Misérable homme que je suis !

Romains 7

Arend Remmers

Traduit de l’allemand de « Ermunterung und Ermahnung » 1989 p. 198


Table des matières :

1 - Le but de ces lignes

2 - Manque de force

3 - La raison du manque de force et de la tristesse

4 - L’enseignement de l’épître aux Romains

5 - Deux causes

6 - La réponse

7 - La signification de Romains 7

7.1 - Le contenu de Romains 1 à 8

7.2 - Qui parle en Romains 7 ?


1 - Le but de ces lignes

Bien des enfants de Dieu se rappellent d’un temps de leur vie où ils auraient voulu crier continuellement : « Misérable homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ? » (Rom. 7:24). Et plusieurs qui lisent ces lignes maintenant peuvent se trouver justement dans ce même état d’esprit !

Or il est possible que, sous l’effet de circonstances extérieures comme le deuil, la maladie, les souffrances morales ou autres influences de ce genre, un enfant de Dieu en arrive à soupirer de cette manière, alors qu’il s’est réjoui de son salut durant des années, et en a été reconnaissant à Dieu le Père. Mais ce n’est pas le sujet dont cet article se propose de traiter.

Le but de ces lignes est autre ; il y a deux raisons principales qui m’amènent à les écrire. La première, c’est le fait déjà mentionné qu’il recommence toujours à y avoir des croyants qui ne peuvent pas se réjouir de leur salut, bien qu’ils aient confessé leurs péchés à Dieu et aient cru à l’œuvre rédemptrice de Christ à la croix ; la seconde, c’est qu’il existe différentes mauvaises compréhensions du sens de Rom. 7 et de l’état d’âme décrit dans ce chapitre.


2 - Manque de force

Abordons donc le premier de ces problèmes. Beaucoup d’entre nous connaissent par des expériences personnelles douloureuses l’état de Rom. 7, et plus précisément celui de Rom. 7:7-24, et spécialement ce qui est décrit aux v. 14-24. C’est un état terrible de savoir que l’on est venu au Sauveur comme pécheur perdu, qu’on Lui a confessé ses péchés et qu’on a cru en Son œuvre, pour avoir la paix avec Dieu — et malgré tout de devoir toujours constater que « le bien que je veux, je ne le fais pas, et le mal que je ne veux pas, cela je le fais » (7:19). Ce sont des expériences accablantes, quand on se promet chaque matin de ne plus retomber dans tel ou tel péché, mais de suivre le Seigneur Jésus, et que le soir on doit confesser avec désespoir, à tant et tant de reprises : je n’y suis pas arrivé !

Quelle est la raison de ce manque de force et de cette tristesse quant au manquement continuel dans la vie de la foi ? Est-ce un manque d’amour pour le Seigneur, une carence dans le sérieux du dévouement pour Lui, un reste d’amour du monde et de ses attraits, auxquels ont ne peut résister ?

Si on y regarde superficiellement, ces causes, et peut-être d’autres encore, sont bien présentes, mais elles ne sont pas les vraies raisons du manque de force spirituel et du désespoir.


3 - La raison du manque de force et de la tristesse

La vraie raison du triste état d’une âme comme nous le décrit Rom. 7:14-24 est un manque de foi en l’œuvre accomplie du Seigneur Jésus à la croix de Golgotha. Peut-être certains vont-ils demander avec étonnement : mon salut dépendrait-il donc de la perfection de ma foi au Seigneur ? — Absolument pas ! Il ne s’agit pas ici du salut, mais de la certitude du salut et de la force dans la vie de la foi, car Romains 7 ne parle pas d’un pécheur perdu, non croyant, mais d’une personne née de nouveau. Elle ne possède encore ni la certitude qu’elle est sauvée, ni la force de vaincre les élans de sa nature pécheresse. C’est qui fait que cette personne en arrive à un état tellement misérable qu’elle s’écrie, remplie de désespoir : « Misérable homme que je suis ! qui me délivrera de ce corps de mort ? »


4 - L’enseignement de l’épître aux Romains

Dans cette question désespérante de la fin de Rom. 7, deux choses sont exprimées : d’abord la découverte qu’on est incapable d’accomplir le bien qu’on veut faire, et qu’au lieu de cela, on est contraint de faire le mal qu’on ne veut pas ; et deuxièmement, la question angoissée qui en résulte, celle de savoir si on est vraiment sauvé.

