — L’autel et les fondements du temple.
3 - Chapitre 4 — Travail interrompu.
4 - Chapitres 5 et 6 — Réveil et Édification du temple.
6 - Chapitre 8 — Deuxième exode
7 - Chapitres 9 et 10 — Purification du peuple.
En la troisième ou quatrième année (*) de Jehoïakim, roi de Juda, et en la première année de Nebucadnetsar, roi de Babylone, ce dernier était monté contre Jérusalem, l’avait assiégée (Dan. 1:1), s’était emparé de Jehoïakim et l’avait lié avec des chaînes d’airain pour l’emmener à Babylone (2 Chr. 36:6). À cette occasion, il avait emporté une partie des ustensiles de la maison de l’Éternel, pour en orner le temple de son dieu (2 Chr. 36:7 ; Esdras 1:7 ; Dan. 1:2). Il avait aussi transporté à Babylone un certain nombre de jeunes gens appartenant soit à la famille royale soit à la noblesse (Dan. 1:3).
(*) Voyez Dan. 1:1 ; Jér. 25:1. L’Ancien Testament nous offre fréquemment ces différences de supputation, un fragment d’année étant souvent compté pour une année entière.
Le monarque chaldéen semble avoir ensuite changé de dispositions envers le roi captif, car on voit ce dernier rétabli sur son trône à Jérusalem où il règne onze ans (2 Chr. 36:5 ; 2 Rois 23:36). Mais trois ans après avoir été réintégré dans son royaume, Jehoïakim se révolta contre Nebucadnetsar. Celui-ci, occupé ailleurs, ne monta pas personnellement contre lui, mais, jusqu’à la fin de son règne, à l’instigation du roi de Babylone, Jehoïakim fut harcelé par les bandes ennemies des Chaldéens, des Syriens, de Moab et des fils d’Ammon. Selon la prophétie de Jérémie, Jehoïakim mourut de mort violente et son cadavre, traîné et jeté dehors par delà les murs de Jérusalem, de jour à la chaleur et de nuit à la gelée, fut « enseveli de l’ensevelissement d’un âne » (Jér. 22:19 ; 36:30). Il est dit cependant qu’il « s’endormit avec ses pères », terme qui semblerait impliquer qu’il eut d’abord sa place dans les sépulcres des rois.
Jehoïakin (ou Jéconias) succéda à son père Jehoïakim, mais ne régna que trois mois à Jérusalem. Ce fut sur lui et sur son peuple que Nebucadnetsar, fit tomber la colère amassée dans son cœur par la conduite fausse et déloyale de Jehoïakim. Les serviteurs du roi de Babylone « montèrent contre Jérusalem et la ville fut assiégée. Et Nebucadnetsar, roi de Babylone, vint contre la ville pendant que ses serviteurs l’assiégeaient. Et Jehoïakin, roi de Juda, sortit vers le roi de Babylone, lui, et sa mère, et ses serviteurs, et ses chefs, et ses eunuques ; et le roi de Babylone le prit, la huitième année de son règne. Et il emporta de là tous les trésors de la maison de l’Éternel et les trésors de la maison du roi, et mit en pièces tous les ustensiles d’or, que Salomon, roi d’Israël, avait faits dans le temple de l’Éternel, comme l’Éternel l’avait dit. Et il transporta tout Jérusalem, et tous les chefs, et tous les hommes forts et vaillants, dix mille captifs, et tous les charpentiers et les forgerons ; et il ne demeura rien de reste que le peuple pauvre du pays, et il transporta Jehoïakin à Babylone… » (2 Rois 24:10-15). Plus tard, Évil-Mérodac, fils et successeur de Nebucadnetsar, l’année où il commença de régner, tira Jehoïakin de prison, mit son trône au-dessus de celui des rois qui étaient avec lui à Babylone, et l’entretint à sa cour tous les jours de sa vie (2 Rois 25:27-30).
Après que Jehoïakin eut été emmené en captivité, Sédécias, son oncle, établi par Nebucadnetsar qui lui avait fait « jurer par Dieu » de lui rester fidèle, profana le nom de l’Éternel en violant son serment et se révolta contre le roi de Babylone. Ce dernier vint contre Jérusalem avec toute son armée et s’en empara après deux ans d’un siège terrible qui réduisit à la famine les habitants de la ville. Sédécias fut pris, ses fils furent égorgés sous ses yeux, et lui, les yeux crevés, chargé de chaînes d’airain, fut emmené à Babylone. Sacrificateurs, gardiens du temple, hommes de guerre, furent massacrés ; le temple, le palais du roi, toutes les maisons de Jérusalem brûlés ; les murailles de la ville abattues. On emporta tout l’or, l’argent et l’airain de la maison de l’Éternel. « Le reste du peuple qui était demeuré de reste dans la ville, et les transfuges qui s’étaient rendus au roi de Babylone, et le reste de la multitude, Nebuzaradan, chef des gardes, les transporta ; mais, des pauvres du pays, le chef des gardes en laissa pour être vignerons et laboureurs » (2 Rois 25:11-12).
Ce que nous venons d’exposer, d’après les récits bibliques, prouve que la captivité de Babylone eut lieu à trois époques différentes, la première, au commencement du règne de Jehoïakim, la seconde, pendant la courte période du règne de Jehoïakin (ou Jéconias), la troisième enfin, en la onzième année de Sédécias. Les deux dernières époques furent les plus terribles, mais c’est de la première que datent les 70 années de captivité prédites par Jérémie le prophète (2 Chr. 36:21 ; Dan. 9:12 ; Jér. 25:1, 11-12 ; 29:10, où 70 ans sont « accomplis pour Babylone », c’est-à-dire dès la première année de Nebucadnetsar ; cf. Jér. 25:1).
Cette première captivité
avait un caractère tout particulier, non pas comme la seconde et la troisième
par les dévastations et la quantité des hommes transportés, mais par la
spoliation du temple de l’Éternel, privé des objets précieux qui servaient au culte
(Dan. 1:1-2 ;
Esdras 1:7 ; 2 Chr. 36:7). Au moment de la restauration de Juda, tous ces
objets lui furent rendus, au nombre de 5400 (Esdras 1:9-11), et ce fut même le
trait le plus caractéristique de cet exode qui devait ramener dans leur pays
les restes du peuple. Le trait dominant du début de ces 70 années, est que la
gloire du temple, celle du culte de l’Éternel, fut elle-même emmenée en
captivité. Peu d’années après, Jehoïakin étant prisonnier, Ézéchiel vit de plus
la gloire de Dieu quitter comme à regret cette maison dont Il avait voulu faire
sa demeure à perpétuité, et peu d’années encore après cet événement, le temple,
dépouillé de ses derniers ornements, fut brûlé et réduit en un monceau de
décombres.
C’est donc de cette première
période que date la captivité. Dieu avait été déshonoré par l’idolâtrie du
peuple et de ses rois : que les objets précieux restassent dans son
temple, ou fussent placés dans un temple d’idoles à Babylone, y avait-il là une
si grande différence ? Et c’est dans ce fait qu’il faut trouver le
caractère essentiel du début de la captivité. Jamais rien de pareil n’avait eu
lieu auparavant. Lors de sa révolte contre Sankhérib, Ézéchias lui avait sans
doute donné tout l’argent qui se trouvait dans le temple, et avait dépouillé,
pour s’acquitter du tribut, les portes et les piliers de leur revêtement d’or
(2 Rois 18:15-16), mais il n’avait point touché aux objets du culte. Sous
Jehoïakin, Nebucadnetsar fit main basse, dans une beaucoup plus grande mesure,
sur tous
les trésors de la maison de
Dieu et mit en pièces les ustensiles faits par Salomon, selon l’ordre de
l’Éternel, mais, je le répète, une profanation sans précédent : parer tin
temple d’idoles avec les objets du culte du vrai Dieu, n’eut lieu que sous
Jehoïakim. L’impie Belshatsar, avec ses grands, ses femmes et ses concubines,
en buvant du vin dans les vases sacrés, à la louange de ses idoles, avait
l’intention de célébrer par là le triomphe des faux dieux sur le vrai Dieu, et
de les opposer publiquement à l’Éternel. En cette même nuit-là, Dieu lui
répondit par le jugement et la mort. Daniel, emmené de Jérusalem avec ses
compagnons, au début des 70 années de captivité, fut le prophète de ce jugement
(Dan. 5). En la première année de Darius, le Mède, il reçut, par la lecture de
Jérémie, l’intelligence que la fin de la captivité était proche. Alors il
s’humilia pour le peuple et fut témoin de la restauration de Juda en la
première année de Cyrus, car il était encore à Babylone en la troisième année
de ce roi (Esdras 1:1 ; Dan. 10:1).
La première année de Cyrus
marque la fin de la captivité, comme la première année de Nebucadnetsar en
avait marqué le commencement. Cyrus entreprend la restauration du peuple et du
temple ; son premier soin est de rendre aux Juifs les ustensiles du culte,
placés jadis par Nebucadnetsar dans la maison de son dieu. Le roi perse avait
conscience de sa mission et connaissait ce que Dieu avait annoncé d’avance de
lui par les prophètes. Daniel pouvait le renseigner sur ces choses ; Ésaïe
avait dit : « L’Éternel dit de Cyrus : Il est mon berger et il
accomplira tout mon bon plaisir, disant à Jérusalem : Tu seras bâtie, et
au temple : Tes fondements seront posés » (Ésaïe 44:28). Cyrus fait
allusion à ce passage quand il dit : « L’Éternel, le Dieu des cieux, m’a donné
tous les royaumes de la terre, et
il m’a chargé
de lui bâtir une maison
à Jérusalem qui est en Juda » (1:2). Il avait pu lire dans le prophète ces
paroles, écrites bien longtemps avant sa naissance : « Ainsi, dit l’Éternel
à son oint, à Cyrus, dont j’ai tenu la droite, pour soumettre devant lui des
nations ;… et je délierai les reins des rois, pour ouvrir les deux
battants devant lui, afin que les portes ne soient pas fermées : Moi,
j’irai devant toi, et j’aplanirai les choses élevées ; je briserai les
portes d’airain et je casserai les barres de fer, et je te donnerai les trésors
des ténèbres et les richesses des lieux cachés, afin que tu saches que moi,
l’Éternel, qui t’ai appelé par ton nom
,
je suis le Dieu d’Israël. À cause de mon serviteur Jacob et d’Israël, mon élu,
je t’ai appelé par ton nom
; je
t’ai donné un nom, et tu ne me connaissais pas. Moi, je suis l’Éternel et il
n’y en a point d’autre ; il n’y, a point de Dieu, si ce n’est moi. Je t’ai
ceint, et tu ne me connaissais pas… » (Ésaïe 45:1-5).
Cyrus, comme les rois de
Perse ses successeurs, détestait les idoles. Reconnaissant le Dieu d’Israël
comme « le Dieu des cieux », il insiste ici particulièrement sur le fait que « Lui est Dieu
». (v. 3). De même plus tard
Artaxerxès, roi de Perse, déclare ouvertement que l’Éternel, Dieu d’Israël, est
« le Dieu des cieux » (7:21, 23).
Mais ces convictions
intellectuelles, qui pouvaient n’avoir rien à faire avec un travail de
conscience ou une foi vivante, la certitude même d’être un instrument choisi
pour accomplir les desseins de Dieu (v. 2), tout cela ne suffisait pas pour
amener la restauration des captifs. Dieu voulait montrer que c’était Lui
et pas un autre qui accomplissait sa
Parole ; c’est pourquoi il est dit : « L’Éternel réveilla
l’esprit de Cyrus » (v. 1). Il réveilla aussi l’esprit des
chefs de Juda et de Benjamin et celui des sacrificateurs et des lévites (v. 5).
C’est alors qu’ils remontèrent dans leur pays, mais au milieu de quel
dénuement ! Ils étaient sans la nuée, sans l’arche, sans les Urim et les
Thummim ! (2:63).
Le livre d’Esdras a pour nous
une grande importance. Au
second livre des Rois (*), nous avons vu
comment le déclin de Juda fut interrompu momentanément par les deux périodes de
Réveil
qui caractérisèrent les règnes
d’Ézéchias et de Josias. Alors la lampe du témoignage, près de s’éteindre, jeta
de subites clartés et, si le peuple y eût pris garde, son jugement définitif
pouvait encore être empêché ou retardé, mais il n’en fut pas ainsi, car après
ces intermèdes bénis et prospères, le mal, comprimé pour un moment, reprit le
dessus avec une intensité croissante, en sorte que le jugement dut en être le
dénouement obligé. La ruine fut totale.
(*) Méditations sur le second livre des Rois, par H. R.
Or c’est du milieu de cette
ruine que, dans le livre d’Esdras, Dieu appelle un Résidu
. Non pas que ces « fils de la transportation » fussent, de
fait ou en bloc, le vrai
résidu
d’Israël, ce dernier fut tiré du milieu d’eux et en fut séparé, comme le
prophète Malachie nous l’enseigne. Alors, le vrai résidu se composa de ceux qui
craignaient l’Éternel et parlaient l’un à l’autre (Mal. 3:16). Quand le Messie
parut, ces croyants-là existaient en Judée et attendaient la délivrance
d’Israël ; et lorsque le ministère public de Jésus commença, ce même
résidu, dans la personne des douze disciples et de ceux qui recevaient la
parole du Christ, entoura le Sauveur. Bien plus encore, à la fin des temps
prophétiques, ce même résidu attendra l’apparition du Messie en gloire, au
milieu de l’apostasie ouverte du peuple.
Cependant, si les restes de
Juda, remontés à Jérusalem sous Cyrus, afin d’attendre et d’accueillir le
Messie, ne sont pas le vrai résidu, ils nous sont néanmoins présentés par le
Saint Esprit comme exemple des caractères
que doit revêtir un résidu croyant
dans un temps de ruine : exemple des plus salutaires pour nous, chrétiens,
qui nous trouvons actuellement au milieu des ruines de la chrétienté ;
exemple par lequel nous apprenons comment nous pouvons être des témoins de Dieu
dans ces circonstances fâcheuses. Tel est le sujet important que les premiers
chapitres de notre livre vont nous présenter.
Ceux du peuple qui remontèrent de la captivité sous la conduite de Zorobabel et de Jéshua (ou Joshua), le souverain sacrificateur, assistés de neuf chefs, furent au nombre de 24144. Du v. 3 au v. 20, ils sont désignés par le nom de leurs pères, du v. 21 au v. 34, par le nom de leurs villes. Ces derniers allèrent habiter et repeupler leurs cités d’origine, dès leur retour en Palestine. Tout ce peuple fut enregistré par généalogies, comme Néh. 7:5 nous l’apprend.
