Il prononça que ce qu’ils demandaient fut fait

Luc 23:24 Ou : Les principes de la politique Luc 22 :66 à 23 :25 et Jean 18 :28-37

Michael Hardt


Table des matières :

1 - S’impliquer pour le royaume ?

2 - Principes de la politique

2.1 - Un premier principe de politique

2.2 - Un second principe de politique

2.3 - Le principe du compromis

2.4 - Devant une pression trop forte, le jugement politique cède

2.5 - Ménager ses relations

3 - Les serviteurs du roi

4 - Impact du croyant en dehors de la politique

5 - Des proverbes qui résument bien

6 - Conclusion


1 - S’impliquer pour le royaume ?

S’impliquer dans la politique est l’une des questions de la vie journalière sur laquelle bien des chrétiens trouvent difficile de savoir ce qu’ils doivent faire. Beaucoup mettent en avant la bonne influence qui pourrait résulter de ce que les chrétiens « fassent entendre leur voix ». D’autres soutiennent que, parallèlement à notre appel céleste, nous sommes appelés à jouer notre rôle dans le royaume de Dieu sur la terre (ce qui est vrai) et donc dans la politique. C’est ce dernier point que cet article essaie de déterminer s’il est correct.


2 - Principes de la politique

Considérons la scène de Luc 23. Après avoir accusé le Seigneur devant les autorités religieuses (le sanhédrin, Luc 22:66), les ennemis du Seigneur se levèrent et le menèrent à Pilate (Luc 23:1), le gouverneur romain de la province de Judée. « Et ils se mirent à l’accuser » (Luc 23:2). L’accusation mise en avant était que le Seigneur pervertissait la nation et défendait de payer l’impôt à César : elle était sans aucun fondement (n’avait-il pas dit : « rendez les choses de César à César » ? - Luc 20:25), mais ces motifs d’accusation étaient choisis par rapport à leur objectif. Lorsqu’ils avaient fait comparaître le Seigneur devant le tribunal religieux, le sanhédrin, il s’était servi au contraire servi d’un tout autre type d’accusation, celle de blasphème. Devant Pilate, ils choisissent une accusation politique


2.1 - Un premier principe de politique

Après un bref examen de l’affaire, Pilate déclara qu’il ne trouvait aucun crime chez cet homme (Luc 23:4). Ceci aurait dû régler l’affaire pour lui, mais nous lisons que les chefs religieux et la foule « insistaient ». On voit apparaître ici le premier principe de la politique (démocratique (*)). Ce qui compte n’est pas un jugement moral correct de l’affaire en question, mais c’est l’opinion et l’humeur de la foule (2*). En un sens, il n’est pas surprenant que ce principe soit devenu la règle générale dans beaucoup de pays. Ayant rejeté la Bible comme parole de Dieu et comme norme de conduite, on se trouve en face d’un manque de valeurs absolues, et dès lors il n’y a plus de base pour définir le sens d’un « jugement moral correct ». Comme les gens vivent dans le vide moral (l’Écriture appelle cela « les ténèbres »), le jugement est remis aux masses (3*). Le résultat est que Christ, l’Homme qui « était allé de lieu en lieu faisant du bien », a été mis à mort en le pendant à une croix (Actes 10:38, 39). Il est bon de respecter l’avertissement ancien : « tu n’iras pas après la foule pour mal faire » (Exode 23:2).


(*) La démocratie n’est pas la racine du problème. Les décisions prises par des monarques vont autant à l’encontre de la volonté de Dieu que les décisions démocratiques (voir par exemple Daniel 2:5). Le problème n’est pas tant la forme de gouvernement, mais plutôt le fait que le roi légitime, Christ, a été chassé.

(2*) Considérez par exemple les débats politiques en Occident sur des sujets tels que l’avortement, l’euthanasie, l’homosexualité, etc. Si un politicien se lève et jette de la lumière biblique sur ces sujets, cela risque fort d’être la fin de sa carrière.

(3*) Il y a bien sûr des situations qui ne mettent en cause aucun principe moral. En outre « le salut est dans le grand nombre de conseillers » (Prov. 24:6).


2.2 - Un second principe de politique

Pilate se trouve alors dans ce qu’on appelle un dilemme politique : la foule exerce une pression contre le déroulement correct de son action. En « bon politicien », il fait alors une manœuvre futée. Ayant entendu parler de la Galilée (23:5), Pilate perçoit immédiatement une échappatoire. Si « l’homme » est Galiléen, c’est une bonne occasion pour le politicien de se débarrasser de ce cas embarrassant en envoyant le Seigneur à Hérode, le Tétrarque en charge de cette région (23:6, 7). Ceci montre un autre principe de la politique : quand la manière dont il faut traiter une affaire est claire, mais que l’action correcte est impopulaire, alors il faut éviter à tout prix de s’occuper de l’affaire, et il faut la repasser à quelqu’un d’autre. Certes il existe des cas que l’on n’est pas capable de solutionner, et où la bonne personne pour traiter l’affaire est quelqu’un d’autre ; il est alors effectivement bon de s’en référer à autrui. Cependant le but dans un tel cas est bien que l’affaire soit traitée de la meilleure manière possible, et non pas de se débarrasser d’une tâche impopulaire.