Un tel état ne correspond pourtant pas du tout à ce qui est enseigné dans les chapitres précédents de l’épître. Au contraire, le ch. 5 commence par les paroles magnifiques : « Ayant donc été justifiés sur le principe de la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre seigneur Jésus Christ », et le ch. 6 se termine pas ces mots : « Le salaire du péché, c’est la mort ; mais le don de grâce de Dieu, c’est la vie éternelle dans le christ Jésus, notre Seigneur ». Et au début du ch. 8, il n’est rien communiqué de nouveau qui n’ait pas encore été enseigné auparavant. Les mots qui débutent ce ch. 8 : « Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont dans le christ Jésus » ne font que résumer par un raccourci divinement parfait et sous forme d’expérience profonde, ce qui a déjà été enseigné aux ch. 5 et 6, mais que la personne du ch. 7 ne saisissait pas encore pleinement par la foi. C’est pourquoi nous avons le droit de dire que son état est à imputer à un manque de foi, et que ce n’est nullement un stade normal de la vie de la foi. Notre Dieu de bonté ne veut quand même pas que Ses enfants soient malheureux !


5 - Deux causes

Si on recherche dans la pratique les causes de cette carence affligeante, on trouve la plupart du temps deux choses :

Ou bien il s’agit d’un croyant jeune qui a grandi dans un foyer chrétien et s’est donné tôt au Seigneur Jésus, c’est-à-dire avant d’être mûr corporellement et spirituellement. À cet âge, il est normal qu’il n’y ait pas encore la connaissance de ce caractère de la nature humaine entièrement corrompu par le péché qui habite dans l’homme. La conscience est certes en activité, et l’enfant se reconnaît coupable de ses péchés devant le Seigneur Jésus, et il accepte, par la foi, avec reconnaissance et bonheur, le pardon de ses péchés. Mais reconnaître par la foi que le Seigneur Jésus est mort non seulement pour nos péchés, mais aussi pour le péché qui habite en nous, et que le vieil homme est crucifié avec Christ, et que par là le corps de péché est dépouillé, c’est une connaissance du vrai état de l’homme naturel qui est nécessaire, mais dont l’enfant n’est habituellement pas encore capable. Il lui manque aussi souvent tout simplement la capacité de saisir la portée et la perfection de l’œuvre rédemptrice de Christ. Ce n’est qu’après un certain temps que viennent la connaissance du caractère corrompu de la chair et de sa propre absence de force dans le combat contre le péché, et souvent le doute quant à l’authenticité de la conversion.

Une autre cause de l’état d’âme décrit en Rom. 7 peut provenir de ce que le message annoncé à l’âme n’a pas apporté le plein évangile du salut, ou, même si la pleine vérité a été prêchée, elle n’a pas été comprise ou reçue avec foi. Dans ce cas aussi, la conséquence inéluctable est qu’une telle personne, après avoir éprouvé dans un premier temps une grande joie d’avoir reçu le pardon de ses péchés, arrive tôt ou tard à la connaissance de ce que des pensées pécheresses continuent toujours à sortir de son cœur et à se transformer en paroles ou en actes, cette personne paraissant être impuissante vis-à-vis de ces pensées. Cette personne arrive donc dans l’état décrit en Rom. 7. Elle n’est occupée presque que d’elle-même et son combat contre le péché (on trouve une quarantaine de fois environ les mots « je » ou « moi » dans le texte français de Rom. 7), jusqu’à ce qu’elle reconnaisse que le secours ne peut venir que de Dieu Lui-même : « je rends grâce à Dieu, par Jésus Christ notre Seigneur » (7:25a). Il vient ensuite (7:25b) la reconnaissance que la vie nouvelle veut bien servir Dieu et Sa volonté, mais que rien de bon ne peut jamais sortir de la chair, et qu’au contraire elle sert toujours la loi du péché, c’est-à-dire qu’elle ne peut rien faire d’autre que pécher.


6 - La réponse

Alors au ch. 8 vient la double réponse à la question angoissée de l’âme tourmentée : « qui me délivrera de ce corps de mort ? ». La première réponse est « il n’y a donc maintenant plus aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus ». Dieu ne nous a pas seulement pardonné tous nos péchés (Éph. 1:7 ; 4:32 ; Col. 1:14), mais Il a aussi, par la croix, mis fin au vieil homme. Par la foi, nous sommes morts avec Christ et nous sommes changés de position, de celle de pécheurs à celle de justes (Rom. 5:19 ; 6:2, 6, 7). — Puis la Parole de Dieu ajoute une seconde réponse : « car la loi de l’Esprit de vie dans le christ Jésus, m’a affranchi de la loi du péché et de la mort » (Rom. 8:2). Cela veut dire que maintenant dans le croyant, le péché n’est plus la légalité dominante ni la force dominante, mais que c’est la vie de Christ ressuscité, qui est caractérisée par le Saint Esprit. Le croyant n’est certes pas libéré du péché, mais Il l’est de la puissance du péché. Cette libération est le résultat de la simple foi en l’œuvre rédemptrice parfaite du Seigneur Jésus à la croix. Il n’a pas seulement porté à la croix le châtiment de nos péchés, mais aussi le jugement de Dieu sur le péché qui habite en nous. Par Son sang nous sommes purifiés de nos péchés, par Sa mort le vieil homme est ôté judiciairement devant Dieu, et par Sa résurrection nous sommes mis dans une position nouvelle devant Dieu, où nous pouvons marcher en nouveauté de vie. La puissance de cette vie nouvelle est le Saint Esprit que nous avons reçu sur la base de la foi au plein évangile de la grâce. Tel est l’enseignement de l’épître aux Romains.