Les sacrificateurs, appartenant à quatre familles des fils d’Aaron, se montrèrent pleins de zèle pour reprendre leur place et leurs fonctions dans la maison de Dieu qui allait se bâtir. Leur nombre fut de 4289, tandis que, des trois familles des lévites, une seule fut représentée, et encore en nombre bien insuffisant.
Ces faits n’ont-ils pas une voix pour le temps actuel ? Tous les chrétiens étant sacrificateurs, pour rendre culte à Dieu, beaucoup d’entre eux, toujours, cela va sans dire, en nombre trop faible, sentent le besoin de remplir, dans l’Assemblée du Dieu vivant, leurs fonctions d’adorateurs, mais combien l’absence des lévites, dont les fonctions correspondent aux ministères dans l’Assemblée chrétienne, se fait cruellement sentir ! Ce n’est pas que le peuple en manquât, comme nous le verrons au chap. 8, mais il y avait de leur part indifférence, paresse spirituelle, amour de leurs aises, sans doute, et il ne s’en présente que 74 pour escorter la sacrificature, le peuple et ses chefs ! C’est bien l’un des traits caractéristiques du temps actuel comme des jours d’alors. Ceux qui ont reçu des dons du Seigneur pour l’évangélisation, pour l’enseignement, pour paître le troupeau de Christ, craignent de s’avancer avec la force qui leur est donnée, et d’exercer leur ministère comme le Seigneur le leur a confié. Au lieu de sentir leur responsabilité, ils s’en déchargent sur d’autres et préfèrent leur céder la place, plutôt que de faire eux-mêmes « l’acquit de leur charge ». Si ce n’est pas le seul motif de l’usurpation du clergé dans l’Église, du moins cette paresse spirituelle la favorise à un haut degré. Nous verrons plus tard quelle peine Esdras eut à rassembler quelques lévites pour monter avec lui à Jérusalem.
Les chantres, fils d’Asaph, furent en plus grand nombre que les fils de Lévi : la Parole en mentionne 128 (2:41). Fonction des plus précieuses que de chanter les louanges de Dieu ; mais ne voit-on pas souvent, dans les assemblées des saints, le rôle des « fils d’Asaph » largement représenté en vue de se dispenser d’un service plus pénible et qui engage davantage la responsabilité ?
Les portiers étaient au nombre de 139, les Nethiniens, ou serviteurs subalternes du sanctuaire, ainsi que les serviteurs de Salomon, au nombre de 392. Ces fonctions modestes ont beaucoup de prix aux yeux du Seigneur. Voyez comment, du v. 43 au v. 57, Dieu enregistre avec complaisance tous les noms de leurs pères. De même aujourd’hui, qu’il s’agisse de servir aux tables, de passer le pain et la coupe, de prendre soin de la « chambre haute », rien de cela n’est oublié par le Seigneur ; les noms de ceux qui se sont acquittés de ce service sont enregistrés au même titre que les autres, et l’on verra, en plus d’un cas, celui qui, parmi les enfants de Dieu, a pris la dernière place, s’oubliant lui-même pour servir les autres, occuper une place d’honneur, quand tel don remarquable, qui tendait à glorifier l’homme plutôt que Christ, s’assiéra avec confusion à la dernière place.
Sacrificateurs, lévites, chantres et serviteurs, comptaient en tout 5022 âmes.
Ce peuple enregistré était donc au nombre de 29166, mais toute la congrégation réunie comprenait 42360 personnes. Parmi elles, 652 d’entre les fils d’Israël ne purent fournir la preuve qu’ils faisaient réellement partie du peuple. De plus, un grand nombre de sacrificateurs « cherchèrent leur inscription généalogique, mais elle ne se trouva pas, et ils furent exclus comme profanes de la sacrificature, et Zorobabel, le Thirshatha (nom donné en Esdras et Néhémie au gouverneur en chef), leur dit qu’ils ne devaient point manger des choses très saintes jusqu’à ce que fût suscité un sacrificateur avec les Urim et les Thummim ». (v. 62, 63).
Nous trouvons ici le premier
trait qui doit caractériser un résidu. En un temps normal, on n’était pas tenu
de présenter sa généalogie, car il allait de soi, aux yeux de tous, qu’un
sacrificateur ne pouvait prétendre à une place qui ne lui appartenait pas. Il
en fut de même aux premiers jours de l’Église : personne n’osait se
joindre à l’assemblée chrétienne (Actes 5:13), parce que la puissance du Saint
Esprit opposait une barrière considérable à l’invasion du monde. En un temps de
ruine, il en est autrement : quand des éléments étrangers ont fait irruption
dans la maison de Dieu, les fidèles sont obligés de veiller strictement, pour s’opposer à tout mélange avec le monde
.
Il s’agit, en Esdras, de rebâtir le temple de l’Éternel, et le service de la
maison ne pouvait être associé à des éléments étrangers. Aussi verrons-nous
plus tard le résidu répudier entièrement toute alliance avec le monde, en vue
d’une œuvre commune ; seulement ici, il ne s’agit pas de repousser les
éléments du dehors, mais d’examiner les personnes qui prétendent appartenir au
peuple de Dieu, afin de savoir si elles peuvent fournir les preuves de leur
origine. Il en est de même aujourd’hui : la plus grande vigilance est
nécessaire, pour s’assurer que la vie de Dieu est réellement unie à la
profession chrétienne. Ceux qui ne pouvaient être reconnus par l’assemblée
d’Israël, alors même que peut-être ils faisaient partie du peuple, ne devaient
s’en prendre qu’à eux s’ils n’étaient pas admis au service du temple. Ils
pouvaient sans doute être d’Israël, malgré les apparences, mais pourquoi n’étaient-ils
pas en mesure de prouver leur descendance ? Était-ce la faute de ceux qui
ne les reconnaissaient pas ? Ne fallait-il pas plutôt en accuser leur
indifférence à garder les preuves de leur origine ?
Les sacrificateurs étaient doublement coupables. Il ne leur restait qu’une ressource : la venue d’un sacrificateur avec les Urim et les Thummim, par lesquels il consultait l’Éternel (Nombres 27:21 ; 1 Sam. 28:6). Dieu seul, qui connaît ceux qui sont siens, pouvait manifester ceux qui étaient réellement de la famille sacerdotale. Jusqu’à ce moment-là, ils devaient attendre et ne pouvaient « manger des choses très saintes ». Cet exemple nous indique aussi la marche que l’assemblée chrétienne doit suivre dans les cas douteux. Attendons que nous puissions consulter l’Éternel, avant d’admettre à la table du Seigneur ceux qui ne peuvent prouver aux yeux de tous leur origine divine. Un Résidu selon les pensées de Dieu ne recevra jamais à la cène ceux qui font profession de christianisme, mais ceux qui sont nés de Dieu et ont le droit d’être ses enfants.
Les versets 64 à 67 nous
parlent, non pas comme le v. 43, des serviteurs du sanctuaire, mais des
serviteurs et servantes du peuple
,
car Dieu ne les oublie pas non plus. D’une manière ou de l’autre, ils
accomplissent leur service. Qu’il s’agisse de laver les pieds des saints, de
remplir les plus humbles fonctions auprès de ceux qui appartiennent au
Seigneur, de ne donner même qu’un verre d’eau à l’un de ces petits, Dieu y
prend garde et l’enregistre. Il y avait aussi, parmi ceux-là, 200 chanteurs ou
chanteuses, Le chant implique autre chose encore que la louange dans le lieu
saint, comme la célébraient les fils d’Asaph ; il a aussi pour but
d’entretenir, en dehors du culte, la communion mutuelle du peuple de Dieu (Éph.
5:19 ; Col. 3:16).
Enfin, pour ne rien oublier, Dieu tient compte même des animaux (v. 66-67), de tout ce qui est utile aux siens, et leur vient en aide. Ceux-là sont aussi comptés soigneusement, sans qu’il en manque un seul. De quels soins cette énumération ne nous parle-t-elle pas ? Tout le long du voyage qui devait les amener à la maison de Dieu, Celui-ci avait veillé sur son peuple, préparé le soulagement nécessaire à leur fatigue, pourvu d’avance aux besoins des faibles, des femmes et des petits enfants. Quel Dieu que le nôtre ! Chercherions-nous un meilleur guide, un meilleur gardien ? N’est-il pas le Créateur et le Conservateur de toutes choses, notre Père ?
Le premier caractère du
résidu, nous l’avons vu, était un soin minutieux pour ne recevoir dans la
sacrificature aucun élément douteux, afin de maintenir sans souillure le
service du temple. Aux v. 68 à 69, nous trouvons un second caractère, le zèle pour l’érection de la maison de Dieu
,
le dévouement qui sacrifie ses propres intérêts pour l’œuvre de l’Éternel. Les
chefs donnent volontairement une somme qui peut être évaluée à deux millions et
demi de notre monnaie. C’était bien peu, comparé à ce que les chefs avaient
offert jadis pour l’érection du temple de Salomon (1 Chr. 29:6-9), mais, en un
temps d’extrême appauvrissement, ce don avait une grande valeur aux yeux du
Seigneur du temple et il l’appréciait, Lui, le possesseur de tous les trésors
de l’univers, selon le zèle qui le faisait offrir, comme plus tard il estimait
la pite de la veuve plus que tout le superflu des riches.
En résumé, les caractères du résidu, dans ces deux chapitres, sont ceux-ci :
Les fidèles acceptent l’état d’abaissement et de servitude dans lesquels leur péché les a placés, et ne cherchent ni à améliorer cet état de choses, ni à s’y soustraire. Ils désirent avant tout préserver de mélange profane ceux qui font partie de la maison de Dieu. N’ayant pas d’Urim et de Thummim, ils attendent que, sur bien des choses, Dieu leur révèle sa pensée. Ils n’ont pas la prétention de remplacer les révélations divines qui, pour le moment, ne leur sont pas accordées, par quelque arrangement humain de leur invention. Ils savent que leur mesure d’intelligence est petite. Si l’incurie des uns empêche de les reconnaître, et si la fidélité des autres les oblige à les exclure du service de la sacrificature, il n’en reste pas moins vrai que le Seigneur connaît ceux qui sont siens, et que le moment viendra où il les révélera, sans qu’il en manque aucun.
En attendant, il fallait que ces fidèles marchassent dans un chemin étroit, sans aucune prétention à la puissance qu’ils ne possédaient pas, et avec les faibles ressources que le Dieu de miséricorde leur avait laissées.
Mais cette pauvreté n’exclut en aucune manière le dévouement. La maison de Dieu est le grand objet des pensées du résidu et, dès leur arrivée dans le pays de la promesse, ils lui subordonnent tout. La suite nous fera connaître si ce zèle initial put se maintenir.
Aux deux caractères du résidu, mentionnés plus haut, s’en ajoutent, dans notre chapitre, un grand nombre d’autres.
« Et quand arriva le septième mois (*), les fils d’Israël étant dans leurs villes, le peuple s’assembla comme un seul homme à Jérusalem. Et Jéshua, fils de Jotsadak, et ses frères, les sacrificateurs, et Zorobabel, fils de Shealthiel, et ses frères, se levèrent et bâtirent l’autel du Dieu d’Israël, pour y offrir des holocaustes, selon ce qui est écrit dans la loi de Moïse, homme de Dieu. Et ils établirent l’autel, sur son emplacement, car la terreur des peuples de ces contrées était sur eux ; et ils offrirent dessus des holocaustes à l’Éternel, les holocaustes du matin et du soir » (v. 1-3).
(*) Le mois d’Éthanim, mois de la dédicace du temple de Salomon.
Pendant les 70 années de la
captivité, ce pauvre peuple, frappé par le jugement de Dieu, avait été privé du
culte de l’Éternel. Le temple était détruit, tous les trésors pillés ;
l’autel d’airain lui-même avait été brisé. Mais du moment que le résidu rentre
dans son pays, l’autel
, premier
symbole du culte, et sans lequel ce dernier ne pouvait exister, l’autel est
réédifié.
Type frappant, destiné à notre instruction. En Charan, Abraham n’a pas d’autel ; quand il franchit la frontière de Canaan, l’autel paraît. Le patriarche descend en Égypte et perd son autel ; remonté d’Égypte, il le retrouve. Ainsi l’autel se lie intimement à l’habitation dans le pays de la promesse. Il faut appartenir à la Canaan céleste pour réaliser le culte ; bien plus, il faut s’y trouver, avoir pris possession de son héritage, avoir réalisé que l’on est délivré du pouvoir des ténèbres et transporté dans un nouveau royaume, celui du Fils de l’amour du Père — il ne faut pas moins que ces choses — pour pouvoir rendre à Dieu un culte qui lui soit agréable. L’Église de Christ, infidèle, les a perdues de vue ; mais, en ces jours de la fin, avons-nous été réveillés pour servir réellement le Seigneur et lui rendre culte ? Si l’on demande aux chrétiens ce que signifie ce mot, la plupart montrent, par leurs réponses, qu’ils n’en ont qu’une bien faible idée. Mais ne nous attardons pas sur ce sujet ; voyons plutôt en quoi le culte consistait pour ce pauvre résidu.
En premier lieu, ils
n’étaient pas livrés à eux-mêmes pour le déterminer, car ils avaient la loi de Moïse
et les commandements de
Dieu. Aussi est-il dit aux v. 3 et 4 : « Selon ce qui est écrit » et
« Selon l’ordonnance ». La Parole divine les renseignait sur le culte selon la
loi, comme elle nous renseigne aujourd’hui sur le culte selon l’Esprit. Il est
très important de noter le rôle que joue la Parole dans tout cela. La question
n’était pas, pour le peuple, de savoir ce que d’autres avaient coutume de
faire, mais ce que la loi de Moïse leur révélait à ce sujet. Les Écritures
avaient retrouvé, pour ce résidu, leur place et leur importance.
En second lieu, il comprenait
que le culte était lié à l’autel
. Ce
dernier, en formait le centre, comme la table du Seigneur forme le centre du
culte pour le chrétien. Le sacrifice était placé sur l’autel et c’était en
vertu du sacrifice que le peuple adorait Dieu, puisque c’était par lui que l’on
pouvait être réconcilié et mis en relation avec l'Éternel.
Ils bâtirent l’autel sur son emplacement
. Trouvant que tout
avait été détruit et bouleversé à Jérusalem, ils auraient pu se contenter d’une
place quelconque pour y bâtir leur autel. Et n’est-ce pas là le spectacle
offert aujourd’hui par la chrétienté ? Chacun choisit son emplacement pour
y dresser son autel, sous le prétexte que le vrai temple étant détruit, nous
sommes libres de choisir le lieu qui nous convient le mieux. Il n’en était pas
ainsi de ces fidèles. Ils connaissaient l’emplacement du temple, celui du
parvis, celui de l’autel, et ce fut en ce lieu et en nul autre qu’ils le
bâtirent, déterminant ainsi le centre du rassemblement et du culte pour le
peuple de Dieu. Ils n’en voulaient pas d’autre et ne connaissaient pas plus
dans la ruine, qu’aux jours les plus prospères d’Israël, un autre emplacement
que celui-là. L’aire d’Ornan, sur la colline de Morija, restait la place unique
où le culte pouvait être rendu.
