Observations sur

la version autorisée anglaise, dite King James

(en abrégé AV = KJV = King James version = version du roi Jacques)


J. N. Darby

Extrait de la Préface révisée de la 2° Édition du Nouveau Testament anglais version JND, 1871


Je voudrais faire quelques remarques sur la Version Anglaise Autorisée, montrant ce qui m’empêche d’essayer de la corriger, ce qui d’ailleurs serait une tâche plus ambitieuse. On connaît sa valeur et sa beauté, je n’ai pas besoin d’insister. J’ai passé ma vie à m’en servir, quoi que, bien sûr, j’étudiais le grec moi-même. Je ne veux pas la sous-estimer. Mais aujourd’hui où tout est remis en question et tout est réétudié, il y a certains points à noter montrant au lecteur anglais qu’il est désirable d’avoir quelque chose de plus exact.


Il y a un principe de traduction reconnu ouvertement par les traducteurs de la KJV eux-mêmes, et qui est une grande et grave erreur : Quand un mot grec figure plusieurs fois dans une même phrase ou un même passage, ils l’ont rendu autant que possible par des mots anglais différents. Dans certains cas c’est grave de conséquences, et dans tous les cas le lien entre les expressions est perdu.

Ainsi, en Jean 5:22, tout le jugement est confié au Fils ; v. 24 … celui qui croit .. ne tombe pas sous la condamnation ; v. 29 … résurrection de damnation. Or le mot grec est le même dans les trois cas, et chacun peut se rendre compte de la grande différence entre « ne pas venir en jugement » et « ne pas tomber sous la condamnation ». Toute la force du passage dépend de ce mot et de sa mise en contraste avec la vie. Choisir des mots différents en anglais modifie entièrement le sens.


Dans un autre cas, Rom. 15:12, 13, c’est le lien entre les expressions qui est perdu. « En lui les nations se confieront » … « Or que le Dieu d’espérance vous remplisse… ». Le mot traduit par confiance est le même que celui traduit par espérance, sauf qu’il s’agit du verbe. « Les nations espéreront », le « Dieu d’espérance ». Je ne cite ces cas qu’à titre d’exemples.


Dans d’autres cas, comme les termes « anciens », la « venue du Seigneur », « la loi », les traducteurs de la KJV avaient des préjugés dus à leurs opinions théologiques.

Ainsi, en Actes 1:22, ils ont utilisé le mot « recevoir l’ordination » là où il n’y a aucun mot grec correspondant. Tout ce qu’on a en grec, c’est « quelqu’un soit témoin ».

De même en Actes 14:23 : « Ils ordonnèrent [de ordination] des anciens », alors que le grec dit simplement « ils choisirent pour eux des anciens » ceirotonew. Je sais bien que le mot a ce sens d’ordination dans le grec ecclésiastique, lequel dérive de ce passage sans aucun doute, et la pensée des traducteurs s’y est attachée. Mais ce n’est pas le sens propre du mot, qui est simplement choisir comme en 2 Cor. 8:19 et Actes 10:41.

Pour la venue du Seigneur en Actes 3:19, il n’y a aucune excuse pour avoir traduit opwV an par « quand » [Repentez-vous… quand les temps de rafraîchissement viendront]. C’est vouloir imposer un sens particulier.

De même en 2 Thes. 2:2 « comme si le jour de Christ était proche ». Or le mot traduit par « proche » signifie « présent » ou « est venu ». On le trouve deux fois (Rom. 8:38 et 1 Cor. 3:22) qualifiant des choses « présentes » en contraste avec des choses « à venir ». Tout le sens en est évidemment altéré ; or le sens réel des mots donne la clef de tout le passage : L’imagination des Thessaloniciens, influencée par des faux docteurs, leur faisait penser que le jour du Seigneur était venu avec son cortège de tribulations, et que celles-ci étaient les souffrances par lesquelles ils passaient. Or au contraire, la venue du Seigneur apporterait le repos pour eux, et le trouble pour leurs persécuteurs.


Mais une erreur encore plus grave figure en 1 Jean 3:4. « Le péché est la transgression de la loi ». C’est bien sérieux de définir le péché, mais ce n’est pas ce qui est dit. Le mot utilisé est le même que celui, utilisé sous forme d’adverbe en Rom. 2:12 « ceux qui ont péché sans loi » ce qui est une traduction correcte, en contraste avec « ceux qui ont péché sous la loi ». Si le péché était la transgression de la loi, on ne pourrait pas dire « jusqu’à la loi le péché était dans le monde » (Rom. 5:13), pas plus que « le péché par le commandement est devenu excessivement pécheur » (Rom. 7:13), car alors il n’y aurait pas eu de péché en l’absence de commandement. Mais il n’en est pas ainsi. « Le péché est l’iniquité [une vie sans loi] ». Le péché est la volonté mauvaise de l’homme ; si la loi est introduite, on la transgresse ; mais le péché existe sans qu’il y ait de loi, car je ne devrais pas avoir de volonté propre, mais seulement celle d’obéir. C’est là la base du raisonnement de l’apôtre : « la mort a régné depuis Adam jusqu’à Moïse sur ceux qui n’ont pas péché selon la ressemblance de la transgression d’Adam » (Rom. 5:14). C’est une citation d’Osée 6:7 : « Eux-mêmes comme Adam, ont transgressé l’alliance ». Adam était sous une loi, Israël sous une autre ; ils ont transgressé pareillement : mais la mort a régné sur ceux ayant vécu entre Adam et Moïse, lesquels n’étaient pas sous une loi. Le péché était là puisqu’il y avait la mort.

J’ai insisté un peu plus sur ce dernier sujet car la définition du péché est une chose bien sérieuse et la théologie ne supporte pas une telle altération. Que Dieu soit vrai et tout homme menteur (Rom. 3:4). On traduit de cette manière là où on ne met pas en question la doctrine, non seulement en Rom. 2, mais en 1 Tim. 1:9 : « La loi n’est pas pour le juste, mais pour les iniques [= sans loi] et les insubordonnés ». Ce n’est traduit nulle part ailleurs qu’en 1 Jean 3:4 par « transgression de la loi ». Généralement anomoV est traduit par « iniquité » ; deux fois c’est traduit par « transgresseur », mais, je le répète, nulle part ailleurs qu’en 1 Jean 3:4, c’est traduit par « transgression de la loi ».