Frank Binford Hole
Extrait de Scripture Truth, Vol. 15, 1923, p36
1 - [Les conflits sont inévitables, mais pas n’importe lesquels]
2 - [Les conflits intérieurs du chrétien en Romains 7 et Galates 5]
2.1 - [Le conflit selon Romains 7]
2.2 - [Le conflit selon Galates 5]
3 - [Le conflit selon Éphésiens 6]
4 - [Le combat pour la foi de Jude 3 – différence d’avec Éphésiens 6]
5 - [Les conflits de 2 Corinthiens 10: 3-5]
8 - [Contraste entre les armes charnelles et les armes spirituelles]
Il y a eu tant de controverses et de luttes entre les croyants, menées dans un esprit peu amène, que pour beaucoup de chrétiens l’idée même de conflit est devenue très critiquable, et le mouvement naturel du pendule les a conduits à une attitude mentale qui s’approche dangereusement de celle de la « paix à tout prix ». Il en est d’autres encore qui, bien que n’étant pas disposés à transiger définitivement avec le mal et donc n’étant pas prêts à s’en séparer en dernier ressort, ne peuvent se résoudre résister à ce mal par aucune manière qui impliquerait un conflit et un combat pour la cause de la vérité.
Il y a bien sûr des chrétiens à l’esprit combatif. Naturellement
pugnaces, ils n’ont pas besoin d’être poussés à combattre, ils ont seulement
besoin d’être poussés à combattre un bon
combat, et à faire en sorte que
ce soit le combat de la foi
. Les autres, en revanche, risquent davantage
de manifester un esprit de crainte plutôt que de puissance, d’amour et de sobre
bon sens, et par conséquent d’avoir honte du témoignage de notre Seigneur ;
nous devons donc nous souvenir que nous sommes tous appelés à être de « bons
soldats de Jésus-Christ ».
Nous ne pouvons pas échapper aux conflits tant que nous sommes dans ce monde. La situation est telle que, d’une manière ou d’une autre, nous sommes obligés d’y faire face, même si nous nous efforçons de l’éviter. Nous avons à cet égard l’image que le prophète Amos a utilisée à propos du jour de l’Éternel, disant que c’est « comme si un homme s’enfuyait de devant un lion, et qu’un ours le rencontrât ; ou qu’il entrât dans la maison et appuyât sa main contre le mur, et qu’un serpent le mordît » (Amos 5:19). Plus nous nous efforçons d’échapper aux luttes du dehors, plus nous risquons d’être victimes des conflits engendrés par les craintes et les appréhensions au-dedans.
Une distinction doit être clairement tracée au départ : il y a beaucoup de conflits que traversent les chrétiens qui ne sont aucunement des conflits chrétiens proprement dits. Les conflits proprement chrétiens sont décrits dans des textes tels que Éphésiens 6 et 2 Corinthiens 10, avec diverses allusions à ce sujet dans d’autres épîtres de Paul.
Ce qui est décrit en Romains 7 et Galates 5 est certes un conflit, et d’un genre auquel aucun chrétien ne peut échapper, cependant il est de nature préparatoire, étant propre à apaiser le croyant qui le traverse, et il enseigne les leçons préalables nécessaires pour qu’on puisse mener les guerres du Seigneur en bon soldat du Christ.
Romains 7 nous donne la première expérience qu’on peut qualifier
de conflit. Un vieux dicton dit qu’il faut être deux pour se quereller, et ce
chapitre détaille pour nous une expérience totalement inconnue jusqu’à ce qu’on
ait un esprit renouvelé. Nés de la chair, nous sommes chair et rien d’autre, et
par conséquent le règne de la chair est absolu et incontesté. Ce n’est que
lorsque nous sommes nés de nouveau que le conflit devient possible. Il est vrai
que le conflit décrit dans ce chapitre est unipersonnel. La victoire semble
revenir entièrement à la chair, car le cri est : « Le bien que je veux, je
ne le pratique pas ; mais le mal que je ne veux pas, je le fais » (7:19),
et par conséquent : « Je suis charnel, vendu au péché
» (7:14). Si l’on
avait dit : « Le mal que je ne veux pas, je le fais quelquefois
», ou
même : « Je le fais souvent
», il y aurait eu de la place pour une
lueur de victoire éventuelle. Dans l’état de choses de Romains 7, la tristesse
de la défaite est irrémédiable. L’« homme intérieur » est présent, mais dans la
pratique, il est surmonté par la chair. Les pensées sont subjuguées et rendues
impuissantes par « la loi du péché qui est dans mes membres ».