Remarquez, en troisième lieu,
que ce résidu, si pauvre et si faible en apparence, ne se borne pas à une
entente ou à une déférence mutuelles pour édifier l’autel sur son emplacement.
Ils manifestent pratiquement l’unité du peuple, représentée d’une manière
visible par l’autel. Toute leur attitude est un témoignage à cette unité ;
le peuple s’assemble comme un seul homme
à Jérusalem
. La distance de leurs villes ne les empêche en aucune manière
de venir à l’autel de Jérusalem et pas autre part pour y montrer cette unité.
Il en est de même aujourd’hui
à la table du Seigneur : elle est, comme l’autel du résidu, la
manifestation de l’unité du peuple de Dieu, trouvant son expression dans « un
seul pain » auquel tous participent. Peu importait que les Juifs fussent en
petit nombre ; peu importe que nous ne soyons que deux ou trois :
l’unité de tout
le peuple, qu’il fût
remonté de la captivité ou dispersé au bord des fleuves de Babylone, ou dans
les villes inconnues de la Perse et de la Médie, était exprimée là, par l’autel
érigé au milieu du parvis. La question n’était pas pour eux si d’autres
suivraient leur exemple ; ils avaient, pour agir, la volonté de Dieu,
proclamée par Moïse. La Parole les liait ; leur rassemblement était un
acte d’obéissance
. Ils obéissaient avant
de se mettre à l’ouvrage de la
maison, qui viendrait plus tard. Pour le moment, le culte
, une chose plus grande que le lieu saint, plus grande que
l’arche ou le trône entre les chérubins, — le culte était rétabli. N’en est-il
pas de même de ce qui réunit les saints autour du mémorial de la croix de
Christ, lieu béni où l’Agneau de Dieu a été offert, l’Agneau immolé que nous
adorerons, comme tel, dans la gloire ?
Mais il y avait encore, dans l’établissement de l’autel, autre chose qu’un acte d’obéissance. Ce résidu était la faiblesse même ; les nations hostiles de ces contrées les entouraient et étaient bien propres à leur inspirer de la terreur. « Ils établirent l’autel sur son emplacement, car la terreur des peuples de ces contrées était sur eux » (v. 3). Où allaient-ils trouver une sauvegarde et une protection contre leurs ennemis ? En nul autre endroit que devant le Dieu qu’ils venaient chercher à son autel. Ils réalisaient ainsi par la foi la présence de l’Éternel dans sa maison qu’ils allaient bâtir. Là où se trouvait l’autel, Dieu pouvait habiter. Dès lors qu’avaient-ils à craindre ? Ils pouvaient dire : « Au mauvais jour il me mettra à couvert dans sa loge, il me tiendra caché dans le secret de sa tente ; il m’élèvera sur un rocher. Et maintenant, ma tête sera élevée par-dessus mes ennemis qui sont à l’entour de moi, et je sacrifierai dans sa tente des sacrifices de cris de réjouissance ; je chanterai et je psalmodierai à l’Éternel » (Ps. 27:5-6).
Il est encore une autre circonstance, digne d’attention, ce fut au septième mois que le peuple s’assembla de toutes ses villes, à Jérusalem (v. 1). Au premier jour de ce septième mois avait lieu la fête de la nouvelle lune, inaugurée par le son des trompettes (Lév. 23:23 ; Nomb. 10:10 ; Ps. 81:3). Ce jour était remarquablement approprié à la condition du peuple remonté de la captivité et aux grâces que Dieu venait de lui accorder. Israël avait perdu jadis les bénédictions divines par sa propre faute ; la lumière de la gloire de l’Éternel que le peuple devait refléter, comme la lune reflète le soleil, avait disparu ; mais voici que la nouvelle lune, image du peuple restauré, commençait à réapparaître. Ce n’était pas encore la pleine splendeur de cet astre, mais ce premier quartier de la lune faisait présager la manifestation future de la gloire du peuple de Dieu. Quelle fête plus caractéristique pouvait être choisie ? c’était un jour de repos et de jubilation (Lév. 23:24). Aucune tristesse ne devait le déparer, et cependant la terreur des nations environnantes était sur eux ! Dès le premier jour de ce septième mois, l’autel était bâti et l’holocauste du matin et du soir y était offert (v. 6) ; non pas le sacrifice pour le péché, mais l’holocauste, vraie image du culte ; et le peuple devait continuer à l’offrir, sans aucune interruption, jusqu’à ce que le temple fût achevé.
Ne doit-il pas en être de même, aux jours actuels qui offrent de si frappantes analogies avec le livre d’Esdras ? Le peuple de Dieu ne doit-il pas avoir aussi son autel, offrir, par lui, sans cesse à Dieu un sacrifice de louanges, le fruit des lèvres qui confessent son nom, et faire ces choses jusqu’à ce que « le temple saint dans le Seigneur » soit achevé par Sa venue ? (Héb. 13:10, 15 ; Éph. 2:21 ; 1 Cor. 11:26).
Notons encore un point très
remarquable : le dixième jour du septième mois, le grand jour des expiations
où le peuple devait affliger son âme
(Lév. 23:26-32), n’est pas mentionné ici. Dans un
temps qui est encore à venir pour le peuple juif, en Zac. 12:10-14, ce jour ne
sera point omis. Il y aura alors une grande lamentation à Jérusalem, « comme la
lamentation de Hadadrimmon, dans la vallée de Meguiddon ». C’est qu’alors il
s’agira de recevoir de nouveau, comme roi de gloire, le Messie que ce même peuple
du livre d’Esdras, rentré dans son pays, avait rejeté et crucifié. Le résidu
futur ne pourra célébrer la fête des tabernacles (Zac. 14:16) qu’après ce grand
jour des expiations.
Il n’en était pas ainsi au livre d’Esdras. Le peuple avait été restauré partiellement, en vue de recevoir le Messie quand il se présenterait à Israël. Il n’était pas encore question de Sa réjection, mais de le recevoir comme l’oint de l’Éternel. Il ne s’agissait pas encore, par conséquent, d’une humiliation nationale, telle que l’exprimait le grand jour des expiations, mais simplement de l’accueillir quand il viendrait. En vue de ce moment, devait-il y avoir, dans le cœur du peuple, au livre d’Esdras, autre chose que de la joie ? Nous ne parlons pas ici de la mission de Jean-Baptiste, du baptême de la repentance, qui devait précéder immédiatement la venue du Messie en Israël et ne correspondait pas au grand jour des expiations.
Donc, en Esdras, la fête des tabernacles
(v. 4), celle du
quinzième jour du septième mois (Lév. 23:33), suit immédiatement celle de la
nouvelle lune. C’était la fête où l’on ne faisait que
se réjouir. (Deut. 16:13-15). Cette fête devait avoir lieu lors
de l’entrée au pays de Canaan, après la délivrance d’Égypte et la traversée du
désert. Elle était célébrée en souvenir de cette traversée, mais non plus sous
des tentes dressées à l’ardeur du soleil au milieu des sables du désert ;
le repos de la terre promise était arrivé ; le feuillage frais des beaux
arbres de ce bon pays formait désormais les tentes sous lesquelles un peuple
joyeux se souvenait des vicissitudes d’autrefois. Ici, en Esdras, nous
assistons, pour ainsi dire, avec la fête des tabernacles, à une Canaan
retrouvée, en attendant l’apparition du Messie annoncé, et c’était comme si le
peuple n’était jamais entré auparavant dans la terre de la promesse. Nous le
verrons, en Néh. 8:9-15, lorsque nous nous occuperons de ce livre, célébrer
cette même fête, pour la première fois, d’une manière complète
, selon les prescriptions de la loi, tandis que, dans
Esdras, nous trouvons plutôt la place que la fête des tabernacles occupa dans
la restauration du peuple.
Pour les fidèles de nos jours, qu’on pourrait appeler le Résidu de l’économie chrétienne, cette fête correspond à la joie de la position céleste du peuple de Dieu, réalisée comme une chose toute nouvelle, et découverte dans la Parole, après des siècles de captivité spirituelle où cette position avait été, soit oubliée, soit perdue de vue. Comme en Esdras 3, elle ne pouvait du reste être remise en lumière qu’avec la construction de l’autel, c’est-à-dire avec la réalisation du culte. Avec le culte, il faut que la position céleste de l’Église soit nécessairement comprise. Les croyants n’ont pas une religion terrestre, comme le peuple juif. Le culte les introduit dans le ciel, alors même qu’extérieurement tout est en ruine autour d’eux et que l’Église, comme le temple au commencement du livre d’Esdras, n’est plus qu’un amas de décombres. Aussi Esdras a-t-il soin de nous dire : « Mais les fondements du temple de l’Éternel n’étaient pas encore posés » (v. 6).
Une troisième bénédiction attend encore ce pauvre résidu, La seconde année de son arrivée à la maison de l’Éternel à Jérusalem, au second mois (v. 8), les lévites (qui, comme nous l’avons vu, représentent pour nous le ministère) sont établis, selon la pensée de Dieu, pour surveiller la construction du temple. Ici, comme pour bâtir l’autel, le peuple manifeste son unité, en se tenant là « comme un seul homme » (v. 9). Il n’y a aucun désaccord entre eux quant à l’établissement du ministère selon la Parole. Cela aussi est une bénédiction retrouvée. L’épître aux Éphésiens qui met en lumière notre position en Christ dans les lieux célestes, nous révèle aussi le rôle et le caractère des dons de Christ à son Église (Éph. 4).
Après ces trois choses :
l’autel ou le culte, la fête des tabernacles ou la jouissance de la position
céleste, l’établissement des lévites ou le ministère, le résidu s’occupe des fondements de la maison
.
Ce n’était pas tout, en
effet, pour ce pauvre peuple, que le rétablissement du culte, il lui fallait
commencer tout de nouveau le travail de l’édification de la maison de Dieu.
Cette maison, quelque destruction qu’elle eût subie, même la plus complète, en
apparence, comme celle qui fut effectuée par Nebucadnetsar, est toujours
considérée dans la Parole comme la maison
.
Elle a une seule histoire, une seule existence aux yeux de Dieu, à travers ses
diverses phases de construction ou de renversement. Réédifiée, elle n’est pas,
pour Dieu, un nouveau temple, mais le même temple avec des gloires diverses.
C’est pourquoi il est dit en Aggée, au sujet du temple, rebâti par le résidu au
temps de Zorobabel : « La dernière gloire de cette maison
» (allusion au temple millénaire que le Seigneur
remplira de sa gloire) « sera plus grande que la première » (allusion au temple
de Salomon).
Cette remarque est très
importante pour le temps actuel. Au milieu des ruines de la chrétienté qui
aurait dû être l’Église de Christ, mais s’est unie au monde en abandonnant le
témoignage, les chrétiens qui constatent cet état et s’en humilient, sont
néanmoins appelés à travailler à l’édification de la maison de Dieu. Ce n’est
pas que Dieu les appelle à élever une
nouvelle maison
, car il n’y a et n’y aura jamais qu’une seule maison
de Dieu, qu’une seule Église de Christ. Les
chrétiens convaincus de cette vérité reculeront devant la prétention d’édifier des églises
que le Christ n’approuvera,
ni ne reconnaîtra jamais. Christ a une
Église, un
corps, une
Épouse qu’il a aimée et pour
laquelle il s’est donné lui-même ; il a une maison ici-bas, et c’est en
Lui, la maîtresse pierre du coin, que tout l’édifice croît pour être un temple
saint dans le Seigneur, une habitation de Dieu par l’Esprit.
Tout cela est son
ouvrage, mais il a aussi confié cet ouvrage à la responsabilité
de son peuple, car ce n’est pas lui seulement qui y
ajoute des matériaux, des pierres vivantes, mais nous sommes tenus aussi d’y
apporter des matériaux appropriés à la sainteté de cet édifice. Ces matériaux
ont été, dans la suite des temps, mélangés de bois, de foin, de chaume
(doctrines destructives ou personnes étrangères à la maison de Dieu), tandis
qu’ils n’auraient dû être que de l’or, de l’argent et des pierres précieuses (1
Cor. 3), et l’édifice a été ruiné, comme son antitype, le temple de
Jérusalem ; mais cela n’empêche nullement que cette construction ne
continue à être confiée au peuple de Dieu. Responsable de la mener à bonne fin,
il a failli, et néanmoins, il est appelé à y travailler comme si tout se
trouvait dans l’état normal.
Au temps de Zorobabel, les fondements
mêmes du temple étaient
détruits et il s’agissait de les poser de nouveau (v. 6 et 10). Pouvaient-ils
différer de ceux du temple de Salomon ? Nullement : les lévites
préposés pour « surveiller l’œuvre de la maison » et « ceux qui faisaient
l’ouvrage dans la maison de Dieu » (v. 8, 9), assistés des sacrificateurs,
devaient faire toutes choses selon les directions données au commencement par
David, roi d’Israël (v. 10). De même aujourd’hui, quels que soient les ouvriers,
aucun fondement ne peut être posé que Jésus Christ. Sur cette pierre, dit le
Seigneur, je bâtirai mon Église ; et, de son côté, l’apôtre Paul, comme un
sage architecte
, s’était acquitté de
cette tâche, posant le même fondement (1 Cor. 3:10), en sorte que nul n’a le
droit de faire autrement que lui.
Au temps du livre d’Esdras, comme aux jours actuels, le fondement ne peut être nouveau, mais, après des siècles d’abandon, il est retrouvé et posé, comme seul capable de supporter la maison, l’Assemblée de Dieu.
Il nous faut encore remarquer ici, que la réédification de la maison de Dieu était inséparable du témoignage rendu à sa ruine et à celle du peuple. Tout ce qu’accomplissait le résidu, il le faisait « suivant l’autorisation qu’ils avaient de Cyrus, roi de Perse » (v. 7). Ils étaient asservis aux nations à cause de leurs péchés, et devaient avoir continuellement conscience de leur état, jusqu’à la restauration glorieuse du peuple par le Messie promis. C’est ce que, plus tard, les Macchabées comprirent si peu, et ce qui froissait tellement le cœur orgueilleux du peuple au temps de Jésus, qu’ils osaient lui dire : « Nous ne sommes esclaves de personne ! » La conscience de notre ruine doit nous caractériser aujourd’hui, comme elle caractérisait le peuple au temps d’Esdras. Nous ne pouvons ni ne devons la nier ou en secouer le fardeau de nos épaules, mais il nous faut en porter l’humiliation, tout en replaçant la maison de Dieu sur son seul et réel fondement, Christ, avec les apôtres et prophètes qui ont témoigné de Lui.