Redisons-le encore une fois clairement : le croyant ne reçoit une paix vraie et solide que quand il accepte le jugement de Dieu, exécuté en Christ, de condamnation à mort du vieil homme, et qu’il croit que Dieu ne le considère plus dans sa nature pécheresse, mais comme mort avec Christ et en possession de la vie de résurrection. Le croyant n’est plus dans la chair — bien que la chair soit encore présente — mais dans l’Esprit. L’origine et la force de cette vie nouvelle est le Saint Esprit, qui habite en nous comme personne divine sur la base de la foi en l’évangile, et qui témoigne avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.


7 - La signification de Romains 7

Nous arrivons maintenant à la deuxième raison ayant motivé cet article et mentionnée au début. Sur la signification de Rom. 7, on trouve différentes opinions qui reposent en partie sur des mauvaises compréhensions, et qui ont conduit à des mauvaises compréhensions. Avant d’entrer dans ce sujet, remarquons que pour une compréhension correcte d’un passage de l’Écriture, il est indispensable d’avoir la connaissance du contexte où il se trouve. Il est donc désirable de donner un rapide coup d’œil sur la cohérence de l’ensemble où se trouve ce passage.


7.1 - Le contenu de Romains 1 à 8

Du ch. 1:18 à 3:20 le jugement accablant de Dieu est prononcé aussi bien sur les païens que sur les Juifs : ils sont par nature, sans exception, éloignés de Dieu et par conséquent perdus éternellement.

Au ch. 3:21-26 est abordé le grand thème de l’épître aux Romains : la justice de Dieu qui veut donner aux hommes perdus la rédemption dans Son Fils Jésus Christ, et justifier tous ceux qui croient au Seigneur Jésus et à Son œuvre. Par là, ils se tiennent devant Dieu comme s’ils n’avaient jamais commis un péché ! Le ch. 3:27 à 4:25 expose que cette justification ne peut reposer en aucun cas sur des œuvres, mais seulement sur la foi.

Alors suit, au début du ch. 5, le résumé des résultats glorieux de ce que Christ s’est livré et a été ressuscité pour les croyants : « Ayant donc été justifiés sur le principe de la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre seigneur Jésus Christ, par lequel nous avons trouvé aussi accès, par la foi, à cette faveur dans laquelle nous sommes, et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu » (Rom. 5:1-2). Jusqu’au v. 11 on a d’autres résultats richement bénis de la justification par la foi ; le croyant possède aussi, dans les difficultés, une espérance qui ne trompe pas, l’amour de Dieu est versé dans son cœur, il a reçu le Saint Esprit, et du fait qu’il est réconcilié avec Dieu par la mort de Christ, il est aussi sauvé par Sa vie, c’est-à-dire qu’il est préservé jusqu’au but dans la gloire.

Au ch. 5:12-21 on trouve un autre résultat important de la mort de Christ. Par naissance, tout homme est pécheur en tant que descendant d’Adam ; il possède une nature pécheresse, même si — ce qui par ailleurs est impossible — il n’avait jamais commis d’acte de péché. Par la mort du Seigneur Jésus, le croyant est maintenant sorti de cette position de pécheur pour être mis dans la position de juste. Au lieu du péché et de la mort, ce qui règne maintenant chez lui c’est la grâce par la justice pour la vie éternelle.

Aux deux questions provocantes de 6:1 et 6:15 (peut-on pécher à cause de la surabondante grâce de Dieu ?), l’apôtre répond très pratiquement par les constatations suivantes : Premièrement le croyant est mort avec Christ et peut désormais se tenir pour mort au péché, et pour vivant à Dieu dans le Christ Jésus (5:11). Deuxièmement le croyant n’est plus esclave du péché — qui est particulièrement manifesté par la loi et est stigmatisé par elle — mais il est esclave de Dieu. Tandis que le salaire du péché c’est la mort, le don de grâce de Dieu, c’est la vie éternelle par Jésus Christ notre Seigneur (6:23).