Si nous demandons ce qui a produit cette expérience angoissante, la réponse est : la loi. Le ch. 7 s’ouvre sur une déclaration quant à la loi et la relation que le Juif et le chrétien ont avec elle. Il détaille ensuite les effets pratiques de la loi sur les pensées renouvelées, et l’un de ses aspects les plus significatifs est l’omission de toute référence à l’Esprit de Dieu. Or, Dieu n’a ni l’intention ni le désir que quiconque demeure en permanence dans cette condition angoissante d’impuissance et de défaite. C’est pourquoi Romains 8 suit, et ce chapitre commence par Christ et l’Esprit de Dieu. La loi n’est mentionnée qu’au v. 3, pour être mise de côté comme supplantée par l’acte de Dieu Lui-même dans et par la mort de Christ, et le reste de ce merveilleux chapitre est simplement rempli de l’Esprit de Dieu, des diverses capacités qu’Il remplit, et Ses nombreuses activités.
Les deux chapitres sont donc très contrastés :
Cependant, même ainsi, le conflit décrit est principalement un conflit interne, préparant le croyant à être capable et apte à entrer dans le conflit qui est proprement chrétien. Il s’agit, pour ainsi dire, de débroussailler une situation de guerre civile et de conflit interne. Ce n’est qu’une fois que cette situation est réglée, que nous pouvons nous engager dans les guerres du Seigneur.
Galates 5 a en vue le même conflit interne, mais aborde le sujet sous un angle différent. Si Romains 7 oppose la chair à l’homme intérieur instruit et éclairé par la loi, Galates 5 oppose la chair à l’Esprit, et la position est exactement l’inverse : Les pensées renouvelées, dirigées et actionnées par la loi, ne font pas le poids face à la chair ; mais la chair ne fait pas le poids face à l’Esprit. La possession de l’Esprit ne supprime pas pour autant la personnalité et la responsabilité individuelle du croyant. Celui-ci doit marcher par l’Esprit, et alors, et seulement alors, il n’accomplit pas les convoitises de la chair. C’est ainsi qu’il ne fait pas les choses autrement qu’il voudrait.
Quand on arrive à Éphésiens 6, on a alors un conflit typiquement chrétien. L’épître aux Éphésiens expose la vocation chrétienne et la place de l’Église dans la splendeur des pensées et des desseins de Dieu. Tout nous est donné à connaître afin que nous soyons dans la puissance et la force de ces grandes réalités, et qu’ainsi nous vivions notre vie dans ce monde et exercions nos diverses relations et responsabilités terrestres en accord avec elles. Lorsque l’apôtre atteint le point final de son épître (Éph. 6:10), il suppose que ses lecteurs se tiennent dans la pleine puissance et jouissance de ces réalités, et il les instruit sur l’armure complète de Dieu qu’ils doivent endosser et porter s’ils veulent rester debout.
Le plus grand témoignage possible dans ce monde est que les saints se tiennent dans la pleine conscience et la pleine jouissance de l’appel et des desseins de Dieu.
C’est pourquoi le diable et ses agents déploient toujours les efforts les plus acharnés pour déloger un tel individu de la condition spirituelle qui seule fait que sa position soit un témoignage efficace. Ses efforts sont donc dirigés contre la vérité, la justice, la paix, la foi, le salut pratique, la Parole de Dieu et les prières qui sont les éléments préservateurs de la vie chrétienne ; et pour maintenir ces sept choses, et les porter comme armure de l’âme, il faut beaucoup de diligence et de vigilance.
Jude nous exhorte dans son épître à « combattre pour la foi qui a été une fois enseignée aux saints » (v.3), et il termine sa courte lettre en indiquant, aux v. 20 et 21, que notre condition spirituelle doit être saine et solide pour que nous puissions combattre avec ardeur et à bon escient. Notre lutte, cependant, et le conflit qu’elle peut entraîner – qui est évidemment une branche du conflit chrétien proprement dit – se déroule dans le monde des hommes. Le conflit d’Éphésiens 6 se trouve derrière tout cela. Il se déroule non pas dans le monde visible des hommes, mais dans le domaine invisible des esprits. « Notre lutte n’est pas contre le sang et la chair, mais contre les principautés, contre les autorités, contre les dominateurs de ces ténèbres, contre la puissance spirituelle de méchanceté qui est dans les lieux célestes. C’est pourquoi prenez l’armure complète de Dieu … » (Éph. 6:12-13).
Nous ne savons que peu de choses sur ces grandes forces spirituelles du mal qui sont à la disposition de Satan. Il nous est permis d’avoir un aperçu occasionnel de leurs activités dans les Écritures, comme par exemple dans Daniel, où nous les voyons s’efforcer de contrecarrer les desseins de Dieu à l’égard d’Israël. Il est probable aussi – hélas ! – que nous en savons encore moins sur aucun conflit effectif avec elles, dans la mesure où nous sommes peu, voire pas du tout, dans la condition spirituelle et la connaissance de la position chrétienne qui leur fassent estimer qu’il vaille la peine pour elles de nous attaquer. Pourtant, elles existent, et elles sont sans doute à l’origine de beaucoup de ces épreuves et tests éprouvants, mais obscurs, auxquels on ne peut faire face qu’en revêtant l’armure complète de Dieu.
Si certains de nos lecteurs trouvent la contemplation d’un tel conflit plutôt terrifiante, nous aimerions les rassurer et les encourager en mentionnant une particularité des textes originaux. Le mot grec traduit par « dominateurs … de ces ténèbres » est kosmokrator, chef (dominateur) du monde. Ces êtres spirituels maléfiques dominent, mais leur pouvoir est limité au kosmos ou ordre du monde qui a été affecté par le péché. En 2 Corinthiens 6:18, Dieu assure de Sa grâce et de Sa protection de Père à tous Ses saints qui pourraient souffrir en raison de leur fidélité à se séparer du monde ; Il se présente alors comme le Tout-Puissant, le pantokrator = le Chef (Dominateur) de toutes choses. Nous ne tremblerons pas devant les dirigeants (dominateurs) de l’ordre mondial si nous réalisons que nous sommes sous la protection du Maître (Dominateur) de toutes choses.
Une autre phase du conflit proprement chrétien se présente en 2 Corinthiens 10:3-5. Le conflit d’Éphésiens 6 est, comme nous l’avons vu, essentiellement défensif : la seule arme offensive mentionnée est l’épée de l’Esprit, la Parole de Dieu. Ici, le conflit est essentiellement d’ordre violent, offensif, et il y a des armes : le mot est au pluriel, car il y en a plusieurs. Ces armes sont efficaces pour « la destruction des forteresses, détruisant les raisonnements et toute hauteur qui s’élève contre la connaissance de Dieu, et amenant toute pensée captive à l’obéissance du Christ ». Voilà une tâche qui implique un vrai conflit ! Il est facile d’abattre des forteresses de pierre ou de fer, quand on compare au démantèlement des forteresses de l’incrédulité et des puissances des ténèbres, et au renversement des vains raisonnements d’esprits obscurcis, orgueilleux et satisfaits d’eux-mêmes ; il s’agit de faire en sorte que l’âme et l’esprit tout entiers, toutes les pensées, soient soumis à Dieu avec une obéissance joyeuse et empressée, comme l’obéissance de Christ.
Est-ce là l’objectif des combats guerrier du chrétien ? Le serviteur de Christ va-t-il dans le monde avec la Parole de Dieu avec une telle tâche devant lui ? Nous sentons tout de suite instinctivement que seule une puissance surhumaine et miraculeuse peut y parvenir. Opposer l’éloquence humaine, le savoir, l’habileté ou l’intellect à de telles forteresses, tenter d’amadouer les hommes pour franchir le cap de la rébellion et de la propre volonté par ces méthodes et ces savoir-faire qui ne font appel qu’aux sentiments et aux émotions, – c’est une folie pire que celle qui consiste à attaquer Gibraltar avec une carabine. Seule la puissance de Dieu peut avoir de l’efficace.