2.3 - Le principe du compromis

Après avoir été examiné par Hérode (23:8-12), le Seigneur est ramené à Pilate qui se retrouve confronté au même dilemme que précédemment. L’attitude qu’il adopte montre qu’il est de plus en plus désespéré de trouver la bonne solution de la difficulté. Il répète sa propre conviction avec ses preuves, à savoir qu’il n’a trouvé aucune culpabilité chez cet homme (23:14) et il essaye de renforcer sa position en citant le jugement d’Hérode (23:15). Sa conclusion est toutefois surprenante pour un observateur dépourvu de préjugés : « L’ayant donc châtié, je le relâcherai » (23:16). Ce verdict est calculé pour accomplir à la fois l’objectif de Pilate et celui de la foule. D’un côté cela permet à Pilate de relâcher Jésus, car il sait que c’est ce qu’il devrait faire. D’un autre côté cela devrait apaiser la foule par le fait de déclarer le Seigneur coupable ; les deux actions proposées sont donc d’abord de châtier Jésus, ce qui implique de le fouetter cruellement (Jean 19:1) et deuxièmement le Seigneur serait relâché, mais non pas sur la base de son innocence ; Il le serait parce que Pilate a le devoir de relâcher un criminel à la fête (23:17). Ainsi Pilate voudrait réussir son programme caché tout en cédant dans une mesure au désir de la foule. En un mot la proposition de Pilate est basée sur le principe du compromis (4*). Le chrétien peut de nouveau discerner un des éléments si caractéristique de la politique : quand les gens sont prêts à faire des compromis sur leurs principes, ils vont bientôt adopter le principe du compromis.


(4*) On peut penser à des exemples de la vie journalière où un compromis est approprié et acceptable. Le danger apparaît quand on abandonne les principes bibliques en faisant un compromis avec un point de vue humain ou mondain.


2.4 - Devant une pression trop forte, le jugement politique cède

Malgré la popularité du principe de compromis dans le domaine politique, le compromis n’aboutit pas toujours au résultat désiré. Pilate répète sa proposition une nouvelle fois (23:22), cependant sans succès. Ceci conduit à ce qui est peut-être le plus choquant dans la comparution du Fils de Dieu devant le tribunal. Malgré les convictions du juge et malgré les preuves accablantes de l’innocence de l’homme Christ Jésus, nous lisons : « mais ils insistaient à grands cris, demandant qu’il soit crucifié. Et leurs cris et ceux des principaux sacrificateurs eurent le dessus. Et Pilate prononça la sentence que ce qu’ils demandaient fut fait » (23:23-24). Cette sentence est diamétralement opposée aux preuves manifestées, et la simple raison en est bien significative : « leurs cris eurent le dessus ». Quand la pression devient trop forte, le jugement politique cède devant la pression. Ceci est souligné par le verset suivant : « et il livra Jésus à leur volonté (23:25). Le Fils de l’Homme n’a pas de commentaires à faire sur ces procédures : « comme une brebis muette devant ceux qui la tondent, ainsi il n’a pas ouvert sa bouche » (Ésaïe 53:7).


2.5 - Ménager ses relations

Ce n’est pas seulement l’intensité de la pression ni la rage de la foule qui ont amené Pilate à céder. L’Évangile de Jean jette de la lumière sur l’argument qui a amené le changement : « mais les juifs criaient, disant : si tu relâche celui-ci, tu n’es pas ami de César » (Jean 19:12). En politique (et quelquefois ailleurs), de bonnes relations avec des gens influents assurent la position et la carrière. Un jugement juste qui met en danger les perspectives de carrière et les relations sont à éviter à tout prix.


3 - Les serviteurs du roi

À côté des principes développés ci dessus, le Seigneur lui-même fait devant Pilate une déclaration qui devrait avoir du poids chez tous les chrétiens qui envisagent de s’impliquer dans la politique. Jean rapporte que le Seigneur dit la chose suivante : « mon royaume n’est pas de ce monde ; si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu afin que je ne sois pas livré aux Juifs ; mais maintenant mon royaume n’est pas d’ici » (Jean 19:36). Ces paroles ne devraient-elles pas régler la question ? Si les chrétiens argumentent aujourd’hui qu’ils devraient être actifs en politique pour remplir leur rôle dans le royaume de Dieu, les paroles du Seigneur disant « mon royaume n’est pas de ce monde » devraient montrer clairement que leurs éventuels devoirs sont des devoirs spirituels et non pas civils. Si d’autres mettent en avant les développements négatifs dans nos sociétés et en tirent argument pour dire que les chrétiens ne devraient pas les tolérer, est-ce que les paroles du Seigneur ne donnent pas de nouveau la réponse ? « Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu ». Il n’y a jamais eu depuis, un événement plus scandaleux que le procès du Seigneur. Pourtant Ses serviteurs n’ont pas été appelés à combattre. L’un d’eux, Pierre, ne l’a pas compris et a coupé l’oreille droite de l’esclave Malchus (Jean 18:10). « Remets ton épée dans le fourreau » est l’instruction paisible donnée par le Maître.


4 - Impact du croyant en dehors de la politique

Après avoir examiné quelques principes ou éléments sous-jacents à la politique dans un monde qui a rejeté Christ, - et le terrible résultat qui en est résulté dans le cas le suprême, - le lecteur de la Bible peut bien être d’accord que l’activité politique n’est pas le chemin du chrétien. En même temps la question se pose : les chrétiens peuvent-t-il avoir un impact quelconque dans ce monde ?

Les chrétiens ont et doivent avoir un impact dans le monde. Cependant celui-ci n’est pas obtenu en « combattant » ni en essayant d’améliorer le monde. Le croyant est plutôt appelé à :


Dans un monde qui a rejeté Christ, notre témoignage est à rendre à un Christ rejeté, mais maintenant glorifié.

Un autre exemple qui jette beaucoup de lumière sur le sujet est celui d’Abraham et Lot. Abraham se tenait à l’écart tandis que Lot était assis à la porte de Sodome, la place d’influence (Gen. 19:1). Lot tourmentait son âme juste (2 Pierre 2:7-8) et son témoignage a été compromis à tel point que quand il s’est mis à avertir ses gendres, ils ont cru qu’il se moquait (Gen. 19:14). Lot n’a eu aucun impact. Abraham de son côté était à l’écart. Il n’avait aucune place dans Sodome et il n’avait même pas reçu de dons des fils de Heth (Gen. 23:3-16), ni de la part des grands de la terre (Gen. 14:23). Et quel en fut le résultat ? Il a eu un bien meilleur témoignage. Il était regardé par eux comme un prince de Dieu (Gen. 23:6). Paradoxalement, on peut dire qu’il a fini par être celui qui a dû porter secours à Lot (Gen. 14:16). Voyez la scène de la destruction de Sodome (Gen. 19:27-29). Abraham se tenait loin et Lot fut sauvé à cause de lui, et non pas l’inverse.

Nous chrétiens nous avons une position (Éph. 2:6) et un but (Col. 3:2) beaucoup plus élevés. Une fois que nous sommes conscients d’être « participants de notre appel céleste » (Héb. 3:1), nous sommes moins préoccupés des objectifs terrestres. Également nous veillons à ne pas introduire les mêmes principes (comme les décisions prises à la majorité) dans la vie pratique, individuelle et collective, du peuple de Dieu. Vivant dans des pays démocratiques, la mise en œuvre de ces principes semblerait naturel, mais nous pouvons rendre grâces à Dieu pour les directions absolues et infaillibles contenues dans Sa Parole.


5 - Des proverbes qui résument bien

Un ancien proverbe latin dit « vox populi, vox dei », c’est-à-dire la voix du peuple est la voix de Dieu. D’autres pensent qu’il serait plus exact de dire « vox populi, vox bovis », c’est-à-dire la voix du peuple est la voix des bœufs. On a souligné que souvent les choses sont pires, et qu’on devrait dire « vox populi, vox diaboli » c’est-à-dire la voix du peuple est la voix du diable. Le passage de Luc 23 en donne un exemple frappant. Cela reste vrai tant que Jésus le Nazaréen est méprisé et rejeté. Mais bientôt Il régnera sur la terre, et on pourra dire en vérité « vox regis, vox dei », c’est-à-dire la voix du roi est la voix de Dieu.


6 - Conclusion

La comparution du Seigneur devant Pilate nous occupe souvent sous l’angle du Seigneur comme victime innocente, l’agneau de Dieu « mené comme un agneau à la boucherie » et resté « muet comme une brebis devant ceux qui la tondent » : c’est un sujet d’adoration. Nous considérons alors Sa perfection unique dans ce procès, et c’est certainement là le sens principal du passage. Toutefois, nous avons vu que le récit contient en outre des indications valables sur la nature de la politique et nous ne devrions pas les méconnaître.

Dans la mesure où la politique a pour but de plaire aux foules, elle tend à des décisions qui vont à l’encontre de la pensée de Dieu. Le résultat de la comparution devant Pilate illustre le danger des processus de décisions basés sur la majorité.

Les chrétiens devraient être extrêmement vigilants pour ne pas adopter des manières de faire politiques (comme le vote à la majorité) pour la conduite des affaires de leur vie collective, mais ils devraient veiller à suivre des principes bibliques. Néanmoins les chrétiens devraient avoir, et ont un impact dans ce monde qui a rejeté Christ, non pas en cherchant à améliorer ce monde, mais en ayant témoignage positif à Son sujet.

Le plan de Dieu est de mettre toutes choses droites dans ce monde, non pas par notre initiative, mais en établissant le royaume de Christ sur la terre (c’est-à-dire précisément le lieu où Il a vécu et où Il a été rejeté, et où Il l’est encore). Durant son règne, c’est-à-dire pendant le millénium, Christ fera de l’église le pôle central de son gouvernement (Apocalypse 20:6 et 21:9-27).