La délivrance du croyant de la loi par la mort de Christ est décrite au ch. 7:1-6, bien que pourtant cette loi fût bonne en soi, parce que venant de Dieu (7:7-13). On a ensuite dans les versets 7:14-24 la description du triste état dont nous nous sommes déjà occupés.

Mais à partir du ch. 7:25 et dans le ch. 8 nous trouvons la réponse divine à tous les problèmes. Après que dans les quatre premiers versets (8:1-4) ait été posée la base d’une certitude complète du salut, alors jusqu’au v. 11 sont mis en contraste l’un avec l’autre, selon le point de vue divin, d’une part le domaine d’activité de la chair, avec ses conséquences, le péché et la mort, et d’autre part le domaine de vie, le domaine de l’Esprit, qui conduit à la justice, à la paix et à la vie éternelle. Aux versets 8:12-17 on a la personne du Saint Esprit comme témoin dans le croyant, et aux versets 8:26-27 comme Consolateur ; entre les deux, on a les versets 8:18-26 qui traitent de l’héritage futur et des souffrances présentes. Enfin nous voyons aux versets 8:28-30 la fidélité et la puissance de notre Dieu, et ensuite, jusqu’à la fin du chapitre, nous voyons qu’Il est pour nous, et qu’aucune puissance du monde ne peut nous séparer de Lui.


7.2 - Qui parle en Romains 7 ?

Au ch. 7:12-16 on voit l’âme occupée de la loi, ce qui est en contradiction avec 6:14 et 8:3. La loi ne peut ni sauver ni être une règle de conduite pour le croyant. Ce fait nous montre que l’âme qui parle ici n’est pas à la hauteur de ce que l’épître a enseigné jusqu’ici.

Il est donc totalement erroné de croire que Paul parlerait ici de sa propre expérience. Cela signifierait que le grand apôtre des nations, ce vase d’élection de la grâce de Dieu, aurait vécu un temps de sa vie où il ne croyait pas encore le plein évangile et où, à cause de cela, il en était à douter de son salut ! Non, ici, comme aussi dans d’autres passages, Paul utilise le « je » seulement à titre d’exemple, sans forcément penser à une personne particulière ou une expérience particulière (comparer 1 Cor. 3:6 ; 9:27).

La personne présentée ici n’est pas non plus un non-croyant, encore loin de Dieu. Il est parlé de telles personnes en 1 Cor. 2:14 « Or l’homme animal [naturel] ne reçoit pas les choses qui sont de l’Esprit de Dieu, car elles lui sont folie ; et il ne peut les connaître, parce qu’elles se discernent spirituellement » (1 Cor. 2:14). Et au ch. 3:11 de notre épître il est dit des hommes qu’ « il n’y en a aucun qui recherche Dieu ». Jamais un non croyant ne pourrait s’exprimer en disant « je prends plaisir à la loi de Dieu selon l’homme intérieur » (7:22). « L’homme intérieur », dans le Nouveau Testament, n’est pas simplement la vie intérieure spirituelle de l’homme en général, mais de celui qui est né de nouveau (comparer 2 Cor. 4:16 ; Éph. 3:16).

Comme nous avons déjà vu au commencement, la personne de Rom. 7 a certes la vie de Dieu, car elle ne peut trouver sa joie que dans la Parole de Dieu et la volonté de Dieu. Mais elle n’a pas encore accepté par la foi et réalisé les enseignements contenus dans les ch. 5 et 6. Il lui manque donc la paix avec Dieu et la possession du Saint Esprit. Certes l’Esprit de Dieu opère sur et dans une telle âme, mais ce n’est pas identique à l’habitation du Saint Esprit au-dedans d’elle (Rom. 5:5).

On reçoit le Saint Esprit quand on a cru le plein évangile du salut tel que décrit dans l’épître aux Romains (comparer Éph. 1:13). L’Esprit rend alors témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu, et Il nous donne la liberté d’appeler Dieu notre Père, et même Abba Père (Rom. 8:15, 16 ; Gal. 4:6 ; Éph. 2:18). Il nous donne aussi la force de marcher en nouveauté de vie et de remporter la victoire sur le péché (Rom. 8:13 ; Gal. 5:16-26).

Tout cela manque à la personne de Rom. 7. Mais il est bon que la présentation des voies de grâce de Dieu avec l’homme perdu ne s’achève pas là ! La fin et le couronnement de cette partie de l’épître aux Romains est le ch. 8. Il commence avec la conviction profonde de la foi qu’il n’y aucune condamnation pour ceux qui sont en Christ, c’est-à-dire pour ceux qui, par la foi, sont entièrement faits un avec Lui devant Dieu, et il se termine avec la conviction non moins solide que rien ne nous séparera de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus !