Frank Binford Hole
Extrait de Scripture Truth, Vol. 40, 1959-61, p. 97, et Vol. 7, p. 97
1 - [Il y a un problème d’absence de fruits du ministère chrétien]
2 - [Ne pas prendre prétexte du déclin]
3 - [D’où peuvent venir les carences]
3.1 - [Les ministres ou serviteurs]
3.2 - [Le ministère – Romains 6]
3.2.3 - [LIVRER — Lier la doctrine et la pratique. La consécration]
3.3 - [Les auditeurs — Ne pas se contenter d’habitudes convenables]
La question est parfois posée : Pourquoi le ministère de la Parole, adressé aux croyants, a t-il si peu de résultats en ce qui concerne la vraie piété et la croissance dans la grâce ? Examinons cette question et commençons par admettre avec tristesse que le résultat de notre ministère, qu’il soit oral ou écrit, est très faible. Il est toujours bon de regarder les faits en face, de même qu’il est bon de s’enquérir de la cause et de chercher à appliquer le bon remède.
Une conscience exercée ne peut guère se satisfaire qu’on rappelle que nous vivons à une époque où l’on peut dire des saints en général, qu’ils n’ont que « peu de force » (Apoc. 3:8), et d’en déduire, que nous ne pouvons rien attendre de plus que ce qu’on voit aujourd’hui. Nous devons répondre immédiatement que de telles déclarations, faites avec une vision prophétique au sujet de l’ensemble, sont inutiles si elles sont citées pour entraver les exercices d’un croyant, dont les désirs sont ce qu’il y a de meilleur. Un « homme de Dieu », selon l’expression employée dans les Écritures, est quelqu’un qui se révèle faire exception à la règle, en se tenant pour Dieu et en ayant le souci de Ses intérêts, alors que l’ensemble est marqué par le déclin et l’indifférence.
Voyons la question en face : pourquoi le ministère n’a qu’un résultat aussi faible quant à la piété et à la croissance dans la grâce ? Est-ce la faute des ministres (= serviteurs), du ministère (= service) ou de ceux à qui le ministère s’adresse ? En essayant de répondre à cette question, nous ne pouvons parler qu’en fonction de notre connaissance et de notre expérience, et dans les limites de notre cercle de relations, qui est nécessairement très petit comparé au grand cercle de l’Église de Dieu.
Premièrement, les ministres, et par ce terme nous entendons, selon ce qu’exprime l’Écriture, tous ceux qui font l’œuvre du Seigneur, quelle que soit la sphère où se situe leur service. Nous estimons que ni les ministres, ni le ministère, ni ceux qui en bénéficient ne peuvent être exemptés de tout blâme ; mais si nous essayons de faire des différences, nous devons mettre l’accent principalement sur le ministre – y compris, bien sûr, l’auteur de cet article, – dans la mesure où aucun ministère, qu’il soit oral ou écrit, n’est susceptible d’être de meilleure qualité que le canal par lequel il passe.
Si quelqu’un désire une preuve de cette affirmation, qu’il lise 2 Corinthiens 5:18 à 7:3, et qu’il se rende compte de la force des paroles de l’apôtre. L’ambassadeur pour Christ pouvait s’approcher des Corinthiens à l’esprit mondain, et les exhorter à se séparer complètement du monde, ayant lui-même « la bouche ouverte et le cœur élargi », parce que sa propre vie de dévouement total et de séparation était telle qu’elle donnait un poids et une puissance immenses à ses paroles.
Beaucoup d’entre nous ne peuvent prêcher la Parole que de
manière modeste et limitée, mais même dans ce cas, veillons à ce que la vérité
ait premièrement
son effet sur nous-mêmes, de sorte que notre vie soit
un exemple de la vérité que nous prêchons. On ne saurait trop insister sur ce
point. N’avons-nous pas appris par expérience que seul l’homme au caractère
chrétien solide, est capable de prononcer des paroles d’un poids réel, et que
de telles paroles nous ont impressionnés bien plus profondément que des paroles
marquées simplement par l’éloquence, l’originalité ou la puissance
intellectuelle ?
En second lieu, nous ferons bien d’examiner notre ministère. Nous acceptons tous volontiers qu’il a des imperfections. Mais en quoi consistent-elles ? Tout en admettant qu’elles sont nombreuses, nous nous limiterons dans cet article à l’une d’entre elles qui, agissant à double titre, est une source de beaucoup de faiblesses. Il s’agit de la forte tendance à ignorer le lien entre le côté doctrinal et le côté pratique de la vérité. Nous pouvons peut-être mieux illustrer ce que nous voulons dire en évoquant Romains 6, et en y soulignant les trois mots auxquels nous nous référons fréquemment : « savoir » (v. 3, 6, 9), « se tenir » (v. 11), et « livrer » (v. 13, 19).
Le mot « SAVOIR » vient en premier et indique clairement l’importance primordiale de la doctrine. Rien ne peut être juste si nous ne sommes pas correctement instruits dans les grandes vérités du christianisme. Les croyants de Rome connaissaient, ou auraient dû connaître, la signification et la portée spirituelle du baptême (v. 3), de la croix (v. 6) et de la résurrection de Christ (v. 9). Ces mots prononcent la sentence de mort sur notre ancienne vie et l’introduction d’une nouvelle vie, de telle sorte que nous sommes « vivants pour Dieu ».
Ensuite « SE TENIR » : ceci indique l’action continue de la foi, qui accepte l’enseignement et se l’approprie comme portant sur soi-même, — posant ainsi la base d’expériences nouvelles et proprement chrétiennes, dans la puissance de l’Esprit de Dieu. L’Esprit soutient la foi, qui accepte la position divinement donnée, et Il lui fait faire l’expérience qui lui convient.
Enfin, le mot « LIVRER » indique l’abandon pratique de soi-même à Dieu : cela signifie la soumission complète de sa propre volonté et de tout ce qu’on possède, à la volonté de Dieu. Sans ce fait de « livrer », cette position ne sera pas maintenue, même si elle a été acceptée par la foi.
Certains chrétiens insistent beaucoup sur ce dernier point dans
leur ministère, appelant sans cesse à l’abandon ou à la consécration, et encore
à « une nouvelle consécration », jusqu’au point parfois, c’est à craindre, que les
doctrines
qui sont à la base de tout soient obscurcies, deviennent
inintelligibles, ou soient même très imparfaitement maintenues. Quand il en est
ainsi, on peut obtenir beaucoup de résultats, mais ces résultats ne sont guère
de nature à satisfaire Celui qui juge les choses à la lumière de ce qui a été
accompli dans la mort et la résurrection du Christ.
D’autre part, le fait de s’attarder très longuement sur la doctrine, tout en omettant ou en minimisant largement l’appel à l’abandon entier de soi, constitue également un autre défaut. La doctrine peut être exposée de la manière la plus claire et la plus scripturaire, et beaucoup d’instructions utiles peuvent être ajoutées en ce qui concerne la foi et l’enseignement expérimental de l’Esprit de Dieu, mais sans ce fait de livrer ou se livrer ; les auditeurs resteront en fin de compte sans que de nombreux liens avec la chair et le monde soient coupés, et ce qui est pire, peut-être sans aucun exercice en ce qui concerne ces liens. Ils verront les choses plus clairement dans leur esprit, et c’est tout. Nous nous permettons de penser qu’il s’agit là d’un grand défaut de notre ministère.
Il est certain qu’il faut une beaucoup de grâce et de puissance
pour exercer un tel ministère pratique. Cependant, de telles paroles sont
nécessaires, car la plupart d’entre nous sont lents à percevoir la force de la
vérité, lorsqu’elle est présentée de manière abstraite, alors que si elle est
présentée sous une forme concrète, on ne peut manquer de voir sa portée
pratique. Lorsque Nathan exposa à David les mauvais principes qui avaient
marqué sa conduite, en les présentant abstraitement sous forme parabolique,
David écouta et approuva, mais ne vit pas l’application
pratique
pour lui-même. Les simples paroles qui suivirent, « Tu es cet homme », donnèrent
à la chose une forme concrète et une force dans l’esprit de David, qui
brisèrent son autosatisfaction et l’humilièrent dans une véritable repentance.
Il convient de noter que les prophètes de l’Ancien Testament exerçaient leur ministère de manière très personnelle. Ils ne se contentaient pas d’exposer la pensée de Dieu pour Israël, mais s’occupaient du peuple et de leur condition pratique de la manière la plus approfondie et la plus fidèle possible. Les apôtres et les prophètes du Nouveau Testament n’ont pas fait autrement. Les épîtres en témoignent. Dans chaque cas, le déploiement de la vérité est suivi d’instructions et d’exhortations qui appliquent la vérité dans les cœurs et dans la vie des saints. Notre ministère ne devrait-il pas être formé selon ce modèle ? Nous le pensons. L’a-t-il toujours été ? Nous craignons que, trop souvent, ce n’ait pas été le cas.
Enfin, les auditeurs. Ils ont leur part de motifs de blâme ; la parabole du semeur s’applique aussi bien au saint qu’au pécheur. Si les ministres étaient irréprochables et si leur ministère était tout ce qu’il devrait être, nous craignons qu’il n’y ait encore que peu de résultats chez beaucoup. Certaines personnes semblent posséder des pensées et des sentiments superficiels, incapables de beaucoup d’exercice ; d’autres sont tellement plongés dans les soucis ou les richesses de cette vie, ou dans d’autres convoitises, que la parole ne porte pas de fruit en eux.
Il y a toujours eu de ces auditeurs
réfractaires à la
parole de Dieu, même lorsqu’elle est bien présentée non seulement quant à la
doctrine mais aussi quant à la pratique, et il n’est pas surprenant qu’à l’heure
actuelle de tels auditeurs soient plus fréquents que jamais. En ce vingtième
siècle, la vie est devenue étonnamment complexe et exigeante, et « les choses
qui sont dans le monde » (1 Jean 2:15) se sont multipliées à la fois en nombre
et en attrait. Les « choses qui se voient » (2 Cor. 4:18) sont si nombreuses et
si séduisantes que les « choses qui ne se voient pas » s’estompent facilement
dans nos pensées et tombent à l’arrière-plan, même pour de vrais chrétiens.
Pour certains d’entre nous, il existe un danger supplémentaire : nous avons été élevés depuis notre enfance spirituelle dans le cadre d’un enseignement doctrinal sain et solide, et nous nous trouvons très liés à d’autres personnes dont la position est conforme aux Écritures. Il en résulte que nous pouvons facilement tomber dans l’erreur commise par les Juifs d’autrefois, et supposer qu’il ne faut rien de plus qu’une position extérieure correcte.
Si nous tombons dans ce piège, nous pouvons nous contenter intérieurement de notre ascendance et de notre position, tout comme les Juifs du temps de notre Seigneur se vantaient d’être des enfants d’Abraham. Rien n’a plus un effet mortel sur la conscience et l’exercice spirituel : cela fait disparaitre toute réponse pratique à la vérité et produit la stérilité.
Que Dieu nous garde tous par Sa miséricorde et qu’Il ravive Son œuvre, d’abord en nous et ensuite par nous. Et c’est à Lui que reviendra la gloire.