Les sacrificateurs et tout le peuple célèbrent une fête de louanges au moment où les fondements du temple sont posés de nouveau (v. 10-13), et ce fait, joint à l’établissement de l’autel, est de toute importance pour nous. Au milieu de la ruine la plus complète, deux choses restent immuables, l’œuvre de Christ et sa personne, Christ autel et Christ fondement, Christ notre salut et Celui sur lequel nous sommes édifiés à toujours, Christ objet du culte et de la louange incessante des siens. Dans les temps sombres que nous traversons, sous l’humiliation et l’opprobre mérités qui sont notre part, nous pouvons néanmoins chanter l’hymne de l’avenir, car Lui n’a pas changé. Nous voyons ici le résidu entonner le chant de la gloire millénaire au milieu des désolations de son histoire et parmi les ruines de Jérusalem : « Ils s’entre-répondaient en louant et en célébrant l’Éternel : car il est bon, car sa bonté envers Israël demeure à toujours » (v. 11). Il est le même, son amour ne change pas, et sera pleinement manifesté quand il introduira son peuple bien-aimé dans sa propre gloire.
Cependant, au milieu de cette joie, la tristesse et la douleur ne pouvaient être absentes ; et c’est encore un caractère commun au résidu d’alors et à celui de nos jours. Le temple qu’ils bâtissaient ne pouvait être comparé à celui de Salomon ; l’Église actuelle ne peut être mise en parallèle avec ce qu’elle était lorsqu’elle fut formée, par la puissance du Saint Esprit, comme témoin de Christ monté dans la gloire. La joie pouvait être sans mélange chez ceux qui étaient jeunes encore et ne pouvaient se souvenir du passé. Ils assistaient à une espèce de résurrection du peuple, et y voyaient la merveilleuse intervention de la grâce de Dieu. Qui donc aurait voulu les empêcher de se réjouir ? Mais les sacrificateurs, les lévites et les chefs des pères pleuraient, parce que, étant plus en communion avec Dieu, ils avaient plus conscience du déshonneur infligé à son nom, et les vieillards pleuraient, parce qu’ils avaient eu l’expérience de temps meilleurs.
Ce mélange de joie et de « pleurs à haute voix » montait devant Dieu, si entremêlé pour ainsi dire, qu’on ne pouvait distinguer l’un de l’autre, et « le bruit s’entendait au loin ». De même ceux qui ont à cœur aujourd’hui de bâtir la maison de Dieu et de poser ses fondements détruits, doivent faire connaître, par leur attitude, qu’une humiliation véritable sur leur état ne peut être séparée de la joie qu’ils éprouvent à célébrer ensemble l’œuvre et la personne de Christ comme seul fondement des bénédictions actuelles et futures.
Jusqu’ici le peuple s’était
montré fidèle dans son témoignage, et l’Éternel l’avait assisté et encouragé.
Mais cela ne faisait pas l’affaire de l’ennemi ; il ne peut supporter de
voir prospérer l’œuvre de Dieu dans ce monde, et cherche aussitôt à la gâter.
Pour atteindre ce but, il possède plus d’un moyen. Dieu caractérise ici les
instruments de Satan par ce mot : « les ennemis
de Juda » (v. 1). Ils appartenaient aux nations que les rois d’Assyrie, selon
leur coutume, transportaient en d’autres contrées après les avoir soumises.
Ésar-Haddon, fils de Sankhérib, suivant la politique de Shalmanéser (2 Rois
17:3), avait remplacé les tribus insoumises d’Israël, emmenées en captivité,
par des peuples de pays très divers, qu’il avait fait habiter dans les villes
de Samarie et dans le pays situé à l’ouest de l’Euphrate (v. 10). Le second
livre des Rois (17:33) nous renseigne sur la condition religieuse de ces
nations. Elles gardaient leurs dieux, tout en reconnaissant le Dieu d’Israël
et, selon le langage biblique, « craignaient l’Éternel et servaient leurs
images » (17:41).
Ce mélange, qui ne peut être assimilé à la pure idolâtrie, nous fait penser à l’amalgame qui s’appelle la chrétienté, sous quelque forme qu’il se présente, depuis la Mariolâtrie romaine et grecque, jusqu’aux formes bien plus subtiles de la chrétienté protestante, où le culte du vrai Dieu s’associe aux ténèbres morales du monde, et où la profession n’a aucun rapport avec ce qui doit caractériser le peuple de Dieu.
Ces gens, issus d’un mélange
idolâtre, s’offrent à bâtir avec le peuple, mais quels matériaux pouvaient-ils
apporter à la maison de Dieu ? Certes, leur travail ne pouvait être agréé
du peuple, s’il désirait rester fidèle. Ils s’approchent et disent : « Nous
bâtirons avec vous, car nous recherchons votre Dieu, comme vous, et nous lui
offrons des sacrifices depuis les jours d’Ésar-Haddon, roi d’Assyrie, qui nous
a fait monter ici » (v. 2). Cela n’a-t-il pas quelque analogie avec ce que nous
voyons de nos jours, et les enfants de Dieu actuels sont-ils aussi fidèles que
ce résidu d’autrefois ? Comprennent-ils que l’œuvre de Dieu ne peut
supporter, chez ceux auxquels elle est confiée, aucun mélange avec le
monde ? Il n’appartient qu’à ceux dont la généalogie peut être prouvée et
qui font partie de l’Israël de Dieu d’édifier dans ce monde quelque chose pour
le Seigneur. Écoutons la réponse immédiate du résidu : « Vous n’avez pas
affaire avec nous pour bâtir une maison à notre Dieu, mais nous seuls, nous
bâtirons à l’Éternel, le Dieu d’Israël, comme nous l’a commandé le roi Cyrus,
roi de Perse » (v. 3). En parlant ainsi, ils ne montrent aucun orgueil
spirituel, car ils reconnaissent leur asservissement au roi des gentils, comme
conséquence de leur infidélité, mais ils ont compris qu’eux seuls
sont appelés à cet ouvrage, car ils ne peuvent, en
aucune manière, s’associer au caractère
religieux des peuples qui les environnent. S’ils vivent au milieu d’eux,
rendent l’honneur à leurs chefs et obéissent à leur roi, toute association avec
ces nations leur est interdite ; ils ont horreur de la corruption
religieuse et la répudient.
L’ennemi s’était présenté en ami ; c’était là surtout qu’il s’agissait d’être vigilant et de se mettre en garde. Mais ces mêmes hommes, repoussés, montrent bien vite, ouvertement, leur vrai caractère : « Alors le peuple du pays rendit lâches les mains du peuple de Juda ; et ils leur firent peur de bâtir, et ils soudoyèrent contre eux des conseillers pour faire échouer leur plan, durant tous les jours de Cyrus, roi de Perse, et jusqu’au règne de Darius, roi de Perse » (v. 4-5). Le peuple avait été ferme et avait résisté aux ruses et aux artifices, attributs du serpent ancien ; il s’effraye quand l’adversaire paraît comme un lion rugissant, il oublie que son ennemi est un ennemi vaincu, et qu’il se serait enfui devant qui lui aurait tenu tête.
Mais la haine des ennemis ne
s’arrête pas là. Ils se font les accusateurs
de ce pauvre peuple opprimé. Leur lettre à Artaxerxès (*) le prouve : « Que le roi sache que les Juifs
qui sont montés de chez toi vers nous et sont venus à Jérusalem, bâtissent la
ville rebelle et méchante, et que les murailles s’achèvent, et qu’ils
restaurent les fondements. Que le roi sache donc que si cette ville est bâtie
et que ses murailles s’achèvent, ils ne payeront ni tribut ni impôt, et, plus
tard, cela portera préjudice aux rois. Or, comme nous mangeons le sel du
palais, et qu’il n’était pas convenable pour nous de voir qu’on faisait tort au
roi, à cause de cela, nous avons envoyé et nous avons informé le roi, afin
qu’on cherche dans le livre des annales de tes pères ; et tu trouveras
dans le livre des annales, et tu sauras que cette ville est une ville rebelle,
et qu’elle a porté préjudice aux rois et aux provinces, et que, dès les jours
anciens, on y a fait des séditions ; c’est pourquoi cette ville a été
détruite. Nous faisons savoir au roi que, si cette ville est rebâtie et que ses
murailles s’achèvent, à cause de cela, tu n’auras plus de possession de ce côté
du fleuve » (v. 12-16).
(*) L’histoire nomme cet imposteur qui s’était emparé du trône : l’usurpateur Mage ou le faux Smerdis.
Remarquons qu’ils n’accusent
pas le peuple de rebâtir le temple et ne disent pas même un mot de ce dernier,
mais qu’ils parlent de la ville.
On
découvre aisément leur but. Ils veulent empêcher le rassemblement
du résidu, parce que ce rassemblement enlèverait à
l’ennemi tout pouvoir sur le peuple de Dieu : « Si cette ville est rebâtie
et que ses murailles s’achèvent, tu n’auras plus de possession de ce côté du
fleuve », tandis que, dispersé, il devient aisément la proie de ses adversaires.
De même, c’est au rassemblement des enfants de Dieu que Satan s’oppose
aujourd’hui ; et, s’il ne réussit pas à corrompre les brebis, il les désunit,
les ravit et les disperse.
Les adversaires d’alors font valoir auprès du roi des raisons politiques pour empêcher la réunion du peuple. De tels motifs avaient un grand poids auprès de ce monarque fourbe et usurpateur et, de fait, étaient les seuls dont il pût se préoccuper. Le roi constate que Jérusalem a eu jadis des rois puissants et qu’ils lui feraient ombrage si leur trône venait à être relevé, et encore que la ville s’est toujours montrée rebelle au joug étranger. Cela lui suffit pour arrêter l’ouvrage.
Dès qu’ils en reçurent l’autorisation, les adversaires d’Israël « allèrent en hâte à Jérusalem vers les Juifs, et les firent cesser par force et par puissance » (v. 23).
Ainsi ces quatre éléments hostiles se réunissent ici pour ruiner l’œuvre de Dieu : la ruse, l’intimidation, l’accusation, la violence. La foi seule aurait pu résister ; elle manqua totalement à ce peuple, et le résultat fut que l’édification de la maison subit un temps d’arrêt de quinze années.
Dans les chapitres qui précèdent, nous avons assisté à l’activité du résidu de Juda. Il était composé, en très grande partie, de gens qui avaient pu prouver leur généalogie. Ceux qui ne pouvaient le faire étaient, par là même exclus, comme profanes, de la sacrificature, mais Dieu les reconnaissait néanmoins, en bloc pour ainsi dire, et ils portaient, en présence de leurs ennemis, certains caractères qui les distinguaient des nations environnantes.
Si nous voulions chercher, au milieu de la chrétienté, une analogie avec cet état de choses, nous dirions que la Réformation offrit un exemple semblable. Le protestantisme, sorti d’un milieu quasi idolâtre, brilla, dès le début, par les caractères que la présence des vrais croyants lui imprima, et, sans pousser plus loin la comparaison, il y eut, sous l’influence de la parole de Dieu, remise en lumière, de précieuses vérités retrouvées, qui influèrent grandement sur la vie et la conduite du peuple de Dieu. Mais les ruses de l’ennemi, et sa violence séduisirent ou intimidèrent le grand nombre, en sorte que l’édification de la maison de Dieu fut entravée, puis arrêtée. L’épître à Sardes (Apoc. 3:1-6) décrit l’état dans lequel tomba l’Église sortie du papisme, après l’œuvre divine qui, au début, l’avait fait briller d’un si vif éclat.
En Esdras, nous l’avons vu, après le premier élan, où le peuple était comme un seul homme, la confiance en la puissance divine manque et l’ouvrage s’arrête. Quinze années s’écoulent ; les seuls fondements du temple sont posés ; la construction est absolument interrompue. Pendant ces longues années, le peuple doit bien s’occuper à quelque chose, et quand l’Éternel n’a plus sa place dans le cœur, de quoi s’occuper sinon de ses propres intérêts ? C’est ce que nous apprend le prophète Aggée. Le peuple se bâtissait des maisons lambrissées, tandis que la maison de Dieu était dévastée (Aggée 1:4). Mais l’inactivité spirituelle eut des résultats plus désastreux encore ; le peuple s’allia avec ces nations, auxquelles il avait dit : « Vous n’avez pas affaire avec nous… » (Esdras 4:3), et nous en constaterons les effets aux chap. 9 et 10 de notre livre.
Cependant la grâce qui les
avait délivrés ne fut pas paralysée par leur conduite, et nous assistons, dans
le chap. 5, à un réveil
produit par
l’Esprit de Dieu. Des réveils avaient eu lieu jadis sous Ézéchias et Josias,
comme nous l’avons vu en méditant le second livre des Rois (*), avant que la sentence de Lo-Ammi, prononcée sur
Israël (Os. 1:9), eût été exécutée. Proprement, ces réveils étaient plutôt ceux
des rois, conducteurs du peuple. Ce dernier en bénéficiait, sans que, comme
ensemble, sa conscience fût atteinte. Mais ici, après le châtiment de la
captivité et la réintégration des restes de Juda, le réveil acquiert un autre
caractère. C’est un réveil du peuple, et de plus il ne s’agit pas, comme
autrefois, de se séparer des idoles et de purifier le temple, mais, quand le
temple n’est plus qu’un monceau de ruines, de le rebâtir
.
(*) Méditations sur le second livre des Rois, par H. R.
Tel est aussi le caractère du
témoignage actuel au milieu de la chrétienté. Il s’agit d’apporter des
matériaux à la maison de Dieu. Dieu a remis en lumière la vérité que cette
maison, l’Église, assemblée du Dieu vivant, a une immense importance aux yeux de
Christ. Malgré la ruine, il considère son Assemblée telle qu’il veut l’avoir,
quand même, par l’infidélité du peuple de Dieu, elle a complètement disparu
comme témoignage public. Son existence, bien plus, son unité, sont aussi
réelles — non pas aux yeux du monde, mais à ceux de Dieu — que lorsque,
pareille au temple de Salomon, elle était édifiée et croissait pour être un
temple saint dans le Seigneur. C’est la
même maison
. En Esdras aussi (chap. 5), le résidu la considère à ce point
de vue : « Nous bâtissons », dit-il, « la
maison
qui fut bâtie anciennement, il y a bien des années ; et un
grand roi d’Israël l’a bâtie et achevée » (v. 11). Et : « Nebucadnetsar
détruisit cette maison
» (v.
12) ; et : « Cyrus donna ordre de bâtir cette maison
de Dieu » (v. 13) ; et encore : « Sheshbatsar
est venu et a posé les fondements de la maison de Dieu qui est à Jérusalem, et
depuis lors jusqu’à présent elle se bâtit ; mais elle n’est pas achevée »
(v. 16).
Bâtir la maison de Dieu, tel est aussi le caractère du réveil que le Seigneur suscite de nos jours. Voilà plus de cent ans que cette grande tâche du peuple de Dieu a été remise en lumière. A-t-elle réveillé tous les cœurs de tous les croyants ? Il ne s’agit nullement, répétons-le, de bâtir une nouvelle Église, car elle existe, édifiée par Dieu, et croît pour être un temple saint dans le Seigneur ; et, pour qu’elle soit, il suffit que Dieu la voie. Mais Dieu attend de son peuple qu’il la rende visible aux yeux de tous, en apportant des matériaux convenables à son édification. L’évangéliste, les pasteurs et docteurs, sont les agents, employés par le Saint Esprit pour l’édification de l’Assemblée, mais l’on se ferait une grande illusion, si l’on pensait que l’évangélisation seule ajoute des âmes à l’édifice. Elle en est un des principaux instruments, mais ce travail a besoin du concours de tous les dons ; et bien plus encore, chacun des témoins de Christ est responsable d’apporter de nobles et vivants matériaux à la maison de Dieu. Notre infidélité a dispersé ces matériaux au lieu de les rassembler, en sorte qu’ils ne sont plus visibles qu’aux yeux de Dieu. Aux fidèles incombe aujourd’hui le soin de les discerner et de les mettre à leur place, en sorte que la maison de Dieu redevienne visible au milieu de ce monde, ne fût-ce que par quelques assises qui montrent ce qu’elle doit être.
C’était là le témoignage
auquel le résidu de Juda
était appelé. Que de fois nous entendons dire que l’évangélisation est le
témoignage, et cette idée, foncièrement erronée, a pour effet que l’on croit
avoir mis la main à la maison de Dieu, quand des âmes ont été converties, puis
laissées désemparées au milieu de systèmes humains étrangers à l’Assemblée de
Dieu.
Chers lecteurs, pensons à ces
choses. Nous avons, aux jours où nous sommes, quelque chose à édifier, et ce ne
sont pas ces édifices caducs que l’on nomme des églises, que Dieu ne reconnaît
pas, pour lesquels le cœur de Christ n’a aucune sympathie. Lui a aimé l’Assemblée
; en se donnant pour
elle, il a montré le prix qu’elle avait à ses yeux. A-t-elle pour nous le même
prix que pour Lui ? Dans ce cas, nous aurons un cœur large qui nous
portera au-dessus de vues étroites et sectaires, un cœur brûlant d’amour qui ne
peut être satisfait qu’en voyant tous les rachetés rassemblés dans l’unité du
corps de Christ. Et, alors même que cette tâche ne peut être réalisée, comme
elle le fut au début de l’histoire de l’Église, Dieu tiendra compte aux siens
de l’activité déployée pour proclamer et réaliser en pratique qu’il n’y a
qu’une Maison, une Assemblée du Dieu vivant, reconnue par Lui dans ce monde.
« Et les prophètes, Aggée le prophète, et Zacharie, fils d’Iddo, prophétisèrent aux Juifs qui étaient en Juda et à Jérusalem, au nom du Dieu d’Israël » (5:1). Pour opérer ce réveil, il suffit ici de deux prophètes. Ils étaient les porteurs et les représentants de la parole de Dieu pour le peuple. Par eux, la Parole, remise en lumière selon la puissance du Saint Esprit, vint atteindre les consciences. Nous verrons plus tard, lorsque Esdras entrera en scène (7-10), cette même Parole présentée aux âmes sans aucun des signes de la puissance prophétique. Esdras qui la portera n’aura d’autre prétention que d’établir les fidèles dans les vérités que présentent les Écritures, afin que leur marche s’y conforme. Les deux prophètes d'un côté, Esdras de l’autre, nous présentent deux actions différentes de la parole de Dieu. Après avoir réveillé, elle fonde et nourrit, et c’est grâce à elle que les âmes sont sanctifiées pour se conduire d’une manière digne de Dieu. Une période de réveil qui n’est pas suivie de l’enseignement scripturaire sera de courte durée et s’éteindra, sans laisser d’autres traces de son passage que des âmes individuellement sauvées et amenées à la connaissance de Christ. Bénédiction inappréciable, sans doute, mais qui n’épuise pas le trésor des bénédictions chrétiennes. Aussi ne peut-on assez insister sur l’importance de la doctrine pour le progrès des âmes réveillées.
Le ministère d’Aggée et de
Zacharie eut pour résultat immédiat que les chefs du peuple, Zorobabel et
Jéshua, prirent leur parole à cœur. « Ils se levèrent et commencèrent à bâtir la
maison de Dieu qui est à Jérusalem, et avec eux les prophètes de Dieu qui les
assistaient » (v. 2). Les conducteurs n’attendent pas un assentiment unanime, ni
ne cherchent à provoquer une action commune, quand il s’agit de bâtir la
maison. C’est ce qui aura toujours lieu. Le seul moyen de susciter l’activité
de la foi chez d’autres est de déployer soi-même cette activité, avec un cœur
rempli du sentiment de ce qui est dû au Seigneur et de notre responsabilité
envers Lui. Nous ne serions que deux ou trois, marchant avec un cœur non
partagé dans le chemin du dévouement pour l’Assemblée de Dieu, soyons certains
que notre zèle portera ses fruits. Deux ou trois seulement ? direz-vous.
Oui, Aggée et Zacharie, Zorobabel et Jéshua, représentaient à eux seuls, en ce
moment, le vrai Esprit de Christ. C’étaient, en un court résumé, la royauté, la
sacrificature et l’Esprit de prophétie, à l’œuvre pour la bénédiction de tous.
Ces deux hommes, et avec eux les prophètes de Dieu, commencèrent à bâtir.
Bientôt d’autres s’y associèrent. Le peuple prit fait et cause pour ses
conducteurs contre l’ennemi : « Nous
leur dîmes quels étaient les
noms des hommes qui bâtissaient cet édifice. Et l’œil de leur Dieu était sur
les anciens des Juifs » (v. 4, 5).
Depuis la première opposition à l’érection du temple, de nouveaux hommes, Thathnaï, Shethar-Boznaï et leurs collègues (v. 6), avaient remplacé les anciens ennemis du peuple, Bishlam, Mithredath, Tabeël et leurs collègues (4:7). En Néhémie 6:1, ils changent de nouveau : ce sont Sanballat, Tobija et Guéshem l’Arabe, avec leurs collègues. Les hommes se succèdent dans leur inimitié plus ou moins violente ou haineuse contre l’œuvre de Dieu, mais l’opposition reste, parce que l’ennemi qui emploie tous ces instruments n’a pas changé. Ah ! si la foi ne se laissait jamais arrêter par les obstacles que soulèvent les agents de Satan ! Si nous comprenions bien que l’œuvre de Dieu ne peut être détruite, parce que Dieu demeure au-dessus de tous ! Il peut permettre que notre incrédulité et notre lâcheté retardent cette œuvre et l’interrompent, et cela afin de nous apprendre à nous connaître, à nous juger et à nous humilier, mais néanmoins son œuvre s’accomplira. Sa maison, même détruite, demeure, et tandis que les hommes ennemis se succèdent rapidement, les Zorobabel, les Jéshua et leurs compagnons demeurent jusqu’à ce qu’ils aient accompli l’œuvre à laquelle ils étaient appelés, et que de nouveaux instruments, des Esdras et des Néhémie, soient suscités pour lui imprimer un nouveau caractère.
Mais déjà le témoignage qui
appartient à ce réveil, provoqué par les prophètes, n’a plus tout à fait le
même caractère que celui des chap. 3 et 4. Il pourrait, en quelque
mesure, être comparé à l’évangélisation qui accompagne le
christianisme. Le résidu ne proclame plus seulement ici, comme au chap. 4:1, 3,
« l’Éternel, le Dieu d’Israël », mais « le Dieu des cieux et de la terre »
(5:11-12) ; et le temple n’est plus seulement le « temple de l’Éternel, le
Dieu d’Israël » (4:1), mais « la maison de Dieu » (5:13, 15, 16, 17). Ces termes
parlent clairement de Dieu, tel qu’il se révèle aux nations, et du titre
millénaire de Christ. Ce n’est pas pour les douze tribus seulement que le
temple futur de Jérusalem sera établi, car les gentils y auront leur part, et
les nations avec leurs rois y monteront pour adorer « le Dieu des cieux et de la
terre ». Le peuple de l’Éternel se place ici vis-à-vis des nations, comme
servant le Dieu qu’elles-mêmes devraient servir, et, de la même manière, nous
présentons, de nos jours, notre Père au monde, comme le « Dieu Sauveur qui veut
que tous les hommes soient sauvés » (1 Tim. 2:4). C’est dans ce sens
que j’appellerais le réveil du chap. 5 un réveil
évangélique.
Si le peuple, pris ainsi à partie par ses ennemis, confesse hautement le nom et les caractères de son Dieu, ce n’est nullement avec le sentiment de sa supériorité vis-à-vis de ceux qui l’entourent. Il ne cherche pas à diminuer sa culpabilité, mais reconnaît devant les nations qu’il est sous le jugement de Dieu. Si les fidèles sont « serviteurs du Dieu des cieux », ils avouent qu’ils ont été justement punis de leurs transgressions : « Mais quand nos pères provoquèrent le Dieu des cieux, il les livra en la main de Nebucadnetsar, roi de Babylone, le Chaldéen, et il détruisit cette maison et transporta le peuple à Babylone » (v. 12). Leur asservissement aux nations était le châtiment de leur iniquité (v. 13-15). Cette attitude ne convient-elle pas aussi à l’Église coupable, responsable de ce qui lui a été confié ? Dieu demande aujourd’hui, comme alors, à ses serviteurs, que leur témoignage, pour être efficace, soit avant tout le témoignage de leur ruine.
Plaçons encore ici une remarque au sujet de la tactique des ennemis du peuple. Sous Artaxerxès, le faux Smerdis (chap. 4), qui avait un intérêt capital à éviter des soulèvements contre son pouvoir usurpé, les adversaires invoquent des motifs politiques pour arrêter l’œuvre de Dieu. Ce monarque ne se serait guère ému de questions religieuses, mais il lui importait avant tout que le peuple ne retrouvât pas son unité et le moyen de la défendre dans une capitale fortifiée. Les ennemis écrivent donc au roi « que les murailles s’achèvent et qu’ils restaurent les fondements de la ville rebelle et méchante ». Artaxerxès donne des ordres en conséquence.
Sous Darius le Perse, leur tactique a changé. Darius, comme les monarques d’origine persane, détestait l’idolâtrie babylonienne, tout en accordant aux pays de sa domination le droit d’avoir chacun son idolâtrie spéciale. Il reconnaissait le vrai Dieu, comme nous le verrons au chap. 6, et avait pour lui une certaine crainte. Les accusateurs des Juifs pensent donc toucher une corde sensible, en mettant en avant la construction du temple et les intérêts religieux du royaume. Cyrus a-t-il permis cette réédification comme le prétendent les Juifs ? Les ennemis cachent leur hostilité sous une apparence d’indifférence et presque de tolérance. Si l’édit de Cyrus n’existait pas, ou ne pouvait être retrouvé, ils pouvaient s’attendre à ce qu’un ordre du roi enjoignît de cesser l’ouvrage. Leur grande préoccupation est de rester en bons termes avec le pouvoir du monde, car le nom de Dieu n’a, de fait, aucune valeur pour leur cœur ou leur conscience. « Que le roi », disent-ils, « nous envoie sa volonté sur cela » (v. 17).
Dieu favorise particulièrement le réveil qu’il a provoqué, tout en faisant sentir de plus en plus aux réchappés la ruine causée par leur infidélité. Darius le Perse appuie les Juifs et prononce une sentence équitable, fondée du reste sur le fait que, selon « la loi des Mèdes et des Perses, aucune défense ou aucun statut que le roi a établi ne peut être changé » (Dan. 6:15). En tout cela, l’on peut voir la providence de Dieu, veillant sur le peuple. L’édit de Cyrus est trouvé à Ecbatane, dans la province de Médie et non pas à Babylone, ce qui prouve que, sans l’intervention divine, des recherches, même minutieuses, auraient pu être vaines. Darius, s’il ne va pas jusqu’à proclamer, comme Nebucadnetsar humilié, que le Très-Haut domine sur les royaumes des hommes, reconnaît toutefois le Dieu des cieux, et le temple de Jérusalem comme la maison de Dieu (6:9, 10 ; 3:7, 8). Il en ordonne les dimensions qui dénotent son inintelligence, parce qu’elles ne correspondent plus aux chiffres symboliques du temple primitif (v. 3 ; 1 Rois 6:2), et ainsi plus d’une pensée de Dieu reste comme ensevelie sous ces nombres nouveaux. Darius reconnaît aussi que les prières de ces gens méprisés et humiliés sont efficaces pour la vie du roi et de ses fils (v. 10) ; il use de l’autorité qui lui est confiée pour punir ceux qui voudraient s’opposer à la volonté de Dieu ; il fait enfin un appel solennel au Dieu qui habite à Jérusalem pour qu’il exerce la vengeance sur ceux qui s’opposent à Lui : « Et que le Dieu qui y a fait demeurer son nom renverse tout roi et peuple qui étendrait sa main pour changer et pour détruire cette maison de Dieu qui est à Jérusalem » (v. 12). Les adversaires, qui n’ont aucun respect pour le peuple de Dieu, se hâtent de se conformer à l’édit du roi, car c’est la crainte de l’homme qui remplit leurs cœurs, mais Dieu se sert de tout, et de cette crainte même, afin d’accomplir ses desseins de grâce pour la protection des siens.
Les anciens des Juifs bâtissent et prospèrent par la prophétie d’Aggée et de Zacharie. Ils achèvent le temple, non seulement selon l’ordre du Dieu d’Israël, mais aussi selon l’ordre des souverains de Perse (v. 14). C’est le caractère spécial de ce réveil produit au milieu de l’humiliation et sous l’esclavage des gentils. Le travail du temple avait été interrompu pendant quinze ans, depuis la deuxième année de Cyrus jusqu’à la deuxième année de Darius le Perse (4:24 ; Aggée 1:1). Quatre années plus tard la maison de Dieu était achevée (v. 15). Combien sont désastreux les retards produits par la crainte des hommes et par le manque de confiance dans le Seigneur, qui en est la suite nécessaire !
Au mois d’Adar, le douzième mois, correspondant à notre mois de mars, a lieu la dédicace de la maison, mais elle n’est plus, comme nous l’avons dit, selon ses dimensions premières et divines. Cette dédicace n’est célébrée que bien pauvrement, comparée à celle de Salomon, de glorieuse mémoire, mais, malgré cela, la joie remplit le cœur du peuple, car Dieu fait de nouveau « demeurer son nom » (v. 12) d’une manière publique et avouée dans cette maison restaurée. Non pas que sa gloire y rentre, ni son trône entre les chérubins, mais sa présence spirituelle ne peut manquer, quand le centre du rassemblement de son peuple est reconnu. Si, dix-neuf ans auparavant, ils avaient manifesté leur unité, lors de l’érection de l’autel, maintenant, lors de la dédicace du temple, ils réalisent cette vérité bénie, que l’Éternel est au milieu d’eux. Il consacre, pour ainsi dire, leur unité, par Sa présence, mais ici encore elle porte l’empreinte de leur péché et de leur ruine. Comme sacrifice pour le péché, ils offrent douze boucs, selon le nombre des tribus d’Israël (v. 17). Aucune tribu n’est exclue de la confession publique du péché exprimée par le sacrifice. On ne trouve plus, comme au temps d’Élie, un autel de douze pierres exprimant l’unité du peuple, mais douze boucs offerts sur l’autel pour l’expiation d’un péché commun. Ils reconnaissent ainsi leur solidarité et leur égalité dans le péché. Le péché de Juda et de Benjamin, auquel ces transportés appartiennent, est aussi grand à leurs yeux que celui des dix autres tribus et a besoin de la même expiation. Au milieu de ces circonstances, c’est à la Parole seule, à « ce qui est écrit au livre de Moïse » qu’ils recourent pour organiser le service (v. 18).
Tout cela ne nous parle-t-il pas de la position des croyants de nos jours ? Ils ont à reconnaître le péché de l’Église et à en porter la responsabilité devant Dieu, sans penser à la rejeter sur d’autres. Chercher la présence de Dieu au milieu des siens qui sont rassemblés autour de son nom ; ne pas prétendre à restaurer dans son entier ce que nous avons ruiné ; nous en tenir à la parole de Dieu seule pour l’établissement et le maintien de l’ordre dans l’Assemblée ; nous réjouir, au milieu de notre grande pauvreté, d’avoir, dans notre humiliation, le Saint et le Véritable pour nous et avec nous, tels sont nos privilèges actuels.
Outre ces bénédictions, le résidu en découvre encore de nouvelles. Au douzième mois avait eu lieu la dédicace du temple ; au mois suivant, le mois d’Abib (avril), le premier de la nouvelle année, le peuple célèbre la Pâque. Il retrouve l’ordre des fêtes, tel qu’il a été institué de Dieu, du moment qu’un ordre complet — l’autel et le temple, le rassemblement et l’unité du peuple, la présence de l’Éternel au milieu d’eux — est retrouvé. Au chap. 3, après avoir bâti l’autel, ils avaient célébré la fête des Tabernacles avec les holocaustes, et cela était légitime, car ils avaient retrouvé leur demeure en Canaan. Ici ils font la Pâque. Elle était le mémorial du sacrifice par lequel Israël avait été, d’une part préservé du jugement de Dieu, d’autre part délivré de l’esclavage d’Égypte. Cette fête correspond pour nous, chrétiens, au mémorial de la mort de Christ, de notre délivrance et des bienfaits de la nouvelle alliance en son sang. Ce mémorial est célébré le premier jour de la semaine, jour de la résurrection, qui est pour nous « le commencement des mois ».
Les sacrificateurs et les lévites s’étaient purifiés « comme un seul homme » ; ils étaient tous purs (v. 20) pour célébrer la Pâque. Ils sentaient qu’ils ne pouvaient apporter l’impureté à ce saint repas commémoratif, et, comme ils avaient été unanimes pour bâtir l’autel, pour surveiller l’ouvrage et poser les fondements du temple, ils le sont maintenant pour se purifier, « et avec eux, tous ceux qui s’étaient séparés de l’impureté des nations du pays, pour rechercher l’Éternel, le Dieu d’Israël » (v. 21).
Tel doit être toujours le caractère du témoignage d’un résidu, au milieu de la ruine. Il sent que la souillure ne peut être admise à la table du Seigneur et que le monde n’y a aucune place ; il sent que ce repas ne peut avoir lieu sans le jugement de soi-même : « Que chacun s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange du pain et boive de la coupe » (1 Cor. 11:28).
En dernier lieu, « ils
célébrèrent la fête des pains sans levain, pendant sept jours avec joie ;
car l’Éternel les avait rendus joyeux, et il avait tourné vers eux le cœur du
roi d’Assyrie, pour fortifier leurs mains dans l’œuvre de la maison de Dieu, du
Dieu d’Israël » (v. 22). Cette fête des pains sans levain est le type d’une
sanctification complète et continue, poursuivie pendant sept jours, nombre de
la plénitude, image du cours entier de notre vie, d’une vie dévouée à Celui qui
nous a délivrés par sa mort et auquel nous appartenons en propre. C’est en
figure la sanctification collective et individuelle dont il est parlé en 2 Cor.
6:17 à 7:1. Le résidu restauré célèbre cette fête avec joie
, comme il l’avait fait à la fête des tabernacles, à la
dédicace des fondements et de la maison (3:13 ; 6:16, 22). En cela elle
différait de ce qui était dit dans la loi de Moïse : « Pendant sept jours
du mangeras des pains sans levain, pains
d’affliction
, parce que tu es sorti en hâte du pays d’Égypte » (Deut. 16:3).
Ici, dans toutes les bénédictions retrouvées, il n’y avait place que pour la
joie.
Le résidu de la transportation n’était pas seul à célébrer la fête. Parmi le peuple, resté dans le pays pendant la captivité, « tous ceux qui s’étaient séparés de l’impureté des nations pour rechercher l’Éternel » (v. 21) avaient part à cette solennité. Sans faire partie du témoignage, proprement dit, ils venaient s’y associer avec une vraie sainteté pratique. Aussi avaient-ils part au mémorial et à la fête.
Cette vérité est d’une grande importance pour le jour actuel. Tous les chrétiens séparés du monde et de la profession sans vie qui nous entoure, ont droit à la table du Seigneur et y sont reçus avec joie par leurs frères.
Malgré tant de bénédictions, les ressources du peuple, soit pour les offrandes, soit pour le service, étaient très diminuées (comp. 1 Rois 8:63), mais cela n’entravait en rien l’ordre du service. Ils avaient, pour cet ordre, une autorité infaillible, à laquelle ils pouvaient toujours recourir : « Ce qui est écrit au livre de Moïse » ; autrement dit, la parole de Dieu (v. 17-18).
Nous entrons ici dans une nouvelle période de notre histoire. Quarante-sept ans se sont écoulés depuis la dédicace du temple, soixante-huit environ depuis l’édit de Cyrus. Assuérus (connu aussi sous le nom de Xerxès), le monarque dont nous parle le livre d’Esther, fils du Darius (Hystapis) d’Esdras 5 et 6, a pendant cet intervalle succédé à son père, et a été suivi sur le trône par Artaxerxès son fils (Artaxerxès Longue-main), dont il est question dans notre chapitre.
Au chap. 5, le réveil avait été caractérisé par la puissance de la parole prophétique, produisant un renouvellement d’énergie chez le peuple, qui depuis longtemps avait abandonné le travail de la maison de Dieu. Les chap. 5 et 6 nous ont parlé des résultats de ce réveil.
L’œuvre première étant achevée, le peuple est appelé à en goûter paisiblement les fruits. Son niveau spirituel se conservera-t-il dans ces nouvelles circonstances ? Non, des temps surviennent où il baisse rapidement. Le monde s’infiltre ; des alliances profanes, comme nous le verrons à la fin de ce livre, sont tolérées et détendent le ressort moral. Le mal était encore caché au temps où Esdras fut suscité, car ce fut sa présence, avec de nouveaux éléments non contaminés, qui décela le mal.
Où donc trouver une ressource
contre cet affaissement spirituel et ses suites ? Il n’y en a qu’une
seule : la parole de Dieu
. Dieu
suscite Esdras pour enseigner au peuple la loi de Moïse et lui en rappeler
l’importance. Il ne s’agit pas ici de révélations nouvelles, comme lorsque
Aggée et Zacharie parlèrent au peuple, mais simplement de remettre en lumière
et d’appliquer aux consciences « les statuts et les ordonnances » (v. 10)
contenus dans « la loi de l’Éternel ».
N’oublions pas que c’est
aussi, dans le jour actuel, notre seule sauvegarde et notre seul moyen de
restauration. « C’est à celui-ci », dit l’Éternel, « que je regarderai : à
l’affligé, et à celui qui a l’esprit contrit, et qui tremble à ma parole
» (Ésaïe 66:2).
Esdras était, de tout point, remarquable en tant que choisi de Dieu pour remplir cette mission. Nous trouvons d’abord (v. 1-5) sa généalogie qui ne présentait aucune lacune. Il était de race sacerdotale et remontait, par ses ancêtres et leurs vertus (la fidélité d’un Tsadok, le zèle d’un Phinées), jusqu’à « Aaron, le chef des sacrificateurs ».
Ne doit-il pas en être ainsi, de nos jours, pour les ministres de la Parole ? Leur personne, leurs œuvres et leur conduite doivent montrer clairement que « leurs sources sont en Christ », le vrai souverain sacrificateur. Il doit être évident aux yeux de tous quel est leur Chef et de qui ils ont reçu la vie.
Esdras était « un scribe versé
dans la loi de Moïse, qu’avait donnée l’Éternel, le Dieu d’Israël » (v. 6). Dieu
l’avait préparé d’avance, comme un don spécial, pour être conducteur du peuple,
mais cela ne suffisait pas pour le qualifier à exercer son ministère :
« Esdras avait disposé son cœur à rechercher la loi de l’Éternel et à la faire »
(v. 10). À la rechercher
d’abord, à
la faire
ensuite, car, en ce qui le
concernait lui-même, il ne séparait pas la pratique de la connaissance. Il
n’était pas semblable à ces docteurs de la loi qui, aux jours de Jésus,
« chargeaient les hommes de fardeaux difficiles à porter, et eux-mêmes ne
touchaient pas ces fardeaux d’un seul de leurs doigts » (Luc 11:46). Sa vie
pratique était imprégnée des préceptes de la Parole dont il faisait sa nourriture.
Et ce n’était qu’ensuite
qu’il avait
disposé son cœur « à enseigner en Israël les statuts et les ordonnances » (v.
10). En un mot, sa vie et sa conduite étaient complètement d’accord avec son
enseignement.
La conséquence de cette
entière consécration à la Parole et à l’œuvre, fut que « la bonne main de son
Dieu était sur lui », car
, est-il dit
(remarquez ce « car ») il avait disposé son cœur. Nous rencontrons cela toujours
et à toute époque : la protection de Dieu repose spécialement sur ceux
qui, s’oubliant eux-mêmes pour ne dépendre que de Lui, se consacrent sans
réserve à son œuvre.
Pour suivre ce chemin
d’obéissance, sans danger de s’en écarter, Esdras avait besoin d’une
connaissance spéciale de l’Écriture tout entière. Il était versé
dans la loi de Moïse (v. 6) ; il était « le scribe,
scribe des paroles des
commandements de l’Éternel et de ses statuts donnés à Israël » (v. 11). Souvent
rien n’est plus fatal aux âmes qu’une connaissance superficielle et bornée de
la Parole. Combien de divisions, de contestations, seraient évitées parmi les
enfants de Dieu, s’ils considéraient les Écritures sous leurs faces diverses.
Séparer une vérité d’autres vérités connexes, sans tenir compte de ces
dernières, est généralement une preuve d’ignorance et de propre volonté, quand
ce n’est pas le fruit d’une orgueilleuse satisfaction de soi-même qui veut
enseigner les autres, et se refuse à se laisser enseigner de Dieu. Presque
toutes les fausses doctrines ont leur point de départ dans une vérité sortie de
sa place, par conséquent mal comprise, et devenant ainsi la racine même d’une
erreur.
L’édit d’Artaxerxès, aussi
bien que la lettre de Darius (chap. 6), nous montre les dispositions mentales
des souverains de Perse. Sans foi vivifiante, ils avaient une certaine crainte de
Dieu. Comme son grand-père Darius, Artaxerxès reconnaissait le Dieu des cieux.
S’il laissait, au dire de l’histoire, à chaque peuple ses idoles, lui n’en
avait pas. La doctrine de Zoroastre, la croyance en un Dieu suprême,
l’enseignement des mages, tout cela mêlé à des vues philosophiques quant au
principe du bien et du mal, formait la religion de ces souverains. Cela les
disposait, sans doute, à reconnaître le « Dieu des cieux », mais, dans son édit,
Artaxerxès va plus loin : il reconnaît le Dieu d’Esdras (v. 14), le Dieu
d’Israël (v. 15), le Dieu de Jérusalem (v. 19). Il reconnaît aussi sa
responsabilité envers ce Dieu dont on doit craindre la colère (v. 23). Il
montre de plus beaucoup de confiance en Esdras, homme de Dieu, car il lui remet
l’établissement des magistrats et des juges de l’autre côté du fleuve (v.
25) ; il sait fort bien que le pieux Esdras n’en choisira pas qui se
révoltent contre l’autorité royale. Il veut que cet homme instruise les
ignorants, et c’est pour lui la garantie de paix de son règne (v. 25). Il
ordonne enfin des mesures sévères contre ceux qui enfreignent la loi de Dieu et du roi,
car, dans sa
pensée, il identifie ensemble ces deux lois (v. 26).
Quant à Esdras, il rapporte tout à Dieu, même la faveur du roi : « Béni soit l’Éternel, le Dieu de nos pères, qui a mis de telles pensées dans le cœur du roi, d’orner la maison de l’Éternel qui est à Jérusalem, et qui a étendu sur moi sa bonté devant le roi, et ses conseillers, et tous les puissants princes du roi » (v. 27-28). Avant toutes choses, il vit dans la présence de son Dieu et éprouve que « la main de l’Éternel est sur lui » pour l’exaucer (v. 6), le protéger (v. 9), le fortifier (v. 28) et le délivrer (8, 31).
Dans ce nouvel exode, Esdras est accompagné d’une partie du peuple resté dans la province de Babylone. Ces derniers, comme leur conducteur, possèdent un registre généalogique exact. L’Écriture les mentionne tous d’après leurs familles et non pas, comme une partie de ceux du chap. 2, d’après leurs villes. Dans le premier grand mouvement de restauration, il y avait relativement peu de doute quant au droit des individus d’appartenir au peuple de Dieu, et ce doute portait essentiellement sur la sacrificature, mais il paraît nécessaire ici que l’on soit même plus strict qu’au commencement. Ce phénomène est fréquent. L’élan d’un premier amour peut offrir quelque mélange, parce que l’amour et la joie débordent et soutiennent l’ensemble du peuple. Des éléments étrangers peuvent s’y mêler et souvent, peu après le début, on en fait la pénible expérience, mais la puissance du Saint Esprit est là pour les discerner et les trier quand l’occasion se présente. L’histoire de l’Église, à sa naissance, nous offre des exemples semblables. Le mensonge y entre avec Ananias et Sapphira, la chair, qui n’a que l’apparence de la conversion, avec Simon le magicien, mais l’Esprit de Dieu veille, juge et discerne, et la maison est préservée momentanément de dommage. Plus tard l’assemblée se met davantage en garde contre le mal : « Tu as éprouvé ceux qui se disent être apôtres et ne le sont pas, et tu les as trouvés menteurs » (Apoc. 2:2). Ce n’est un signe, ni de plus de puissance, ni de plus d’amour, mais cela devient une nécessité, si l’on veut conserver pur le témoignage de Dieu.
Au milieu du cortège brillent
les fils d’Adonikam, dont la plus grande partie était remontée avec Zorobabel
(2:13). Maintenant les derniers
(v.
13) remontent avec Esdras ; leurs noms ne sont pas oubliés ; toute la
famille est ainsi au complet et cette bénédiction spéciale est mentionnée ici,
dans le livre de Dieu. Puissions-nous aussi voir des familles entières
d’Adonikam, parmi ceux que le Seigneur appelle à lui rendre témoignage dans ces
jours de la fin !
Ces hommes, y compris les
sacrificateurs, mentionnés en premier lieu, et les chefs, étaient au nombre de
1502 (v. 1-14). Mais voici qu’avant de se mettre en route, Esdras fait une
constatation des plus affligeantes : « Je considérai le peuple et les
sacrificateurs, et je n’y trouvai aucun des fils de Lévi » (v. 15). Ils étaient
déjà, comme nous l’avons remarqué, très peu nombreux au chap. 2, et ne
comptaient que 74 personnes. Ici, pas un seul
lévite ne se présente. Ils
restent dans les villes des nations, occupés de leurs intérêts, sans aucune
pensée de monter avec leurs frères pour le service de la maison de Dieu. Esdras
est obligé de leur envoyer une ambassade spéciale de chefs et d’hommes
intelligents, pour les engager à se joindre à leurs frères. Ils viennent enfin
au nombre de trente-huit ! Les Nethiniens sont au nombre de 220, six
serviteurs environ pour un lévite ! Un tel fait n’est-il pas très
humiliant, et ne pouvons-nous pas, nous aussi, en tirer de l’instruction ?
Où sont les ministères, parmi le peuple de Dieu, car, comme nous en avons plus
d’une fois fait la remarque, les ministères d’aujourd’hui correspondent aux
lévites d’autrefois ? Où sont ceux qui servent la maison de Dieu et y
remplissent les fonctions que Dieu leur a assignées ? Pourquoi cette
disette et cette pauvreté ? Ceux qui restaient parmi les nations pouvaient
invoquer les occupations de leurs charges au milieu de leurs compatriotes, mais
fallait-il que la maison de Dieu
restât sans leur coopération ? Ne devaient-ils pas sacrifier leur position
et leurs intérêts, afin de servir l’Éternel là où il voulait être servi ?
Malgré tout, nous retrouvons ici cette parole : « La bonne main de notre Dieu était sur nous » (v. 18), seule ressource sur laquelle Esdras pût compter. Et si le secours accordé se trouvait insuffisant, faisant ressortir les lacunes immenses produites par la ruine du peuple, du moins c’était un secours, et le Seigneur n’abandonnait pas les siens.
En présence de cette coupable
insuffisance, que devaient faire Esdras et ses compagnons ? Devaient-ils
chercher à y remédier par quelque combinaison humaine suggérée par les
circonstances ? Nullement. La maison était bâtie, le lieu de rassemblement
du peuple, édifié ; le nom de l’Éternel habitait là ; il fallait s’y
rendre sans tarder. Mais, dans ces conditions, une chose, une seule était nécessaire
: l’humiliation. « Et là,
près du fleuve Ahava, je publiai un jeûne, pour nous humilier devant notre
Dieu » (v. 21). Sans le jeûne et l’humiliation, exigés par le misérable état de
cette poignée d’hommes, prêts à se rendre à Jérusalem, aucune bénédiction
n’était possible. Comment, en cet état si pauvre, si incomplet, auraient-ils
trouvé « le vrai chemin » pour eux, leurs enfants, et tout leur avoir ?
D’autres auraient été tentés de « demander au roi des forces et de la cavalerie
pour les garantir en chemin contre les attaques de l’ennemi ». Cette pensée ne
monte pas au cœur du pieux Esdras, il aurait eu honte
de la nourrir et de lui donner cours. N’avait-il pas dit au
roi : « La main de notre Dieu est en bien sur tous ceux qui le
cherchent ; et sa force et sa colère sur tous ceux qui
l’abandonnent » ? (v. 22). Allait-il dire : Je me confie en l’Éternel,
et donner un démenti à cette parole, en ajoutant : Cela ne me suffit pas
complètement : il me faut aussi me confier en l’homme ? Non ; ce
faible résidu jeûne et s’humilie, et s’adresse à Dieu par la prière. C’était
précisément ce qu’il fallait, et pas autre chose. « Nous jeûnâmes, et nous
demandâmes cela à notre Dieu, et il nous exauça » (v. 23).
Des circonstances comme celles d’Esdras se sont souvent rencontrées et se rencontrent encore de nos jours. Parfois les difficultés sont en apparence inextricables. L’ennemi nous attend sur le chemin et se place entre nous et l’accomplissement d’un simple devoir : le rassemblement des siens et le service de la maison de Dieu. Nous n’avons aucune force pour lui résister. Le secours des lévites, sur lequel nous avions fondé quelque espérance, nous manque. Satan voudrait bien nous inciter à le rencontrer avec « les forces et la cavalerie du roi », avec les armes de la chair, sachant que nous serions vaincus si nous employions ses propres armes contre lui-même. Que faire ? Ce que fit Esdras : tenons-nous dans le jeûne, l’humiliation et la prière, et soyons certains que Dieu nous exaucera. « Il nous exauça », dit Esdras. Outre ces armes bénies, Esdras avait la parole de Dieu avec lui et en était le représentant pour le peuple. Était-il riche ? Était-il fort ? Nullement, mais il possédait les ressources de Celui dont la puissance s’accomplit dans l’infirmité.
Aux versets 24 à 30, les sacrificateurs et les lévites reçoivent en dépôt les choses saintes, ustensiles, argent et or, qui avaient été volontairement données pour la maison de Dieu. Ces dons étaient sanctifiés par le nom de l’Éternel et par le caractère de ceux qui en avaient la garde. « Vous êtes saints, consacrés à l’Éternel, et les ustensiles sont saints, et l’argent et l’or sont une offrande volontaire à l’Éternel, le Dieu de vos pères » (v. 28), leur dit Esdras. Ces dons, provenant en partie du roi, des conseillers et des princes, n’avaient rien de souillé. Le nom de l’Éternel et son temple étant reconnus par ces hommes, Dieu pouvait agréer leurs offrandes. Mais il était nécessaire, même pour ces dons matériels, argent ou or, que les sacrificateurs veillassent à les garder précieusement, car rien ne devait en être distrait. Leurs dépositaires devaient montrer en ces choses toute bonne fidélité et intégrité. Nous voyons, sous le régime de la grâce, l’apôtre Paul mettre le même soin scrupuleux à veiller au dépôt qui lui était confié par les assemblées des gentils, pour les saints de Jérusalem (2 Cor. 8:20).
Les versets 32-34 nous racontent quel zèle les sacrificateurs et les lévites mirent à s’acquitter de leur mission ; ils étaient tout entiers à leur tâche. Rien n’y manqua ; on retrouva le nombre et le poids de tous ces objets. Puissions-nous les imiter dans les charges, grandes ou petites, que le Seigneur nous confie ; puissions-nous ne jamais considérer ce qu’il met entre nos mains comme nous appartenant, mais comme devant lui être rendu après l’avoir administré pour Lui. La plupart du temps les fraudes, petites ou grandes, dont les chrétiens se rendent coupables soit vis-à-vis des autorités, soit vis-à-vis du monde, n’ont pas d’autre cause. Ils considèrent comme leur appartenant ce que le Seigneur leur donne à administrer, et s’exposent souvent à de cruels châtiments par suite de leur infidélité. La conséquence de la fidélité se montre ici. Dieu veille sur son bien et préserve les porteurs de ces dons tout le long du chemin. La phrase, souvent répétée dans ces chapitres, se retrouve ici : « Et la main de notre Dieu fut sur nous, et il nous délivra de la main de l’ennemi et de toute embûche sur le chemin » (v. 31).
Arrivée à Jérusalem, cette
faible troupe des « fils de la transportation offre des holocaustes au Dieu
d’Israël, douze taureaux pour tout Israël
».
Eux aussi tiennent à reconnaître et à affirmer l’unité du peuple
. C’est sur ce principe-là que leur témoignage était
basé, même dans leur état d’abaissement. Mais remarquons qu’ils ne viennent
reconnaître ce principe que dans l’humiliation quant à eux-mêmes et avec le
soin de garder hors de toute atteinte la sainteté de l’Éternel. En effet,
proclamer des principes, sans un état moral qui y corresponde, n’est pas autre
chose que les profaner. Ne parlons jamais de principes s’ils ne sont pas
supportés par notre état pratique. La prétention de posséder la vérité tout en
vivant dans l’injustice est odieuse aux yeux de Dieu (Rom. 1:18). Mieux vaut
l’ignorance des principes divins, accompagnée d’une marche pieuse, selon la
connaissance que l’on possède, que l’intelligence de ces vérités, sans sainteté
dans la marche. Nous voyons dans ces pauvres réchappés qui remontent à
Jérusalem, un bel exemple d’alliance de ces deux choses : la sainteté ou
la consécration à l’Éternel, et le maintien de l’unité du peuple de Dieu, au
milieu de la ruine.
Jusqu’ici la restauration (car les chap. 7 à 10 nous entretiennent plutôt d’une restauration que d’un réveil) a produit ses effets sur la compagnie remontée avec Esdras à Jérusalem. Amenés par l’humiliation, le jeûne et les supplications, à comprendre leur pauvre état et tout ce qui leur manque pour le service de Dieu, ces hommes réalisent que la grâce seule peut les conduire et les garder. Ils s’attachent à la parole de Dieu. Les chefs qui sont à leur tête comprennent que la sainteté pratique est obligatoire pour ceux qui ont la charge des choses saintes. Arrivés à Jérusalem, ils proclament la solidarité du peuple de Dieu et reconnaissent son unité, malgré la ruine.
Mais l’arrivée de ce nouveau
renfort va manifester l’état du peuple qui avait jadis rebâti le temple de
l’Éternel ; elle est le moyen de dévoiler le mal caché qui ronge le peuple
et entrave son développement spirituel. Les compagnons d’Esdras viennent lui
exposer ce qu’ils ont vu : « Le peuple d’Israël, et les sacrificateurs et
les lévites, ne se sont pas séparés des peuples du pays… ils ont pris de leurs
filles pour eux et pour leurs fils, et ont mêlé la semence sainte avec les
peuples du pays » ; bien plus, « la main des chefs et des gouverneurs a été
la première
dans ce péché » (vers.
1-2). Le monde qui l’entourait avait envahi graduellement l’assemblée d’Israël
et, s’ils n’étaient pas tous contaminés, ils étaient en grand danger de l’être,
car leurs conducteurs avaient été les premiers à conclure des alliances
profanes. Chose triste à constater : tous les réveils sont ruinés
successivement par l’alliance avec le monde et, en cela, les conducteurs sont,
par leur exemple, de beaucoup les plus coupables.
Y a-t-il un moyen de remédier
à cet état de choses ? Esdras, l’homme pieux et dévoué à l’Éternel,
comprend aussitôt ce qui lui incombe : « Et quand j’entendis cela, je
déchirai mon manteau et ma robe, et j’arrachai les cheveux de ma tête et ma
barbe, et je m’assis désolé » (v. 3). La première chose est donc l’humiliation individuelle
, en attendant que le peuple
reconnaisse sa faute et s’humilie d’une manière générale. Il doit toujours en
être ainsi. Devant la révélation du péché du peuple de Dieu, nous ne sommes pas
appelés en premier lieu à agir
, mais
à nous humilier, et fussions-nous seuls, comme jadis Daniel et d’autres
fidèles, et comme Esdras, en ce jour, ne manquons pas de prendre cette attitude
devant Dieu. Il regarde et répond au cœur humilié et brisé.
« Et vers moi s’assemblèrent tous ceux qui tremblaient aux paroles du Dieu d’Israël, à cause du péché de ceux qui avaient été transportés » (v. 4). Le premier effet de l’humiliation d’Esdras est de grouper autour de lui ceux qui tremblent aux paroles de Dieu. Ils sont, sans doute, bien peu nombreux le premier jour, mais cette humiliation va s’étendre à tout le peuple de Dieu. Quant à eux, ils sont caractérisés par ce qu’ils ont appris sous la conduite d’Esdras. Connaissant par lui la parole de Dieu, ils y ont puisé la connaissance du caractère de Dieu qui ne peut en aucune manière s’associer à l’impureté. N’a-t-il pas dit : « Soyez saints, comme moi je suis saint » ? Aussi Esdras, dans sa prière (v. 11-12), s’en réfère à la parole de Dieu, qu’il connaît si bien : « Nous avons abandonné tes commandements que tu as commandés par tes serviteurs les prophètes, en disant : Le pays dans lequel vous entrez pour le posséder, est un pays rendu impur par l’impureté des peuples des pays, par les abominations dont ils l’ont rempli d’un bout à l’autre, par leurs souillures. Et maintenant, ne donnez pas vos filles à leurs fils, et ne prenez pas leurs filles pour vos fils, et ne cherchez pas leur paix ou leur bien, à jamais ».
L’humiliation individuelle
d’Esdras consistait à porter comme sien
,
le péché du peuple de Dieu. La communion avec les pensées de Dieu nous porte
toujours à cela. Nous en voyons des exemples en Dan. 9:5 ; Jér.
10:23 ; Néh. 9:33, et ici : « Mon Dieu, je
suis confus, et j’ai
honte de lever ma
face vers toi, ô
mon Dieu ; car nos
iniquités se
sont multipliées par-dessus nos
têtes, et notre
coulpe a grandi
jusqu’aux cieux. Dès les jours de nos pères jusqu’à ce jour, nous
avons été grandement
coupables ; et à cause de nos
iniquités, nous
, nos
rois et nos
sacrificateurs, nous avons été livrés en la main des rois des pays, à l’épée, à
la captivité, et au pillage, et à la confusion de face, comme il paraît
aujourd’hui » (v. 6-7).
Quelle culpabilité que celle de ce peuple, au moment où la faveur de l’Éternel recommençait à briller sur lui, malgré sa servitude ! « Et maintenant, pour un moment, nous est arrivée une faveur de la part de l’Éternel, notre Dieu, pour nous laisser des réchappés, et pour nous donner un clou dans son saint lieu, afin que notre Dieu éclaire nos yeux et nous redonne un peu de vie dans notre servitude, car nous sommes serviteurs ; mais dans notre servitude notre Dieu ne nous a pas abandonnés, et il a étendu sa bonté sur nous devant les rois de Perse, afin de nous redonner de la vie pour élever la maison de notre Dieu et pour restaurer ses ruines, et pour nous donner des murs en Juda et à Jérusalem » (v. 8-9).
Et le Seigneur ne leur avait-il pas fait des promesses, s’ils se séparaient de toute alliance avec les nations ? Oui, car il avait dit : « Afin que vous soyez forts et que vous mangiez les biens du pays, et que vous les laissiez en possession à vos fils à toujours » (v. 12).
S’allier aux nations, c’était
abandonner la séparation pour Lui, cette sainteté dont les compagnons d’Esdras
avaient senti la valeur et qui les avait dirigés jusqu’à ce jour (8:28). Or
c’était précisément ce que leurs devanciers n’avaient pas observé. Des
alliances — qui, pour nous, correspondent à la mondanité
— les avaient envahis, s’étendant comme une gangrène
depuis les sacrificateurs et les chefs du peuple, jusqu’aux gens du commun. Ils
avaient oublié qu’avec la séparation ils perdaient trois choses
capitales : la force
, la jouissance
des biens du pays de Canaan,
et leur possession
permanente pour
eux et leur descendance (v. 12).
C’est aussi ce dont nous, chrétiens, nous faisons aujourd’hui la triste expérience. La force ? Notons qu’il ne s’agissait pas plus pour les compagnons d’Esdras que pour nous, d’une force extérieure, car ils n’étaient qu’une poignée d’hommes, mais la forte main de l’Éternel avait été avec eux, l’ennemi avait été réduit à néant et ses embûches dissipées. Mais comment pouvaient-ils prétendre maintenant aux deux autres bénédictions, à la jouissance et à la possession, quand la corruption était établie au milieu du peuple ?
Qu’y avait-il donc à faire ? Esdras s’humilie toujours et courbe toujours de nouveau son front dans la poussière. Il se rappelle avec douleur le jugement des fautes passées, bien moins sévère toutefois que le peuple ne le méritait. Et toi, ajoute-t-il, malgré tout, « tu nous as donné une délivrance comme celle-ci » ; et si nous retournons à nos mauvaises œuvres, n’auras-tu pas raison de nous consumer, « en sorte qu’il n’y ait ni reste, ni réchappés » ? (v. 13-14).
Mais, ajoute-t-il, nous voici
« un reste de réchappés
, comme il
paraît aujourd’hui ». Le témoignage est maintenant confié aux quelques-uns de ce
second exode, affligés et repentants pour tous les autres, et disant :
« Nous voici devant toi dans notre culpabilité, car, à cause de cela, on ne peut
se tenir devant toi » (v. 15).
Y a-t-il à ce moment une restauration possible pour ces pauvres réchappés ? Oui, elle se trouve dans l’attitude que prennent ceux qui, n’ayant pas participé à cette souillure, en assument néanmoins si complètement la responsabilité, qu’ils s’identifient avec ceux qui restent sous le jugement de Dieu. Nous allons voir que cette attitude, prise en toute sincérité de cœur devant Dieu, que cette confession foncière du mal, exerça son influence sur ceux qui avaient péché, afin d’amener leur restauration.
Nous avons vu, au chapitre précédent, que Dieu avait répondu à l’humiliation d’un seul, Esdras, en groupant autour de lui, dans un même esprit de contrition, ceux de ses compagnons qui tremblaient aux paroles du Dieu d’Israël. Ici, l’humiliation s’étend à un grand nombre : « Et comme Esdras priait et faisait sa confession, pleurant et se prosternant devant la maison de Dieu, il se rassembla vers lui, d’Israël, une très grande congrégation d’hommes, et de femmes, et d’enfants, car le peuple pleurait beaucoup » (v. 1).
Nous ne pouvons assez faire ressortir combien la bénédiction du peuple de Dieu peut dépendre d’un ou de quelques individus fidèles. Le chap. 5:1-2, nous a présenté un réveil produit par deux prophètes et poussant deux conducteurs, puis tout le peuple, à l’activité pour le Seigneur. Ici, l’humiliation d’un seul, auquel quelques-uns s’associent ensuite, amène une humiliation générale. Et de nouveau un seul homme se met en avant pour l’exprimer : « Et Shecania, fils de Jekhiel, des fils d’Élam, prit la parole et dit à Esdras : Nous avons été infidèles à notre Dieu, et nous avons pris des femmes étrangères d’entre les peuples du pays. Mais maintenant, il y a espérance pour Israël à cet égard. Et maintenant, faisons alliance avec notre Dieu pour renvoyer toutes les femmes et ceux qui sont nés d’elles, selon le conseil de mon seigneur et de ceux qui tremblent aux commandements de notre Dieu, et qu’il soit fait selon la loi » (v. 2-3).
Mais ce n’est pas tout. Si
l’humiliation individuelle, puis collective, est la première chose, ni
l’individu, ni le peuple de Dieu ne peuvent en rester là. L’action
doit suivre l’humiliation.
« Lève-toi », dit Shecania à Esdras, « car la chose repose sur toi, et nous serons
avec toi ; sois fort et agis » (v. 4). L’humiliation n’est pas encore la
séparation du mal. Elle en est le chemin et la prépare ; mais, d’autre
part, quand il s’agit de remédier à la ruine, une activité sans humiliation
, quelque zélée qu’elle soit, ne peut
conduire qu’à des ruines nouvelles. La chair, n’ayant pas été jugée dans
l’humiliation, se donne alors pleine carrière quand il est question de
séparation du mal. Tel fut le zèle de Jéhu. Cet homme ne portait certes pas
devant Dieu, comme sien, le péché du peuple, aussi fut-il, une fois le jugement
exécuté, — et de quelle manière ! — le premier à retourner aux veaux d’or
de Dan et de Béthel.
L’humiliation est donc
nécessaire, mais l’énergie pour se purifier du mal est tout aussi
indispensable. Les Corinthiens avaient compris cela après l’exhortation de
l’apôtre. La tristesse selon Dieu avait opéré chez eux une repentance à salut,
une vraie humiliation ; mais, cette dernière, quel empressement elle avait
produit, quelle crainte, quel ardent désir, quel zèle
, quelle vengeance ! À tous égards, ils avaient montré
qu’ils étaient purs dans l’affaire ! (2 Cor. 7:11).
Shecania, le porte-parole du peuple, montre ici une énergie et un désintéressement qui devraient nous être en exemple. Son père, Jekhiel, était parmi les transgresseurs ! (v. 26). Il fallait la puissance de l’Esprit de Dieu, unie au zèle de Phinées, pour lui faire abandonner tous ses intérêts de famille et prendre en mains la cause de Dieu seul. Cependant cet homme énergique ne cherche pas à jouer un rôle dans l’œuvre de la restauration ; il n’a pas d’importance à ses propres yeux. C’est sur Esdras, « le scribe versé dans la toi de Moïse, qu’avait donnée l’Éternel », qu’il estime que la chose repose. Le porteur de la Parole, disons la Parole même, doit jouer, à ses yeux, le rôle principal.
Esdras ne se soustrait pas à l’obligation qui est placée devant lui. Immédiatement il engage les chefs du peuple à l’action. « Et Esdras se leva, et il fit jurer aux chefs des sacrificateurs, des lévites, et de tout Israël, d’agir selon cette parole ; et ils jurèrent » (v. 5). Mais, alors même que le changement était opéré dans le cœur du peuple, et qu’ils avaient décidé d’agir, Esdras n’abandonne pas l’expression de son humiliation. Un déshonneur avait été infligé au nom de l’Éternel et y restait encore attaché. Tant que la purification n’était pas complète, le deuil et le jeûne convenaient à ceux qui étaient résolus à se séparer du mal : « Et Esdras se leva de devant la maison de Dieu, et alla dans la chambre de Jokhanan, fils d’Éliashib ; et il entra là : il ne mangea point de pain et ne but point d’eau, car il menait deuil sur le péché de ceux qui avaient été transportés » (v. 6).
L’énergie de quelques-uns ne supporte plus, parmi le peuple, aucune désobéissance. Tous doivent se soumettre. Ceux qui ne le veulent pas sont considérés comme des « méchants » et retranchés de l’assemblée : « Et on fit passer en Juda et à Jérusalem un appel à tous les fils de la transportation de se rassembler à Jérusalem, et pour que quiconque ne viendrait pas dans les trois jours selon le conseil des chefs et des anciens, tous ses biens fussent confisqués, et que lui-même fût séparé de la congrégation de ceux qui avaient été transportés » (v. 7-8). La discipline qui avait été complètement négligée et arrêtée par le relâchement moral du peuple, est maintenant exercée selon Dieu.
Tous les hommes de Juda et de
Benjamin se rassemblent à Jérusalem. Esdras leur parle. Il ne dit plus, comme
au chap. 9:7 : « Nous
avons été
grandement coupables », mais : « Vous
avez été infidèles ; vous
avez pris des femmes étrangères… séparez-vous
»
(v. 10, 11), car il s’agit maintenant d’atteindre la conscience de ceux qui ont
péché. À la tristesse des fautes commises, se joint pour eux la saison défavorable,
« la saison des pluies, où il n’y avait pas moyen de se tenir dehors » (v. 13).
Parfois des difficultés matérielles s’opposent à une purification immédiate. Ce
ne pouvait être « l’œuvre d’un jour ou deux », car le mal était très étendu et,
de l’aveu de tous, « ils avaient grandement péché dans cette affaire ». Dieu leur
fait comprendre ainsi qu’il est plus malaisé de réparer le mal que de le
commettre ; mais il est plein de patience et de miséricorde et tient
compte de la décision des cœurs ; il sait que les coupables ne cherchent
pas de faux-fuyants et désirent obéir.
Puissions-nous aussi, dans les circonstances difficiles, exercer envers nos frères la patience d’Esdras, la patience de Dieu, afin qu’ils ne se découragent pas. Il aurait pu sembler au « reste des réchappés » qui n’avaient pas trempé dans cette iniquité, qu’une séparation immédiate, instantanée même, du mal, malgré « les pluies », était nécessaire. L’amour fraternel ne calcule pas ainsi ; il sait que ces paroles : « Nous avons grandement péché dans cette affaire », ne sont pas vaines. Il supporte tout, croit tout, espère tout, parce qu’il est l’amour.
Combien il aurait été désirable que le sentiment qui animait le peuple fût unanime ! Malheureusement il n’en fut pas ainsi. « Seuls, Jonathan, fils d’Asçaël, et Jakhzia, fils de Thikva, s’opposèrent à cela ; et Meshullam, et Shabthaï, le lévite, les appuyèrent » (v. 15). Quels motifs pouvaient les engager dans ce chemin d’opposition ? Il ne nous en est donné aucun. Tout au plus pourrait-on penser que l’un d’entre eux, s’il est le même Meshullam que le lévite du v. 29, ayant trempé dans le mal, avait des raisons personnelles pour s’opposer à la décision de l’assemblée. Devant cette opposition, entièrement contraire à la pensée de Dieu, que font ceux qui sont décidés à se purifier ? Ils n’excluent pas leurs frères, mais les supportent, et la propre volonté des dissidents n’a pas besoin d’autre jugement que l’action décisive du grand nombre. Nous avons la joie de voir, plus tard, Shabthaï, le lévite, plus coupable que d’autres, à cause de ses fonctions, puis, parce qu’il s’identifie avec Meshullam, être employé pour faire comprendre la loi au peuple, puis préposé sur l’ouvrage extérieur de la maison de Dieu (Néh. 8:7 ; 11:16). De fait, l’opposition de ces hommes n’influe aucunement sur la décision de l’assemblée ; elle est même un moyen par lequel Dieu met à l’épreuve la résolution du cœur de leurs frères. Elle n’arrête pas la marche de l’ensemble, car une décision d’assemblée n’exige pas l’unanimité absolue des personnes présentes, quoique cette unanimité soit désirable et qu’elle puisse même se réaliser si les cœurs ont, au même degré, affaire avec Dieu. D’autre part, on ne voit pas que ces quelques-uns persistent à imposer leurs vues à leurs frères, mais ils semblent s’être tenus tranquilles, sans invoquer leur conscience pour condamner la conscience des autres.
Le premier jour du dixième
mois, Esdras et les chefs des pères, hommes versés dans la Parole, sages et
considérés parmi le peuple, « s’assirent pour examiner l’affaire ». Le mal était
manifeste : il ne s’agissait pas de connaître son existence, mais chaque
cas particulier exigeait un discernement spécial et un jugement selon Dieu. Trois mois
entiers suffirent pour régler
cette immense difficulté (v. 16-17). Le jugement fut prononcé en amour, sans
qu’aucun fût épargné, ni qu’il y eût d’acception de personnes, à commencer par
les sacrificateurs. Ceux-ci, que leur position rendait plus coupables que leurs
frères, « offrirent pour leur faute un bélier du troupeau, comme offrande pour
le délit » (v. 19). Le péché ayant été reconnu par eux, leur sacrifice ne
pouvait plus être offert que pour le délit, mais il était important, à cause de
leur office, qu’ils exprimassent publiquement l’humiliation par leur offrande. Ensuite
viennent les lévites, les chantres, les portiers, et enfin « ceux d’Israël ». La
liste en est longue, mais quelle grâce ! la restauration est opérée sans
brèche nouvelle, par l’humiliation qui devient une source de décision et
d’énergie, et par le ministère de la Parole.
Ce ministère, comme nous
l’avons vu, caractérise Esdras. On ne trouve chez lui ni don miraculeux, ni don
prophétique, comme chez un Aggée et un Zacharie, ni déploiement extraordinaire
de la puissance divine. Il n’a rien qui dépasse la mesure commune et les
ressources ordinaires, mais son cœur est dévoué à l’honneur du beau nom de
l’Éternel, et sensible à la prospérité du peuple. Avant tout, il est
caractérisé par la connaissance de la loi de Moïse, de la Parole écrite. Elle
le dirige en tout, et sa foi s’appuie sur elle. Il insiste sur les principes
qu’elle présente, les met en pratique et ne souffre pas qu’on s’en écarte.
C’est par là qu’il gagne la confiance, même du roi, et, c’est aussi la seule source de son autorité
.
Le livre d’Esdras nous offre des enseignements précieux qui s’appliquent à la position actuelle du peuple de Dieu, au milieu des ruines de la chrétienté. Il nous fait connaître les éléments du témoignage, les caractères d’un réveil, les conditions d’une restauration, quand les témoins ont oublié la séparation du monde. Puissions-nous, sur tous ces points, considérer avec beaucoup d’attention cette précieuse partie de la Parole !