Or, la puissance de Dieu agit dans ce but par le moyen des
Siens
, et au moyen d’armes qui ne sont pas charnelles, mais qui sont
puissantes par Dieu
. Quelles sont ces armes ?
Voyez les apôtres en Actes 6 ! Ils sont revêtus de l’armure spirituelle qui les rend capables de repousser la tentative des « dominateurs de ces ténèbres » pour les détourner de leur véritable service afin de « servir aux tables ». Ils déclarent ce qui est la tâche qui leur a été attribuée spécifiquement : « Et pour nous, nous persévèrerons dans la prière et dans le service de la Parole ». Le ministère de la Parole ou, comme le dit 1 Corinthiens 1:18-21, « la prédication » – « la prédication de la croix » – est une grande arme spirituelle. La prière en est une autre.
Lorsqu’il s’agit de la Parole comme lien entre nos âmes et Dieu, l’ordre est le suivant : d’abord la Parole de Dieu, puis la prière. Lui doit nous parler avant que nous Lui parlions. Lorsqu’il s’agit de la Parole s’épanchant en témoignage de nous vers les hommes, l’ordre est d’abord la prière et ensuite le ministère de la Parole — car nous devons commencer par reconnaître notre dépendance absolue à l’égard de Dieu, et Lui parler avant de parler pour Lui.
Ni la prière ni le ministère de la Parole, s’ils sont accomplis selon le modèle apostolique (voir 1 Cor. 2:1-5), ne peuvent être considérés comme des armes puissantes par un homme du monde. En tant qu’homme selon la chair, il n’appréciera que les armes charnelles, et s’il a un penchant religieux, il souhaite agir pour la bonne cause de l’amélioration de l’humanité, et pour cela s’enrôler dans n’importe quelle organisation ayant montré son expérience pour exercer une influence sur les esprits des hommes. Les armes humaines produisent des résultats humains qui, sans doute, s’accompagnent souvent d’un certain nombre de bienfaits humains.
Les armes spirituelles seules produisent des résultats spirituels
.
Si nous utilisons celles que Dieu a désignées, alors elles deviennent « puissantes
par Dieu » pour accomplir des résultats divins
. Les armes spirituelles
que nous avons citées ne sont évidemment pas les seules. Dans Matthieu
17:20-21, par exemple, le Seigneur Lui-même mentionne la foi et le jeûne, en
plus de la prière, comme armes spirituelles.
Il est bien sûr beaucoup plus facile d’utiliser une arme charnelle, si on en possède, qu’une arme spirituelle. Si un homme est naturellement brillant et donc capable de manier « l’excellence de parole ou de sagesse », il trouvera beaucoup plus facile d’influencer les gens par un discours étincelant de joyaux de rhétorique ou de connaissance, que d’être un vase de la puissance de Dieu par la foi, la prière et le jeûne ; et il peut même se tromper lui-même en considérant tous les résultats superficiels des premières méthodes comme authentiques ! Pourtant, seul ce qui est accompli par la puissance de Dieu demeure.
Beaucoup de nos lecteurs peuvent être entièrement d’accord avec nous pour dire qu’il est trop facile de prendre des armes charnelles et de s’en servir pour l’œuvre de l’évangile, puisqu’elles sont si abondamment utilisées dans la chrétienté d’aujourd’hui, et ils applaudissent de tout cœur à ce que nous attirions l’attention sur ce point dans ces pages.
Cependant, nous voudrions rappeler à tous, qu’il est tout aussi important de n’utiliser que des armes spirituelles quand on cherche l’édification et le perfectionnement des croyants, et quand on s’occupe dans les conflits nécessaires au maintien de la vérité. Nous avons déjà vu des chrétiens bien instruits utiliser des armes très charnelles pour tenter d’empêcher leurs frères moins instruits d’utiliser des armes charnelles dans leur travail d’évangélisation ! Cela n’est pas bon.
Nous avons été libérés de la servitude du péché afin de pouvoir être des serviteurs de Dieu. Dans les conflits que Son service engendre, souvenons-nous que non seulement la puissance doit être celle de Son Esprit, mais que les armes que nous utilisons doivent être en accord avec Son Esprit et avoir l’approbation de Sa Parole.