Porter le joug

J. A. Monard

ME 2011 p. 328-337

Table des matières :

1 - Prenez mon joug sur vous (Matt. 11:25-30)

2 - Le joug de la loi (Act. 15:10 ; Gal. 5:1)

3 - Le joug de la soumission à son maître (1 Tim. 6:1)

4 - Un encouragement aux jeunes croyants (Lam. 3:27)

5 - Des jougs de bois et des jougs de fer (Jér. 27 et 28)

6 - Le joug mal assorti (2 Cor. 6:14)


1 - Prenez mon joug sur vous (Matt. 11:25-30)

Bien des passages de l’Écriture utilisent l’image du joug que l’on mettait autrefois sur le cou d’une paire de bœufs pour les faire tirer ensemble une charrue ou un chariot. Le joug est généralement le symbole d’une tâche pénible à accomplir, et de la soumission à un maître.

En Matthieu 11, le Seigneur appelle : « Venez à moi, vous tous qui vous fatiguez et qui êtes chargés, et moi, je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous, et apprenez de moi, car je suis débonnaire et humble de cœur ; et vous trouverez le repos de vos âmes. Car mon joug est aisé et mon fardeau est léger » (v. 28-30).

Cet appel s’adresse d’abord à ceux qui sont éloignés de lui, dont la conscience est chargée par le poids de leurs péchés, et qui se fatiguent par de vains efforts sans jamais trouver le repos de leur âme. Mais il s’adresse aussi à ceux qui le connaissent déjà comme leur Sauveur, et qui sont chargés par les soucis, ou se sentent même écrasés par des fardeaux très lourds.

Dans tous les cas, dans toutes les situations, c’est à lui que nous devons aller pour trouver « le repos de nos âmes ». Il est « débonnaire et humble de cœur ». Il nous reçoit avec douceur et grâce. Il a été homme sur la terre, il a souffert dans un monde hostile, et il est à même de secourir ceux qui sont dans les difficultés, quelles qu’elles soient (cf. Héb. 2:18).

Le Seigneur a déclaré que celui qui « pratique le péché est esclave du péché » (Jean 8:34). Cet esclavage est la condition naturelle de tous les hommes. Mais Jésus promet la liberté à tous ceux qui le reçoivent. « Si donc le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres » (v. 36). Au vu de cette liberté, la liberté dans laquelle Christ nous a placés (Gal. 5:1, 13), il est d’autant plus remarquable que le Seigneur invite ceux qui viennent à lui à prendre sur eux son « joug » — symbole de la soumission.

Ce joug est « aisé », ce qu’il place sur nos frêles épaules est « léger ». Il est avec nous pour nous aider à porter nos fardeaux. Nous pouvons rejeter sur lui tout notre souci, car il a soin de nous (1 Pierre 5:7). Néanmoins il attend de nous la soumission : « Prenez mon joug sur vous ».

Dans ce passage de Matthieu 11, Jésus dit : « Apprenez de moi » (v. 29). Nous pouvons relier cette exhortation à l’exemple qu’il nous donne dans les versets précédents. Avec douleur, il a dû adresser des reproches aux villes dans lesquelles le plus grand nombre de ses miracles avaient été faits et qui ne s’étaient pas repenties (v. 20-24). Il doit constater que sa prédication a eu bien peu de résultats (cf. És. 49:4). Si les choses qu’il a enseignées sont « révélées aux petits enfants », elles demeurent « cachées aux sages et aux intelligents » (v. 25) — en particulier à ceux qui constituaient alors la classe instruite d’Israël. Et le Seigneur ajoute, dans une soumission parfaite à la volonté de Dieu : « Oui, Père, car c’est ce que tu as trouvé bon devant toi » (v. 26).

Pour nous aussi, c’est dans l’acceptation de la volonté divine que nous trouvons le repos.


Nous trouvons le repos quand nous courbons la tête,

Ô Sauveur adoré, sous ton joug plein d’amour,

Apprenant de toi seul, de ta grâce parfaite,

À porter patients le faix de chaque jour. (H. &C. 202)


2 - Le joug de la loi (Actes 15:10 ; Galates 5:1)

Dans ses voies envers l’homme, Dieu s’était révélé à Israël, peuple privilégié auquel il avait fait de merveilleuses promesses. Après avoir délivré ce peuple de l’esclavage en Égypte, et avoir usé envers lui d’une grande bonté, il lui avait donné sa loi. Mais toute l’histoire d’Israël a démontré que l’homme dans son état naturel est incapable de garder les commandements de Dieu et de satisfaire à ses justes exigences. Aussi, quand l’épreuve de l’homme a été complète et que celui-ci a été démontré incurable, Dieu a envoyé son propre Fils, Jésus Christ. « Car la loi a été donnée par Moïse ; la grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ » (Jean 1:17). Jésus est le Sauveur de tous ceux qui le reçoivent par la foi : « À tous ceux qui l’ont reçu, il leur a donné le droit d’être enfants de Dieu, savoir à ceux qui croient en son nom » (Jean 1:12). Ceux qui sont enfants de Dieu sont « nés de nouveau » (Jean 3:3, 7) ; ils possèdent une nouvelle nature qui aime faire la volonté de Dieu et ils sont scellés du Saint Esprit qui habite en eux. S’ils se laissent conduire par lui dans leur marche, ils pratiquent les choses qui sont agréables à Dieu.

Parmi les nombreuses déviations doctrinales qui ont marqué l’histoire de l’Église, une des plus répandues est la confusion entre la loi et la grâce. Très tôt, des gens ont donné aux disciples de Jésus un enseignement qui les replaçait sous la loi. Le premier épisode de cet égarement nous est rapporté en Actes 15. L’apôtre Pierre reprend vertement les faux docteurs en leur disant : « Maintenant donc, pourquoi tentez-vous Dieu, en mettant sur le cou des disciples un joug que ni nos pères ni nous n’avons pu porter ? » (v. 10).

Un autre épisode de cette même déviation a été l’égarement des croyants de Galatie, ce qui a motivé une épître sévère de l’apôtre Paul. Craignant d’avoir « travaillé en vain » parmi eux (Gal. 4:11), en « perplexité à leur sujet » (v. 20), il leur expose les fondements de la foi chrétienne et les met en garde contre le légalisme. Lui aussi présente la loi comme un joug : « Christ nous a placés dans la liberté en nous affranchissant ; tenez-vous donc fermes, et ne soyez pas de nouveau retenus sous un joug de servitude » (5:1). Il les exhorte à « marcher par l’Esprit », à se laisser conduire par l’Esprit (v. 16, 18, 25), et leur montre quel est « le fruit de l’Esprit » dans la vie du croyant (v. 22).

Que Dieu nous aide à comprendre combien le joug de Christ est différent du joug de la loi !


3 - Le joug de la soumission à son maître (1 Tim. 6:1)

Tout en étant dans la position de liberté devant Dieu dans laquelle sa grâce nous a placés, nous sommes, pour la plupart d’entre nous, dans une position de subordination à une autorité terrestre. Les exhortations données par l’apôtre Paul aux « esclaves », dans plusieurs épîtres, nous fournissent des principes de base, applicables aux diverses situations de subordination dans lesquelles nous pouvons nous trouver.

Celle de la première épître à Timothée mentionne le joug. « Que tous les esclaves qui sont sous le joug estiment leurs propres maîtres dignes de tout honneur, afin que le nom de Dieu et la doctrine ne soient pas blasphémés » (6:1). Une attitude qui ne respecte pas l’autorité humaine placée au-dessus de nous compromet notre témoignage chrétien. Et inversement, selon l’épître à Tite, notre soumission à cette autorité constitue un ornement de la foi chrétienne que nous professons. Si les esclaves sont « soumis à leurs propres maîtres » et montrent « toute bonne fidélité », « ils ornent en toutes choses l’enseignement qui est de notre Dieu sauveur » (2:9, 10).

De l’autre côté, si ceux qui exercent une autorité connaissent Dieu, ils se souviendront qu’ils ne doivent pas faire peser sur quiconque un joug dur et pesant. Par la bouche du prophète Ésaïe, Dieu rappelle à son peuple qu’il veut « qu’on rompe les chaînes de l’iniquité, qu’on fasse tomber les liens du joug, et qu’on renvoie libres les opprimés » (58:6).


4 - Un encouragement aux jeunes croyants (Lam. 3:27)

« Il est bon à l’homme de porter le joug dans sa jeunesse », dit le prophète Jérémie. Par l’école de la soumission, Dieu brise notre propre volonté. Ce brisement est « bon » pour nous, même si, sur le moment, cela paraît difficile.


5 - Des jougs de bois et des jougs de fer (Jér. 27 et 28)

Les chapitres 27 et 28 de Jérémie nous rapportent un épisode particulier du ministère du prophète, une dizaine d’années avant la destruction de Jérusalem par le roi de Babylone.

Après les deux premières étapes de la déportation à Babylone (*), Nebucadnetsar avait établi Sédécias, fils de Josias, roi sur ce qui restait de Juda. Et il lui avait fait jurer par Dieu de lui être fidèle.


(*) Première étape : Des jeunes gens de la famille royale, et une partie des ustensiles du temple (Dan. 1:1-4). A.C. 606.

Deuxième étape : Le roi Jehoïakin, tous les hommes forts et vaillants… les charpentiers et les forgerons, et le reste des trésors trouvés à Jérusalem (2 Rois 24:13-15). A.C. 599.

Troisième étape : Le reste du peuple, lors de la destruction du temple et de la ville (2 Rois 25:8-12). A.C. 588.

Retour au pays : A.C. 536.


Au cours des siècles qui s’étaient écoulés depuis l’entrée d’Israël en Canaan, il y avait eu de nombreuses attaques de la part des nations voisines, qui parfois avaient dominé sur Israël pendant des années : Madian, les Philistins, et bien d’autres. Mais la foi pouvait toujours compter sur Dieu pour la délivrance de ce joug : Dieu y répondait et délivrait son peuple. Mais à l’époque de Sédécias, la situation était entièrement différente. L’infidélité d’Israël était arrivée à son comble, et la patience divine à son terme. Dans ses voies gouvernementales, Dieu avait donné la domination du monde à Nebucadnetsar, roi de Babylone (cf. Dan. 2:37, 38). Israël et les nations environnantes devaient s’incliner sous son joug, qui devait subsister soixante-dix ans (Jér. 25:8-11 ; 27:5-8). Le chemin de la soumission à Dieu passait par celui de la soumission à celui que Dieu avait établi comme le maître de la terre à cette époque.

Ce qui restait d’Israël — tout comme les nations voisines — avait grand-peine à se soumettre au roi de Babylone, qui exigeait certainement un lourd tribut. Sédécias et ses proches étaient encouragés à la révolte par de faux prophètes qui annonçaient une délivrance toute prochaine. Et inlassablement, le prophète Jérémie exhortait le roi et le peuple à se soumettre à la discipline de Dieu.

C’est dans ce cadre que se situent les chapitres 27 et 28. Pour rendre le message de la soumission plus incisif, l’Éternel demande à Jérémie de fabriquer des jougs de bois, d’en mettre un sur son cou, et d’en distribuer à Sédécias et aux rois des nations voisines (27:2, 3, 12). « Prêtez vos cous au joug du roi de Babylone, et servez-le, lui et son peuple, et vous vivrez » (v. 12). Et Jérémie doit aussi avertir : « N’écoutez pas les paroles des prophètes qui vous parlent… car ils vous prophétisent le mensonge » (v. 14 ; cf. v. 16 ; 23:16).

Au début du chapitre 28 apparaît un certain Hanania, faux prophète particulièrement audacieux. Dans un langage qui imite celui des prophètes de l’Éternel, il annonce la fin toute proche de la domination du roi de Babylone, et le retour des déportés et des ustensiles du temple (v. 2, 3). Une bonne nouvelle… mais entièrement fausse !

Jérémie dénonce fidèlement cette tromperie (v. 7-9). Mais, pour confirmer son mensonge, Hanania saisit le joug qui est sur le cou de Jérémie et le brise (v. 10). Alors Jérémie s’en va. Il est juste de rendre témoignage pour Dieu aussi longtemps que possible, mais il peut venir un moment où c’est trop tard. Lorsque les cœurs sont définitivement fermés à la parole de Dieu, il ne reste plus que le jugement. Dans le service du Seigneur envers les chefs des Juifs, le moment est aussi venu où il a dû dire à ses disciples : « Laissez-les » (Matt. 15:14).

Un peu plus tard, Dieu envoie son serviteur à Hanania avec un message solennel : « Tu as brisé les jougs de bois, et tu as fait à leur place des jougs de fer » (v. 13). La révolte contre la discipline de Dieu appelle une discipline plus sévère. Grande leçon pour tous les temps ! « L’homme qui, étant souvent repris, roidit son cou, sera brisé subitement, et il n’y a pas de remède » (Prov. 29:1).

En raison de sa prophétie mensongère, Hanania est renvoyé de dessus la terre ; il meurt quelques mois plus tard (v. 15-17).

Et qu’en est-il de Sédécias ? Le message de soumission, si insistant soit-il, n’est pas reçu. Le roi et ses conseillers refusent de se soumettre. « Sédécias… ne s’humilia pas devant Jérémie, le prophète, qui lui parlait de la part de l’Éternel ; et il se révolta aussi contre le roi Nebucadnetsar, qui lui avait fait jurer par Dieu ; et il roidit son cou, et endurcit son cœur pour ne pas retourner à l’Éternel, le Dieu d’Israël » (2 Chron. 36:11-13).

C’est cette révolte qui a amené l’armée de Nebucadnetsar à attaquer Jérusalem. Juda s’est alors trouvé sous le « joug de fer ». Lors du siège de la ville, qui a duré un an et demi, Jérémie a plus d’une fois exhorté le peuple et le roi à se rendre aux Chaldéens, plutôt que d’essayer de combattre contre eux (Jér. 38:1-3, 17-23). Cela aurait allégé le châtiment. Le prophète a souffert la prison et les mauvais traitements à cause de son témoignage fidèle, mais il n’a pas été écouté. Et le désastre a été total (2 Chron. 36:15-20).


6 - Le joug mal assorti (2 Cor. 6:14)

Dans tous les passages considérés précédemment, le joug est le symbole d’une autorité ou d’une contrainte à laquelle il faut se soumettre. Nous trouvons ici un symbole un peu différent.

L’Ancien Testament donnait des instructions quant aux unions ou aux attelages disparates. Il fallait éviter d’accoupler ou d’atteler ensemble deux animaux différents. « Tu n’accoupleras pas, parmi ton bétail, deux espèces différentes » (Lév. 19:19). « Tu ne laboureras pas avec un bœuf et un âne attelés ensemble » (Deut. 22:10). Prenant ces ordonnances dans un sens imagé et spirituel, l’apôtre Paul avertit : « Ne vous mettez pas sous un joug mal assorti avec les incrédules ; car quelle participation y a-t-il entre la justice et l’iniquité ? ou quelle communion entre la lumière et les ténèbres ? » (2 Cor. 6:14).

Ici le joug n’est pas le symbole d’une charge plus ou moins pénible, mais celui d’une collaboration ou d’une association. Deux animaux sous le même joug doivent nécessairement marcher ensemble et tirer dans la même direction. Or le croyant et l’incrédule sont aussi différents l’un de l’autre que la lumière et les ténèbres, que la justice et l’iniquité. Les uns sont « les enfants de Dieu », les autres, « les enfants du diable » (1 Jean 3:10). Comment pourraient-ils s’unir pour vivre ensemble ou pour collaborer ? L’apôtre présente ici le principe général sous une forme claire et percutante. À nous d’y être attentifs dans les circonstances concrètes de notre vie !

Un premier exemple qui vient à la pensée est celui du mariage. Cette union lie un homme et une femme pour qu’ils marchent ensemble et qu’ils tirent ensemble dans la même direction. Comment marcher ensemble dans le chemin de Dieu, et travailler ensemble pour le Seigneur, si l’un des deux ne lui appartient pas ?

On peut mentionner aussi le joug d’une association commerciale, professionnelle ou autre. Si l’on est « sous le joug » d’un patron (cf. 1 Tim. 6:1), on lui doit soumission, dans les limites où ce qu’il demande n’est pas contraire à ce que Dieu veut de nous (Act. 4:19 ; 5:29). Mais partager la responsabilité d’une quelconque entreprise avec un incrédule, c’est être sous un joug mal assorti avec lui. Les motifs chrétiens qui normalement dirigent ceux qui connaissent Dieu et veulent l’honorer dans leur comportement — y compris dans leur vie professionnelle — ne sont pas compris par les incrédules. « Deux hommes peuvent-ils marcher ensemble s’ils ne sont pas d’accord ? » (Amos 3:3).